Traité de la vérité de la religion chrétienne

10. Où l’on continue d’examiner les prophéties qui regardent le Messie, et surtout celles qui marquent le lieu et la manière de sa naissance.

Encore que la prophétie que nous venons d’examiner contienne la naissance, la vie et la mort du Messie, il ne sera pas hors de propos de marquer quelques oracles qui nous représentent plus particulièrement ces événements.

Mais avant que d’en venir là, il importe de remarquer qu’il y a trois sortes d’oracles qui regardent le Messie : les uns qui sont des preuves sans type, les autres qui sont des types sans preuve, et les autres qui sont des preuves et des types tout ensemble.

Isaac, Joseph, Samson, etc., sont des types simples du Messie ; ce sont des images propres à le représenter, et même destinées à cela par la sagesse de Dieu. Mais ces types supposent la vérité de la venue du Messie, et ne la prouvent point. On peut dire, au contraire de l’oracle que nous avons examiné dans le chapitre précédent, que c’est un tissu de prophéties claires et expresses qui ne sauraient convenir qu’à Jésus-Christ, qui lui conviennent immédiatement, et qui ne sont couvertes ni d’image ni d’enveloppe. C’est ce que je nomme des preuves sans type. Les premiers de ces oracles représentent sans prouver. Les autres prouvent sans représenter. Mais il était juste que la sagesse divine joignit, pour une plus grande évidence, la preuve et l’image, et qu’elle nous fit voir des types en Jésus-Christ qui se prouvent eux-mêmes. C’est dans ce dessein que prenant David et quelques autres personnes illustres pour les types du Messie, le Saint-Esprit leur applique des choses qui ne peuvent convenir qu’au Messie, et décrit tout ce qui regarde le Messie sous l’enveloppe de ce qui est arrivé à ces personnes illustres ; mais avec ceci de particulier, qu’on voit dans cette sorte d’oracles une certaine étendue de sens, qui nous fait comprendre qu’ils ont deux objets, l’un prochain, qui sera David, par exemple ; et l’autre éloigné, qui est le Messie : et ces oracles sont ceux qui enferment des types et des preuves tout ensemble, et dont nous parlerons principalement dans la suite.

Ainsi j’avoue que l’oracle qui est contenu dans 2 Samuel 7.12-16 regarde la personne de Salomon. Car ce n’est que de Salomon qu’on peut entendre ces paroles : Que s’il commet quelque iniquité, je le châtierai de verges d’homme, et de plaies des fils des hommes. Mais il est vrai aussi que la promesse que cet oracle contient est trop grande et trop magnifique, pour devoir être limitée à Salomon. Elle serait fausse même, si elle n’avait point d’autre objet ; et ce n’est qu’en la personne du Messie que l’on peut trouver l’accomplissement de cette prophétie : Je ferai lever ta postérité après toi, laquelle sera sortie de tes entrailles, et j’établirai son règne à toujours, etc. Je lui serai père, et il me sera fils, etc. Ainsi la maison sera assurée, et aussi ton règne pour jamais devant ta face ; et ton trône sera affermi à jamais. Car qui ne voit que cette domination éternelle que l’Écriture exprime ailleurs, en disant que la postérité de David s’assiéra sur son trône aussi longtemps qu’il y aura un soleil et une lune, ne peut se dire véritablement de la domination temporelle de Salomon, et qu’elle convient uniquement au règne spirituel du Messie ?

