Le voyage du Pèlerin

13. Chrétien et Fidèle arrivent à la Foire aux Vanités. Fidèle subit le martyre.

Je vis ensuite, dans mon rêve, que les pèlerins sortirent du désert et aperçurent devant eux une ville nommée la Ville de Vanité. Là se tient une foire qui dure toute l'année et que l'on nomme la Foire aux Vanités, parce que la ville où on la tient est plus légère que la vanité même, et que tout ce qui s'y apporte ou s'y vend n'est que vanité, selon la parole du Sage :

« Vanité des vanités, tout est vanité. » (Ecclésiaste 1.2 ; 2.11-17)

Cette foire date d'une époque très ancienne, et je vais vous en raconter l'origine. Il y a quelques milliers d'années, des pèlerins voyageaient, se rendant à la Cité céleste, comme Chrétien et Fidèle. Niais Beelzébub, Apollyon, Légion et leurs compagnons, s'étant aperçus que le chemin qu'ils devaient suivre traversait la Ville de Vanité, ils décidèrent d'y établir une foire où toutes espèces de vanités seraient exposées et mises en vente, et de la faire durer toute l'année.

On y vend des maisons, des jardins, des commerces, des places, des honneurs, des dignités, des titres, des seigneuries, des royaumes, des voluptés, des plaisirs, des divertissements de toutes espèces, des prostituées, des femmes, des maris, des enfants, des maîtres, des serviteurs, des vies, du sang, de l'argent, de l'or, des perles, des pierres précieuses et beaucoup d'autres choses encore.

On peut y voir en tout temps des jongleries, des tromperies, des jeux, des spectacles, des folies, des singeries, des vilenies et autres choses semblables.

On y peut voir encore, sans payer, des voleurs, des meurtriers, des adultères, des parjures de toutes les sortes.

Et comme dans les foires les plus renommées, il y a diverses rues qui portent le nom de l'endroit d'où proviennent les marchandises que l'on y vend ; ainsi la cour d'Angleterre, la cour de France, celles d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, etc., dans chacune desquelles on peut trouver des vanités particulières à ces pays.

Ainsi que dans d'autres foires de moindre importance, les marchandises les plus recherchées sont les articles venus de Rome ; mais la nation anglaise et d'autres peuples n'ont pas grande affection pour ces articles-là.

Comme je l'ai dit, le chemin qui conduit à la Cité céleste traverse la ville où se tient cette foire, de telle sorte que celui qui voudrait se rendre à la Cité céleste sans passer par la Ville de Vanité devrait « sortir de ce monde. » (1 Corinthiens 5.10 ; Jean 17.15)


Les Pèlerins devaient traverser cette foire.

Le Roi des rois lui-même, quand il vint sur la terre, traversa cette ville pour se rendre dans son pays. Beelzébub, le chef de la foire, l'invita à acheter quelques-unes de ses vanités ; il lui offrit même de le faire Seigneur de la foire s'il voulait seulement lui rendre hommage en traversant la ville. Beelzébub conduisit ce Prince Tout-Puissant de place en place, et lui montra tous les royaumes du monde en peu de temps, afin de l'engager, si possible, à marchander et à acheter quelques-unes de ses vanités. Mais le Prince n'avait aucune envie de ces choses, aussi quitta-t-il la ville sans avoir donné un centime pour aucune d'entre elles. Cette foire remonte donc à des temps très reculés, et elle est considérable.

Nos pèlerins devaient, comme je l'ai dit, la traverser. Dès qu'ils y furent entrés, il y eut tumulte dans la foule et dans toute la ville. On peut l'attribuer à plusieurs raisons.

