Traité de la vérité de la religion chrétienne

6. Où l’on réunit tous les faits miraculeux pour en former une démonstration.

Si nous considérons tous ces événements en gros, nous pouvons faire une démonstration invincible, en supposant ces trois principes qui, à mon avis, se trouvent désormais prouvés avec beaucoup d’évidence.

Le premier est que les apôtres et les autres disciples de Jésus-Christ ont véritablement témoigné les miracles de Jésus-Christ, sa résurrection, son ascension, et l’effusion du Saint-Esprit sur les apôtres. Le second est qu’ils ont cru de bonne foi ce qu’ils ont témoigné. Le troisième, qu’ayant cru que Jésus-Christ avait fait des miracles, qu’il était ressuscité, qu’il était monté au ciel, et qu’il avait envoyé son esprit à ses disciples, qui sont tous des événements dont ils ont été témoins, il faut nécessairement que toutes ces choses soient véritables.

Le premier de ces principes est incontestable. Il paraît que ces quatre événements ont fait l’objet et la matière de la prédication des saints apôtres. Cela paraît, parce que les apôtres le disent dans leurs écrits, ou plutôt que leurs écrits ne sont que l’histoire de ces quatre événements ; parce que dans leurs épîtres, dans ces épîtres écrites à des sociétés tout entières, qui les gardaient précieusement, ils ne parlent presque d’autre chose que de ces quatre grands événements ; parce qu’il n’y a point de fragment, point de page, ni presque point de ligne dans ces écrits, ou qui ne rapporte ces choses, ou qui ne les suppose évidemment ; parce qu’il n’y a point de christianisme sans cela ; parce que tout cela nous est confirmé par ceux qui ont vécu après les apôtres, qui les ont entretenus, et qui ont été familiers avec eux ; parce qu’on plante partout des Églises, et de nombreuses Églises, du temps des apôtres, en annonçant ces choses ; parce que le sens commun nous dit assez que les Juifs et les gentils ne pouvaient pas croire en un crucifié en tant que crucifié, si l’on n’eût dit qu’il était ressuscité des morts ; parce que les fidèles n’espèrent la résurrection dernière que parce qu’ils sont persuadés qu’ils doivent être rendus conformes à la résurrection glorieuse de leur divin rédempteur ; parce qu’il est évident que les écrivains du Nouveau Testament ne se sont point copiés, et que néanmoins ils s’accordent parfaitement à nous rapporter ces quatre grands événements, comme faisant l’essentiel de leur prédication ; parce que les premiers chrétiens ne se sont sanctifiés, et n’ont renoncé au monde, que par l’espérance qu’ils ont eue en un homme relevé d’entre les morts, et qui était monté au ciel ; parce que jamais les plus obstinés et les plus fiers ennemis des chrétiens n’ont formé de doute sur ce sujet, et n’ont osé nier que les disciples de Jésus-Christ n’aient rendu ce témoignage à leur Maître, qu’il était ressuscité d’entre les morts, et qu’il était monté dans le ciel ; parce que les Juifs ont toujours avoué que c’avait été là le témoignage des apôtres ; et parce qu’enfin l’amas de ces circonstances et de plusieurs autres que nous avons déjà touchées ci-devant, rend la chose incontestable, et d’une souveraine évidence ; de sorte qu’il est presque inutile de s’arrêter à prouver ce premier principe.

Le second n’est pas moins certain. Il est évident que les apôtres ont cru de bonne foi que ce qu’ils rapportaient était véritable, puisque ces choses qu’ils annoncent sont les motifs de leur vertu, de leur désintéressement, et de leur patience tant de fois éprouvée, puisqu’ils y font des allusions si naïves et si naturelles, qu’il est impossible de ne pas voir qu’ils en étaient parfaitement persuadés ; puisque c’est la persuasion qu’ils ont que toutes ces choses sont véritables, qui les persuade que leur condition sera heureuse malgré toutes les raisons qu’ils ont de la croire bien triste ; puisque c’est de cette persuasion qu’ils tirent le courage qu’ils ont de s’exposer aux plus grands dangers, et de soutenir les plus rudes épreuves ; puisqu’ils se félicitent les uns et les autres de tant souffrir pour une si bonne cause, bien qu’ils dussent savoir l’imposture qu’ils avaient concertée, si ce qu’ils disaient n’était pas véritable ; et surtout puisqu’ils prétendent faire voir des preuves sensibles et miraculeuses des choses qu’ils annoncent.

Enfin, le dernier de ces principes est, s’il est permis de le dire, encore plus évident que les autres ; car il ne se peut que les disciples du Seigneur Jésus aient été trompés, premièrement, sur des faits si palpables et si sensibles, qu’il ne s’agit que de voir et de toucher ; en second lieu, sur un si grand nombre de faits différents les uns des autres par les circonstances ; en troisième lieu, sur des faits si suivis et si enchaînés, que celui qui affirme l’un, est obligé de consentir à la vérité de l’autre.

Qu’on repasse bien ces choses dans son esprit, et je suis assuré qu’on ne doutera point d’aucun de ces trois principes. Qu’on mette la contradictoire négative en la place de l’affirmative, et je suis assuré que notre esprit la rejettera d’abord. Si vous dites : Les apôtres n’ont point annoncé les miracles, la résurrection, l’ascension de Jésus-Christ dans le ciel, ni l’effusion du Saint-Esprit sur les apôtres, vous dites une chose qui vous paraît aussi fausse que si vous disiez : Les apôtres n’ont jamais été, ou ils n’ont point été les disciples de Jésus-Christ, ou ils n’ont point prêché qu’il fallait croire en lui. Et il est constant que vous rejetez d’abord toutes ces propositions comme extravagantes.

Si vous dites : Les apôtres n’ont point cru de bonne foi les miracles, la résurrection, l’ascension de Jésus-Christ, et l’effusion des dons du Saint-Esprit, vous dites : Les apôtres n’ont point prétendu ni faire des miracles, ni parler des langages étrangers, ni pouvoir communiquer ces dons aux autres hommes ; vous avancez la même chose que si vous disiez : Les apôtres n’ont écrit aucune des épîtres qu’on leur attribue ; les apôtres n’ont point prêché publiquement à Jérusalem le jour de la Pentecôte ; ils n’y ont point établi une Église, et ils n’ont point enseigné à croire l’Évangile.

Enfin, si vous dites : Les apôtres ont cru ces choses, mais ces choses n’étaient pourtant pas véritables, vous dites : Les apôtres n’ont ni des yeux, ni des oreilles, ni une mémoire, et par un même concert de folie, plusieurs centaines et même plusieurs milliers de personnes ont perdu l’esprit ; et ceux qui embrassent la doctrine qu’ils enseignent, la perdent à point nommé aussitôt qu’ils les ont entendus ; et cependant cette folie est le principe qui nous fait bien vivre, et qui a sanctifié le genre humain.

Il est certain que quand on considère l’amas de ces objets et de ces circonstances, il en résulte une démonstration morale qui vaut toutes les démonstrations mathématiques, mais pour l’abréger autant qu’il se peut, je dis que toute cette démonstration consiste au fond en ces deux mots : les disciples de Jésus-Christ ont cru de bonne foi les miracles, la résurrection, l’ascension de Jésus-Christ, et l’effusion des dons du Saint-Esprit ; donc ces quatre événements sont véritables. La conséquence est évidente, parce que ce ne sont point ici des faits qui puissent jamais être susceptibles d’illusion, ni sur lesquels il soit possible de se tromper. En effet, quand les disciples auraient pu se tromper sur un seul miracle, comment se seront-ils trompés sur plusieurs miracles ? Quand ils se seraient trompés sur le sujet des miracles de Jésus-Christ, ils n’ont pu se tromper sur le sujet de sa résurrection. Quand ils auraient pu se tromper sur le sujet de sa résurrection, ils n’aurait pu se tromper sur tant de marques sensibles que Jésus-Christ ressuscité leur donna de sa présence, et surtout sur le sujet de son ascension. Quand ils se seraient trompés sur le sujet de son ascension, ils n’auraient pu se tromper sur le sujet de l’effusion du Saint-Esprit sur les apôtres ; car ils faisaient une expérience continuelle de ce dernier miracle : ils savaient bien s’il leur était apparu des langues mi-parties de feu ; mais ils savaient beaucoup mieux encore s’ils avaient reçu les dons des langues, représentés par ce symbole extérieur, le Saint-Esprit ayant choisi ce don entre tous les autres pour le rendre particulièrement remarquable, parce que c’est de tous les dons celui qui peut être le moins imitéa, et qui est le moins susceptible d’erreur et d’illusion.

a – A condition d’admettre qu’il s’agissait de langues intelligibles et parlées dans le monde…

Car, je vous prie, le moyen que je me persuade que je parle le persan, le chinois et l’arabe, et que j’entends ces langues lorsqu’on me les parle ? Et s’il est si rare de voir un seul homme attaqué de ce genre de folie, il est certainement impossible qu’il y ait un grand nombre de personnes qui s’imaginent tout d’un coup parler toutes les langues du monde, sans que cela soit véritable.