Nous consentons de même, que les Juifs fassent tant de réflexions qu’ils voudront sur l’oracle d’Esaïe.7.14, cité par saint Matthieu : La vierge sera enceinte, etc., pour nous faire voir que le sens littéral de ces paroles convient à une fille qui vivait du temps du prophète, ou même à une femme mariée (le terme de l’original pouvant souffrir l’une et l’autre signification), laquelle devait enfanter un fils, qui ne serait pas plus tôt en âge de discerner le mal d’avec le bien, que le pays de Juda serait délivré des armes des rois de Syrie et d’Israël qui étaient venus pour le désoler, et qui avaient jeté Achaz et toute la ville de Jérusalem dans une extrême consternation. Toujours seront-ils obligés de reconnaître que cet oracle a une plus grande étendue que cela, et que pour en conserver tout le sens, il faudra le rapporter au Messie, en qui nous le voyons accompli d’une manière très noble et très excellente. Car 1° le prophète ne se contente pas de dire que la Vierge sera enceinte : il donne cela pour un signe du dessein que Dieu a de conserver son peuple, un signe qui doit rassurer le cœur d’Achaz, un signe que Dieu donne lui-même ; Achaz n’en ayant osé demander, et ayant répondu au prophète qui l’exhortait à demander un signe, qu’il ne tenterait point l’Éternel. Or il est certain que la naissance d’un enfant qui vient au monde par les voies ordinaires, n’a rien qui mérite d’être regardé comme un signe, et moins encore comme un signe d’une délivrance signalée et extraordinaire. 2° L’enfant dont il y est parlé doit être nommé Emmanuel, ou Dieu avec nous : expression remarquable, qui non seulement est disproportionnée à un enfant ordinaire, mais même qui serait trop grande pour le plus grand des prophètes ; et qui, étant sans exemple dans l’Écriture, et marquant quelque chose de plus qu’humain, ne peut être raisonnablement appliquée qu’au Messie. 3°. Il est remarquable que l’accomplissement de cette même prophétie est rapporté en ces termes au chapitre suivant : Puis je m’approchai de la prophétesse, laquelle conçut et enfanta un fils, etc. Car avant que l’enfant sache crier mon père et ma mère, on enlèvera la puissance de Damas, et le butin de Syrie, etc. Pour cette cause le Seigneur s’en va faire venir sur eux les -eaux du fleuve, etc., lequel fleuve montera par-dessus tous les courants d’eau, etc. Et les étendues de ses ailes empliront la largeur de ton pays, ô Emmanuel. Il est évident que le sens littéral que pressent les Juifs rend cet oracle absurde et incompréhensible, s’il est seul. Car, je vous prie, que veut dire le prophète, d’appeler tant de fois Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous, un enfant ordinaire, et qui ne devait même contribuer de rien à la délivrance du peuple, puisque avant qu’il sût appeler son père et sa mère, le peuple devait être délivré ? Pourquoi apostropher cet enfant ? Pourquoi le faire regarder comme le Seigneur de la terre sainte, et lui en attribuer le soin et la domination par ces paroles : Et les étendues de ses ailes rempliront la largeur de ton pays, ô Emmanuel ?

Il n’en est pas de la naissance de Jésus-Christ dans la ville de Bethléem, comme les autres oracles, que les Juifs peuvent révoquer en doute sans se contredire, puisque leurs pères mêmes ont déclaré que le Christ devait naître en Bethléem, selon cet oracle rapporté par saint Matthieu, avec quelques petites diversités qui regardent les termes et non pas le sensa. Et toi, Bethléem devers Ephrat, petite pour être des milliers de Juda, de toi me sortira quelqu’un pour être dominateur en Israël. Et ses issues sont dès jadis, dès les jours éternels, etc. Il se maintiendra et gouvernera par la force de l’Éternel, et avec la magnificence du nom de l’Éternel son Dieu : et ils demeureront fermes ; car il sera tantôt magnifié jusqu’aux bouts de la terre. Et celui-là sera la paix, etc. Le meurtre des enfants de Bethléem est une triste preuve que nous n’avons pas inventé la réponse que les scribes et les pharisiens firent à Hérode ; et cette réponse nous montre que les Juifs eux-mêmes sont convenus autrefois que cet oracle regardait le Messie. Mais quand nous n’aurions pointée grand préjugé contre les rabbins de nos jours, de quel autre que du Messie pourrait-on dire qu’il sortira de Bethléem un dominateur en Israël ? Car pour la pensée de ceux qui prennent ces paroles en termes de passé, pour il est sorti, et qui l’entendent de David, elle est réfutée par toute la suite du discours, et surtout par ces expressions : il le livrera, il se maintiendra, il gouvernera, il sera la paix, il sera magnifié, etc. Où est ce dominateur ? Où est cette force et cette magnificence de l’Éternel, connues jusqu’aux extrémités de la terre ? Où sont ces issues éternelles ? Où est cet homme sorti de Bethléem, qui est la paix de Dieu ? Bethléem est détruite il y a tant de siècles, sans que l’on puisse nous montrer un autre que Jésus-Christ auquel tous ces caractères puissent convenir. Concluons donc que c’est de Jésus-Christ qu’il est uniquement parlé dans cet endroit.

aMichée 5.2.

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