Le Jour du Seigneur, étude sur le Sabbat

7. — Le nom de nombre sept.

« La formation des noms de nombre, dit Ad. Pictet, remonte à la plus haute antiquité. Aucun idiome n’en est complètement dépourvu, bien que certains sauvages très inintelligents ne sachent pas compter au delà de 5 et même de 3. La comparaison des termes numériques est un des moyens les plus simples pour s’orienter au début dans le classement des familles de langues. La famille arienne en est un exemple frappant, car aucune autre catégorie de mots n’y offre un exemple aussi complet de concordances. » — « Les noms de nombre, dit Max Müller, sont en général un très sûr critère de communauté d’origine entre les langages, et la liste ci-jointe ne montre pas de beaucoup plus grandes différences entre les noms de nombre du sanscrit, du persan (Persian), du grec, du latin, et de l’ancien slave, qu’entre ceux usités dans le français, l’italien, l’espagnol et le valaque. Nous savons cependant que ces récents dialectes romans n’ont pas été détachés de leur commune mère depuis plus de mille ans, tandis que longtemps avant Romulus et Homère, les langues de la Grèce et de l’Italie étaient des dialectes très distincts, non moins séparés que ne le sont maintenant ceux de l’Inde et de la Perse. »

Voici dans cette liste ce qui concerne le nombre 7 :

[Welsh : « On classe les idiomes celtiques, dit Lenormant (Hist. anc. de l’Orient) en deux groupes, kymrique ou breton, et gallique ou gaélique. Le premier comprend le kymrique proprement dit ou gallois, langage du Pays de Galles, le cornique, demeuré en usage jusqu’au siècle dernier en Angleterre, dans le comté de Cornouailles, enfin l’armoricain ou breton, d’un usage général dans nos départements des Côtes-du-Nord, du Finistère, du Morbihan et dans une partie de la Loire-Inférieure. Au second appartiennent l’irlandais, celui de tous les idiomes qui a conservé les formes les plus archaïques, le gaélique proprement dit ou langue erse, parlé dans la Haute-Ecosse, enfin le manx ou dialecte de l’île de Man. »]

« Cette liste, continue Max Müller, nous montre deux choses : La première, c’est que les noms de nombre espagnols, portugais, italiens, valaques et français sont dérivés directement du latin, et non l’un de l’autre. La seconde, c’est que dans les anciennes langues : grec, latin, sanscrit, ancien slave, anglo-saxon, gallois, il est impossible de dériver les noms de nombre d’une de ces langues de ceux d’une autre. Même les noms de nombre sanscrits n’ont pas été conservés dans un état assez primitif pour que nous puissions supposer que ceux des autres anciennes langues en soient dérivés, de même que les langues romanes sont dérivées du latin, ou l’anglais, de l’anglo-saxon. Nous sommes forcés, au contraire, d’admettre l’existence antérieure d’un langage, d’où se sont ramifiées ces anciennes langues, de même que dans des temps moins reculés les langues romanes se sont détachées du latin. Mais l’histoire ne nous renseigne même pas sur le nom de cette forme primitive, encore moins sur sa source ou son berceau. Nous ne pouvons dériver le latin du grec, ni le grec du sanscrit, par la simple raison que sur plusieurs points le latin est plus primitif que le grec, et le grec que le sanscrit. »

Aux divers noms indo-européens du nombre 7 indiqués plus haut, nous ajouterons : Zend : hapta ou haptan. Indoustani : sat. Grec : ἑπτάς ; on trouve aussi σεπτάς. — Langues germaniques : ancien norse ou Scandinave : sjau, sjaundi ; gothique : sibun ; allemand : sieben ; anglais : seven ; danois : siu. — Langues celtiques : ancien irlandais : secht ; gaélique : seacht. — Langues letto-slaves : lithuanien : septini ; bohémien : sedm ; carinthien : sodem ; dalmate : szedam ; russe : ceem.

