Histoire des Dogmes I — La Théologie Anténicéenne

14.6 — Les fins dernières.

Pas plus que sur les autres points de la doctrine chrétienne, nous ne trouvons dans les auteurs que nous étudions ici d’exposé suivi et complet de la doctrine des fins dernières.

Quoi qu’il en soit des justes ordinaires, on regarde comme certain que les martyrs jouissent, dès l’instant de leur mort, de la vue de Dieu et de la compagnie du Christ. Ils deviennent les assesseurs du Christ, participant à sa royauté et à sa judicature. Ils jugent avec lui.

La croyance que la durée du monde serait de six mille ans seulement, correspondant aux six jours de la création, paraît avoir été assez répandue. Et comme on pensait, assez généralement aussi, que Jésus-Christ est né en l’an 5500 de la créationa, on en concluait que la fin du monde n’était pas très éloignée. Quant au septième jour, où Dieu se reposa, quelques auteurs y voyaient la figure des mille ans pendant lesquels Jésus-Christ, revenu du ciel, devait régner sur la terre avec les justes. Malgré l’opposition d’Origène, cette erreur s’était encore maintenue dans plusieurs Églises de l’Égypte, et il fallut que Denys le Grand s’occupât de la déraciner. En tout cas, elle fut ruinée dans Alexandrie, car on ne voit pas que l’évêque Pierre, qui combattit d’autres parties de la doctrine d’Origène, l’ait attaqué sur celle-ci. Même attitude en Palestine : Pamphile n’a pas eu à défendre Origène de n’être pas millénariste. En revanche, Methodius, rattaché à l’école asiatique, s’est prononcé pour le millenium et a reproduit les vues de saint Irénée.

a – C’est la date adoptée par Jules Africain dans sa Chronographie.

Une question plus importante était celle de la résurrection de la chair. Indépendamment des païens, ce dogme était encore nié par les gnostiques et les manichéens. Hiéracas l’avait aussi repoussé, et Origène ne l’avait qu’incomplètement compris et interprété. Contre les premiers, la Didascalie dirige tout son chapitre vingtième, dans lequel elle fait valoir, en faveur du dogme, l’Écriture, le témoignage de la Sibylle, la légende du phénix, la puissance de Dieu qui peut ressusciter ce qu’il a créé, et enfin l’exemple de Jésus-Christ ressuscité, gage de notre propre résurrection. Contre Origène, que Pamphile s’efforce de défendre, Pierre d’Alexandrie et Methodius composent chacun un traité De la résurrection, où ils repoussent l’idée d’une résurrection purement spirituelle et insistent sur l’identité matérielle du corps ressuscité avec le corps enseveli, la résurrection exigeant, pour être telle, que cela même qui est mort revienne à la vie. Nous ressusciterons donc dans le corps même que nous possédons actuellement, avec toutes ses parties. Ce corps sera sans doute extérieurement changé et transfiguré : chez les élus, il ressuscitera en gloire de la vie éternelle ; mais il conservera son identité : il ne deviendra pas autre : οὐκ ἕτερος γενόμενος ––– οὐκ ἄλλος παρ᾽ ὃ πέφυκε μεταβαλλόμενος (Adamantius, v,16,24 ; Didasc, xx,7,1).

La résurrection des corps sera suivie du jugement, dans lequel Dieu traitera chacun selon son mérite et ses œuvres. Les réprouvés iront au feu éternel, au feu où ils seront brûlés et suppliciés pour toujoursb. Le sort des élus, au contraire, sera la vie éternelle. Ils entreront dans une lumière de gloire qui les enveloppera tous, mais fera briller surtout les martyrs d’un éclat spécial et plus magnifique.

bDidasc, vii.21.8 ; xix.6.7-8 ; xx.7.8-10 ; xxiii.3.7 ; xxvi.20. Pamphile tache ici de défendre Origène (Apol., cap. viii), mais il ne le défend que contre l’accusation de nier l’existence même de tout châtiment pour les pécheurs.

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