Sonnets Chrétiens


Livre Premier — Sonnet IX

Sur l’Esprit Malin

Nature, prête-moi tes plus noires couleurs ;
Fourni pour mon tableau le sang d’une panthère,
Le venin d’un dragon, le fiel d’une vipère,
D’un crocodile, enfin, et l’écume et les pleurs.

Je veux peindre aujourd’hui l’artisan des malheurs,
Le lion, le serpent, le monstre sanguinaire,
Qui nous fit tous mortels, en tuant notre père,
Et par lui nous causa d’éternelles douleurs.

Il nous ouvrit la voie aux infernales flammes,
Et ce bourreau cruel et des corps et des âmes
Détruisit, d’un seul coup, le bonheur des humains.

C’est à toi-même, ô Dieu, que Satan fit l’outrage ;
L’homme est ta ressemblance, l’œuvre de tes mains :
Venge l’Original, en sauvant son image.


10 : On dit qu’il bat et qu’il meurtrit horriblement les sauvages. Les chinois, ou d’autres peuples d’Orient et d’Occident, l’adorent par la crainte qu’ils ont de sa cruauté. La haine qu’il porte à Dieu, dit St. Augustin, l’anime contre la pauvre créature humaine. Il tâche de venger sur l’image le tort qu’il croit avoir reçu de l’Original.

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