Le Jour du Seigneur, étude sur le Sabbat

1.2.2.6 — Les Chinois.

La semaine actuelle.

[« Dès la plus haute antiquité, dit Arago (IV, p. 681), plus de 20 siècles avant notre ère, les Chinois ont employé l’année de 365,25 jours, c’est-à-dire 3 années successives de 365 jours chacune, et une 4e année de 366 jours, comme dans le calendrier julien. Malheureusement les premiers Chinois ont cherché à plusieurs reprises a corriger l’inexactitude de ce système par des rectifications absolues, dont l’étendue n’a pas été mentionnée par l’histoire et qui reposaient en outre sur des observations imparfaites. Les anciens Chinois mesuraient l’année par son retour au solstice d’hiver dont ils déterminaient l’époque d’après les longueurs des ombres observées par le gnomon. Ils laissaient courir l’année de 365.25 jours, jusqu’à ce que les observations du gnomon fissent reconnaître qu’elle s’écartait notablement des passages du soleil vrai au solstice ; alors ils opéraient une information analogue à la réformation grégorienne de 1582. Les discontinuités qui en sont résultées dans la chronologie chinoise ne se sont pas renouvelées depuis l’an 206 avant notre ère. L’année solaire chinoise est divisée en mois lunaires. Les anciens Chinois avaient reconnu que dans 19 années de 365 jours, 25, il y avait 235 lunaisons, et que, par conséquent, après ce cycle, les mêmes phases de la Lune reviennent aux mêmes jours ; ils avaient donc découvert la période dite de Méton. — Les années ordinaires des Chinois ont 12 mois ou 12 lunes ; d’autres années convenablement placées, au nombre de 7, dans le cycle de 19 ans, ont 13 mois ou 13 lunes ; les lunes intercalaires appartiennent aux années 3, 6, 9. 11, 14, 17 et 19 du cycle. »]

Voici la division ou plutôt les divisions des jours mensuels que l’on trouve actuellement en Chine, non pas dans le calendrier populaire officiel, mais sans doute au point de vue astrologique 1. Nous avons puisé nos renseignements surtout dans la Chart of the Week publiée par Jones, dans deux lettres particulières du Dr Legge, anciennement missionnaire en Chine, actuellement professeur à Oxford, sinologue de premier ordre, et aussi dans des conversations avec le missionnaire Hunnex, pendant son séjour à Genève.

Dans ce système, le mois est de 28 jours ; il est composé de 4 semaines ; les 28 semaines des 7 premiers mois ont chacune un nom spécial tiré des noms des étoiles des constellations, et ces noms spéciaux, qui nous sont donnés dans la Chart of the Week, reviennent dans le même ordre pour les mois suivants. En second lieu, tous les jours du mois ont chacun leur nom, comme cela avait lieu chez les anciens Perses. Pour les Chinois, les noms des 28 jours mensuels sont ceux des 28 constellations dans lesquels ils rangent toutes les étoiles fixes, tant celles du zodiaque que celles qui sont au-dessus ou au-dessous. En troisième lieu, les 28 jours mensuels ainsi dénommés d’après les 28 constellations sont répartis en 4 semaines, chaque jour de chacune d’elles étant censé sous l’influence spéciale d’une des 7 planètes : Soleil, Lune, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne, ces 5 dernières étant désignées par les 5 éléments : feu, eau, bois, métal, terre, qui leur correspondent dans les pensées chinoises et y jouent un si grand rôle.

« Les Chinois, dit le P. Cibot, comptent 28 constellations, dont chacune a son propre caractère. Chacun de ces caractères répond à une des 7 planètes qui, par là, en a 4 qui lui correspondent et qui lui sont appropriées. Ce cycle donne exactement et les semaines et les jours des semaines, tels que nous les comptons, parce que les 7 planètes y étant placées de suite selon les caractères qui leur sont attribués, elles reviennent toujours, comme nos dimanches, nos lundis, etc. Il est de fait que ce cycle correspond exactement à nos jours et semaines ecclésiastiques et que les 4 caractères du soleil, par exemple, tombent toujours le dimanche, ceux de la lune le lundi, etc. Aussi les néophytes éloignés, qui ne peuvent avoir le calendrier des missionnaires, se servent aisément de celui de l’empire. »

Nous retrouvons ainsi 4 catégories d’heptades :

  1. Une heptade de pluralité de mois, les noms des 28 semaines des 7 premiers mois revenant dans les mois suivants, pour autant que le comporte le nombre de ces mois ;
  2. Une quadruple heptade pour chaque mois, puisque chaque mois est composé de 28 jours, c’est-à-dire 4 fois 7 jours ;
  3. Une quadruple heptade de semaine proprement dite, puisque chaque mois compte 4 semaines ayant chacune un nom spécial dans une série de 7 mois ;
  4. Une nouvelle quadruple heptade de jours formée par les noms des 7 planètes, puisque chacune d’elles donne son nom à un des jours de chaque semaine.

