Traité de la divinité de Jésus-Christ

Chapitre IX

Que la glose socinienne sur tous les passages ci-dessus marqués n’a été inventée que pour éluder des passages très exprès, qui prouvent invinciblement la préexistence et la divinité de Jésus-Christ.

Ces explications si subtiles et si étudiées ont un air si peu naturel, qu’on s’en aperçoit d’abord. On veut que lorsque l’évangéliste dit : Au commencement était la Parole, il faille entendre par ce commencement le commencement de l’Évangile. C’est déjà faire violence à l’Écriture, que de prétendre que cette expression générale : au commencement, signifie un commencement particulier. Car de dire que cette expression doit être prise dans le sens qui est déterminé par ce qui suit, et par l’occasion en laquelle on la prononce, et par les autres circonstances du discours, cette considération nous est favorable. On ne peut point dire qu’il s’agisse ici d’un commencement particulier, puisque rien n’a précédé qui détermine le sens de cette expression, et qu’il ne suit rien aussi qui marque que cette expression ne le porte elle-même. Car ces paroles font l’entrée de l’Évangile, et l’évangéliste les répète dans la suite sans rien dire qui en particularise la signification. On aurait tort de s’imaginer qu’une réservation mentale fût capable de déterminer une expression générale à un sens particulier. Un homme serait extravagant qui, voulant faire l’histoire d’Auguste, dirait : Au commencement était Auguste, entendant qu’Auguste était ou vivait dès le temps de Jules César. Ou, pour choisir un exemple plus juste, si quelqu’un voulant faire l’histoire de Moïse et des choses surprenantes que Dieu fit par son ministère, s’avisait de commencer ainsi son histoire : Au commencement était Moïse, pour dire : II était dès le commencement que Dieu entreprit la délivrance des Israélites hors du pays d’Egypte ; il est certain que toutes ces explications mentales n’empêcheraient pas que ce langage ne fût contraire au bon sens, parce qu’il serait inintelligible.

Si l’évangéliste eût eu le sens qu’on lui attribue, il pouvait s’expliquer naturellement en disant : Jésus-Christ vivait dès le commencement de l’Évangile ; et en ce cas-là même son discours aurait eu une assez grande obscurité. Car on serait en peine de savoir ce qu’il faut entendre par ce commencement de l’Évangile. Si vous entendez par là la première bonne nouvelle qui a été annoncée de ce grand salut qui devait être manifesté en Jésus-Christ, vous trouverez que Jésus-Christ ne vivait point encore au commencement de l’Évangile, puisque les prophètes ont les premiers annoncé le salut de Dieu. Si vous entendez par cette expression le temps auquel les oracles des prophètes ont commencé à s’accomplir, nous demanderons pourquoi vous n’entendez point par le commencement de cet Évangile, l’heureuse nouvelle que l’ange annonce à Marie en ces termes : Marie, bien te soit. Tu es reçue en grâce. Le Seigneur est avec toi, etc. On peut joindre à cet Évangile de l’ange celui de Zacharie, père de Jean-Baptiste, qui prophétise ainsi sur le sujet de son fils : Et toi, petit enfant, tu seras appelé le prophète du souverain, etc., sans parler de la prophétie de Siméon, qui est un abrégé si admirable de la doctrine du salut.

A cette première défaite on en ajoute une autre, nous donnant des significations de ce terme remarquable : la Parole, qui nous paraissent n’avoir été inventées que par la nécessité de défendre sa cause. On dit que cette expression enferme une métaphore ou une métonymie. S’ils agissaient avec sincérité, ils se détermineraient à l’une ou à l’autre ; car une figure suffirait pour cela ; mais ce qui suffirait en soi, ne suffit point à nos adversaires ; et la défiance qu’ils ont de l’une de ces deux figures, leur fait avoir recours à l’autre. Ce n’est point le sens de l’Écriture qu’ils nous donnent, mais c’est leur préjugé qu’ils veulent défendre.

