Sonnets Chrétiens


Livre Second — Sonnet XXIII

Sur la Fille de Jephté

Regarde cette fille, et si sage et si belle,
Qui vole où la conduit le paternel amour ;
Et prenant en ses mains la flûte et le tambour,
A son père vainqueur vient témoigner son zèle.

Tu verras, tout à coup, la fête solennelle
En un deuil imprévu se changer sans retour ;
Un orage soudain, éteignant ce beau jour,
Couvrira son éclat d’une nuit éternelle.

Par son funeste vœu, le triomphant guerrier
Dans le sang virginal ternira son laurier ;
Et rendra sa victoire amère et lamentable.

La mort d’Iphigénie est peinte en ce tableau,
Mais pour l’état du père, il est si déplorable,
Qu’il n’est, pour l’exprimer ni couleur, ni pinceau.


10 : Les anciens docteurs, et juifs et chrétiens, tiennent qu’en effet, en conséquence de ce vœu, Jephté sacrifia sa fille deux mois après. 12 : Les doctes estiment que l’Iphigénie de la fable n’est autre chose que le nom déguisé de la fille de Jephté, comme qui dirait Jephtigénie. A Sébaste, dit St. Epiphane, on solennisait sa fête, et on lui rendait des honneurs divins. 14 : Allusion au voile d’Agamemnon, dans le tableau de Timante.

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