Il faut donc demeurer d’accord, que quand les disciples de Jésus-Christ auraient pu être trompés sur tous les autres faits, ils ne pouvaient jamais l’être sur le sujet de celui-ci. Un homme ne peut ignorer s’il parle ou ne parle pas des langues qui auparavant lui étaient inconnues ; deux hommes le peuvent encore moins ; douze, moins encore ; soixante et dix le peuvent encore moins ignorer, et chacune de ces personnes sachant ce qui se passe en elle, il est impossible que toutes croient avoir reçu le don des langues, si cela n’est point véritable.

La conséquence de notre argument est donc certaine, évidente et incontestable, s’il en fut jamais : le principe ne l’est pas moins.

Les disciples de Jésus-Christ ont cru de bonne foi les miracles, la résurrection, l’ascension de Jésus-Christ, et l’effusion des dons du Saint-Esprit. Si vous voulez en être convaincu, vous n’avez qu’à lire le Nouveau-Testament depuis un bout jusqu’à l’autre. Vous trouverez cette bonne foi et cette persuasion dans leur désintéressement, qui naît de ce qu’ils savent que Jésus-Christ, qui est leur trésor, est monté au ciel ; leur joie dans les afflictions, qui vient de ce qu’ils rendent témoignage à la vérité ; leur charité et leur piété, qui sont incompatibles avec le caractère des séducteurs ; leur humilité, leur pureté, leur patience, leur zèle, et le désir ardent de faire naître toutes ces vertus dans l’âme des autres, ces deux choses étant incontestables : premièrement, que les disciples de Jésus-Christ font paraître fort naturellement tous les sentiments de la piété et de la vertu ; en second lieu que la piété et la vertu ne naissent point de l’imposture et de la perfidie. Vous trouverez la bonne foi des disciples, et la sincérité de leur persuasion dans le caractère de leur langage ; car si les langues expriment le génie et les mœurs des peuples, on peut dire que la langue des disciples de Jésus-Christ exprime les merveilles de l’Évangile par une énergie toute singulière, qui distingue le style de ses auteurs, non seulement du langage des autres hommes, mais même du langage de la loi. Vous trouverez cette bonne foi dans ce grand nombre de passages obscurs et difficiles que rapportent les évangélistes ; car, d’un côté, il n’est pas possible que les évangélistes aient supposé et inventé ces enseignements, ou ces choses difficiles et obscures qu’ils font dire à Jésus-Christ ; et de l’autre, il est certain que presque toujours ces passages obscurs et difficiles enferment quelque fait miraculeux, ou quelque allusion à ces merveilles surnaturelles. Je dis premièrement que les évangélistes n’ont point inventé ces choses obscures et difficiles qu’ils font dire à Jésus-Christ, et qui sont en assez grand nombre ; car comment ces pauvres pêcheurs seraient-ils assez habiles pour inventer ce que les docteurs de seize siècles sont à peine assez habiles ou pour entendre ou pour faire entendre aux autres ?

Il est vrai d’ailleurs, que ces passages obscurs et difficiles enferment ou l’histoire de ces faits miraculeux dont nous disputons, ou contiennent des allusions si naïves et si naturelles à ces faits, qu’on n’a aucune peine à s’apercevoir que celui qui rapporte ces passages suppose, et que ces faits sont véritables et que ces faits sont publiquement connus. Par exemple, pourquoi Jean-Baptiste est-il le plus grand qui soit né de femme, comme Jésus-Christ s’exprime ? Ce n’est point par ses miracles, car il n’en a point fait. Ce n’est point par sa sainteté ; Moïse, qui a été appelé le plus débonnaire des hommes, l’égalait bien en cela ; c’est donc à l’égard de l’avantage qu’il avait eu de voir et d’entendre le Messie. Mais comment est-il ajouté que le moindre au royaume des cieux est plus grand que lui ? Entendez-vous, par le royaume des cieux, ce royaume dont Jean disait lui-même : Le royaume des deux est approché ? N’est-ce point parce que Jean ne vit point toutes les merveilles de ce royaume, que virent les moindres disciples de Jésus-Christ ? Ce qui fait dire à ce Sauveur : Or, vos yeux sont bienheureux, car ils voient ; et vos oreilles, car elles entendent. Car en vérité, je vous dis que plusieurs rois et plusieurs prophètes ont désiré de voir ces choses, et ne les ont point vues ; et d’ouïr ces choses, et ne les ont point ouïes. Or, tout cela suppose les miracles de Jésus-Christ, et les autres merveilles qui confirment notre sainte religion.

Ce qu’il dit au sujet du blasphème contre le Saint-Esprit, est tout à fait surprenant. Le nom même qu’il donne à ce péché, a quelque chose de singulier et d’extraordinaire ; car jamais les hommes n’avaient ainsi parlé. On savait bien ce que c’était que pécher contre Dieu, mais on ne savait pas ce que c’était que pécher contre le Saint-Esprit, et moins encore ce que c’était que blasphémer contre le Saint-Esprit. Ce langage nouveau vient nécessairement de ce qu’il y a ici une révélation nouvelle et des objets nouveaux. Les Juifs ne savaient point ce que c’était que le Saint-Esprit, à prendre ce terme dans le sens des évangélistes. Il y eut même quelques-uns de ceux qui avaient été convertis à Jésus-Christ, qui ne savaient pas encore le sens de cette expression. Cependant, lorsque nous consultons les Évangiles, les Actes des saints apôtres, et les épîtres de ces hommes extraordinaires, nous ne sommes pas longtemps à savoir que, par le Saint-Esprit, dans la plupart de ces endroits, il faut entendre les dons extraordinaires et miraculeux qui étaient communiqués aux hommes en ce temps-là ; et, par blasphémer contre le Saint-Esprit, blasphémer contre le divin et glorieux principe qui faisait de si grandes vertus en Jésus-Christ, et qui donnait un tel pouvoir aux hommes.

Ainsi il y a dans ce passage, premièrement, une obscurité qui fait que jamais les évangélistes ne se seraient avisés de le supposer, si en effet Jésus-Christ n’avait prononcé ces mêmes paroles ; et en second lieu, ce passage suppose incontestablement les faits miraculeux que les pharisiens attribuaient à la puissance de Béelzébut : en quoi consistait proprement le blasphème contre le Saint-Esprit.

Tout de même ce passage : Si quelqu’un ne renaît d’eau et d’esprit, a une obscurité embarrassante, parce que jamais les hommes ne s’étaient exprimés de la sorte. Il est bien difficile d’entendre le sens de ce passage ; mais il est beaucoup plus difficile encore de l’inventer ; et l’on pourrait assembler tous les docteurs qui sont au monde, qu’ils n’inventeraient rien de semblable. Surtout, il n’est point naturel que les Juifs trouvent rien de pareil, parce qu’ils n’ont point parmi eux des objets qui leur donnent toutes ces idées ; mais lorsque vous supposez le baptême de l’Esprit que reçurent les disciples de Jésus-Christ, vous n’avez plus de peine à comprendre le sens de cette expression mystérieuse et remarquable. On peut ajouter à ce passage celui qui fait mention du baptême d’Esprit et de feu.

