Le Jour du Seigneur, étude sur le Sabbat

1.2.2.2 — Les Chaldéens.

Nous prenons le mot Chaldéens dans son sens le plus général, en y faisant rentrer soit les Assyriens et les Babyloniens, soit les peuples, tels que les Accadiens, dont la civilisation a peut-être précédé celle des Babyloniens. Toutes ces nations paraissent ne former qu’un ensemble au point de vue qui nous préoccupe.

[Halévy a le premier mis en doute parmi les assyriologues l’existence d’une langue et d’un peuple accadiens ou sumériens, non sémitiques, et il a fini par recruter de très sérieux adhérents. Après avoir parlé de l’impossibilité de séparer dans toute la littérature chaldéenne « le soi-disant élément sumérien de l’élément sémitique, » il dit lui-même : « J’ai signalé ce fait dès le début de mes études assyriologiques et je m’en suis servi comme d’un argument entre beaucoup d’autres, pour prouver que la langue et le peuple prétendus non sémitiques des Accads et des Sumers n’ont jamais existé dans la réalité historique et ne reposent que sur l’hypothèse erronée des premiers assyriologues, qui avaient pris les idéogrammes inventés par les Assyriens eux-mêmes, pour l’expression d’une langue étrangère aux Sémites. Ma théorie, regardée d’abord avec méfiance par l’école assyriologique tout entière, compte aujourd’hui parmi ses partisans un grand nombre de savants, donc la compétence ne peut pas être mise en doute. » (Revue de l’Histoire des religions, t. XXII, 1890, p. 183.) — Il y a là une grave question que nous devions signaler, bien que nous ne puissions la résoudre pour notre propre compte. Mais nous avons tout lieu de croire que quelle que soit la solution qui prévale et qui peut-être sera complexe, les résultats que nous allons exposer n’en seront pas profondément modifiés. En fait, bien que nous eussions accepté de confiance l’hypothèse générale de la préexistence des Accads et des Sumers, nous avons été conduit à réfuter. l’hypothèse de Lotz sur un ordre planétaire accadien qui aurait précédé en Chaldée l’ordre babylonien.]

Inutile de faire ressortir l’importance et l’actualité de l’étude qui les concerne, après tous les travaux qui ont été faits, soit pour les fouilles si fructueuses opérées à Ninive et ailleurs, soit pour le déchiffrement des inscriptions cunéiformes. Il y a là une des plus riches mines qui, dans notre siècle, se soient ouvertes à la science, et l’exploitation n’est pas encore très avancée.

La meilleure marche que nous aurons à suivre ici sera de séparer d’abord la question du sabbat et celle de la semaine, de les étudier à part, autant que possible, puis de rapprocher dans une conclusion les résultats des deux études.

A. le sabbat chaldéen.

Dans une des notes ajoutées par Fried. Delitzsch à la traduction allemande du Chaldean account of Genesis (Londres, 1875) par George Smith, il dit entre autres : « Le 7e jour était aussi chez les Assyriens un jour de repos, c’est ce dont on ne peut plus douter depuis que Smith a trouvé, en 1869, un calendrier assyrien dans lequel chaque mois est partagé en 4 semaines et les septièmes jours mis à part comme jours dans lesquels aucun ouvrage ne doit être fait. Je peux maintenant prouver que le terme de sabbat était aussi employé pour ce 7e jour, en alléguant la simple donnée d’un catalogue assyrien de synonymes, qui explique um nu-uh lib-bi, c’est-à-dire jour du repos du cœur, jour de repos, par sabat-tuv, c’est-à-dire sabbat. »

Dans cette citation de Fried. Delitzsch, il est question en premier lieu, d’un calendrier assyrien ; en second lieu, d’une définition du mot assyrien de sabbat. Nous reviendrons successivement sur ces deux points. Mais auparavant indiquons comment ils ont été encore récemment constatés par des savants tels que Eberh. Schrader et Tiele.

Schrader, qui le premier a jeté une grande lumière sur l’histoire de la semaine babylonienne, dit dans la seconde édition de son ouvrage, intitulé : Die Keilinschriften und das Alte Testament (Giessen, 1883) : « Nous rencontrons sur les monuments d’abord la semaine de 7 jours, avec le 7e jour comme jour où aucun travail ne devait être fait… Ce jour était désigné aussi comme sabattuv שׁבת c’est-à-dire « (jour) de repos », puisque dans la colonne explicative ce sabattuv est formellement expliqué par um nuh libbi, c’est-à-dire par « jour de repos du cœur, » c’est-à-dire « jour de repos. »

Le hollandais Tiele, dans la seconde édition de la traduction française de son Manuel de l’histoire des religions (Paris, 1885), dit aussi que c’est des Assyriens-Babyloniens que vint aux Nord-Sémites occidentaux (Araméens, Cananéens et Phéniciens) « la consécration du 7e jour comme sabbat ou jour de repos… Oppert et Schrader avaient déjà conjecturé que le sabbat, le jour de repos au 7e jour de la semaine, était passé des Accadiens aux Sémites, et Sayce vient d’établir ce résultat par des textes. On retrouve quelque part, dans une liste de mots, le mot sabatum avec l’explication : « jour de repos pour le cœur. »