Cela paraît par cette troisième expression : La Parole était avec Dieu ; car à prendre cette expression hors de son sens propre et de sa signification naturelle, on pouvait lui donner plusieurs sens qui lui convenaient tout aussi bien que celui qu’ils lui ont attaché. Car si la Parole était avec Dieu, ou par-devers Dieu, peut signifier la Parole était connue de Dieu seul, elle peut signifier plus naturellement : la Parole était cachée au ciel ; la Parole était aimée de Dieu ; la Parole vivait bien, et marchait avec Dieu comme Enoc ; la Parole était détachée du monde ; la Parole savait seule le conseil de Dieu. Il y avait des significations de ce terme plus naturelles, et cependant ils s’arrêtent à celle-ci, il était connu de Dieu seul, ou, selon quelques autres, il était destiné de Dieu à cet emploi. D’où vient cela ? C’est qu’ils ne cherchent pas le vrai sens de l’Écriture, mais qu’ils s’arrêtent à tout ce qui se présente à leur esprit, ou à ce qui peut défendre leur préjugé.

C’est le jugement que nous pouvons faire de cette quatrième expression : la Parole était Dieu. Tout ce qu’on dit pour remplir la force et la dignité de cette expression remarquable, est assez mal inventé. La Parole était Dieu, dit-on, parce que tout était divin en Jésus-Christ, et que le ministère des prophètes, comparé au sien, avait quelque chose d’humain. Si cette ouverture les avait satisfaits eux-mêmes, ils se seraient arrêtés là ; mais parce qu’ils en sentent le vide, ils ajoutent que Jésus Christ est appelé Dieu encore, parce qu’il soutenait ou qu’il devait soutenir la personne de Dieu. Cela ne les satisfait pas ; ils ajoutent que Jésus-Christ était destiné à une gloire et à une puissance souveraine, et que c’est parce que cette puissance et cette gloire ne pouvaient lui manquer, que dès lors il est appelé Dieu. Mais quelle est cette prodigieuse ambiguïté qui souffre des explications si diverses d’une même expression, ou cette obscurité impénétrable qui cache dans un seul mot tant de choses si difficiles à développer ? N’est-ce pas qu’on a moins en vue de nous faire entendre l’Écriture, que de défendre son sentiment ?

Je dirai la même chose de la manière dont ils expliquent ces deux passages : Toutes choses ont été faites par elle, etc. Le monde a été fait par elle. Ces deux passages sont parallèles ; cependant ils trouvent le moyen de les rendre très différents. Toutes choses s’expliquent par le monde ; ont été faites, par le monde a été fait. Cependant ils trouvent le secret de mettre un prodigieux éloignement entre ces expressions, entendant par toutes choses, toutes les choses qui appartiennent à l’Évangile, et par le monde, le siècle à venir, le ciel, ou la société des hommes ; comme ils entendent par toutes choses ont été faites, toutes choses ont été opérées ou produites, et par le monde a été fait, le monde a été renouvelé. On voit bien par cette différente manière d’expliquer les passages synonymes, qu’ils n’ont d’autre dessein que celui de sauver leur sentiment.

Cela paraît encore de ce qu’ils prétendent que dans le même endroit le terme de monde se prend en trois sens très différents et très éloignés : la première fois pour la société des hommes, en second lieu pour le ciel ou le siècle à venir, et enfin pour les hommes charnels et profanes. Mais si pour entendre l’Écriture il faut prendre un même terme dans un même endroit en trois sens différents et éloignés, où en serons-nous ? Et qui est-ce qui pourra, sans un esprit de divination, s’assurer jamais d’avoir compris le sens du Saint-Esprit ? On voit bien que ce n’est point là l’Écriture purement expliquée, mais l’Écriture accommodée aux préjugés de nos adversaires. Mais ce n’est point là le seul défaut qu’on trouve dans leur nouvelle glose.

Outre cette variété de tant d’explications qu’ils donnent aux mêmes expressions de l’Écriture, ils attribuent à l’évangéliste diverses fins toutes différentes, et quelquefois toutes opposées ; ce qui ne vient point d’aucun manque de jugement, puisqu’il faut reconnaître de bonne foi que nous avons affaire avec les plus habiles de tous les écrivains ; mais cela vient de l’embarras où les jette la nécessité de défendre leur cause, nonobstant l’opposition de plusieurs passages formels de l’Écriture.