  1. Ces pèlerins étaient vêtus d'habits fort différents de ceux des gens de la foire. Ils attirèrent ainsi les regards de tout le monde. Les uns disaient : « Ce sontdes fous ! » d'autres : « Ce sont des étrangers ! »
  2. Autant on s'étonnait de leurs vêtements, autant on trouvait leur langage extraordinaire ; très peu de personnes comprenaient ce qu'ils disaient parce que les pèlerins parlaient le langage de Canaan, et les autres le langage du monde, en sorte que d'un bout de la ville à l'autre, ils étaient étrangers les uns aux autres.
  3. Mais ce qui excitait le plus, contre eux, les gens de la foire, c'était le peu de cas que ces pèlerins faisaient de toutes leurs vanités ; ils ne les estimaient pas même dignes d'un regard. Lorsqu'on leur demandait d'acheter quelque chose, ils se bouchaient les oreilles, en criant : « Détourne mes yeux de la vue des choses vaines! » (Psaumes 119.37) et ils levaient les yeux en haut pour faire connaître que leurs affaires étaient dans les cieux. (Philippiens 3.20, 21)

Un des assistants qui les observait leur dit d'un ton moqueur « Que voulez-vous acheter ? »

Mais eux, le regardant d'un air sérieux, lui répondirent :

— Nous achetons la vérité. (Proverbes 23.13)

La foule prit occasion de cette réponse pour mépriser encore davantage les voyageurs. Les uns se moquaient d'eux, d'autres les injuriaient ou les accablaient de reproches. Même certains d'entre eux en excitaient d'autres à les maltraiter. Enfin, il s'éleva un tel tumulte que tout était dans le désordre et dans la confusion. On envoya prévenir le Grand-Maître de la foire, qui se mit aussitôt en route, et dépêcha quelques-uns de ses amis les plus dignes de confiance, afin qu'ils examinassent ces deux hommes qui venaient de révolutionner ainsi toute la foule.

Chrétien et Fidèle furent donc emmenés ; puis on leur demanda d'où ils venaient, où ils allaient et ce qu'ils étaient venus faire dans ce lieu, avec des vêtements aussi étranges. Ils répondirent qu'ils étaient des pèlerins et des étrangers dans ce monde, qu'ils se rendaient dans leur patrie, la Jérusalem céleste, et qu'ils n'avaient donné aucune occasion aux habitants de la ville, ni aux marchands, de les maltraiter et de les arrêter dans leur voyage, à moins que ce ne fût à cause de la réponse qu'ils avaient faite à celui qui leur demandait ce qu'ils voulaient acheter, et auquel ils avaient dit : « Nous achetons la vérité ».

Mais ceux qui les interrogeaient ne voulurent pas croire qu'ils fussent autre chose que des fous ou des gens venus exprès pour mettre la foire en désordre. C'est pourquoi ils les prirent et les battirent ; ils leur lancèrent des ordures, puis ils les enfermèrent dans une cage, afin qu'ils fussent en spectacle à tous, livrés à l'opprobre et à toutes sortes de malices et de violences.

Le Grand-Maître de la foire, qui était présent, se moquait aussi d'eux. Mais les pèlerins « étant patients, et ne rendant point le mal pour le mal, ni injure pour injure, mais au contraire bénissant, » (1 Pierre 3.9) répondaient aux injures par de bonnes paroles et témoignaient de la bienveillance à ceux qui les maltraitaient. Alors quelques-uns des gens de la foire, moins prévenus et plus observateurs que les autres, commencèrent à reprendre et à blâmer ceux qui leur faisaient du mal. Mais ces derniers, ne pouvant supporter ces reproches, se tournèrent contre eux et les saisirent, en leur disant qu'ils étaient aussi mauvais que les hommes enfermés dans la cage, et que puisqu'ils étaient leurs amis, ils devaient partager leur sort.

Les défenseurs des pèlerins répondirent que, d'après tout ce qu'ils avaient vu, ces deux hommes étaient tranquilles et sobres et ne faisaient de mal à personne. Ils ajoutèrent que parmi tous les commerçants de la foire, il y en avait beaucoup qui mériteraient d'être enfermés dans la cage, et même d'être conduits au pilori, aussi bien que ces deux voyageurs qu'on traitait d'une façon si inhumaine.

Après beaucoup de paroles de part et d'autre — les deux pèlerins montrant toujours de la sagesse et de la modération — on en vint aux coups et il y eut plusieurs blessés.

