Le Jour du Seigneur, étude sur le Sabbat

1.2.1 — Résurrection du Seigneur.

Jésus est mort un 6e jour hebdomadaire, il est demeuré dans le sépulcre tout le sabbat et la nuit du 1er jour de la semaine suivante, il est ressuscité à l’aube de ce jour.

Il est mort un 6e jour hebdomadaire, après 3 heures de l’après-midia, et Bossuet a pu dire : « Le jour où le premier homme, le premier Adam a été créé, est le même où le nouvel homme, le nouvel Adam, est mort sur la croix. La 1re humanité, pécheresse, mourut en effet sur la croix avec Jésus, son vrai chef, son saint représentant, son Rédempteur, mais c’était pour renaître elle-même à une vie toute nouvelle avec lui.

aMatthieu 27.62 ; Marc 15.42 ; Luc 23.54 ; Jean 19.42Matthieu 27.45-51 ; Marc 15.33-36 ; Luc 23.44-46.

Le vendredi de la mort du Seigneur était un des premiers jours de la fête de Pâques et des pains sans levain ; c’était même le 1er jour, celui de la Pâque proprement dite, un 14 Nisan, et Jésus, en expirant après 3 heures de l’après-midi, mourut au moment même où dans les parvis du Temple était immolé l’agneau pascal (Exode 12.6). Cette nouvelle et grandiose coïncidence doit être associée à deux autres non moins significatives : Jésus, se rendant de Béthanie à Jérusalem acclamé par la multitude, s’était livré ouvertement à ses ennemis le jour fixé par la Loi pour la mise à part de l’agneau pascal (Exode 12.3-6), alors un 1er jour de semaine. En outre, au moment même ou la grande victime abolissait par son propre dévouement les sacrifices typiques de l’Ancienne Alliance, l’épais rideau qui dans le Temple séparait le Lieu saint du Lieu très saint, se déchira du haut en bas.

Avant le sabbat, le corps de Jésus était descendu de la croix, puis déposé dans un sépulcre neuf du voisinage et enveloppé provisoirement de bandelettes, de myrrhe et d’aloès. Les pieuses femmes venues avec Jésus de la Galilée, avaient suivi tout ce qui venait de se passer, et elles se proposaient de revenir après la fin du sabbat pour compléter l’ensevelissement. Une pierre avait été roulée à l’entrée de la grotte sépulcrale, et les grands-prêtres et les pharisiens avaient reçu de Pilate l’autorisation de sceller la pierre et de faire garder le sépulcre par des soldats (Matthieu 27.62-66).

Qu’il était bien choisi d’en Haut le temps pendant lequel le corps du Seigneur demeura dans le tombeau ! Le sabbat ne rappelait-il pas le repos de l’Éternel après la création de l’univers, et Jésus n’avait-il pas dit : « Tout ce que le Père fait, le Fils le fait aussi pareillement » (Jean 5.19) ? Les Israélites ne devaient-ils pas faire tout leur ouvrage pendant les 6 jours ouvriers, et Jésus, après avoir achevé tout ce qu’il avait à faire avant sa mort, n’a-t-il pas dit vers la fin du 6e jour : « C’est accomplib ? » Le 7e jour n’a-t-il pas été un jour de repos pour son âme dans le Paradis et pour son corps dans le sépulcre ?

bΤετέλεσται. Segond, comme on traduit d’ordinaire : Tout est accompli. — Cp. Godet, Le dimanche, p. 23, et Luc 23.43.

Ce sabbat était, en outre, doublement solennel, comme tombant sur le 15 Nisan, le 1er des grands jours de la fête de Pâques, celui du repas pascal, celui qui commémorait exactement la délivrance d’Israël de la maison de servitude ! En mourant, Jésus avait achevé de poser les fondements de son œuvre rédemptrice : le 1er jour qui suivit cette mort, peut donc apparaître comme le 1er jour de l’affranchissement spirituel de l’humanité, comme le 1er jour du nouvel Exode hors des ténèbres et de la servitude du péché. Sans doute cet affranchissement n’était point déjà consommé. Le Rédempteur lui-même était encore dans le séjour des morts, son esprit était séparé de son corps, qui demeurait inanimé dans le sépulcre. Cet affranchissement ne sera même complet que lorsque Jésus achèvera son œuvre rédemptrice en ressuscitant les morts et en créant les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habitera. Cependant, dès qu’il avait remis son esprit entre les mains du Père céleste, en principe l’Ancienne Alliance avait fini, comme le proclama le déchirement du rideau du Sanctuaire ; la Nouvelle Alliance était inaugurée et sa réalisation allait commencer par la résurrection de Jésus, puis par l’effusion de l’Esprit saint sur les disciples dès le jour de la Pentecôte, c’est-à-dire par une résurrection spirituelle, gage elle-même d’une résurrection future plus entière et plus glorieuse. — L’humanité première s’est effondrée sous le poids de ses péchés, l’économie préparatoire de la grâce a fait son temps, l’œuvre expiatoire du Rédempteur se termine, une nouvelle humanité va sortir du sein maternel. En attendant, le corps de Jésus repose dans le tombeau. Qu’il est solennel et mystérieux le grand sabbat du Fils de l’homme !