Quant au mot assyrien sabattuv ou sabattu, voici ce que dit l’assyriologue Lotz qui, dans sa dissertation Quæstiones de historia sabbati (Lipsiæ 1883), a fait une étude vraiment approfondie sur le sabbat chaldéen : « Le sens principal de la racine שׁבת paraît avoir été : couper, de là : finir, cesser, puis : se reposer. Le verbe assyrien sabatu a le même sens que gamaru (hébreu גמר) achever, finir. Il signifie aussi : couper, où dans les mots sa ba tu sa seim, il est parlé du blé comme étant coupé. Or, comme nous lisons dans une tablette lexicographique que sa bat tu est le « jour de repos du cœur, » je suis persuadé que sa ba tu a signifié aussi se reposer. Le mot sabattu, avec le redoublement de la lettre t, indique une terminaison féminine. On ne l’a trouvé encore qu’une fois dans l’équivalence sa-bat-tu = umu nuh libbi (יוֹם נוּח הלּב), c’est-à-dire jour du repos du cœur. »

Sayce, dans une dissertation sur l’Astronomie et l’astrologie chez les Babyloniens, accompagnée de la traduction de tablettes relatives au sujet, dit : « Chez les Babyloniens, les mois étaient lunaires et divisés en deux lunaisons. Les jours dans lesquels les quartiers de lune commençaient, ainsi que le commencement de la seconde lunaison, étaient appelés jours de sulum ou repos, pendant lesquels on devait s’abstenir de certains travaux. » Le passage des tablettes traduites par Sayce qui me paraît le plus significatif comme confirmation, bien que je ne l’aie point encore vu mis en saillie, se trouve dans un appendice de la dissertation : « La lune produit un jour férié le 7e jour, le 14e, le 21e, le 28e, et l’apparition d’une éclipse en constitue un aussi. »

Mais la tablette assyrienne de beaucoup la plus explicite sur le repos du 7e jour chez les Chaldéens, a été publiée par Rawlinson, puis traduite en entier par Lotz dans sa dissertation. C’est la huitième des tablettes qui renfermaient le calendrier assyrien et elle se rapporte au mois intercalaire Eloul II. Elle date du règne d’Assourbanipal ou Sardanapale qui, d’après Schrader, monta sur le trône de Ninive en 668. Cette tablette indique en particulier à quelle divinité chaque jour du mois était dédié, quels sacrifices il fallait y faire, et ce qui était prohibé dans ce jour. D’après son étude il semble assez bien établi parmi les assyriologues qu’il y avait en Chaldée des jours de repos le 7, le 14, le 21 et le 28 de chaque mois, c’est-à-dire le dernier jour de chaque semaine mensuelle à partir du 1er jour du mois.

Cherchons maintenant à nous rendre compte autant que possible du caractère de cette institution, en revenant à plus d’un égard sur ce que nous venons de voir et en en tirant plusieurs conséquences.

1° Le sabbat chaldéen était un jour de repos et il était sous ce rapport revêtu d’un caractère religieux. Qu’il fût un jour de repos, cela nous semble ressortir abondamment des expressions sabattu, sulum, tarbatsa, qui lui sont appliquées, et de toutes les prescriptions rattachées à ce jour. Qu’il fût un religieux jour de repos, cela nous semble aussi ressortir de l’ensemble de ces prescriptions apparaissant essentiellement comme des prescriptions religieuses adressées au roi, aux prêtres et aux mages, peut-être aussi, sous telle ou telle forme, à tous les membres du royaume.

2° Le sabbat chaldéen n’était pas un jour triste, sinistre, dies ater. C’est là une thèse contestée. Le contraire est soutenu par Sayce, aussi par Schrader, toutefois avec quelque réserve. Il l’est aussi par Robertson Smith, Riehm, Lenormant ; et les éditeurs de la Bible annotée (I, p. 87) ont également adhéré à cette opinion.

Je crois cependant, avec Lotz, qu’elle est erronée. Et d’abord il ne faudrait pas s’appuyer sur l’interprétation de Hul… gal dans le sens de : mauvais, car cette interprétation est contestable et contestée. D’autre part, je ne voudrais pas insister avec Lotz sur ce que le calendrier qu’il a traduit, caractériserait comme jours favorables (fausti) le 7, le 14, le 21 et le 28 du mois. Et en effet, cette interprétation me paraît à son tour quelque peu suspecte, car avec elle tous les jours du mois seraient également favorables, comme Lotz le reconnaît. Je préférerais donc traduire avec Schrader par : consacré à (tel ou tel dieu). Mais voici ce qui me paraît plus concluant :

a) Toutes les prescriptions relatives à ces jours de sabbat impliquent un certain repos, mais nullement un caractère de tristesse et de malheur. La prescription de la ligne 30, interdisant au roi de manger de la chair rôtie au feu, n’est pas plus un signe d’ascétisme que ne l’est pour le sabbat mosaïque la prescription semblable de Exode 35.3.

b) Il me semble qu’il y a de la sérénité dans la dernière des prescriptions : « Que le roi, en présence de (telle ou telle divinité) fasse son don ! qu’il fasse des libations ! Ses mains levées seront agréables à la divinité. »

c) La définition assyrienne de sabattu comme « jour du repos du cœur » est en contradiction formelle avec l’opinion qui fait de ce jour un jour néfaste, car la crainte et le tremblement ne sauraient produire le repos du cœur, la joie intime.

d) L’opinion qui fait du sabbat chaldéen un jour sinistre, s’est rattachée à celle qui considérait le culte de Saturne comme le principe du repos sabbatique, — Saturne, dont l’étoile est souvent représentée chez les anciens comme une étoile défavorable [grave, nocens, triste sidus].

