Précis de Patrologie

Avant-Propos

Ce livre est, en partie, le fruit des loisirs que la guerre m’a donnés, et il est aussi, à sa façon, un livre de guerre.

Si l’on excepte, en effet, les deux volumes de Mgr Batiffol et de M. Rubens Duval sur « La littérature grecque » et « La littérature syriaque » dans la Bibliothèque de l’enseignement de l’histoire ecclésiastique, nous n’avons pas, en français, de manuels récents de Patrologie autres que des ouvrages traduits de l’allemand les Pères de l’Église traduits de Bardenhewer et les Éléments de Patrologie traduits de Rauschen. Le premier, en trois volumes in-8° est excellent, mais un peu considérable et un peu cher pour le commun des lecteurs ; le second a dû pratiquement être abandonné comme livre d’enseignement : tous deux ont le tort d’être des traductions. Il a donc paru à quelques personnes que, en ce moment, il y avait place, en cette matière, pour un livre français de dimension réduite qui ne présenterait pas les inconvénients des deux autres, et elles m’ont pressé de l’écrire, en ajoutant que ce serait à mon Histoire des dogmes un complément utile. J’ai cédé à leurs conseils et présente ici au public le résultat de mon travail.

Quelques mots sur la façon dont je l’ai conçu et le but que je m’y suis proposé.

Mon intention n’a pas été de composer un gros ouvrage d’érudition. Des ouvrages de ce genre existent déjà chez nous ou ailleurs, et les spécialistes sauront bien les trouver. Les lecteurs que j’ai eus en vue sont d’abord les séminaristes et les prêtres, pour qui la connaissance des Pères de l’Église est un complément de leur science théologique et historique ; puis les laïques qui désirent joindre à leurs études des littératures profanes une étude au moins sommaire de l’ancienne littérature chrétienne, et aussi cette armée de jeunes candidats et candidates aux brevets d’instruction religieuse qui doivent, d’après leurs programmes, posséder sur ce sujet des notions élémentaires sans doute, mais exactes et précises. Or ces diverses catégories de lecteurs et de lectrices n’ont que faire d’une liste complète des auteurs chrétiens qui ont tenu une plume dans l’antiquité, et d’un bilan de leurs œuvres qui en relèverait les moindres parcelles. Ils veulent plutôt être renseignés sur les écrivains principaux dont l’autorité est universelle, qui ont vécu dans notre pays ou dont ils ont rencontré les noms dans leurs lectures, savoir ce qu’ont été ces hommes, par quels ouvrages surtout ils sont devenus célèbres, ce que ces ouvrages contiennent en gros, quelles études dans notre langue ils pourraient consulter avec intérêt sur ces matières, etc. Un exposé des discussions critiques et des hypothèses nouvelles serait pour eux inutile, parce que souvent hors de leur portée et indifférent au but qu’ils poursuivent, qui est de se mettre au courant des résultats acquis et certains.

D’après ces considérations, je n’ai pas craint de m’étendre un peu longuement sur les auteurs de premier ordre, de donner une appréciation de leur caractère, de leur talent, de leur style — la seule chose que retiennent beaucoup de lecteurs, — de mentionner au complet ou à peu près leurs écrits et d’ébaucher des principaux de ces écrits une courte analyse. Quant aux auteurs secondaires, j’en ai traité plus brièvement, et un grand nombre de troisième ordre n’ont reçu qu’une simple mention. Encore trouvera-t-on probablement que, pour ces derniers, j’ai été trop large et qu’il eût mieux valu en passer beaucoup entièrement sous silence. Mais « abondance de biens ne nuit pas », et il ne tiendra qu’au lecteur de négliger ce qui lui est inutile.

C’est d’après ces mêmes considérations que j’ai traduit autant que possible en français les titres grecs et latins des ouvrages mentionnés, que j’ai signalé, quand il en existe, les traductions françaises de ces ouvrages, que, dans les études et travaux à consulter, j’ai indiqué avant tout les travaux français et d’une lecture plus facile, que j’ai écarté les articles de revue en langue étrangère dont mes lecteurs ne sauraient pratiquement profiter. Tout cela était nécessaire pour alléger le volume et l’adapter à son but.

La division en trois périodes — période des trois premiers siècles, périodes d’apogée et de décadence — est classique et s’imposait d’elle-même ; on en peut dire autant de la division en chapitres. Si nous descendons aux sous-divisions, il eût fallu, pour garder une marche absolument logique, les multiplier beaucoup et partager, par exemple, les chapitres en articles, les articles en paragraphes et ceux-ci encore en numéros. C’est ce qu’a fait Bardenhewer et ce que l’on fait souvent dans les manuels techniques d’enseignement. Pour ce Précis, ce morcellement m’a paru excessif et capable plutôt d’embrouiller le lecteur. Mais celui-ci pourra d’ailleurs démêler aisément l’ordre que j’ai suivi et réduire, s’il le veut, en un tableau synoptique toute l’histoire de la littérature patristique : il lui suffira pour cela d’un peu d’attention. Quant au principe adopté pour grouper les auteurs, il varie suivant les périodes. C’est tantôt le caractère de leurs ouvrages, tantôt leur ordre chronologique ou leur distribution géographique qui m’a guidé. Aucune règle absolue ne pouvait convenir ici.

Puisse ce modeste travail contribuer à faire connaître mieux ceux qui furent, aux origines de l’Église, les Pères de notre foi, et les chefs-d’œuvre que leur zèle et leur génie nous ont laissés.

Lyon, le 11 février 1918.

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