La sagesse de Dieu a voulu de même que ceux qui nous font l’histoire de la résurrection de Jésus-Christ, nous disent des choses que nous ne comprenons point d’abord, et qui ont un sens raisonnable en effet, pour nous faire comprendre que, comme il est impossible que ces choses obscures et difficiles à entendre, qu’ils font dire à Jésus-Christ, leur soient venues dans l’esprit si Jésus-Christ ne les avait dites en effet, il ne se peut pas, par conséquent, qu’ils aient inventé ni l’histoire de la résurrection de Jésus-Christ, ni les entretiens qu’ils ont eus avec ce glorieux ressuscité ; comme, par exemple, ces paroles que Jésus-Christ dit à Marie : Ne me touche point, car je ne suis point monté à mon Père. On pourrait faire un nombre presque infini de ces remarques, lesquelles, si elles n’ont pas une évidence démonstrative, sont pourtant très propres à nous faire sentir la vérité des faits dont il s’agit ici.

Vous trouverez la bonne foi des disciples dans ce grand nombre de circonstances qui accompagnent leur récit, dont les unes sont si singulières, qu’elles ne viennent nullement dans l’esprit ; les autres paraissent si peu respectueuses pour leur Maître, ou si désavantageuses pour eux-mêmes, qu’il n’y a aucune apparence qu’ils aient voulu les inventer ; les autres sont si liées avec des événements qui devaient être fort connus, qu’ils n’auraient osé seulement avoir la pensée de les supposer contre la connaissance publique, comme nous l’avons fait voir amplement.

Mais enfin, nous ne voulons pas nous arrêter à des raisons probables, quelque probables qu’elles soient, et quelque capables quelles fussent de former une véritable démonstration, étant unies et rassemblées. Je viens donc à quelque chose de démonstratif.

Toute la démonstration de la vérité de la religion chrétienne roule sur cet argument. Les apôtres et les disciples de Jésus-Christ ont cru de bonne foi les miracles, la résurrection, l’ascension de Jésus-Christ, et l’effusion des dons de son Esprit ; donc tous ces faits sont véritables,

Nous avons prouvé invinciblement la conséquence de cet argument, en faisant voir qu’il est impossible que les disciples se soient trompés sur tous ces faits ensemble ; que, quand ils se seraient trompés sur le sujet des miracles de Jésus-Christ, ils n’ont pu se tromper sur le sujet de sa résurrection ; que, quand ils se seraient trompés sur le sujet de sa résurrection, ils n’ont pu se tromper sur le sujet de son ascension ; et que, quand ils se seraient trompés sur le sujet de son ascension, ils n’ont pu se tromper sur le sujet des dons miraculeux, qui étaient des faits d’une connaissance intime, et d’une expérience continuelle.

Je prouve le principe de cet argument, savoir, que les disciples de Jésus-Christ ont cru ces faits de bonne foi ; et je prouve par la même gradation. Je dis que les disciples n’ont pu tromper les hommes à l’égard des miracles de Jésus-Christ, non seulement parce qu’ils les attestent aux dépens de leur repos, de leur sang et de leur vie, mais aussi parce qu’ils en citent les lieux, les sujets, les temps, et généralement toutes les circonstances nécessaires à la découverte de la vérité, et qui rendent le mensonge impossible, et que d’ailleurs ils confirment ces miracles par des miracles aussi grands ou plus grands, qu’ils prétendent faire en présence de ceux à qui ils évangélisent, ne leur disant pas seulement : Ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons ouï de nos oreilles, ce que nous avons touché de nos mains (faisant allusion à ce que Jésus-Christ se fit toucher après sa résurrection) ; ce que nous avons touché de nos mains de la Parole de vie, nous vous l’annonçons ; mais encore : Lui donc a répandu ce que maintenant vous voyez et entendez : y ayant encore ceci de très remarquable en cela, c’est qu’ils prétendent que le Saint-Esprit n’est descendu dans une très grande mesure sur eux, que depuis que Jésus-Christ est glorifié. Ils font de cette vérité un article capital de leur Évangile. Le Saint-Esprit, disent-ils, n’était point encore donné, parce que Jésus-Christ n’était pas encore glorifié. Vous voyez ce qu’ils entendent par le Saint-Esprit ; non simplement la grâce de Dieu, car ils l’avaient déjà reçue dès le temps que Jésus-Christ était avec eux ; non quelque mesure des dons miraculeux, car ils l’avaient reçue certainement lorsqu’ils furent envoyés dans les divers quartiers de la Judée pour prêcher et pour faire des miracles au nom de leur Maître ; mais cette mesure extraordinaire et abondante des dons miraculeux qu’ils reçurent le jour de la Pentecôte : car, comme alors ils devaient parler à toutes les nations, ils reçurent le don de parler toutes sortes de langages, et furent baptisés et inondés de cet Esprit dont ils n’avaient reçu qu’une petite mesure ; c’est ce qu’ils appellent recevoir l’effet de la promesse ; c’est ce que chacun des évangélistes nomme être baptisés du Saint-Esprit et du feu.

Mais, quand on ne pourrait pas justifier que les disciples croient de bonne foi les miracles de Jésus-Christ, il faudrait demeurer d’accord qu’ils croient de bonne foi sa résurrection ; n’étant pas possible ni qu’ils s’accordent à la témoigner malgré tant de rudes épreuves dans un temps où ils devaient être si abattus, ni qu’ils puissent soutenir ce concert comme ils font. Je dis la même chose de l’ascension glorieuse de Jésus-Christ.

Certainement, quand la bonne foi des disciples serait suspecte sur le sujet de l’un et de l’autre de ces deux derniers événements, il ne se peut qu’elle le soit sur le sujet des dons miraculeux ; car, si les disciples de Jésus-Christ ne sont pas dans la bonne foi, ils savent donc qu’ils sont menteurs, et qu’ils ne peuvent point faire des miracles, ni parler toutes sortes de langages ; et, si cela est, il est impossible qu’ils se vantent de l’un et de l’autre, et qu’ils en fassent un article essentiel de leur Évangile : ils n’en peuvent pas avoir seulement la pensée ; mais il se peut encore moins que dans cette persuasion où ils sont qu’ils ne peuvent point faire de miracles, et qu’ils ne parlent que leur langue, ils déclarent que Dieu les a envoyés pour faire des miracles, et pour parler à tous les peuples du monde à chacun en sa langue ; et il se peut beaucoup moins encore qu’ils promettent à leurs prosélytes de leur faire faire des miracles, et de leur faire parler toutes les langues, de telle sorte qu’eux et les autres s’en apercevront sur-le-champ ; car, si les disciples savent, par leur expérience, qu’ils ne parlent point de nouveaux langages, ils voient que, par cette même expérience, leurs prosélytes sauront bien connaître qu’on leur a promis vainement et faussement de leur faire parler de nouveaux langages.

Quand un seul disciple de Jésus-Christ aurait pu extravaguer jusqu’à ce point, il est impossible que tous ensemble aient tout d’un coup et de concert extravagué de la sorte.

Mais posons encore que tous les disciples entreprennent de persuader à leurs prosélytes qu’ils leur ont conféré le don de parler de nouveaux langages, il ne se peut que ces prosélytes le croient contre l’expérience continuelle qu’ils font du contraire ; car, si les disciples savent par expérience qu’ils ne parlent pas de nouveaux langages, par cette même expérience ces prosélytes sauront qu’ils n’ont pas reçu le don de parler des langages : et si un seul pouvait se le persuader, ce qui même est impossible, il est impossible que la multitude se le persuade, et plus impossible encore que cette illusion devienne si universelle et si durable, que saint Paul la trouve non seulement établie, mais la suppose, mais entreprenne de corriger des désordres qui naissaient dans des Églises particulières à l’égard de l’usage des dons miraculeux. Mais quand les disciples de Jésus-Christ pourraient avoir la pensée de promettre des dons miraculeux, qu’ils savent bien n’avoir pas, et de faire parler des langages qu’ils n’entendent ni ne parlent eux-mêmes ; quand cette multitude de prosélytes et de disciples pourrait se persuader qu’ils entendent ce qu’ils n’entendent point, qu’ils parlent des langues qu’ils ne parlent non plus qu’avant leur vocation, contre leur expérience et contre leur sentiment, il ne se peut que ces effets, qui n’existent que dans l’imagination les uns des autres, frappent les yeux des assistants, et que les Juifs glorifient Dieu de voir l’Esprit de Dieu descendre sur les gentils. Mais, quand tout cela serait possible, il ne se peut que, si l’on éprouve cette illusion sur le don de parler des langages, on l’éprouve encore sur le don de les interpréter, encore moins sur tous les autres dons.