Nous aurons à revenir sur cette seconde opinion, qui a été d’abord soutenue par Baur et qui a été plus d’une fois fortement réfutée. Qu’il nous suffise de dire, pour le moment, que Saturne, appelé par les Chaldéens Sakkuth, Kewan, Adar, Adar-Malik, Malik, et par les Cananéens Moloch et Milcom, n’apparaît point comme présidant aux jours 7, 14, 21, 28 du mois, tout au moins du mois Eloul II. Les divinités auxquelles ces jours étaient consacrés ou auxquelles on offrait alors des sacrifices, sont désignées dans la tablette traduite par Lotz comme étant Mérodach et son épouse Zarpanith, Istar ou Vénus, Beltis, épouse de Bel, Nergal ou Mars, Sin [la Lune], Samas [le Soleil] et Ea.

3° Rapport du sabbat chaldéen avec les phases de la lune et le culte qui lui était rendu. Evidemment il y avait un certain rapport entre l’institution du jour de repos chez les Chaldéens et les différentes phases mensuelles de la lune, et il est certain que celle-ci jouait un rôle plus ou moins grand dans les idées religieuses de ce peuple. Il ne faudrait point cependant en conclure que le culte de la divinité lunaire, Sin, ait été le grand facteur de l’institution chaldéenne du 7e jour comme jour de repos.

Et d’abord, en fait de hiérarchie des dieux, rappelons qu’à leur tête il y a Ilou ou, chez les Assyriens, Assour. Puis vient la première triade composée d’Anou, Bel, Ao ou In ou Ea. La seconde triade est formée de Samas, Sin, et Raman ou Bin ou Vul, le dieu de l’atmosphère. Sin n’apparaît donc que dans la seconde triade et encore au second rang.

En second lieu, bien que les calendriers babyloniens parlent souvent de la Lune, cependant ils n’assignent point principalement les jours hul.. gal à son culte. Parmi les divinités auxquelles étaient consacrés le 7, le 14, le 21, le 28 du mois ou auxquelles on offrait alors des sacrifices, d’après le calendrier traduit par Lotz, la Lune n’apparaît que pour le 21, et cela conjointement avec le Soleil, Beltis et Vénus.

Enfin les deux jours de la nouvelle lune et de la pleine lune seraient seuls assez remarquables pour fonder des jours de fête lunaire. Or le premier de ces jours n’est point au nombre des jours hul.. gal, tandis que, par contre, on y trouve le 28e jour du mois, c’est-à-dire le jour où la lune a coutume de disparaître.

4° Rapport du sabbat des Chaldéens avec leur semaine et leur mois. Les Chaldéens avaient le mois lunaire synodique et l’année solaire. Comme la lunaison n’embrasse pas un nombre exact de jours, mais 29 jours et un certain nombre d’heures, les mois chaldéens étaient alternativement de 29 et de 30 jours et, en outre il y avait de temps en temps deux mois consécutifs de 30 jours. Le sabbat chaldéen avait lieu le 7, le 14, le 21 et le 28 de chaque mois. Il n’avait donc pas lieu au commencement ou au milieu de la semaine exacte ou approximative, mais à la fin de cette semaine et en général au 7e jour. De plus, il n’était pas indépendant du mois, comme il l’est pour nous, qui comptons nos semaines en ne tenant aucun compte du mois, de telle sorte que le premier jour de la semaine peut tomber sur le second jour du mois, sur le 3, le 4, le 5, le 6, le 7, aussi bien que sur le premier. Le sabbat chaldéen, au contraire, était essentiellement dépendant du mois. Le premier sabbat d’un mois était nécessairement son septième jour.

D’autre part, il n’y avait pas toujours un intervalle de 6 jours entre deux sabbats. Cet intervalle existait, il est vrai, entre le 1er et le 2d sabbat du mois, entre le 2d et le 3e, entre le 3e et le 4e, mais non entre le 4e et le 1er sabbat du mois suivant. Entre ces deux derniers sabbats l’intervalle n’était jamais de 6 jours, mais il était tantôt de 7 et tantôt de 8, suivant que le premier mois était de 29 jours ou de 30. Le dernier jour ou les deux derniers jours du mois étaient en quelque sorte laissés de côté, comme surnuméraires. Et la preuve qu’il en était ainsi, c’est que dans ce ou ces deux jours il ne se faisait presque pas d’affaires, comme l’indique la répartition des contrats que mentionne leurs tablettes. Les Chaldéens n’avaient donc strictement et complètement ni le sabbat comme 7e jour hebdomadaire ni la semaine. Ils ne les avaient qu’approximativement. Leur semaine n’était pas strictement sabbatique, comme l’est la nôtre ; mais elle était un intermédiaire entre la semaine lunaire et la semaine sabbatique. Elle n’était pas strictement et complètement lunaire. D’abord, parce que le mois chaldéen de 29 ou de 30 jours ne coïncidait pas exactement avec la durée d’une lunaison. Puis aussi parce que le premier jour du mois était pour les Chaldéens non pas la nouvelle lune dans le sens astronomique et moderne du mot, c’est-à-dire le milieu des « quatre jours environ qui s’écoulent entre la disparition de la lune le matin, à l’orient, et sa réapparition à l’occident, le soir, un peu après le coucher du soleila, » mais le jour au soir duquel ils devaient voir réapparaître la lune. Avec un pareil commencement de mois, il nous semble, de même qu’à Lotz, que, pour s’en tenir strictement aux indications lunaires, il aurait fallu avoir une 1re semaine de 6 jours allant jusqu’au 1er quartier, une 2de semaine de 7 jours allant jusqu’à la pleine lune, une 3e semaine également de 7 jours, allant jusqu’au 2d quartier et une 4e semaine de 9 ou 10 jours, allant jusqu’à la nouvelle lune dans le sens antique du mot. La préoccupation de la semaine de 7 jours ou du sabbat hebdomadaire a dû contribuer à donner un caractère mixte à l’institution de la semaine babylonienne, à la fois semi-lunaire et semi-sabbatique.

a – Voir Guillemin, le Ciel, p. 152.