Si on les en croit, le dessein du Saint-Esprit dans ce commencement de l’Évangile selon saint Jean, est de répondre à une objection qu’on pouvait faire sur ce que Jean-Baptiste était venu avant Jésus-Christ. Mais quand on les presse après cela de nous dire pourquoi Jésus-Christ est appelé Dieu en cet endroit, puisque le nom de Dieu n’était point nécessaire pour le distinguer de Jean-Baptiste, à nouvel embarras nouvelle défaite. Ils feignent que l’évangéliste ne pensant plus à Jean-Baptiste, veut distinguer Jésus-Christ par le nom de Dieu de tous les prophètes qui l’ont précédé, dont le ministère aura été humain, comparé à celui de notre Sauveur. Voilà bien des desseins. Mais voyons s’il y en a quelqu’un de véritable.

L’évangéliste appréhende qu’on ne préfère Jean-Baptiste à Jésus-Christ, parce que celui-là est venu avant celui-ci. Il doit craindre, par la même raison, qu’on ne préfère Moïse et les prophètes à Jésus-Christ, comme ayant vécu avant lui. Mais quand on aurait été tenté de regarder Jean-Baptiste comme le Messie dans le temps que Jean-Baptiste commença à prêcher l’Évangile, ce danger ne subsistait plus depuis que Jean-Baptiste avait été mis à mort, et que Jésus-Christ était ressuscité des morts. Que si l’évangéliste prend le soin de nous avertir que Jean n’était point cette lumière, ce n’est que pour nous dire en d’autres termes ce que l’Écriture nous apprend ailleurs, que la prédication de Jean-Baptiste dissipait bien les ténèbres de l’erreur, mais qu’elle n’était pas suffisante pour former le beau jour de l’Évangile, n’étant qu’une chandelle luisante dans un lieu obscur ; au lieu que Jésus-Christ était le soleil de justice.

Mais supposons que l’évangéliste ait pu craindre que quelqu’un ne fût assez simple pour préférer Jean-Baptiste à Jésus-Christ, fondé sur ce que Jean-Baptiste était venu avant lui, comment satisfait-il à cette objection ? Il tait ce qu’il faut dire, et il dit ce qu’il faut taire. Il tait ce qu’il faut dire : il ne dit point que les serviteurs marchent devant leur maître ; que les prophètes ont devancé la venue du Messie, bien qu’ils soient moindres que lui ; qu’il ne faut pas s’étonner que Jean-Baptiste vienne avant Jésus-Christ, puisqu’il est ce précurseur qui devait marcher devant sa face, et faire droits ses sentiers. Il dit ce qu’il faut taire ; il dit que Jésus-Christ était dès le commencement de la prédication de Jean-Baptiste : ce qui ne fait rien pour répondre à l’objection. Car Jésus-Christ était dès lors, Jean-Baptiste était dès lors ; mais Jean-Baptiste exerçait les fonctions de son ministère, et Jésus-Christ ne faisait rien. C’est là la difficulté que l’évangéliste devait prévenir.

Si l’on ne saurait trouver dans l’explication de nos adversaires des desseins dignes du Saint-Esprit, on y trouve une confusion et un renversement qui ne peut convenir qu’à un esprit qui a dessein de nous jeter dans l’erreur, ou qui se propose que nous ne l’entendions pas. Car ils veulent que par ces paroles : Au commencement, on entende la prédication de Jean-Baptiste ; et cependant, non seulement l’évangéliste n’a pas encore fait mention de Jean-Baptiste, mais il n’en parle qu’après avoir fait l’éloge de la parole, et il en parle d’une manière qui fait voir qu’il entend en parler pour la première fois, en disant : Il y eut un homme appelé Jean.

D’ailleurs, il est dit que dans ce commencement, qu’on prétend être le commencement de l’Évangile, la Parole était, qu’elle était avec Dieu, et qu’elle était Dieu. Or rien de tout cela ne convenait à Jésus-Christ dans ce commencement. Il n’était point dès lors la parole, car il n’avait point encore annoncé le conseil de Dieu. Il n’était point avec Dieu, du moins dans un sens propre ; car, selon nos adversaires, il ne fut transporté dans le ciel que depuis son baptême. Et il n’était point Dieu, puisqu’il n’avait pas encore été installé dans ses charges, qui lui font représenter Dieu et porter son nom.