Après cela, je joins à cette considération celle de la patience des disciples, de leur sainteté, de leur charité, de leur zèle, de la manière dont ils parlent, de la manière dont ils agissent, de leur désintéressement, de leur sincérité et de leur naïveté, et il me semble que tous ces caractères ensemble me persuadent avec tant de lumière et d’évidence que les disciples sont dans la bonne foi, et qu’ils n’ont pas dessein de me tromper, que je ne suis plus en peine de démonstration pour en être convaincu.

Il est bon maintenant de satisfaire à quelques petites difficultés qui pourraient naître de ce qui a été dit sur les faits miraculeux.

La première difficulté consiste à savoir comment les ennemis de l’Évangile ont pu étouffer la connaissance de tant de faits extraordinaires et miraculeux, qui semblaient être capables de convertir tout le genre humain, ou du moins les pays où ces choses s’étaient passées.

Je réponds, premièrement, que ces faits n’ont été en aucune façon ni étouffés ni cachés en aucune sorte. Ils l’ont été si peu, qu’ils ont converti un nombre infini de Juifs et de gentils, et en très peu de temps. Je réponds, en second lieu, que diverses causes extérieures ont pourtant contribué à en affaiblir l’impression. Premièrement les docteurs juifs firent ce qu’ils purent pour faire accroire au peuple que ces miracles étaient l’effet de quelque magie, ou de quelque espèce de commerce avec le démon.

En second lieu, les puissances séculières étaient tellement déchaînées contre cette secte, qu’il fallait se préparer à être jeté dans un cachot, ou à monter sur un échafaud, ou même à quelque chose de plus triste et de plus funeste, quand on voulait s’attacher à Jésus-Christ. Et comme rien ne fait plus d’impression sur les hommes que les supplices, les pères défendaient à leurs enfants d’avoir aucune communication avec les chrétiens, par la crainte qu’ils avaient de les voir expirer dans les tourments, et ils se défendaient cette société à eux-mêmes avec beaucoup de sévérité. Or cet éloignement qu’on avait pour les chrétiens, faisait qu’on fermait les yeux et les oreilles pour ne point ouïr leur parole, ni voir leurs miracles.

En troisième lieu, la doctrine des apôtres choquait tellement leurs préjugés, qu’ils ne pouvaient manquer de la fuir et de la haïr. La croix de Jésus-Christ était le scandale du Juif et la folie du Grec.

Enfin la religion chrétienne abolissant la pédagogie légale et la religion païenne, un Juif ne pouvait devenir chrétien, sans renoncer à ce qu’il avait toujours regardé comme de plus inviolable ; et le païen ne pouvait croire en Jésus-Christ, sans regarder comme profane ce qu’il regardait auparavant comme de plus sacré. De là vient que l’Écriture nous parle des effets de l’Évangile accompagné de la vertu du Saint-Esprit, comme de la création de nouveaux cieux et d’une nouvelle terre.

Ajoutez à cela les soins infinis que les prêtres juifs et païens, et les magistrats de l’un et l’autre peuple prenaient d’étouffer la lumière de l’Évangile, et les faiblesses, les passions des hommes incapables seulement de soutenir par eux-mêmes l’idée des tourments qui furent inventés pour empêcher les progrès du christianisme ; et vous ne serez plus étonnés de ce qui vous a surpris d’abord.

On peut demander en second lieu pourquoi les historiens païens ne font aucune mention de ces grandes merveilles de l’Évangile, qui méritaient pourtant bien de tenir un rang considérable parmi tant d’autres événements qu’ils rapportent.

On répond que cette considération ne fait rien contre la vérité des faits que nous avons établis ; premièrement, parce qu’on ne peut tirer que des conséquences excessives de ce principe qui prouve trop. Les auteurs profanes n’ont rien dit de Jésus-Christ. A peine connaissent-ils son nom. Suétone en parle ainsi : Judæi tumultuati sunt, Chresto impulsore. S’ensuit-il de ce que Suétone ne connaît pas bien le nom de Jésus-Christ, que Jésus-Christ n’ait point été, ou qu’il ne se nommât point Christus ? Les auteurs profanes ne disent pas qu’il s’établit en très peu de temps des Églises chrétiennes à Rome, à Corinthe, à Ephèse, à Sardes, à Smyrne, à Philippes, à Thessalonique, etc. S’ensuit-il de là que tout cela n’est pas véritable ? Certainement, s’il y a quelque fait certain dans le monde, celui-ci l’est sans difficulté. Je veux que les miracles, la résurrection et l’ascension de Jésus-Christ, fussent des faits douteux, on peut dire du moins que l’établissement de ces Églises chrétiennes, composées de gens qui croient ces choses, est un fait très certain. C’est un fait qui était d’ailleurs très important et très remarquable. Cependant il n’a point été rapporté par les historiens du siècle. L’objection va donc trop loin. Elle prouve trop, et par là elle ne prouve rien.

Je dis en second lieu que les historiens du siècle ont parlé avec tant d’ignorance des affaires des Juifs, qu’il ne faut point s’étonner qu’ils paraissent peu instruits de celle des chrétiens, qu’ils regardaient comme une secte des Juifs. Car si l’on trouve que l’histoire de ces auteurs ne s’accorde pas bien avec l’Évangile des apôtres, qu’on la compare avec l’histoire de Josèphe, et on verra qu’elle ne s’accorde pas mieux avec celle-ci qu’avec l’autre.

Enfin, les auteurs païens ont regardé la religion chrétienne comme une espèce de magie et de superstition détestable qui allait à la ruine du genre humain. Il est certain que les hommes faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour en donner cette idée aux hommes du temps des apôtres, et longtemps après eux, et qu’il était dangereux de parler autrement. Tout le monde était ami ou ennemi des chrétiens. Les amis des chrétiens ont été chrétiens eux-mêmes ; et ceux-ci ont parlé et écrit ce qu’ils savaient des merveilles du christianisme. Les autres n’auraient ni pu, ni voulu, ni osé écrire comme ceux-ci. Ils ne l’auraient point voulu de peur de faire tort à leur parti, et de déshonorer leur religion. Ils ne l’auraient pu, parce qu’ils étaient eux-mêmes mal instruits des merveilles du christianisme, ayant toujours craint la société des chrétiens, et regardé comme une persuasion bien triste et bien dangereuse la foi de ces hommes, qui ne gagnaient à professer leur religion, que les supplices et que la mort. Enfin ils n’auraient osé écrire les choses comme elles étaient, quand ils les auraient sues, parce que sur leurs propres écrits on les aurait accusés d’être chrétiens, crime qui était puni si rigoureusement en ce temps-là, et qui ne pouvait pas manquer d’attirer ou leur perte particulière, ou, s’ils étaient déjà morts, la honte ou l’opprobre de leur famille.

On demande en troisième lieu pourquoi les apôtres, ayant la vertu de guérir les malades et de ressusciter les morts, n’ont et ressuscité tous les morts et guéri tous les malades qui étaient dans la Judée, parce qu’alors tout le monde aurait été obligé, malgré qu’on en eût, de croire en Jésus-Christ. On répond que cette demande est toute semblable à celle que les meurtriers de Jésus-Christ faisaient lorsqu’ils le crucifiaient : Il a sauvé les autres, disaient-ils, que ne se sauve-t-il lui-même, et nous croirons en lui ? et toute pareille à celle que nous ferait quelqu’un, s’il nous disait : Pourquoi, s’il y a un Dieu, ne se fait-il pas voir et connaître sensiblement, en parlant d’une voix claire et immédiate du haut des cieux ? et alors tous les hommes seraient obligés de le connaître malgré eux.