B. la semaine des chaldéens et surtout leur semaine astrologique.

En constatant l’existence du sabbat chaldéen comme jour de repos le 7, le 14, le 21, le 28 de chaque mois, nous avons, par cela même, constaté l’existence de la semaine, tout en observant que cette institution n’arrivait pas en Chaldée à son plein développement, à sa pleine indépendance, puisqu’elle demeurait subordonnée au mois lunaire et qu’elle était, par là même, à la fin du mois, toujours en quelque manière sacrifiée.

Nous voudrions aborder maintenant la question de la semaine chaldéenne astrologique ou de la désignation planétaire des jours de la semaine, en Chaldée. Il nous semble certain que cette désignation, telle qu’elle a fini par être plus ou moins adoptée dans le monde civilisé, vient avant tout de la Chaldée. Sous ce rapport nous ne pouvons nous ranger à l’opinion d’A. de Humboldt et de Letronne contestant l’origine chaldéenne de la semaine planétaire, comme si les Chaldéens s’en étaient strictement tenus aux 5 planètes proprement dites connues des anciens, et ne leur avaient jamais associé le soleil et la lune. Une telle opinion ne saurait plus être soutenue après les découvertes récentes de l’assyriologie, puisque dans les inscriptions et dans les dessins chaldéens les 7 planètes apparaissent très souvent réunies.

Mais, d’autre part, après avoir passablement étudié le sujet pour autant qu’il peut l’être maintenant et sans pouvoir recourir nous-même au déchiffrement des inscriptions cunéiformes, nous sommes arrivé à la conviction qu’il faut bien distinguer entre l’existence même de l’institution de la semaine en Chaldée et le caractère astrologique dont cette institution a pu s’y revêtir plus ou moins. L’existence même de l’institution de la semaine en Chaldée nous paraît un fait devenu certain, tandis qu’il est extrêmement difficile d’arriver déjà à une idée nette et précise de ce qu’a été la semaine astrologique des Chaldéens.

On ne peut absolument plus répéter ce qu’A. de Humboldt faisait dire au père d’Acosta, en le citant comme ayant soutenu que les Péruviens ne connaissaient pas la petite période de 7 jours : « Cette période ne tient pas plus au cours de la lune qu’à celui du soleil. Elle doit son origine au nombre des planètesb. »

bHistoria naturale y morale de las Indias, 1591, 1. VI, c. 111, d’après A. de Humboldt : Vues des Cordillères et monuments des peuples indigènes de l’Amérique, I, p. 341. — Nous aurons à revenir, à propos des Péruviens, sur la citation faite par de Humboldt.

D’autre part, F. Lenormant semble aller trop loin quand il dit : « Les Chaldéo-Babyloniens n’ont certainement pas connu et employé la semaine planétaire, à laquelle les écrivains classiques attribuent une origine égyptienne et dont on ne trouve d’ailleurs pas de mention avant une époque fort récente, le premier siècle avant Jésus-Christ. Les allusions qu’on avait cru y trouver dans les documents cunéiformes ont manifestement un autre sens. » — Toutefois le mouvement de réaction qui s’exprime dans ces paroles est assez légitime. On en jugera par le résumé qui va suivre, des recherches des assyriologues Oppert, Sayce, Schrader et Lotz.

Opinions émises.

Oppert. L’orientaliste Mohl, rendant compte dans le Journal asiatique de très importantes communications d’Oppert données à l’occasion de traductions qu’il venait de faire de plusieurs tablettes assyriennes, traductions qui se trouvent dans le compte rendu, parle d’erreurs commises par Henry Rawlinson dans son interprétation des noms des planètes et reproduites dans le Commentaire de Bérose par Lenormant. « La liste des planètes telle qu’elle se trouve à la pl. 48 du second tome des Inscriptions du Musée britannique, dit-il, a été comprise, par ces savants, dans cette suite : Mars, Vénus, Jupiter, Saturne, Mercure. M. Oppert prouve que seule Vénus est à sa place et que Mars et Mercure, Jupiter et Saturne doivent changer de rang. » La suite véritable serait donc Mercure, Vénus, Saturne, Jupiter, Mars. Sayce, d’Oxford, tout en combattant sur plusieurs points les idées d’Oppert émises dans le communiqué de Mohl, a rendu un juste hommage à l’illustre assyriologue du Collège de France et a dit en particulier que c’était lui qui avait principalement contribué à élucider le sujet des noms des planètes, et Lenormant lui-même n’a pas tardé à modifier ses opinions, « en indiquant la source de ses rectifications. »

Or parmi les listes de catégories d’étoiles, traduites par Oppert, il en est une qui selon sa traduction aurait une grande importance, puisque ce serait la seule, à notre connaissance, qui rattacherait formellement les 7 planètes aux 7 jours de la semaine et, chose curieuse ! en reproduisant l’ordre actuel de la semaine planétaire.

