Précis de Patrologie

6.3 — Commodien et anonymes contemporains.

On a beaucoup discuté sur l’époque et le pays où a vécu Commodien, « le mendiant du Christ », comme il se nomme lui-même. Il paraît certain cependant qu’il vécut en Afrique, et plus probable qu’il a écrit entre les années 251-258 sous l’épiscopat de saint Cyprien. Il était né de parents païens, chercha pendant quelque temps la vérité un peu de tout côté, enfin se convertit et reçut le baptême. A la suite de quelque faute, il dut faire pénitence, et devint chrétien fervent. Mais il resta toujours laïque. On a supposé seulement, pour expliquer la qualité de gasaeus qu’il se donne, qu’il avait été trésorier de l’Église à laquelle il appartenait. C’était, au point de vue moral, un personnage d’un caractère indépendant, d’une franchise un peu brusque, mais désintéressé et généreux ; au point de vue intellectuel, un homme peu instruit, ignorant des classiques, nullement philosophe, une sorte de demi-lettré sorti du peuple et écrivant pour lui.

Les œuvres de Commodien offrent cette particularité d’être écrites en vers, mais en vers d’une allure spéciale. L’auteur a voulu faire des hexamètres. Pour cela, il pratique exactement la césure à la suite du second pied, et donne aux deux derniers pieds l’apparence d’être, au moins dans la prononciation, un dactyle et un spondée. Mais du reste, il néglige complètement la valeur prosodique des syllabes. Sur les 1060 vers du Carmen apologeticum, 26 seulement sont justes. Et cette négligence n’est pas intentionnelle : en réalité Commodien, comme le peuple dont il parle la langue, ignore la prosodie. Il lui est resté seulement dans l’oreille un vague souvenir du rythme virgilien, et il le reproduit tant bien que mal. Son style est des plus défectueux : non pas que l’auteur manque d’imagination et de vie, mais sa syntaxe est incorrecte et son art de composer nul. « Ses œuvres, dit P. Monceaux, renferment la plus belle collection de barbarismes qu’ait pu rêver le plus mauvais latiniste. »

Il reste de Commodien deux ouvrages, les Instructions et le Carmen apologeticum ou Poème apologétique. Les Instructions sont un recueil de quatre-vingts pièces contenant chacune de six à quarante-huit vers, et divisées en deux livres. Toutes les pièces, sauf deux, sont acrostiches, c’est-à-dire que les premières lettres des vers, mises à la suite l’une de l’autre, donnent le titre du morceau. Le premier livre est dirigé surtout contre les païens et les juifs ; le second s’occupe de questions morales et disciplinaires. — Le Poème apologétique contre les juifs et les païens est, en réalité, une sorte d’exposé de la religion chrétienne. La dernière partie (vers 791-1060), où sont décrits le millenium et la fin du monde, est la plus remarquable par la vivacité et le relief.

Indépendamment d’un certain nombre de lettres adressées à saint Cyprien et qui, dans les éditions, ont trouvé place parmi les siennes, il faut rapporter également au milieu du iiie siècle quelques ouvrages rédigés en Afrique et dont les auteurs sont inconnusa : une Exhortatio ad paenitentiam ; un traité Ad Novatianum, œuvre d’un évêque qui écrivait vers 253 ; un traité De rebaptismate, qui est probablement de 256 et qui soutient, contre saint Cyprien, la thèse romaine ; un traité de la Pâque De pascha computus), paru en 243, qui réédite, en le corrigeant, saint Hippolyte ; un De laude martyrii, assez pauvre de fond, qui doit être de 252 ou 253 ; un De spectaculis et un De bono pudicitiae, pâles imitations de Tertullien et prétendant, à faux, être de la plume de saint Cyprien ; enfin un sermon Sur les joueurs (De aleatoribus), œuvre incorrecte, mais forte et vivante, et beau spécimen de la prédication populaire.

a – Ces ouvrages se trouvent parmi les spuria de saint Cyprien, édit. Hartel, iii.

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