C’est que Dieu ne veut point être connu malgré nous, et qu’ainsi il faut qu’il se manifeste, non comme il plaît à nos passions, mais comme il plaît à sa sagesse. Si Jésus-Christ ou les apôtres avaient ressuscité tous les morts, la foi se serait changée en vue, et Dieu n’aurait pas réussi dans le dessein qu’il a de nous conduire par la foi. Il suffit que Jésus-Christ et les apôtres ont guéri un nombre presque infini de malades, et ressuscité non pas un mort, mais plusieurs morts. Il fallait cela pour confirmer la vérité de leur vocation. Cela était nécessaire, puisqu’il ne s’agissait pas de moins que de faire recevoir un crucifié, et de le faire adorer comme le Fils de Dieu, et d’obliger les hommes à courir au martyre. Mais il n’en fallait pas davantage, puisqu’il ne s’agissait pas de changer l’économie de la foi, mais de la perfectionner ; ni d’obliger les hommes à croire malgré eux, mais de les obliger à croire conformément à leurs lumières.

Mais je veux que toutes ces difficultés soient en effet plus grandes qu’elles ne le sont ; on doit régler des opinions spéculatives par des preuves de faits, et non pas régler les preuves de fait par des opinions spéculatives. Et cette vérité est une maxime générale qui a lieu sur toutes les choses du monde.

Il y avait d’assez grandes difficultés à reconnaître qu’il y eût des antipodes. Les uns prétendaient que cela choquait le bon sens, et les autres prétendaient que cela ne s’accordait point avec les principes de la religion. On faisait et des difficultés et des objections considérables contre cette opinion. Mais quand la preuve de fait est venue, on s’est moqué de ces objections et de ces difficultés.

Quelques philosophes font voir par leur raisonnement, que le mouvement est impossible ; mais comme c’est un fait d’expérience qu’il y a un mouvement, on laisse dire ces philosophes, et on en croit ce qu’on en voit.

Et je dirai, sans craindre d’en trop dire, qu’il n’y a jamais eu de faits, et qu’il n’y en aura point, sur lesquels on n’ait pu former des difficultés de spéculation assez spécieuses et assez considérables. On en fait sur le flux et reflux de la mer, sur l’attraction de l’aimant par le fer, sur la source du Nil, sur les météores, sur les peuplades et la propagation du genre humain. Nous convenons avec les incrédules qu’on peut faire des difficultés, et de grandes difficultés sur les mystères de la religion, comme l’on en fait qui ne sont pas moins considérables sur les mystères de la nature. Mais je soutiens qu’il faut renoncer au sens commun, pour préférer des difficultés de spéculation à des preuves de fait.

Quand nous ne ferions que raisonner sur la nature des choses, et sur les principes de la religion naturelle, nous trouverions que, faisant comparaison de nos lumières et de nos difficultés, les premières l’emporteraient de beaucoup sur les autres ; et c’est une vérité que nous croyons avoir très bien prouvée dans la première partie de cet ouvrage. Mais, quand nous ne trouverions que des difficultés sans lumières dans ces principes naturels, il faudrait faire céder ces doutes de spéculation aux sentiments des preuves de fait, à moins qu’on ne veuille faire ici une chose qui est sans exemple et tout à fait contraire au sens commun.

Mais après avoir fait connaître la vérité de ces faits essentiels, qui sont contenus dans les écrits des apôtres, il ne nous reste qu’à les faire sentir par des remarques abrégées que nous ferons sur divers endroits du Nouveau Testament, et qui se rapporteront toutes ou à nous persuader que les apôtres ont véritablement enseigné ces faits miraculeux, ou à nous montrer qu’ils ont été persuadés de bonne foi des choses qu’ils annonçaient, ou à nous faire voir qu’ils n’ont pu se tromper sur ces faits. Car ces trois principes forment la démonstration de la vérité du christianisme.

Réflexion sur l’Évangile selon saint Matthieu.

Matthieu 2.1 : Or, Jésus étant né en Béthléem, voici venir des mages, etc. Ces mages sont les prémices des nations qui viennent rendre hommage à Jésus-Christ. Les docteurs juifs consultés reconnaissent que le Messie doit naître à Bethléem, et sont dans un autre sentiment que les Juifs de nos jours, qui détournent l’oracle de Michée, ch. 5, à un autre sens. Au reste cette histoire de la venue des mages ne peut être inventée : 1° parce qu’elle a un admirable rapport avec l’oracle de Balaam, lorsque ce dernier s’écrie : Je le vois mais non pas maintenant ; je le regarde mais non pas de près : une étoile est procédée de Jacob, et un sceptre s’est élevé d’Israël ; étoile des mages, sceptre de Jésus-Christ. 2° Les évangélistes ne pouvaient pas faire accroire à toute la ville de Jérusalem qu’elle avait été troublée par la venue de ces mages ; et moins encore pouvait-on persuader contre la notoriété publique qu’Hérode eût fait une si barbare effusion de sang innocent. 3° Il faut bien qu’on lui ait répondu que c’était en Bethléem que le Christ ou le Messie devait naître, puisque c’est là qu’il envoie les ministres de sa fureur. 4° Joseph se sauve en Egypte ; il craint de retourner en Judée, ayant ouï qu’Archélaüs régnait en la place de son père ; circonstance qui se rapporte très bien avec toutes les autres.

Matthieu 3.1 : Or, en ce temps-là vint Jean-Baptiste. Jean prédit ici la ruine des Juifs en ces termes : Race de vipères, qui vous a appris à fuir l’ire qui est à venir ? Or, la hache est déjà mise à la racine des arbres : c’est pourquoi tout arbre qui ne porte pas de bon fruit s’en va être coupé et jeté au feu, etc. Jean prédit l’effusion du Saint-Esprit sur les apôtres, lorsqu’il parle ainsi : Il est vrai que pour moi je vous baptise d’eau en repentance ; mais celui qui vient après moi est plus fort que moi, etc., pour lui il vous baptisera du Saint-Esprit et de feu. Enfin, Jean vit le Saint-Esprit descendre sur Jésus-Christ sous une forme qui marquait le caractère de douceur et de débonnaireté dont sa vie serait marquée, et il entendit cette voix du ciel : Celui-ci est mon fils, etc. Trois faits qui ont une liaison nécessaire avec les principes de la religion, s’ils sont véritables, comme ils paraîtront à tous ceux qui considéreront la chose d’assez près. En vain soupçonnera-t-on l’évangéliste d’avoir inventé cette prédiction de la ruine de Jérusalem, qu’il met en la bouche de Jésus-Christ, puisque cet Évangile a été écrit avant cet événement. En vain feindra-t-on que la prédiction du baptême du Saint-Esprit et de feu a été ajoutée à l’histoire de Jean-Baptiste. Car comment les disciples l’auraient-ils mise en la bouche de Jean-Baptiste, s’ils n’avaient rien vu d’approchant ? Ou si, en effet, ils ont été baptisés du Saint-Esprit et de feu, pourquoi refusera-t-on de croire que Jean-Baptiste l’a prédit ?

Matthieu 4.1 : Alors Jésus fut amené par l’Esprit au désert, etc. Si les évangélistes suivaient une autre règle que la vérité dans leurs écrits, ils n’auraient jamais mis Jésus-Christ entre les mains du Diable, qui le transporte tantôt sur les créneaux du temple, et tantôt sur une haute montagne. Nous trouvons ici une marque incontestable de leur sincérité.

Matthieu 4.19 : Et il leur dit : Venez après moi, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. Qui est celui-ci qui, sans richesses, sans armes, sans autorité, et sans aucun secours humain, veut changer les pécheurs de poissons en pêcheurs d’hommes ? Qui lui a mis au cœur cette pensée ? Quel dessein ! quelle entreprise ! quelle confiance avec tant de faiblesse, pour prédire et pour exécuter ce projet ! Il faut que Jésus-Christ soit le maître de ses disciples, pour les changer miraculeusement ; maître de leur esprit, pour l’éclairer ; maître de leur cœur, pour le détacher des objets du monde ; maître de l’avenir, pour le prédire ; maître du présent, pour en disposer ; maître des inclinations des hommes qui doivent être pris ; maître de leur résistance et des obstacles qu’ils doivent opposer de leur part ; maître des ennemis de son nom maître des événements et des conjonctures.