Voici cette liste, indiquée, avec les autres traduites par Oppert :

Cette interprétation d’Oppert a été très fortement critiquée par Lotz. Il admet l’interprétation pour Mercure et Jupiter ; il croit probable celle pour Mars, interprétation que Sayce avait confirmée il croit possible que l’étoile Zibanit désigne Saturne. Mais, malgré Oppert et Sayce, Lotz est certain que masu ne signifie pas « chefs des jours de la semaine, » bien qu’il ne puisse pas proposer une autre interprétation. De plus il ne peut admettre que le Soleil soit désigné par les trois expressions qui lui sont attribuées, ni qu’il s’agisse de la Lune à la 4e ligne, et de Vénus à la 8e.

Sayce ne peut pas non plus admettre que le soleil soit désigné par les trois étoiles mentionnées les premières. Il pense que la 1re correspond à une étoile de l’ouest et il ne voit pas de raison pour que le 1er jour de la semaine fût dédié au soleil.

Parmi les trois autres listes de catégories d’étoiles traduites par Oppert, il en est deux qui réclament notre attention. L’une est ainsi conçue :

On aurait ainsi l’ordre des planètes rangées suivant les grandeurs des orbites, en commençant par le plus grand ; et l’interprétation d’Oppert est en gros celle aussi de Sayce.

L’autre liste est celle-ci :

[« Les 7 planètes, dit Sayce, étaient appelées par les Accadiens les sept lubat ou dibbat, mot qui se traduit par bibbu dans la liste des animaux. L’animal ainsi désigné était entre le loup et le bouc, et peut-être s’agit-il du lynx, à cause de l’éclat de ses yeux. Aussi Jupiter, la plus proéminente des étoiles, la plus brillante et la plus rouge des planètes, est-elle particulièrement appelée lubat et bibbu. »]

Sayce, dans la dissertation susmentionnée, dit, ce me semble, d’une manière beaucoup trop absolue : « L’ordre dans lequel les 7 planètes sont disposées par les Chaldéens est toujours le même : Lune, Soleil, Mercure, Vénus, Saturne, Jupiter et Mars, la Lune occupant toujours la première place, conformément à la mythologie postérieure des Babyloniens.

Schrader. Cet illustre assyriologue de Berlin, dans sa dissertation sur l’Origine babylonienne de la semaine de 7 jours, dit que « dans les monuments chaldéens on voit souvent les noms des 7 divinités stellaires, d’après lesquelles les différents jours de la semaine furent nommés, à savoir : Soleil, Lune, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne, en partie exactement d’après cet ordre, en partie dans l’ordre suivant : Jupiter, Vénus, Saturne, Mars, Mercure, Lune, Soleil, en partie aussi dans cet autre ordre : Lune, Soleil, Mercure, Vénus, Saturne, Jupiter, Mars. »

Lotz. En fait de désignation des divinités planétaires, il attire d’abord l’attention sur une tablette assyrienne très intéressante en elle-même, où onze grands dieux sont énumérés avec les chiffres qui leur sont attribués. Cette tablette avait été prise en considération déjà par Schrader, qui nous donne quelques renseignements sur son histoire, en disant qu’elle appartenait à la bibliothèque d’Assourbanipal et qu’elle avait été déjà signalée par Hincks, Rawlinson et Lenormant.

Il est parlé dans cette tablette, d’abord de la première triade des grands dieux : Anim, Bel, Ea, puis de la seconde triade composée de Sin, Samas et Raman le dieu de l’atmosphère, puis des dieux des 5 planètes proprement dites. Le seul ordre babylonien des divinités planétaires serait donc selon Lotz : Lune, Soleil, Jupiter, Vénus, Saturne, Mars, Mercure, et c’est aussi celui que reconnaît Jensen comme ayant été en quelque sorte stéréotypé. Il adopte pleinement la distribution des planètes entre les jours hebdomadaires, telle qu’elle avait été déterminée par Lotz ; et il l’appuie de nouvelles preuves.

L’ordre planétaire à Borsippa, Thèbes, Ecbatane et Khorsabad.

Il y a quelques années, on avait cru reconnaître une allusion au déluge dans une inscription de Nébucadnetzar trouvée dans les ruines de Borsippa et relative à la restauration du temple. On en avait conclu que ces ruines s’élevaient bien sur l’emplacement de la fameuse Tour de Babel, comme l’indique la tradition juive. Mais on reconnut que l’allusion reposait sur une interprétation erronée, et alors on chercha l’emplacement plutôt dans les ruines de Bâbil, située sur la rive gauche de l’Euphrate. Plus tard, des fouilles ont été faites par Hormuzd Rassam, ancien compagnon de Layard, à Bâbil, et l’on a constaté qu’il ne devait s’y trouver autrefois que les célèbres jardins suspendus et un palais d’été.

On comprend donc comment Lenormant a pu dire à ce sujet dans la dernière édition de son Histoire de l’Orient (I, p. 118) : « Le vrai est qu’il faut renoncer à voir dans le Birs-Nimroud ou dans toute autre ruine subsistant aujourd’hui le long du cours inférieur de l’Euphrate, les restes de la Tour de Babel. » En tout cas, il serait impossible d’admettre que l’antique édifice que restaura Nébucadnetzar à Borsippa et dont il respecta les formes, eût été la Tour de Babel. On ne saurait attribuer à celle-ci une construction de pyramide à 7 étages correspondant aux 7 planètes, comme Ledrain semble l’indiquerc.

cHistoire d’Israël., lre partie, Paris 1879, p. 21 : « Ainsi, d’après la tradition, c’était pour y installer le sabéisme que les hommes primitifs avaient construit la tour, puisque c’est d’eux qu’elle semble avoir pris le nom de Temple des sept lumières. »