Mais l’aube du 1er jour a lui, il se fait tout à coup un grand tremblement de terre autour du sépulcre, un ange roule la pierre et s’assied dessus. Son visage est comme l’éclair et ses vêtements sont blancs comme la neige. Tout tremblants, les gardes deviennent comme mortsc.

cMatthieu 28.1-4. Nous renvoyons pour une justification détaillée du résumé qui va suivre dans le texte, à Résurrection de Jésus-Christ, p. 164-370. La seule modification un peu importante que nous ayons à signaler, concerne le moment de la résurrection, qui nous apparaît maintenant comme ayant eu lieu, non au lever du soleil, mais à l’aube.

Aussitôt après leur départ, le soleil étant déjà levé, Marie-Madeleine et ses compagnes arrivèrent. Elles s’étaient demandé avec inquiétude qui roulerait la pierre, mais elle était déjà roulée. Elles entrent dans le sépulcre, et le corps du Seigneur n’y est plus. Marie-Madeleine court aussitôt pour dire à Pierre et à Jean : « Ils ont enlevé le corps du Seigneur et nous ne savons où on l’a mis ! » Cependant un ange annonce aux autres femmes restées devant le sépulcre la grande nouvelle de la résurrection du Seigneur, qu’elles doivent transmettre aux disciples : dans leur frayeur, elles retournent à Jérusalem sans rien dire à personne. — Sur le rapport de Marie-Madeleine, Pierre et Jean courent au sépulcre. Jean arrive le premier, regarde dans le sépulcre et voit les bandelettes par terre. Pierre entre et voit, d’un côté les bandelettes, de l’autre le linge qui avait été mis sur la tête du Seigneur. Jean entre aussi et il croit le premier à la résurrection de son Maître. Après leur départ, Marie-Madeleine se tenait près du sépulcre et pleurait. Elle fut la première qui vit Jésus ressuscité, et, le même jour, il apparut à Pierre, à deux disciples se rendant à Emmaüs, puis aux apôtres réunis. — Jésus était donc sorti du sépulcre à l’aube du 1er jour, et comment ne pas reconnaître dans cette coïncidence une sublime harmonie entre la nature et la grâce, vraiment digne de Celui qui s’appelait la lumière du monde ? Mais qu’était-il ce 1er jour hebdomadaire, par rapport à l’année israélite et à la Pâque de l’Ancienne Alliance ? C’était un 16 Nisan, où se célébrait dans le temple de Jérusalem une importante cérémonie, profondément liée à la vie agricole des anciens Israélites. Le sacrificateur présentait alors, en l’agitant de côté et d’autre devant l’Éternel, la gerbe des prémices des moissons, de la moisson de l’orge, et dès ce moment les moissonneurs pouvaient se mettre à l’œuvre. De plus, c’était après ce jour que commençaient les 7 semaines qui devaient être immédiatement suivies par la fête de Pentecôte, le sabbat des semaines, appelée en conséquence la fête des semaines, mais aussi la fête de la moisson, la fête des prémices de la moisson du froment, et signalée par une nouvelle offrande de prémices, qui réclamera notre attention. Jésus ressuscité n’était-il pas les prémices de la nouvelle humanité, le second Adam ?

[Lévitique 23.9-15, extrait du Livre de sainteté. — Les 7 semaines se comptaient d’après Deutéronome 16.9 à partir du moment où la faucille était « mise dans les blés, » ou, plus exactement, lorsque commençait la moisson de l’orge, la plus hâtive des céréales, et d’après Lévitique 23.15 « depuis le lendemain du sabbat, depuis le jour où vous apporterez la gerbe pour être agitée de côté et d’autre. » La traduction de Segond (du sabbat, du jour où) est amphibologique, comme pouvant faire croire que ce jour était, non pas le lendemain de ce sabbat, mais ce sabbat lui-même. Le sabbat ici mentionné n’était, selon l’usage en vigueur dans le culte du second Temple, l’interprétation des Juifs orthodoxes de la Palestine et de Babylone, celle des Septante, de Philon, de Josèphe, ni un sabbat hebdomadaire, comme le pensaient les Sadducéens et comme l’admettent encore les Karéens, ni le dernier jour des Azymes, selon l’opinion adoptée par l’ancienne version syriaque et encore mise en pratique en Abyssinie. C’était le lendemain du 1er jour des Azymes, leur second jour, le 16 Nisan, le 15 étant un jour de repos et de sainte convocation, par conséquent une espèce de sabbat. Voir Delitzsch, Handw., p. 1184 ; Œhler, Real. Encyk. XI. p. 476.]