A un autre point de vue, chaque jour des 7 premiers mois est plus ou moins caractérisé :

  1. Par un nom tiré d’une des étoiles des constellations et porté par la semaine à laquelle appartient ce jour dans l’ensemble des 28 semaines des 7 mois ;
  2. Par le nom d’une des 28 constellations rattachées chacune à un des jours du mois ;
  3. Par le nom d’une des 7 planètes entre lesquelles se répartissent également les 28 jours du mois.

On comprend qu’avec une pareille complication l’astrologie ait beau jeu. Legge dit dans sa lettre : « Les Chinois connaissent la division des jours en semaines. Maintenant on l’emploie dans les almanachs et elle est connue depuis plus d’un millier d’années. C’est notre semaine planétaire. Cet arrangement des jours a commencé, d’après mon opinion, à la période de la « sixième dynastie, » s’étendant de 220 à 587 après Jésus-Christ. Les écrivains chinois disent que cela leur venait « d’Occident, » c’est-à-dire de la Perse et de l’Inde. Les jours prennent les noms des 28 constellations groupées en 7 classes de 4 constellations chacune, qui sont de nouveau appelées des noms du Soleil, de la Lune et des 5 planètes. Il y a ainsi des jours du soleil, des jours de la lune, des jours du feu (c’est-à-dire de Mars), des jours de l’eau (Mercure), etc. C’est exactement la semaine planétaire. »

Ce qui est l’Occident pour la Chine aurait donc influencé dans des temps relativement peu anciens l’organisation astrologique du mois chinois, organisation si compliquée, si originale à quelques égards et si profondément septénaire. Mais quelle qu’ait été cette influence, il serait surprenant, peu conforme à la ténacité des Chinois et à leur respect pour l’antiquité que cette organisation entière provînt d’une influence étrangère assez tardive et qu’elle ne renfermât pas des éléments antérieurs et, en tout ou partie, septénaires. On ne risque pas de s’aventurer en disant tout au moins que le mois primitif chinois était un mois lunaire de 28 jours. Si haut que l’on remonte dans l’histoire ou dans les légendes de la Chine, on la voit préoccupée de son calendrier et attachée au mois lunaire.

Importance du nombre 7.

Nous avons vu que la division des mois et des jours mensuels était chez les Chinois profondément septénaire. J’ai questionné le missionnaire Hunnex sur le sujet, et il m’a répondu : « Les Chinois pensent que le nombre 7 est très important. Par exemple, ils font un deuil de 49 jours pour un mort, c’est-à-dire 7 fois 7 jours. Je ne sais pourquoi ils ont cette opinion du nombre 7, mais il est certain qu’ils ont cette opinion. » J’ai trouvé ensuite dans l’étude de Bonnetty beaucoup de faits qui font ressortir l’importance attribuée par les Chinois à ce nombre. En voici quelques-uns tirés du Li-ki ou Livre des rites :

« L’empereur a 7 temples (dédiés à 7 générations de ses ancêtres), 3 à gauche, 3 autres à droite ; celui du grand-aïeul (à l’extrémité au milieu des deux lignes) forme le 7e. A la mort de l’empereur, pendant 7 jours, on sert devant lui des vivres et du vin, et ce n’est guère qu’au 7e jour qu’on l’enterre. Cela se fait pour l’empereur seul. Le Li-ki compte 7 devoirs principaux, 7 espèces d’affections humaines, 7 choses dont il ne faut pas parler dans l’instruction donnée aux enfants, 7 règles de bienséance et de civilité, 7 causes de divorce, etc. »

Le P. Cibot, dans un travail intitulé : Fête donnée par Assuérus, la troisième année de son règne, comparée aux fêtes des souverains de la Chine, dit à propos des 7 jours pendant lesquels dura le festin d’Assuérus (Esther 1.7) : « Le nombre … est remarquable : il est consacré, en Chine, par les usages et par la façon de parler de la plus haute antiquité. Encore aujourd’hui, quoiqu’on ne compte pas par semaines et que le calendrier civil et ecclésiastique soit purement lunaire, on ne laisse pas de mettre dans le calendrier impérial des caractères qui correspondent toujours aux 7 jours de la semaine. Si on ne peut pas prouver, faute de monuments, que cet usage soit de la plus haute antiquité, on ne peut pas dire non plus quand il a commencé ; au moins ne l’avons-nous trouvé nulle part, quelques recherches que nous ayons faites … Le nombre de 7 jours est encore aujourd’hui un nombre d’étiquette pour plusieurs cérémonies et rites. Nous invitons les curieux à voir ce que disent les étymologistes chinois sur le nombre 7 et sur les variantes plus que singulières de l’ancien caractère dont on se servait pour l’écrire. Il est impossible de ne pas reconnaître, dans la manière dont les anciens se servaient de ce nombre, que la tradition y avait attaché des idées religieuses ; aussi le Lieou-chou dit que c’est un nombre d’un merveilleux qui embarrasse. Un Chinois, en effet, doit être fort embarrassé aujourd’hui pour expliquer pourquoi il signifie un homme pur, d’une vertu solide, qui sait la vraie doctrine, etc. »

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