Lenormant paraît bien être dans le vrai quand il dit : « En général on peut dire que dans l’état le plus ancien de la religion chaldéo-babylonienne la grande majorité des dieux mâles était avant tout des dieux solaires… Par contre, le point de vue planétaire, qui joue un rôle si capital dans la phase suivante de la religion, paraît presque absent dans la première époque, et l’influence des idées astrologiques auxquelles il se rattache, semble n’avoir commencé à prédominer dans la religion qu’au moment où se produisit l’évolution qui la systématisa définitivement, en grande partie sous l’inspiration de ces idées nouvelles. » Dans l’inscription de Borsippa, il est dit que Nébucadnetzar ne fit que restaurer ce qu’avait construit « un roi antérieur. »

Après ces préliminaires, presque indispensables, arrivons à la description de ce que révèlent les ruines mêmes de Borsippa. Lotz renvoie sous ce rapport à G. Rawlinson : The five great Monarchies of the ancient eastern world, 1871, II, p. 546, où nous trouvons en effet de précieuses informations dues surtout aux explorations de l’illustre Henry Rawlinson.

« L’ornementation de l’édifice, dit G. Rawlinson, était principalement formée par des dispositions de couleurs. Les sept étages représentaient les sept sphères dans lesquelles d’après l’ancienne astronomie chaldéenne se mouvaient les 7 planètes. L’imagination appuyée partiellement sur la réalité a attribué dans l’antiquité à chaque planète une teinte ou une couleur particulière. Le soleil était d’or ; la lune, d’argent ; le lointain Saturne, situé presque au delà de la sphère de la lumière, était noir ; Jupiter était couleur orange ; le fougueux Mars était rouge ; Vénus était d’un pâle jaune de Naples ; Mercure, d’un bleu foncé. Les sept étages de la tour, comme les sept murs d’Ecbatane (Hérod. I, 98), étaient une incarnation visible de ces produits de l’imagination. L’étage qui formait la base, assignée à Saturne, était noirci par une couche de bitume répandue sur la maçonnerie. Le second étage, assigné à Jupiter, présentait la couleur orange au moyen d’un revêtement de briques cuites de cette couleur. Le troisième étage, celui de Mars, était fait de couleur rouge sang par l’emploi de briques à demi cuites formées d’un argile rouge. Le quatrième étage, assigné au Soleil, était couvert de vraies plaques d’or. Le cinquième, celui de Vénus, était teinté de jaune pâle par l’emploi de briques de cette couleur. Le sixième étage, la sphère de Mercure, avait une teinte azurée grâce à la vitrification. La chaleur intense à laquelle l’étage entier avait été soumis après sa construction, avait converti les briques en une masse d’un bleu de scories. Le septième étage, celui de la Lune, était probablement revêtu, comme le quatrième, de plaques de métal. Ainsi le bâtiment s’élevait avec des bandes de couleurs variées, rappelant celles de l’arc-en-ciel. D’abord les tons rouges. Puis le jaune et le bleu. Au-dessus, le brillant sommet d’argent se perdait dans l’éclatante splendeur du ciel. »

Voici maintenant le passage d’Hérodote sur la capitale de la Médie, auquel G. Rawlinson fait allusion et qui se rapporte suivant lui à « la seconde Ecbatane, la ville aux sept enceintes, » ainsi que s’exprime un savant historien de l’Arménie, Moïse de Khoren, mort patriarche vers 487 :

« Ces murailles forment plusieurs enceintes concentriques et disposées de manière que l’une ne surpasse l’autre que de la hauteur des créneaux. La nature même du lieu, qui est un monticule, se prêtait à cette disposition ; mais une partie fut l’ouvrage de l’art. On fit sept enceintes et dans la dernière furent placés le palais et les trésors… Les créneaux de la première enceinte sont blancs, ceux de la seconde noirs, ceux de la troisième rouges, ceux de la quatrième bleus et ceux de la cinquième roses. Quant aux deux dernières, l’une a les créneaux argentés et l’autre, dorés. »

L’ordre des planètes d’après les couleurs de la tour de Borsippa est donc, en commençant par le haut, Lune, Mercure, Vénus, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, c’est-à-dire l’ordre par grandeur d’orbite.

Admettons avec Lenormant (voir notre Appendice), que le blanc des créneaux d’Ecbatane se rapporte à Vénus et correspond ainsi au jaune pâle de Borsippa, et nous aurons pour Ecbatane, à partir d’en haut : Soleil, Lune, Jupiter, Mercure, Mars, Saturne, Vénus.

Ce qui donne de l’importance à l’ordre d’Ecbatane, c’est qu’il paraît se retrouver dans les étages du temple de Khorsabad, que Place, qui l’a surtout étudié, appelle l’Observatoire.