Ces diverses coïncidences nous paraissent bien constatées, voulues d’en Haut et toutes importantes, directement ou indirectement, surtout si elles sont réunies. Cependant leur importance est bien moindre que celle du fait lui-même de la résurrection du Seigneur. Si sa personne et sa vie forment le centre évident de l’œuvre rédemptrice de la Nouvelle Alliance, soit pour l’humanité nouvelle, soit pour chacun de ses membres, la résurrection du Seigneur est le centre même du centre, et à notre époque cette double vérité a été bien reconnue. Mais il est vrai que pour apprécier complètement l’importance primordiale de cette résurrection, il faut y voir non seulement la résurrection proprement dite par laquelle Jésus est sorti du tombeau et qui n’était encore que provisoire et incomplète, mais encore son complément essentiel, la transformation glorieuse du corps du Seigneur lors de son ascension. Ce n’est qu’en étant glorifié que Jésus est ressuscité d’une manière définitive, comme nous devons ressusciter nous-mêmes. On comprend donc comment le Christ ressuscité dont il est question 1 Corinthiens 15.45-49, est proprement Jésus glorifié. Le caractère transitoire de la période des 40 jours explique aussi comment dans certains passages, tels que Hébreux 1.3 ; 10.12, elle n’apparaît plus entre les dernières souffrances du Rédempteur et sa séance à la droite de Dieu, qui dès lors semblent se succéder sans interruption.

Pour faire ressortir pleinement l’importance théorique de la résurrection du Seigneur, il faudrait présenter toute une Dogmatique. Mais nous nous bornerons à une seule considération.

Dans l’Ancienne Alliance, plus d’un sacrifice solennel fut suivi d’un signe miraculeux annonçant d’une manière visible, certaine, extraordinaire, que Dieu acceptait ce sacrifice. Ainsi, quand l’Éternel conclut une alliance avec Abraham, des flammes passèrent entre les deux moitiés des victimes (Genèse 15.17-21). Quand le sacrifice de l’alliance entre l’Éternel et le peuple d’Israël eut été consommé, Aaron, ses fils et les 70 anciens furent très exceptionnellement appelés avec Moïse sur le Sinaï pour y contempler la gloire de l’Éternel (Exode 24.1-11). Quand Aaron offrit son premier sacrifice, un feu divin consuma « l’holocauste et les graisses. Tout le peuple le vit, et ils poussèrent des cris de joie et se jetèrent sur leur face » (Lévitique 9.23-24). Il y eut des manifestations du même genre dans l’histoire de Gédéon (Juges 6.21-22), dans celles de David (1 Chroniques 21.26-22.1) et de Salomon (lors de la dédicace du premier Temple, 2 Chroniques 7.1-3), ailleurs encore.

La résurrection de Jésus fut de même pour ses disciples un signe visible et éclatant que Dieu avait accepté l’incomparable sacrifice offert en Golgotha. Mais ici le signe fut en même temps le commencement de la chose signifiée. Cette résurrection n’est pas seulement la preuve de notre justification, elle en est aussi l’effet. Christ ressuscité est le 1er de tous ceux qui doivent ressusciter par la grâce de Dieu. Il est les prémices de la nouvelle humanité qui doit être glorifiée.

Cette vérité a été nettement exprimée par Paul dans un passage qu’en général on ne traduit pas exactement, parce qu’on le comprend mal. Fréd. Godet l’a très bien expliquéd. C’est Romains 4.25 : lequel a été livré à cause de nos fautes et a été ressuscité à cause de notre justification. On y traduit d’ordinaire la préposition διά par : pour, et c’est ce qu’ont fait encore Segond, Oltramare, la nouvelle Version anglaise (for), Ménégoz, etc. D’autre part, on peut signaler à côté de Godet, la version de Lausanne, Reuss, Clément, etc. Si l’on traduit : pour notre justification, il est question d’un but à atteindre par la résurrection de Christ, envisagée comme nécessaire pour notre justification, en tant qu’indispensable pour la formation de notre foi à l’efficacité de la mort expiatoire du Rédempteur. Mais alors il n’y a pas un véritable parallèle entre les deux membres de la phrase, nos péchés étant antérieurs à la mort de Christ et notre justification, postérieure à sa résurrection. Il en est autrement si l’on donne à διά dans les deux membres de la phrase le sens tout au moins ordinaire de cette préposition. Alors, de même que nos péchés sont antérieurs à la mort de Christ, notre justification l’est à sa résurrection : elle est objectivement un but déjà atteint par la mort du Seigneur, dont la résurrection est un premier effet de notre justification. L’humanité pardonnée à cause de la mort de Christ commence à ressusciter en lui, son divin Chef. La résurrection de Christ est un premier effet de la justification de l’humanité grâce à la mort expiatoire du Calvaire ; et, en cette qualité, elle est pour Paul, au plus haut degré, « la proclamation par Dieu même de la justification de l’humanité, le monument de la parfaite amnistie offerte au monde pécheur » (Godet, Rom.). — Romains 4.25 n’est pas, du reste, le seul passage de son espèce dans le Nouveau Testament, on peut en rapprocher, outre 1 Corinthiens 15.20, 23, le v. 18 (cp. v. 14), Éphésiens 2.4-6 ; Colossiens 2.12 ; 3.1-4 ; 1 Pierre.3-5 (cp. 18-21) et l’ensemble même de la doctrine biblique de la Rédemption.

d – D’abord dans une dissertation sur « Christ mort pour nos péchés » (Supplément théologique de la Revue chrétienne, 1861), puis dans son Commentaire sur l’Epître aux Romains.

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