La Légende dorée

LV
SAINT MAMERTIN, ABBÉ

(30 mars)

Mamertin fut d’abord païen. Pendant qu’il adorait une idole, il perdit un œil, et une de ses mains se dessécha. Il crut avoir offensé ses dieux, et voulut courir au temple pour obtenir son pardon. Mais il rencontra en route un saint homme nommé Savin, qui lui demanda d’où lui était venue son infirmité. Il répondit : « J’ai offensé mes dieux et maintenant je vais les prier de me rendre ce que, dans leur colère, ils m’ont enlevé. » Et Savin : « Tu te trompes, mon frère, en prenant les démons pour des dieux. Va plutôt trouver Germain, évêque d’Auxerre et, si tu suis ses conseils, tu seras guéri ! » Mamertin partit aussitôt ; mais la pluie le força à s’arrêter, en route, dans un lieu où étaient ensevelis saint Amator et plusieurs autres saints évêques. Dans une cellule placée sur une tombe de saint Concordien, il trouva un abri pour la nuit. Et il vit en rêve un homme qui, venant jusqu’à la porte de la cellule, appelait saint Concordien pour assister à une fête, où il disait que se trouvaient déjà saint Amator, saint Pèlerin et d’autres évêques. Et une voix répondit de la tombe : « Je ne puis venir cette nuit, étant forcé de veiller sur mon hôte, pour l’empêcher d’être dévoré par les serpents qui habitent ici. » Mais bientôt l’inconnu revint et dit : « Saint Concordien, lève-toi, viens, et emmène avec toi ton sous-diacre Vivien et son acolyte Junien ! Alexandre se chargera de veiller sur ton hôte. » Et Mamertin vit ensuite que saint Concordien, le prenant par la main, l’emmenait avec lui ; mais, lorsqu’ils furent arrivés près des autres évêques, saint Amator dit : « Qui est cet étranger que tu nous amènes ? » Et saint Concordien : « C’est mon hôte ! » Et saint Amator : « Chasse-le d’ici, car il est impur et ne saurait rester avec nous ! » Sur quoi Mamertin, toujours en rêve, se prosterna devant saint Amator, qui lui ordonna de se rendre au plus vite auprès de saint Germain. Aussi, dès qu’il fut éveillé, courut-il vers ce saint ; et dès que celui-ci eut entendu l’histoire de son rêve, il retourna avec lui au tombeau de saint Concordien. Là, sous la pierre du tombeau, ils virent un grand nombre de serpents dont la longueur dépassait dix pieds. Et saint Germain leur ordonna de sortir de là, pour aller se cacher dans un lieu où ils ne pourraient faire de mal à personne. C’est ainsi que Mamertin fut baptisé. Il recouvra aussitôt la santé, et entra dans le monastère de saint Germain, dont il devint abbé, après la mort de saint Ollodius.

Il y avait alors, dans ce monastère, un saint moine nommé Marin, dont Mamertin voulut éprouver l’obéissance. Il lui confia donc la tâche la plus vile du monastère, qui consistait à paître les bœufs. Et saint Marin, pendant qu’il gardait ses bœufs et ses vaches dans le bois, rayonnait d’une telle sainteté, que tous les oiseaux du bois accouraient à lui pour qu’il les nourrît de sa main. Un sanglier s’étant réfugié dans sa cellule, il le sauva des chiens qui le poursuivaient, et lui permit de s’en aller librement. Un jour, des voleurs le dépouillèrent de ses vêtements, ne lui laissant qu’une petite tunique. Et le voici qui court derrière eux, et qui leur crie : « Revenez, Messieurs, car j’ai encore trouvé ce denier dans la doublure de ma tunique ! Et peut-être en aurez-vous besoin ! » Aussitôt les voleurs, retournant sur leurs pas lui enlevèrent la tunique avec le denier et le laissèrent complètement nu. Après quoi ils reprirent le chemin de leur caverne ; mais ils marchèrent toute la nuit, et, à l’aube ils se retrouvèrent devant la cellule du saint berger. Celui-ci, les ayant salués tendrement, les reçut dans sa cellule, leur lava les pieds, et s’occupa de leur préparer à manger. Ce que voyant, les voleurs, stupéfaits, eurent honte de leur conduite et se convertirent tous à la foi.

Un jour, un jeune moine du monastère de saint Mamertin s’était amusé à tendre un piège à un ours qui attaquait les brebis ; et l’ours, la nuit, s’était laissé prendre. Mais saint Mamertin, ayant deviné la chose du fond de son lit, se leva, alla trouver l’ours, et lui dit : « Que fais-tu là, malheureux ? Va-t’en bien vite pour n’être pas pris ! » Et il le délivra et le laissa partir.

Lorsqu’il mourut, on porta son corps à Auxerre. Mais, comme on passait près d’une prison, le corps devint tout à coup si lourd qu’on ne put le faire avancer, jusqu’au moment où un des prisonniers, dont les chaînes s’étaient rompues miraculeusement, accourut et aida à porter le corps jusqu’à la ville. Saint Mamertin fut enterré en grande pompe dans l’église de Saint-Germain.

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