Chacun de ces étages, dit G. Perrot, était peint d’une couleur particulière, le premier en blanc, le second en noir, le troisième en rouge et le quatrième en bleu. Au moment des fouilles, ces teintes étaient encore très visibles sur les portions de muraille qui reparaissaient, à mesure que le corps de l’édifice se dégageait des décombres qu’avait accumulés autour de sa base la chute des parties supérieures. L’édifice avait, selon toute apparence, au moins sept étages et les trois derniers étaient certainement colorés d’après le même principe. C’est ainsi que Félix Thomas les a restitués ; dans sa restauration, il peint le cinquième en vermillon, il répand sur le sixième un ton qui le rapproche du gris de l’argent et il dore le septième, celui d’en haut. Le choix qu’il a fait de ces trois dernières couleurs et l’ordre dans lequel il les dispose n’ont d’ailleurs rien d’arbitraire ; il s’autorise avec raison d’un texte d’Hérodote, du passage où l’historien décrit la ville d’Ecbatane… Entre la série des couleurs que nous a fournie la ruine assyrienne et celle que nous indique Hérodote, il y a, pour les quatre premiers étages, les seuls qui aient été conservés à Khorsabad, une identité qui ne peut être l’effet du hasard. Ni les Mèdes ni les Perses n’ont rien inventé ; tout leur art n’est que la branche orientale et comme une sorte de provin de l’art chaldéo-assyrien. »

Quant à Thèbes en Béotie, Lotz qui s’en réfère à une dissertation de Brandis, rapporte la tradition d’après laquelle elle avait sept portes consacrées aux dieux planétaires : celle du midi à Apollon (Soleil), celle de l’orient à Diane (Lune) et les suivantes à Mars, Mercure, Jupiter, Vénus et Saturne. Lotz cependant ne voudrait pas insister sur cette tradition à cause des doutes dont elle est l’objet, et nous n’y insisterons pas non plus.

Rien n’était plus connu dans l’antiquité que les sept portes de Thèbes : Homère en parle déjà (Odyssée XI, 26), et il en est souvent question dans la tragédie d’Eschyle : Les sept contre Thèbes et dans les Phéniciennes d’Euripide. Mais les portes que mentionnent ces deux tragiques et aussi Pausanias, ont des noms qui ne rappellent guère les divinités planétaires, et il paraît impossible d’établir avec quelque certitude les places respectives de ces portes.

Ce qui en tout cas est bien certain, c’est que Thèbes de Béotie fut, comme s’exprime Lenormant, « un centre incontestable de colonisation phénicienne, où l’empreinte asiatique se montre avec une énergie singulière dans la religion locale. » — Il dit ailleurs : « Deux fois seulement les fils de Chanaan tentèrent d’établir des colonies proprement dites, occupant une étendue considérable de territoire, avec une population agricole et y exerçant la souveraineté. Ce furent la colonie de Béotie, qui fonda Thèbes, et celle d’Afrique, d’où sortit la nation des Libyphéniciens. A part ces deux exceptions, les Phéniciens, au temps de leur grande prospérité, au temps où le trafic maritime du monde antique se trouvait exclusivement concentré dans leurs mains, ne créèrent que de simples comptoirs. » — Dans une dissertation spéciale, justement appréciée, sur la légende de Cadmus et les établissements phéniciens en Grèce, le même savant signale, entre autres preuves de l’origine phénicienne de Thèbes, les faits suivants dont l’importance paraîtra encore plus grande à nos lecteurs quand nous aurons eu l’occasion de les entretenir du culte des Cabires : « L’Apollon national des Thébains portait l’épithète d’Isménius. Ce nom, qui se répète sous un grand nombre de formes dans les traditions béotiennes, rappelle d’une manière frappante, dès le premier abord, celui de l’Eschmoun phénicien. La ressemblance de son ne suffirait pas, il est vrai, pour justifier le rapprochement, si Ottfried Muller n’avait pas signalé lui-même dans les fêtes de l’Apollon Isménien des symboles astronomiques et planétaires qui établissent une affinité profonde entre la nature de ce dieu et le caractère sidéral de l’Eschmoun chananéen. Ce qui est surtout digne de la plus sérieuse attention est l’importance du nombre huit dans le culte de l’Apollon des Thébains, le renouvellement octaétérique de toutes les choses sacrées, etc., lorsqu’on se souvient que ce nombre était spécialement consacré chez les Phéniciens au dieu Eschmoun, que le nom de ce dieu signifie « le huitième, » qu’il est le huitième des Cabires phéniciens et qu’il s’offre comme l’emblème du monde formé par le concours des sept planètes. »

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Résumons ce que nous avons cherché à établir au sujet du sabbat et de la semaine chez les Chaldéens :

  1. Ils ont eu des jours religieusement consacrés au repos en particulier le 7, le 14, le 21, le 28 de chaque mois.
  2. Le sabbat chaldéen n’était pas un jour triste, sinistre, dies ater.
  3. Le culte de la divinité lunaire n’a point été le grand facteur de l’institution.
  4. Le sabbat chaldéen suppose l’existence de la semaine chaldéenne.
  5. Cette semaine n’était pas indépendante du mois chaldéen, au contraire elle en dépendait, et elle ne pouvait en conséquence arriver à son plein développement.
  6. La semaine chaldéenne n’était pas cependant strictement lunaire : elle était semi-lunaire et semi-sabbatique.
  7. Le sabbat chaldéen avait lieu à la fin d’une semaine exacte ou approximative.
  8. Les Chaldéens avaient donc la semaine et le sabbat hebdomadaire, mais ils n’avaient pleinement ni l’un ni l’autre.
  9. Il faut distinguer entre l’existence même de la semaine et le caractère astrologique que cette institution a pu revêtir plus ou moins.
  10. L’institution même de la semaine en Chaldée paraît un fait devenu certain, mais il n’en est pas précisément de même de la semaine astrologique.
  11. Il est au moins probable que les Chaldéens ont rattaché en quelque sorte les jours de la semaine aux 7 dieux planétaires.
  12. Nous serions disposé à croire que lorsque les jours de la semaine ont pris en Chaldée une signification astrologique, ils ont été désignés d’abord suivant la série des 7 planètes par ordre de grandeur d’orbite.
  13. L’ordre planétaire de la semaine qui a prévalu en Chaldée, paraît s’expliquer assez naturellement par une combinaison de l’ordre par grandeur d’orbite et de l’ordre hiérarchique des grands dieux de l’Olympe chaldéen.
  14. La semaine planétaire des Chaldéens est moins ancienne chez eux que l’institution même de la semaine.

