L’union dans la prière

Contexte

Au début du dix-neuvième siècle, un certain Phocion-Henri Servier, libraire protestant à Paris, traduisait une partie d’un ouvrage de Jonathan Edwards originellement publié en 1748, avec un titre à rallonges comme on les aimait à cette époque :

An humble attempt to promote an explicit agreement and visible union of God’s people through the world, in extraordinary prayer, for the revival of religion, and the advancement of Christ’s kingdom on earth, pursuant to Scripture promises and prophecies concerning the last time.

Ce qui donnait en français :

L’UNION DANS LA PRIÈRE
pour la
PROPAGATION DE L’ÉVANGILE,
ou
abrégé d’un humble essai,
dont le but est de provoquer un accord visible du peuple de dieu
dans l’offre des prières extraordinaires pour
avancer le règne de christ sur la terre.
 
1823

Qu’entendait Servier par abrégé d’un humble essai ? Le livret original anglais d’Edwards comporte environ 120 pages, en trois parties : dans la première il relate les circonstances qui l’ont amené à écrire ce document, à savoir la réception d’un Mémorial de pasteurs écossais exhortant le peuple de Dieu à prier en tous lieux pour obtenir une effusion de l’Esprit et un grand réveil ; dans la seconde l’auteur partait d’une citation du prophète Zacharie pour démontrer qu’un âge d’or, un millénium, où tous les peuples seraient convertis au christianisme était encore à venir, et que cette glorieuse période devait être précédée d’une union extraordinaire des Églises dans la prière ; dans la troisième partie il répondait aux objections.

Après une courte préface, Servier ne traduisit que la seconde partie, et encore très librement, tant le style d’Edwards est redondant, tortueux, et rapidement insupportable à rendre dans notre langue. Ainsi l’opuscule français de 1823 ne compte qu’une trentaine de pages.

Jonathan Edwards s’est beaucoup intéressé à l’Apocalypse, et on ne peut vraiment comprendre l’intention de son humble attempt sans lire sa troisième partie, celle où il répond aux objections. Pasteur puritain qui a vécu les premiers grands réveils américains, le First Great Awakening des années 1730, il espérait voir débuter le Millénium, dont parle les prophètes de l’Ancien Testament et le dernier livre de la Bible, si possible dans sa génération, et même dans son propre pays. On peut d’ailleurs penser que c’est la raison pour laquelle le traducteur français, effrayé par tant d’audace eschatologique, a supprimé le mot Réveil du titre original, et omis toute mention des vues d’Edwards sur l’Apocalypse.

Pour une meilleure compréhension de son essai, nous donnerons donc premièrement, un court résumé de l’eschatologie de Jonathan Edwards, deuxièmement, la traduction de 1823, troisièmement, une traduction libre et résumée des réponses d’Edwards aux objections contre son essai, enfin quatrièmement, nous terminerons par quelques réflexions relatives aux vues actuelles sur la place des États-Unis dans l’eschatologie.

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