Mais ce n’est pas seulement entre les noms indo-européens du septénaire que l’on constate un air de famille et une véritable parenté, c’est aussi entre ces noms et leurs correspondants dans d’autres groupes de langues. Gesenius mentionne d’abord à cet égard les langues sémitiques, et il cite à l’appui l’hébreu schebah et schibehah (שׁבע שׁבעה) et les mots parallèles en syriaque, samaritain arabe, éthiopien amharique. Il cite aussi des mots de l’ancien égyptien, mots qui appartiendraient ainsi aux langues hamitiques ou égypto-berbères.

Il est probable qu’on pourrait rapprocher encore des langues d’autres familles. Il semblerait, par exemple, qu’on pourrait le faire tout au moins, pour certaines langues du groupe appelé par Max Müller la famille touranienne, et par Lenormant, la famille ougro-japonaise ou altaïque. Une de ses branches, en effet, est la branche finnoise, qui se subdivise, d’après Max Müller, en 4 rameaux : Kudique, Bulgare, Permien et Ougrien. Or 7 se dit en Kudique seitsem (Finnois) ou seitze (Esthonien), en Bulgare sim (Tchérémisse) ou sesem (Mordvine), en Permique sizim (Zyriainien), en Ougrien tabet (Ostiaque) ou net (Magyar).

Les anciens ont assez souvent fait dériver ἑπτὰ et septem de σέβω, honorer, respecter, et il est certain qu’on retrouve en grec, non seulement σεπτάς mais encore σεπτεύω, σεπτικός, propre à honorer, à rendre un culte, pieux, religieux, et σεπτός, honoré, respectable, saint, divin. L’Etymologicum magnum propose en première ligne comme racine de ἑπτὰ, ἐπιέναι, de ἔπειμι, survenir, approcher, suivre, « en tant que le nombre 7 est prés d’arriver au nombre 10. » Mais cette explication est des plus arbitraires. Il faudrait tout au moins préférer à ἔπειμι ἕπομαι, suivre, venir après. Le nombre 7 pourrait alors être appelé « le suivant, » comme venant immédiatement après les 6 premiers envisagés comme un tout : ce qui se comprendrait très bien en tenant compte de la semaine et surtout de la semaine cosmogonique de la Genèse, où le 7e jour a un caractère spécial si prononcé. Cette interprétation peut du reste être aussi rattachée à ἔπειμι.

« Le sept, en sanscrit saptan, dit Ad. Pictet, est rattaché par les grammairiens indiens à la racine sap, sequi, colligere, et Benfey, qui adopte ce rapprochement, en tire la signification de verbindend, unissant, liant, ce qui ne formerait aucune idée claire quant à la nature du sept. Je crois, quant à moi, à un thème primitif sapta, participe passé de sap, dont le duel saptà, qui se trouve encore dans les Védas, a désigné le sept comme deux (doigts) réunis à cinq. » Pictet met lui-même en note que d’après Weber la forme védique sapta n’impliquerait pas l’existence d’un duel. D’ailleurs

l’idée d’expliquer ainsi le chiffre 7 par la réunion de 2 doigts aux cinq autres de la main ne paraît pas très heureuse. Ne vaudrait-il pas mieux admettre simplement avec Benfey que sap, comme racine du septénaire, signifierait colligere, réunir ? Serait-il impossible que l’idée de la semaine eût présidé à la plus ancienne dénomination des premiers nombres, et que le septième jour eût été désigné comme celui qui réunit les jours, en les groupant par semaines ? Mais le premier sens assigné à sap, à savoir sequi, suivre, peut également conduire à une interprétation analogue.

En tout cas que l’on fasse dériver le mot sept et tous ses correspondants de même famille dans les langues indo-européennes, de σέβω ou de sêv ou de ἔπειμι ou de sap, on n’en arrive pas moins à une dérivation pouvant se rattacher à l’idée primitive de la semaine et d’un sabbat.

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