Ce serait peu que de manquer d’ordre, si les paroles de l’évangéliste ne manquaient encore de vérité ; mais à leur attacher le sens de nos adversaires, nous ne saurions presque douter de leur fausseté. Il est du moins certain qu’on peut substituer des propositions contradictoires à ces expressions, qui sans doute paraîtront plus intelligibles, et seront reconnues pour véritables par leur impression naturelle, telles que sont celles-ci : Jésus-Christ n’était point au commencement de l’Évangile. Jésus-Christ n’était point la Parole dès le commencement. Jésus-Christ n’était pas encore avec Dieu. Jésus-Christ n’était point Dieu. Il n’était point la Parole au commencement. Toutes choses, même toutes les choses qui regardent l’économie de l’Évangile, n’ont point été faites par lui. Plusieurs choses ont été faites sans lui, avant lui, et après lui. Le monde n’a point été fait par lui. La parole n’a point été faite chair ; mais la chair a été faite Parole. Il est la lumière, mais il n’est point la lumière qui illumine tout homme venant au monde.

Jésus-Christ n’était point au commencement de l’Évangile. Cette proposition est certaine, puisque l’ambassade d’un ange à Marie fait le véritable commencement de cet Évangile, qui fut ensuite continué par l’envoi de l’ange aux bergers de Bethléem, auxquels il parle ainsi : Voici, je vous annonce une grande joie, laquelle sera à tout le peuple, etc., et ensuite par la prédication de Jean-Baptiste, et enfin par celle de Jésus-Christ et de ses apôtres.

Jésus-Christ n’était point la Parole, du moins dans ce commencement, ni par métaphore, ni par métonymie. Il ne l’était point par métaphore ; car on ne pouvait point dire en ce temps-là : Comme la parole de l’homme est ce qui découvre ses pensées, ainsi Jésus-Christ est celui qui manifeste les pensées et le conseil de Dieu. Il ne l’était point par métonymie. Jésus-Christ ne pouvait pas emprunter ce nom d’une parole qu’il n’avait encore ni annoncée ni fait annoncer.

Jésus-Christ n’était point Dieu dans ce commencement, dans quelque sens qu’on prenne cette expression. Il n’était point Dieu, parce que son ministère était divin, opposé à celui des prophètes ; car il n’exerçait point encore son ministère. Il n’était point Dieu, parce qu’il soutenait la personne de Dieu ; car dans ce commencement il ne représentait Dieu en aucune manière. On ne peut point dire aussi qu’il fût Dieu, parce qu’il était destiné à une gloire et à une puissance toute divine ; car, premièrement, cela est contre le style ordinaire de l’Écriture : elle ne dira point que Saul, par exemple, fût un apôtre, un homme divin et céleste, la lumière de l’église ou le docteur des nations dans ce commencement de l’Évangile, où il était tout enflammé de menaces et de tuerie contre les disciples du Seigneur, parce qu’il était destiné à la gloire de l’apostolat. Ou, si l’on veut que j’emploie un exemple moins odieux, on ne dira point que Moïse fût un médiateur entre Dieu et le peuple d’Israël dès le commencement, c’est-à-dire dès le temps qu’il paissait les troupeaux de Jéthro son beau-père ; que les enfants de Zébédée fussent des enfants de tonnerre dans le temps qu’ils ne se mêlaient que de pêcher avec leur père.

Il faut ajouter à cette considération, que le dessein de l’évangéliste étant de faire ici l’éloge de Jésus-Christ, il se trouve que si le sentiment de nos adversaires avait lieu, il serait un éloge de Jésus-Christ le plus équivoque qui fût jamais, étant certain qu’on en pourrait faire un tout pareil de Moïse. Rien n’empêche qu’on ne dise dans le sens de nos adversaires, en parlant de ce législateur : Au commencement était la Parole. La Parole était avec Dieu. La Parole était Dieu ; elle était au commencement. Toutes choses ont était faites par elle, et sans elle rien de ce qui a été fait n’a été fait. Cette Parole a été faite chair. Tout cela est aussi vrai de Moïse que de Jésus-Christ, dans le sens de nos adversaires.

