Traité de la vérité de la religion chrétienne

10. Méthode pour prouver la vérité de la religion judaïque, nonobstant les fausses futilités des incrédules.

Il faudrait avoir d’étranges dispositions à l’incrédulité, pour trouver dans ces objections de critique que nous fait Spinosa, ou que d’autres peuvent nous faire, de quoi douter un moment des fondements de la révélation. Car quoi ! deux ou trois parenthèses que vous trouverez dans les livres de Moïse, et qu’on veut à toute force qui ne soient pas de Moïse, et qui par cela même qu’elles paraissent hors d’œuvre, ne feraient rien contre nous, empêchent-elles que les prophètes n’aient prédit la vocation des païens avec ses circonstances ; que Moïse et Jésus-Christ ne se donnent du jour l’un à l’autre, et que les fondements de la religion ne soient si liés avec les lumières du sens commun, qu’il faut renoncer à la qualité d’homme pour en douter ?

Mais pour me renfermer dans le sujet que je traite maintenant, est-il possible qu’on ne voie pas que la vérité de la religion judaïque, prise à part, a des fondements que de si petites observations ne sont pas capables d’ébranler ?

En effet, sans la regarder de tous ses côtés, comme de celui de la morale, de la connaissance du vrai Dieu, de sa proportion avec la religion naturelle, de ses admirables rapports avec l’Évangile, de ses prophéties, du caractère de piété et de désintéressement qui paraît dans sa doctrine, de l’avantage si grand et si sensible qu’elle avait sur toutes les autres religions, il est aisé d’en faire connaître la divinité d’une manière qui persuadera toujours les gens de bon sens.

Il ne faut, pour cet effet, qu’établir bien distinctement ces trois vérités capitales : 1° que Moïse a écrit ou a fait écrire les faits essentiels qui sont contenus dans le Pentateuque ; 2° que Moïse les ayant laissés par écrit, il faut nécessairement qu’ils soient vrais ; 3° qu’étant vrais ils prouvent, malgré tous les efforts de l’impiété, la divinité de la religion judaïque.

De ces trois principes, le premier est le plus difficile à prouver ; car j’établirai clairement que si Moïse a écrit ces miracles éclatants qui nous sont rapportés dans l’écriture du Pentateuque, il n’a pu les écrire contre la vérité et contre la connaissance publique qu’on en avait ; ce qui ne recevra plus aucune difficulté lorsqu’on aura considéré les circonstances de ces faits.

Je ferai voir avec la même facilité que si tous ces miracles sont vrais, il faut que Dieu, auteur de ces lois de la nature, qui ont été interrompues par ces miracles, se soit manifesté à Israël.

Ainsi, ce à quoi nous devons premièrement et principalement nous attacher, c’est à faire voir que les choses essentielles qui composent la matière du Pentateuque, ces faits illustres et éclatants dans lesquels la main de Dieu paraît si visiblement, sont des faits que l’on n’a point inventés, mais dont Moïse nous a conservé la mémoire dans des monuments certains.

En effet, il est constant que ces faits se trouvent écrits :

  1. dans la loi de Moïse ;
  2. dans les autres livres du Pentateuque ;
  3. dans les écrits de tous les prophètes ;
  4. dans le cœur et dans le souvenir des Israélites, qui devaient s’en entretenir continuellement, et qui ne pouvaient pas n’en pas conserver quelque souvenir par les mesures que Moïse avait prises pour cela ;
  5. dans la pratique et dans le culte des Juifs, dont les cérémonies représentaient ces anciens événements ;
  6. il est vrai que tous ces faits ont une telle liaison avec la conservation de la république des Juifs, et avec son établissement, qu’ils se trouvent encore peints dans leur état, par manière de dire.

On verra dans la suite la certitude de tous ces divers monuments qui nous ont conservé la révélation des Juifs.

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