Origine de la semaine et du sabbat chaldéens.

Comme nous l’avons vu, selon Lenormant, la formation de la semaine découle de la notion du caractère sacré du nombre 7 et cette notion remonte chez les Chaldéo-Babyloniens à la plus haute antiquité. Mais d’où venait donc cette notion chez les Chaldéens ? Nous avons dit abondamment qu’elle ne pouvait venir du nombre des planètes. Nous ne pouvons pas non plus admettre qu’elle provînt purement et simplement de la division du mois synodique en 4 parties de 7 jours chacune, comme le veulent Knobel et d’autres.

Venait-elle d’un sens mystique ou symbolique du chiffre 7 envisagé simplement en lui-même, sens qui apparaît si fréquemment dans l’antiquité et qui implique toujours l’idée d’un certain caractère divin ? Nous aurions bien de la peine à croire à la réalité primitive de cette abstraction quand nous pensons aux temps reculés où nous fait remonter l’idée de la sainteté de ce nombre et à l’immense sphère de populations très diverses dans lesquelles se retrouve cette idée. Nous sommes bien plus porté à y reconnaître avant tout, avec Zöckler, Baehr, Schubert, Kurtz, Delitzsch, une trace de tradition primitive au sujet de la création, mais sans toutefois exclure le caractère symbolique du chiffre. Peut-on trouver dans ses traditions quelque rapport entre la sainteté qu’elles attribuent au septénaire et leurs données cosmogoniques, à plusieurs égards, si remarquables ? Voilà ce que nous avons maintenant à rechercher.

Lotz prétend qu’on ne trouve aucun rapport de ce genre. Dans une note d’un haut intérêt, il compare la cosmogonie de Babylone avec celle de la Bible, et il consigne les résultats suivants : Les deux cosmogonies se ressemblent assez pour qu’on ne puisse méconnaître entre elles un lien étroit de parenté ; mais, d’autre part, elles sont trop différentes pour que l’une puisse provenir de l’autre. Il est incroyable que l’auteur du premier chapitre de la Genèse ait révisé et corrigé aussi parfaitement la tradition babylonienne et que ce chapitre ne soit qu’un extrait de cette tradition accommodé au monothéisme. Dans les deux traditions, on voit le monde, d’abord informe chaos, être formé et achevé par une série d’actes divins, et s’élever ainsi par degrés jusqu’à la création de l’homme. Dans les deux, même disposition générale et grande ressemblance dans plusieurs détails. Dans les deux, le chaos est semblablement décrit (ti amtu = תּהוֹם). Mêmes paroles, à propos de la création des astres, comme destinés à déterminer certains temps. A l’énumération hébraïque (v. 24) : « du bétail, des reptiles et des animaux terrestres » (בהמה ורמשׂ וחיתו–ארץ) correspond l’expression babylonienne : « le bétail des champs, les bêtes des champs, les reptiles des champs » (bul seri umam seri u nammassi seri).

En outre, on trouve deux fois dans la narration babylonienne le verbe ubassim, « il a bien fait (ils ont bien fait), » ce qui est en analogie avec la déclaration biblique : « Dieu vit que cela était bon » (v. 10, 12, 18, etc.). Ces ressemblances ne sont point du tout de nature à contraindre d’admettre que la narration biblique ait été écrite en imitation de la narration babylonienne.

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Nous ne croyons pas que la tradition hébraïque vienne de la tradition proprement babylonienne, comme à notre époque on n’est que trop enclin à le penser, ni que la tradition babylonienne vienne de la tradition hébraïque, comme des générations antérieures aux nôtres auraient été portées à l’admettre. Assurément les deux traditions ont dû être une à l’origine, c’est-à-dire lorsqu’il n’y avait encore ni Hébreux, ni Babyloniens, ni Sémites, ni Touraniens. Mais elles n’ont pas tardé, même sur les rives de l’Euphrate, à se diversifier plus ou moins et toujours plus : l’une étant plus conservatrice, plus sobre, plus simple, plus conséquente, plus pure, étant aussi merveilleusement et mystérieusement gardée d’en Haut ; — l’autre, étant plus mobile et plus souple, s’altérant de plus en plus sous de puissantes influences contradictoires, se surchargeant indéfiniment d’éléments étranges et étrangers, abandonnée en quelque sorte à elle-même dans sa course désordonnée, perdant ainsi toujours plus sa simplicité, son unité, sa conséquence, mais cependant ne cessant jamais de porter des traces de ce qu’elle était à l’origine.

Comme nous l’avons vu, on retrouve dans les traditions chaldéennes les institutions primitives du sabbat et de la semaine plus ou moins conservées ; on retrouve aussi le chiffre 7 marqué d’un saint caractère, on le retrouve même dans les idées cosmogoniques. Mais le plein développement du sabbat et de la semaine, le souvenir bien net de l’origine cosmogonique du sabbat, de la semaine et de la sainteté du nombre 7, tout cela ne se trouve pas. Nous ne voyons en Chaldée que des membra disjecta, et peut-être n’y trouverons-nous jamais le corps, l’organisme vivant. Mais les membra disjecta certainement sont là.

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