Au commencement était la Parole. Moïse était dès le commencement que Dieu manifesta le dessein qu’il avait de retirer son peuple hors du pays d’Egypte. Moïse peut être appelé la Parole, et par métaphore, et par métonymie : par métaphore, parce que comme la parole sert à exprimer les pensées de l’homme, Moïse aura servi à faire connaître le conseil de Dieu ; par métonymie, parce que Moïse est le ministre de la parole, qu’il l’apportait de la sainte montagne, qu’il l’a rédigée par écrit, qu’il la faisait connaître par les lévites destinés à instruire le peuple, et qu’il doit prendre le nom de cette parole dont il est le principal héraut. Moïse était avec Dieu dès le commencement, car, quoiqu’il fût ignoré et méprisé des hommes, il était connu de Dieu ; et d’ailleurs il fut honoré d’une révélation divine. Il était Dieu, car il était destiné à représenter Dieu, selon ces paroles de l’Exode tant de fois citées par nos adversaires : Il te sera pour prophète, et tu lui seras pour Dieu. Enfin, il était Dieu dans les trois sens marqués par nos adversaires : premièrement, parce que son ministère était tout divin et céleste, comparé à celui de ceux qui l’avaient précédé, qui était un ministère humain et terrestre : car il ne s’était point élevé un prophète tel que Moïse en Israël, qui voyait Dieu familièrement, et lui parlait comme un ami parle à son intime ami, suivant l’expression de l’Écriture. Il était Dieu dans le second sens, parce qu’il représentait Dieu, qu’il était revêtu de son pouvoir et de son caractère, qu’il était son ambassadeur, et parlait à Pharaon de sa part. Il était Dieu enfin, parce qu’il était destiné à une gloire et à une puissance toute divine, puisqu’il devait faire des miracles surprenants dans toutes les parties de la nature. Toutes choses ont été faites par cette Parole, si vous entendez par là toutes les choses qui appartiennent à la délivrance des Israélites et à l’établissement de la loi.

Cette conformité paraîtra plus grande si l’on considère que comme Jésus-Christ, faisant ses miracles, n’agissait que par la vertu de son Père, ainsi Moïse, en faisant les siens, n’agissait que par la vertu de Dieu. Comme tous les miracles qui ont signalé l’Évangile ne se sont pas faits sans exception par le ministère de Jésus-Christ, mais seulement le plus grand nombre, on ne peut point dire, par exemple, que c’est Jésus-Christ qui a envoyé les anges annoncer sa naissance, qui a allumé l’étoile qui apparut aux mages, etc. ; ainsi aussi on dira que tous les miracles qui ont signalé la délivrance des Israélites, n’ont pas été faits sans exception par le ministère de Moïse, mais seulement le plus grand nombre. Il ne tua point les premiers-nés des Egyptiens, et il ne fit pas descendre la gloire de Dieu dans la nuée ; mais ce fut lui qui, par le moyen de cette verge miraculeuse qu’il tenait en ses mains, changea les eaux de l’Egypte en sang, couvrit la terre d’insectes, l’air de ténèbres, ouvrit les abîmes de la mer Rouge, embrasa les nuées et la montagne de Sina, fit tomber la manne, et sortir des eaux en abondance du sein d’un rocher, ouvrit la terre, fit tomber le feu du ciel, etc. Et ne peut-on point dire que tant de merveilles, si grandes et si diverses, ne s’étant faites que par son ministère, sans lui rien de ce qui a été fait n’a été fait, dans cette occasion illustre et mémorable ; cette parole a été faite chair, ou elle a été chair ? Moïse était un homme, bien qu’il agît comme un Dieu. Il n’y donc point de doute que cette dernière expression ne lui convienne aussi bien que les autres.

Nos adversaires ne sont pas ici dans un petit embarras ; car s’ils demeurent d’accord qu’on pourrait tenir ce langage de Moïse ils sont obligés de convenir que Moïse peut remplir le plus grand éloge que le Saint-Esprit ait jamais fait de Jésus-Christ, étant certain que jamais l’Écriture n’a parlé plus magnifiquement de Jésus-Christ que dans ce commencement de l’Évangile selon saint Jean. Que s’ils nient qu’on puisse parler ainsi de Moïse, il se trouveront forcés de reconnaître que cet éloge contient un sens plus haut et plus éminent que celui qu’ils attachent aux paroles de l’évangéliste.

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