Alors les deux pauvres voyageurs furent ramenés devant leurs juges, et accusés d'avoir causé cette dernière émeute. Ils furent battus impitoyablement et chargés de fers ; on leur fit traîner leurs chaînes dans toute la foire pour faire un exemple, et inspirer de la terreur à tous. On craignait que quelqu'un n'eût la hardiesse d'intercéder pour eux ou de prendre leur parti.

Mais Chrétien et Fidèle se conduisirent si sagement, et supportèrent l'ignominie et la honte dont on les accablait avec tant de douceur et de patience, qu'ils gagnèrent les cœurs de quelques-uns des hommes de la foire — quoique ce fût un bien petit nombre en comparaison de la multitude. — Leurs ennemis entrèrent alors dans une grande fureur, et décrétèrent de les mettre à mort. Ils leur dirent que ni la cage, ni les fers ne suffisaient à punir d'aussi grands criminels, et qu'il fallait les mettre à mort parce qu'ils avaient trompé les hommes de la foire et s'étaient joués d'eux.

Ils furent donc enfermés de nouveau dans la cage jusqu'à ce que leur sort fût décidé, et on resserra leurs chaînes.

Alors ils se souvinrent de ce que leur fidèle ami Evangéliste leur avait dit, et ils furent d'autant plus certains qu'ils devraient souffrir encore. Ils se consolèrent l'un l'autre, en se disant que celui qui devrait mourir serait le plus heureux des deux, et chacun, en secret, souhaitait ce bonheur. Toutefois, ils se mirent à la disposition de Celui qui conduit toutes choses, satisfaits de demeurer dans l'état où ils étaient, jusqu'à ce qu'on disposât d'eux.

Quand le moment propice fut venu, on les retira de la cage pour leur faire entendre leur condamnation. Ils furent conduits devant leurs ennemis et accusés. Le nom du juge était seigneur Haine-du-Bien. Les dépositions étaient toujours les mêmes en substance; on affirmait :

Qu'ils étaient des ennemis et des perturbateurs du commerce de la foire ;

Qu'ils avaient provoqué des séditions et des émeutes dans la ville, et qu'ils avaient même déjà formé un parti, en convertissant quelques personnes à leurs opinions dangereuses, au mépris des lois du prince de ce pays.

Fidèle répondit qu'il ne s'était opposé qu'à ce qui s'opposait au Roi des rois.

— Et quant à l'émeute dont vous nous accusez, dit-il, je n'en suis pas responsable, car je suis un homme de paix. Ceux qui ont pris notre défense, l'ont fait parce qu'ils ont reconnu notre innocence, et ils se sont ainsi détournés d'une mauvaise voie pour entrer dans une meilleure. Quant au prince dont vous parlez, c'est Beelzébub, l'ennemi de notre Seigneur, et je le défie ainsi que tous ses anges.

Alors on proclama que tous ceux qui auraient quelque chose à dire pour le prince contre les prisonniers devraient se présenter et produire leurs preuves.

Trois témoins s'avancèrent, à savoir : Envieux, Superstitieux et Flagorneur. On leur demanda s'ils connaissaient les accusés et ce qu'ils avaient à dire contre eux, en faveur de leur maître. Envieux s'approcha et dit :

— Monseigneur ! je connais cet homme depuis longtemps, et je puis attester par serment, devant cette honorable Cour, qu'il est.....

— Prête d'abord serment, dit le juge. Il le fit, puis il ajouta :

— Monseigneur ! ce personnage, malgré son beau nom, est l'un des plus méchants hommes de notre pays; il ne se soucie ni du prince, ni du peuple, ni des lois, ni des coutumes, mais fait tout ce qu'il peut pour répandre dans l'esprit de chacun des opinions erronées, qu'il nomme « les principes de la foi et de la sainteté. » En particulier, je l'ai entendu une fois affirmer que le Christianisme et les coutumes de notre Ville de Vanité sont diamétralement opposés. En disant cela, Monseigneur, il ne condamne pas seulement notre commerce, mais nous-mêmes, qui l'exerçons.

— As-tu encore quelque chose à ajouter ? demanda le juge.

— Je pourrais encore vous dire beaucoup d'autres choses, Monseigneur, répondit Envieux, mais je crains de fatiguer la Cour. Si cela est nécessaire, quand les autres témoins auront fait leur déposition, plutôt que de souffrir qu'il manque quelque chose à l'accusation portée contre eux, je pourrai étendre et compléter mon témoignage.