Matthieu 4.24 : Alors sa renommée courut par toute la Syrie. Les évangélistes n’ont pu faire accroire que Jésus-Christ s’était rendu célèbre par des miracles, si en effet il n’en a fait ni prétendu faire aucun. Ajoutez à cela que Jésus-Christ est distingué de Jean-Baptiste, en ce que l’un a fait plusieurs vertus éclatantes, et que l’autre ne s’est distingué que par la pureté de ses mœurs. Que si Jésus-Christ a passé pour faire des miracles, il ne s’agit plus que de savoir si ces miracles sont vrais ou faux ; ce qui dépend de l’examen des témoins qui les ont vus, de la nature des faits, des ennemis qui se sont opposés, etc.

Matthieu 5.1 : Or, Jésus voyant les troupes, monta sur une montagne. Et ayant ouvert sa bouche, il les enseignait. Je ne dis rien de ce sermon excellent que Jésus-Christ fit sur la montagne. Il faut le lire, et demeurer d’accord ensuite que c’est un abrégé de tout ce qui fut jamais conçu de plus saint, de plus pur, de plus spirituel, de plus désintéressé, de plus surprenant et de plus sublime. Lisez-le, et vous serez étonné de sa doctrine aussi bien que les troupes.

Matthieu 8.1 : Et quand il fut descendu de la montagne, etc. Vous trouvez dans ce chapitre les lépreux nettoyés, les malades, absents et éloignés de lui, guéris par sa parole, les orages de la mer apaisés, les démoniaques délivrés, et les Gadaréniens consternés par la perte de leurs troupeaux, et surpris de voir les démoniaques guéris, qui sont tous des faits qu’on ne pouvait avoir fait accroire aux évangélistes par illusion, et que les disciples n’ont pu faire accroire contre la notoriété publique.

Matthieu 8.11 : Mais je vous dis que plusieurs viendront d’Orient et d’Occident. Qui est-ce qui a éclairé l’esprit de Jésus-Christ, pour lui faire prédire la vocation des gentils ?

Matthieu 8.22 : Et Jésus lui dit : Suis-moi, et laisse les morts ensevelir leurs morts. Cette expression est d’un homme qui a profondément médité sur la vanité des choses humaines, et qui est parfaitement persuadé de la misère et de la corruption des hommes. Jamais homme avait-il parlé de cette manière ?

Matthieu 8.34 : Et voici toute la ville sortit au-devant de Jésus ; et l’ayant vu, le prièrent qu’il se retirât, etc. Voilà un assez bon nombre de témoins qui pouvaient démentir les évangélistes, si ce fait n’eût pas été véritable.

Matthieu 9.1 : Alors étant entré dans la nacelle, etc. Dans ce chapitre Jésus-Christ arrache Matthieu du lieu de son péage, guérit une femme malade d’une perte de sang depuis douze ans, rend la vue à deux aveugles, ressuscite une petite fille, délivre un démoniaque. Matthieu, qui est celui qui fait l’histoire de ces choses, et qu’aucun intérêt n’obligeait à suivre Jésus-Christ, au préjudice de son repos, ne pouvait ignorer la force qui l’avait obligé à suivre Jésus-Christ. Jaïrus savait si sa fille avait été ressuscitée ; ses parents en étaient instruits ; les voisins et les joueurs d’instruments, qui étaient déjà venus pour honorer ses funérailles, ne l’ignoraient pas. Les aveugles et les malades de la ville devaient avoir éprouvé cette vertu salutaire qui sortait même de ses habits. Comment tant de personnes auraient-elles dû savoir la vérité de la chose sans que les disciples aient eux-mêmes su ce qui en était ? Ou comment, sachant le fait, auront-ils pu s’accorder à tromper l’univers à leurs dépens, et contre leurs intérêts temporels ?

Matthieu 9.5 : Car lequel est le plus aisé de dire : Tes péchés te sont pardonnés, ou de dire, Lève-loi, et marche ? Il n’y a rien de suspect dans le procédé d’un homme qui prouve par des miracles sensibles et salutaires l’autorité qu’il s’attribue.

Matthieu 9.13 : Mais allez, et apprenez ce que c’est : je veux miséricorde, et non point sacrifice. Le culte spirituel est le seul que Dieu puisse agréer. Les cérémonies de Moïse ne lui étaient agréables que parce qu’elles étaient fondées sur l’obéissance qui est due à Dieu. Cette obéissance tire toute sa perfection de la charité : car ce n’est pas en obéissant par contrainte et par force qu’on est agréable à Dieu. Ce qu’il y a de plus excellent dans la charité, c’est la miséricorde, qui pardonne les outrages, et fait du bien sans attendre du retour. Car on peut faire du bien par principe de vaine gloire, mais les œuvres de la miséricorde ont un motif noble et désintéressé ; la miséricorde est donc tout ce qu’il y a d’agréable à Dieu dans la religion. L’Écriture nous l’enseigne, la raison nous l’apprend ; mais cette vérité était si profondément ignorée lorsque Jésus-Christ est venu la prendre pour maxime fondamentale de sa religion, que rien n’est plus surprenant que le langage que Jésus-Christ tint à cet égard.

Je ne suis point venu appeler les justes, mais les pécheurs à repentance. Deux mots qui foudroient l’hypocrisie, anéantissent la fausse confiance, humilient l’homme, glorifient la miséricorde de Dieu, vous font comprendre la nécessité et l’utilité de la repentance, et vous font voir le désintéressement de Jésus-Christ.

Matthieu 10.1 : Alors, ayant appelé à soi ses douze disciples, il leur donna pouvoir, etc. L’évangéliste ne craint point de s’exposer à la contradiction de ces douze disciples du Seigneur, qu’il nomme, lorsqu’il dit que Jésus-Christ leur avait donné le pouvoir de guérir toutes sortes de maladies entre le peuple.

Matthieu 10.5 : Jésus envoya ces douze-là, et leur commanda, disant : N’allez point vers les gentils, etc., mais plutôt allez aux brebis péries de ta maison d’Israël. Voilà qui éloigne le soupçon que les incrédules pourraient concevoir, que l’auteur de cet Évangile a voulu favoriser les nations au préjudice des Juifs.

Matthieu 10.7 : Et quand vous serez partis, prêchez, disant : Le royaume des cieux est approché. Jésus-Christ était-il en état de se faire reconnaître pour le monarque qui devait venir, s’il n’eût pas été revêtu d’une puissance infinie ?

Matthieu 10.8 : Guérissez les malades, nettoyez les lépreux, ressuscitez les morts, jetez hors les diables ; vous l’avez reçu pour néant, donnez-le pour néant. Comment Jésus-Christ pouvait-il faire accroire à ses disciples qu’ils avaient reçu pour néant ce qu’ils n’avaient reçu en aucune sorte ? Quelle hardie énumération est celle-là !

Matthieu 10.9 : Ne faites point provision ni d’or, nid’argent, ni monnaies en vos ceintures, ni de mallette pour le chemin, etc. Ce n’est pas assez que Jésus-Christ choisisse pour ses disciples des pauvres, il les oblige à se rendre plus pauvres qu’ils n’étaient. Il ne veut point qu’ils fassent des provisions ; sa providence veut les nourrir miraculeusement, et son esprit tirera du cœur de ceux qui croiront à leur parole leur nourriture et leur vêtement. C’est bien là parler en Maître de la nature.

Matthieu 10.22 : Et vous serez haïs de tous à cause de mon nom. Jésus-Christ ne flatte point ses disciples. Il leur prédit tous les maux qui les attendent, et même au commencement de leur ministère : qu’y a-t-il de suspect ?