On le pria de rester à portée. Puis on appela Superstitieux. Le juge lui ordonna de regarder le prisonnier, et lui demanda ce qu'il pouvait dire contre lui, et pour le prince.

Après qu'il eut prêté serment, il commença ainsi sa déposition :

— Monseigneur ! je ne connais pas beaucoup cet homme, et ne désire pas le connaître davantage. Cependant, je sais qu'il est un personnage dangereux, grâce à une conversation que j'ai eue avec lui, l'autre jour, dans cette ville; il m'a dit que notre religion ne servait â rien, et qu'elle ne pouvait plaire à Dieu. En disant cela, il affirme, comme votre Seigneurie le comprendra facilement, que nous adorons Dieu en vain, que nous sommes encore dans nos péchés, et que nous serons finalement damnés. Voilà ce que j'avais à dire.

Alors on appela Flagorneur, et après qu'il eut prêté serment, on le somma de dire ce qu'il savait en faveur de son seigneur, contre l'accusé.

— Monseigneur, dit-il, et vous tous, Messieurs, il y a longtemps que je connais cet homme. Je l'ai entendu parler de choses dont on ne doit pas parler ; il s'est moqué de notre noble prince Beelzébub, et il a tenu des propos offensants à l'égard de ses honorables amis, les seigneurs Vieillard, Plaisir-Charnel, Luxure, Vaine-Gloire, Libertin, Cupide, et de toute notre noblesse. De plus, il a ajouté que si tout le monde pensait comme lui, aucun de ces gentilshommes ne séjournerait longtemps dans cette ville. Il s'est même permis de se moquer de vous, Monseigneur, qui êtes maintenant son juge ; il vous a appelé un vilain impie, et vous a donné encore bien d'autres noms exécrables. Il a agi de même envers la plus grande partie de notre noblesse.

Flagorneur n'eut pas plutôt fini son discours, que le juge s'adressa au prisonnier qui était à la barre, et lui dit :

— Vagabond, hérétique et traître ! As-tu entendu ce que ces honnêtes personnages ont témoigné contre toi ?

— Puis-je dire quelques mots pour ma défense ? demanda Fidèle.

— Fripon ! fripon ! Tu ne mérites pas de vivre plus longtemps, mais bien d'être égorgé sur la place. Cependant, afin que tout le monde puisse constater la bonté dont nous usons envers toi, nous entendrons ce que tu as à dire.

— Je répondrai d'abord à Envieux, dit Fidèle, que j'ai dit seulement ceci : c'est que toutes règles, lois, coutumes ou peuples en désaccord avec la parole de Dieu, sont diamétralement opposés au Christianisme. Si j'ai dit quelque chose de faux, convainquez-moi de mon erreur, et je suis prêt à me rétracter devant vous.

Quant à Monsieur Superstitieux et à sa déposition contre moi, je dirai seulement, que pour servir Dieu, il faut une foi divine qui ne peut exister sans une révélation de la volonté de Dieu. C'est pourquoi tout ce qui, dans le service de Dieu, n'est pas d'accord avec la révélation, ne peut provenir que d'une foi très humaine qui n'a rien de commun avec la vie éternelle.

A la déposition de Monsieur Flagorneur je dirai — sans relever les termes dont il s'est servi pour m'accuser de raillerie — que le seigneur de cette ville, avec tous ses sujets et ses adhérents, tous ceux que Flagorneur a nommés sont mieux préparés pour le séjour de l'enfer que pour celui de cette ville et de ce pays. Et maintenant, que le Seigneur use de miséricorde envers moi !

Alors le juge dit aux jurés qui avaient tout entendu et tout observé :

— Messieurs les jurés, vous voyez, devant vous, cet homme qui a causé un si grand tumulte dans la ville ; vous avez entendu ce que ces dignes gentilshommes ont déposé contre lui, ainsi que sa réplique et sa confession. Il dépend maintenant de vous de le condamner à mort ou de sauver sa vie. Mais je pense qu'il est convenable que je vous instruise de nos lois.

Au temps de Pharaon-le-Grand, serviteur de notre prince, on publia un édit qui ordonnait — afin d'éviter un trop grand accroissement du nombre de ceux qui pratiquaient une autre religion que celle du pays — que tous les enfants mâles fussent jetés dans le fleuve. Du temps du grand Nébucadnetzar, autre serviteur de notre prince, on publia aussi un édit qui décrétait que tous ceux qui ne se prosterneraient pas devant la statue d'or, représentant le roi, seraient jetés dans une fournaise ardente. De même, du temps du roi Darius, un édit fut publié déclarant que si, pendant un certain temps, quelqu'un invoquait un autre dieu que le roi, il serait jeté dans la fosse aux lions. L'esprit de ces lois a été violé par ce rebelle que vous avez devant vous, non seulement en pensée — ce que nous ne pourrions déjà supporter — mais en paroles et en actes, ce qui est absolument intolérable.

La loi de Pharaon a été faite pour prévenir un mal qui n'était pas encore déclaré, mais ici, le mal existe. Quant aux deux autres lois, cet homme les a violées en parlant contre notre religion, et à cause de sa trahison, qu'il a lui-même reconnue, il mérite la mort.

Alors les jurés se levèrent. Ils se nommaient : Messieurs Aveugle, Méchant, Perfide, Voluptueux, Indiscipliné, Entêté, Orgueilleux, Haineux, Trompeur, Cruel, Ennemi-de-la-lumière et Implacable.

Chacun d'eux rendit son verdict particulier contre Fidèle, puis ils déclarèrent à l'unanimité, en présence du juge, que cet homme était coupable.

Monsieur Aveugle, président, parla ainsi : Je vois clairement que le prévenu est un hérétique !

Monsieur Méchant s'écria : Qu'on ôte cet homme de dessus la terre !

— Oui, s'écria Monsieur Perfide, car : je n'en puis supporter la vue !

— Et moi, s'écria Monsieur Voluptueux, je ne puis le souffrir !

— Ni moi non plus, ajouta Monsieur Indiscipliné, car il condamne toujours toutes nos actions.

— Qu'on le pende ! s'écria Monsieur Entêté.

— C'est un triste individu, dit Monsieur Orgueilleux.

— Mon cœur s'aigrit quand je le vois, dit Monsieur Haineux.

— C'est un fourbe ! s'écria Monsieur Trompeur.

— La pendaison est un supplice trop doux pour lui, ajouta Monsieur Cruel.

— Qu'on l'ôte d'ici ! dit Monsieur Ennemi-de-la-lumière.

— Quand on me donnerait le monde entier, je ne pourrais me réconcilier avec lui, dit Monsieur Implacable ; c'est pourquoi condamnons-le à la peine de mort.

C'est ce qu'ils firent. Fidèle fut condamné à être traîné immédiatement au lieu du supplice, et à souffrir la mort la plus cruelle qu'on puisse inventer.

On le battit, on le fouetta ; on déchira sa chair avec des couteaux ; on le lapida; on lui enfonça des épées dans le corps, et on le brûla, après l'avoir attaché à un pilier.

Telle fut la fin de Fidèle.

Mais je vis, derrière la multitude, un char attelé de deux chevaux qui attendait. Dès que les ennemis de Fidèle l'eurent mis à mort, il fut placé dans ce char, qui l'emporta derrière les nuages, au son de la trompette. Il franchit ainsi le plus court chemin qui conduit à la Cité céleste.

Chrétien eut un peu de répit. On le reconduisit dans la prison où il resta quelque temps. Mais Celui qui gouverne toutes choses, ayant dans ses mains le pouvoir d'empêcher la rage de ses ennemis de lui nuire, Chrétien put s'échapper et continuer son chemin en chantant :

Un chrétien doit être fidèle
Dans les tourments, jusqu'à la mort,
A notre roi qui nous appelle
Par l'orage, à chercher le port.
Souffrir sans murmure
La croix la plus dure,
C'est le seul chemin
Qu'il fraya lui-même
Au bonheur suprême
Au bonheur sans fin

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