Matthieu 10.23 : Or, quand ils vous persécuteront en cette ville, fuyez en une autre. Car je vous dis en vérité, que vous n’aurez point achevé d’aller par toutes les villes d’Israël, que le Fils de l’homme ne soit venu. Ce texte est difficile, parce qu’il ne paraît pas que la prophétie qu’il contient ait eu son accomplissement. Mais cette difficulté même sert à confirmer notre foi. Car pourquoi cet évangéliste écrit-il cela, lui qui avait vu le succès de cette affaire ? Il savait que de son temps l’Évangile avait été prêché non seulement dans toutes les villes d’Israël, mais dans presque toutes les contrées du monde, sans néanmoins que Jésus-Christ fût venu dans sa gloire. C’est qu’il récite les choses comme elles sont, et n’attribue à son divin Maître que précisément le langage qu’il a tenu. Au reste, bien que par la venue de Jésus-Christ les écrivains sacrés entendent pour l’ordinaire la dernière venue de Jésus-Christ, en gloire, cette expression signifie aussi quelquefois les jugements que Dieu exerça sur les Juifs, lorsqu’il envoya les Romains contre leur ville ; ce qui résout la difficulté.

Matthieu 10.34 : Ne pensez pas que je sois venu mettre la paix en la terre : je n’y suis point venu mettre la paix, mais l’épée. Terrible déclaration pour des gens qui, selon l’erreur commune des Juifs, s’imaginaient que le Messie devait s’élever au comble du bonheur et de la prospérité temporelle ! Mais qui est celui qui ose prédire que son Évangile troublera la paix de l’univers ? Que ne prévoit-il plutôt que cet Évangile tombera dans les ténèbres du silence et de l’oubli, ayant de si faibles défenseurs, et des adversaires si redoutables ? Est-il naturel qu’un homme qui habite les rives du lac de Génézareth prétende soulever les hommes les uns contre les autres, sans armées, sans richesses, sans autorité, mais simplement par sa parole, encore que dans ses commencements il se trouve seulement à la tête de dix ou douze misérables qui ne savent que raccommoder leurs filets ?

Matthieu 10.38 : Et qui ne prend sa croix et ne vient après moi, n’est pas digne de moi. Jamais homme s’attira-t-il des disciples par de semblables déclarations ?

Matthieu 11.4-5 : Et Jésus répondant, leur dit : Allez, et rapportez à Jean les choses que vous entendez et que vous voyez : les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont nettoyés, les sourds entendent, les morts sont ressuscités, l’Évangile est annoncé aux pauvres. Jésus-Christ ne convainc pas ses disciples par des spéculations, mais par des choses qu’il leur fait voir et toucher.

Matthieu 11.12 : Or, depuis les jours de Jean-Baptiste, le royaume des cieux est forcé, et les violents le ravissent. Jamais un homme dans la bassesse et dans la misère parla-t-il de cette manière ? D’où lui vient cette confiance ? Quel est ce langage ?

Matthieu 11.21 : Malheur sur toi, Corazin, etc. Quelle apparence que Jésus-Christ eût fait ce reproche aux Juifs qui habitaient ces contrées, si en effet il n’eût fait aucun miracle au milieu d’eux ?

Matthieu 11.28 : Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés, etc. Il s’est formé bien des sociétés dans le monde depuis sa naissance ; mais il ne s’en forma jamais une comme celle-ci ; et l’on ne vit jamais personne assembler les pécheurs repentants et chargés par le sentiment de leurs crimes.

Matthieu 12.13 : Alors il dit à cet homme : Etends ta main, et il l’étendit, etc. Comment Jésus-Christ pouvait-il imposer à ceux qui étaient là présents sur un fait si sensible ? ou comment l’évangéliste aurait-il choisi de telles choses pour les faire croire contre la connaissance que tant de personnes en avaient ?

Matthieu 12.15 : Et grandes troupes le suivirent, et il les guérit tous. Voilà bien des témoins.

Matthieu 12.24 : Mais les pharisiens disaient : Celui-ci ne jette hors les diables, si ce n’est par Béelzébut, prince des diables, etc. Cette accusation est un hommage forcé que ces faux docteurs font à Jésus-Christ. En disant qu’il fait des miracles par Béelzébut, ils reconnaissent qu’il en fait.

Matthieu 12.50 : Car tout homme qui fera la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère. Les hommes ordinaires n’ont point d’autre règle ni d’autre principe de leurs affections, que l’amour qu’ils ont pour eux-mêmes. Ils se cherchent, pour ainsi dire, dans les autres objets. Ils n’aiment dans le prochain que la proximité qui les lie avec eux. Ils ont plus ou moins de tendresse pour les personnes, selon qu’elles leur sont plus ou moins proches ; parce que l’amour d’eux-mêmes mesure et fait naître leurs autres affections. Celui-ci, par un prodige étonnant, aime ou hait les objets, non par rapport à soi-même, mais par rapport à Dieu. L’amour de Dieu est la règle de ses affections. Il cherche Dieu, et ne se cherche point soi-même. Il aime les personnes, non à mesure qu’elles lui appartiennent par la proximité de la nature, mais à mesure qu’elles se rapportent à Dieu par un effet de la grâce. Quelle sublimité ! quelle élévation qui est ici renfermée dans un mot !

Matthieu 13.16 : Or, vos yeux sont bienheureux, etc. Quand on parle de cette manière, on a l’esprit bien plein et bien persuadé ; et ce n’est qu’un cœur qui tressaillit par la considération d’un grand objet, qui peut s’exprimer ainsi.

Matthieu 12.31-32 : Le royaume des cieux est semblable à un grain de semence de moutarde, que quelqu’un a pris et semé en son champ, qui est bien la plus petite de toutes les semences ; mais quand il a crû, il est plus grand que les autres herbes, et devient arbre, tellement que les oiseaux du ciel viennent, et font leurs nids dans ses branches. Les progrès du christianisme, qui a eu de si faibles commencements, sont admirables, et la prédiction est surprenante.

Matthieu 14.21 : Or, ceux qui avaient mangé étaient environ cinq mille hommes, etc. Voilà cinq mille témoins.

Matthieu 14.36 : Et tous ceux qui le touchèrent furent guéris. Il était facile de réfuter l’Évangile, et de convaincre d’imposture ceux qui annonçaient de pareilles choses, si l’on n’eût craint d’en faire la recherche, et d’y trouver la vérité.

Matthieu 15.30 : Alors de grandes troupes vinrent à lui, ayant avec eux des boiteux, des aveugles, des muets, des manchots, et plusieurs autres, et il les guérit : tellement que les troupes s’étonnaient, voyant les muets parler, les manchots être sains, les boiteux marcher, et les aveugles voir, et glorifiaient Dieu qui avait donné un tel pouvoir aux hommes. Saint Matthieu a-t-il pu se tromper, étant le témoin oculaire de ces choses ? Ou n’a-t-il quitté le lieu de son péage, et embrassé la pauvreté et la misère, que pour nous faire accroire des fables ? Ose-t-il dire des choses qui seront contredites par une infinité de témoins ? Ne craint-il point qu’on en fasse enquête sur les lieux ? N’a-t-il pas honte d’écrire de pareilles choses dans un temps où la mémoire en doit être toute fraîche ? Comment persuadera-t-il ses confrères qui ont été les témoins de ces événements ? Voudront-ils bien soutenir la même imposture ? Et sans écrire de concert, s’accorderont-ils à la rapporter, et inventeront-ils le mensonge le plus impudent qui fût jamais, pour obliger les hommes à être fidèles, saints et justes ? Credat Judæus Appella.a

Matthieu 16.18 : Et les portes d’enfer ne prévaudront point contre elle. Toutes les puissances de l’univers se sont soulevées contre l’Église, toutes les passions lui ont fait la guerre, tous les siècles lui ont apporté de nouvelles épreuves, tous les supplices ont exercé la patience de ses enfants, tous les appas du monde lui ont été proposés pour la séduire ; et malgré toutes ces puissances, cette Église, qui est la société des personnes qui renoncent au monde, s’est conservée et souvent accrue par ses propres défaites. Il fallait que cela fût, il l’a prédit.

Matthieu 16.23 : Mais lui s’étant retourné, dit à Pierre : Va arrière de moi, Satan, car tu ne comprends point les choses qui sont de Dieu, mais les choses qui sont des hommes. Pourquoi saint Matthieu, après avoir représenté Pierre faisant une si belle confession à son Maître, et recevant de son Maître un témoignage si avantageux, nous le représente-t-il foudroyé par ces terribles paroles ? Cette inégalité est-elle naturelle aux personnes qui inventent ce qu’elles écrivent ? Quel est le mystère de cette grande sévérité de Jésus-Christ ?

Matthieu 16.28 : En vérité, je vous dis qu’il y a quelques-uns qui sont ici qui ne goûteront point la mort jusqu’à ce qu’ils aient vu le Fils de l’Homme venir en son règne. Laissant aux interprètes à résoudre les difficultés de ce texte, et à décider si ce n’est pas des jugements que Jésus-Christ exerça sur la ville de Jérusalem qu’il est parlé en cet endroit, comme d’une venue, nous en tirons cette conséquence, que cet Évangile a été écrit du vivant des disciples. Car comment, après la mort des disciples, aurait-on écrit ces paroles sans les expliquer ?

Matthieu 17.2 : Et il fut transfiguré en leur présence. Jamais événement ne fut plus singulier que celui-ci dans toutes ses circonstances, et jamais événement ne tomba moins dans l’imagination.

Matthieu 17.4 : Et Pierre prenant la parole, dit à Jésus : Il est bon que nous soyons ici, faisons-y trois tabernacles. Quelle profonde stupidité ! Et combien des gens qui étaient naturellement si grossiers, étaient-ils peu en état de concevoir le dessein d’en faire accroire aux autres ! D’ailleurs, pourquoi saint Matthieu rapporte-t-il cette circonstance ? Quel honneur fait-elle à Pierre ? Comment lui est-elle venue dans l’esprit ?

Matthieu 17.15 : Et je l’ai présenté à tes disciples, mais ils ne l’ont pu guérir. Il y a en cela de la sincérité. Personne n’obligeait saint Matthieu à rapporter cette circonstance, ni à lui faire reconnaître les défauts et l’incrédulité d’une compagnie dont il était.

Matthieu 18.3 : En vérité, je vous dis que si vous n’êtes changés, et ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez point au royaume des cieux. Que les enfants soient simples, personne n’en doit être surpris ; c’est un défaut de connaissance et un effet de l’âge ; mais qu’il faille que les hommes reviennent de ce raffinement mondain, et de cette habileté criminelle qu’on voit en eux, à un état d’une sainte et aimable simplicité ; qu’ils soient prudents et simples, éclairés et justes, c’est ce que les hommes ne connaissent guère, et qui nous fait connaître la grandeur et l’élévation de ce docteur, qui donne aux hommes des préceptes si hauts et si sublimes.

Matthieu 18.4 : C’est pourquoi tout homme qui se sera humilié, et se sera rendu semblable à ce petit enfant, c’est celui-là qui est le plus grand au royaume des cieux. Quelles idées, si éloignées des idées ordinaires ! Que le royaume des cieux est différent des empires temporels ! et que toutes ces maximes si surprenantes paraissent peu venir de l’esprit humain !

Matthieu 18.9 : Et si son œil te fait manquer, arrache-le. Les yeux sont le symbole de tout ce que nous avons de plus cher : Jésus-Christ nous apprend que nous n’avons rien de si précieux que nous ne devions sacrifier à la gloire de Dieu. Jamais docteur flatta-t-il moins que celui-ci ?

Matthieu 18.22 : Je ne te dis point jusqu’à sept fois, mais jusqu’à sept fois septante fois. C’est un nombre certain pour un incertain. Cela veut dire qu’il faut toujours pardonner ; que la miséricorde n’a point de mesure, et que la charité doit être sans bornes. A ce soin de réunir les cœurs, et de faire cesser toute sorte de mésintelligence entre les hommes, en donnant une telle étendue à la charité et à la miséricorde, ne reconnaissez-vous point le Maître des cœurs, et le Père de tous les hommes ?

Matthieu 21.43 : C’est pourquoi je vous dis que le royaume de Dieu vous sera ôté, et donné à une autre nation. Voilà une prédiction bien expresse de la vocation des gentils.

Matthieu 21.46 : Et cherchant de le saisir, ils craignirent les troupes, parce qu’on le tenait pour prophète. Qu’est-ce que Jésus-Christ avait de remarquable pour passer pour prophète, si ce n’est l’efficace de sa doctrine, et les miracles par lesquels il la confirmait ?

Matthieu 23.36-37 : En vérité, je vous dis que toutes ces choses arriveront sur cette génération, Jérusalem ! Jérusalem ! qui tue, etc. Il marque avec beaucoup de clarté la ruine de Jérusalem.

Matthieu 24.28 : Car là où sera le corps mort, là s’assembleront les aigles. Jésus-Christ est le corps mort. Les étendards des Romains sont ces aigles qui devaient fondre sur Jérusalem, où était le corps mort.

Matthieu 24.34 : En vérité, je vous dis que cette génération ne passera point sans que toutes ces choses soient faites. Il faut faire en cet endroit les mêmes réflexions que nous avons faites ci-dessus.

Matthieu 26.13 : En vérité, je vous dis qu’en quelque endroit du monde que soit prêché cet Évangile, cela aussi qu’elle a fait sera récité en mémoire d’elle. Prophétie accomplie.

Matthieu 26.28 : Car ceci est mon sang, le sang du Nouveau Testament, lequel est répandu pour plusieurs en rémission des péchés. Jamais homme fit-il une action si extraordinaire, et tint-il un langage si surprenant ? Où sont ceux qui, non seulement prédisent leurs souffrances, mais même qui établissent par avance des mémoriaux d’une mort qu’ils pourraient éviter ? Et quel autre homme a jamais prétendu verser son sang pour la rémission des péchés du genre humain ?

Matthieu 26.38-39 : Alors il leur dit : Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort, etc. Et s’en allant un peu plus outre, il se jeta en terre sur sa face, priant et disant : Mon père, s’il est possible, que cette coupe passe arrière de moi. On n’est point en peine d’expliquer cette tristesse et cette agonie de Jésus-Christ ; et néanmoins il faut avouer qu’elle présente d’abord à l’esprit un objet assez surprenant, et qu’on ne saurait concevoir que des gens qui inventent des choses favorables à Jésus-Christ, fassent ce portrait de ses souffrances. Nous trouvons du moins ici la sincérité des disciples ; et cette sincérité nous fait voir que nous devons recevoir sans scrupule les autres faits qu’ils rapportent.

Matthieu 27.42 : Il a sauvé les autres, il ne se peut sauver soi-même. S’il est le roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui. Vous voyez que Jésus-Christ passait pour avoir fait des miracles.

Matthieu 27.45 : Mais depuis six heures il y eut ténèbres sur tout le pays jusqu’à neuf heures. Le moyen de faire accroire une pareille chose ?

Matthieu 27.51-53 : Et voilà le voile du temple se fendit en deux depuis le haut jusqu’au bas, et la terre trembla, et les pierres se fendirent, etc. Comment saint Matthieu peut-il faire accroire toutes ces choses contre la connaissance publique ? Le voile du temple s’est-il déchiré ? les pierres se sont-elles fendues ? la terre a-t-elle tremblé ? et les sépulcres se sont-ils ouverts sans que les Juifs en sachent quelque chose ? A qui va-t-il conter toutes ces choses ? Il écrit avant la ruine de Jérusalem ; il écrit même pendant la vie des apôtres ; il écrit dans un temps où il y avait par conséquent plus de cent mille témoins des choses qu’il écrit : comment aurait-il seulement pu concevoir le dessein de tromper, à cet égard, tant de témoins intéressés, auxquels il prêche, qu’il veut attirer dans son parti, dont une partie a embrassé l’Évangile, et forme une Église nombreuse et considérable à Jérusalem, où ces choses se sont passées, et où il prétend aussi persuader ces choses ?

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