Le Jour du Seigneur, étude sur le Sabbat

1.2 — Le sabbat des mois.

Bien que ce sabbat n’ait pas un nom propre, il n’en existait pas moins comme solennisation du septième mois, l’année religieuse commençant avec celui de la sortie d’Egypte (Exode 12.2), appelé en conséquence le premier mois et aussi le mois d’Abib ou des épis, depuis l’exil, le mois du Nisanc. Il renfermait, en effet, une solennisation très exceptionnelle du premier jour : la septième néoménie, puis le Jour des expiations et la fête des Tabernacles.

cExode 12.18 ; 40.2, 17 ; Lévitique 23.5 ; Nombres 9.1 ; 28.16 ; 33.3. — Exode 13.4 ; 23.15 ; 31.18 ; Deutéronome 16.1. — Néhémie 2.1 ; Esther 3.7.

Toutes les néoménies avaient des sacrifices spéciaux Nombres 28.1-15), et leurs holocaustes devaient être, comme ceux des jours de fête, accompagnés du son de la trompette d’argent (Nombres 10.10), mais ils étaient doublés pour la septième (Nombres 29.1-6), de même que ceux du sabbat comparativement aux jours ouvriers. De plus, cette néoménie était un jour de repos (Nombres 29.1), à la vérité, dans un sens moins strict que les sabbats et le Jour des expiations, mais assez cependant pour mériter le mot de sabbathon. C’était, en outre, un jour de sainte convocation, et il est aussi qualifié de Jour de retentissement, d’où le nom, qui lui est quelquefois donné, de Jour des trompettes. Il y avait là autre chose encore que le bruit des trompettes d’argent qui accompagnait les holocaustes de ce jour. Selon Dillman, ce retentissement devait être celui du schophar ou cor.

[Nombres 29.1 : יום תרועה. Version de Lausanne : ce sera pour vous un jour (où les trompettes sonneront) à son éclatant. Segond : le jour sera publié parmi vous au son des trompettes. — Voir aussi Lévitique 23.24, que Segond traduit : Le septième mois, le premier jour du mois, vous aurez un jour de repos, publié au son des trompettes, et Lausanne : … il y aura pour vous un repos, une commémoration (publiée) à son éclatant. Il y a זכרון תרועה, dit Dillmann. Selon lui, comme il n’y a pas ici לפני יהוה, il ne faut pas comprendre ce זכרון, comme plusieurs interprètes s’appuyant sur Nombres 10.9 ; Exode 28.12, 29, etc., en ce sens que par le תרועה le peuple se rappelait au souvenir de Jéhovah, afin de s’assurer de sa grâce. Le תרועה doit ici simplement annoncer au peuple le commencement du saint mois de fête.]

Si des trois plus grandes solennités de l’année israélite, la Pâque est la plus grande par ses souvenirs historiques et la proclamation de la miséricorde de Dieu pour son peuple, le Jour des expiations l’emporte sur les deux autres comme proclamation de la sainteté divine et du péché de l’homme, la fête des Tabernacles, par les sacrifices réclamés et comme joyeuse fête d’action de grâces en retour des incessantes bontés de l’Éternel. Or, tandis que la Pâque était célébrée dans le premier mois de l’année religieuse, le Jour des expiations et la fête des Tabernacles étaient réunis dans le septième qui commençait si solennellement. Le Jour des expiations avait lieu le 10, au même quantième où dans le premier mois l’agneau pascal devait être mis à part, et la fête des Tabernacles, du 15 au 21 ou plus exactement, au 22.

Le Jour des expiations était le jour le plus solennel de l’année, aussi a-t-il été désigné par les Juifs postérieurs comme le Grand jour, même le Jour, c’est-à-dire le jour supérieur à tous les autresd. C’était le jour, ou pour chaque année il était fait expiation des péchés de tout Israël, en particulier de son sacerdoce, et où le Tabernacle dans ses diverses parties était lui-même purifié de toutes les souillures provenues de ces péchés. Alors seulement, le grand-prêtre, revêtu de vêtements tout spéciaux (Lévitique 16.24, 32), entrait dans le Lieu très saint et portait le sang des victimes jusque sur le Propitiatoire. Il devait y avoir 7 aspersions de sang soit sur le bord du Propitiatoire et devant lui, soit dans le Lieu saint, soit sur les cornes de l’Autel des holocaustes (Lévitique 16.14-19). Quoi de plus significatif surtout que les aspersions du sang expiatoire sur ce que Luther appelle le Trône de grâce (Gnadenstuhl), au-dessus des deux tables de pierre qui résumaient la loi de Dieu ! Le Jour des expiations était ainsi celui où culminaient les trois grandes institutions du sacrifice, du sacerdoce, du Sanctuaire, et où se concentrait tout le système des fêtes annuelles. Le peuple entier devait prendre part à la solennité, d’abord en observant le repos le plus strict et, de plus, en s’assemblant religieusement autour du Sanctuaire et en jeûnant. C’était même le seul jeûne prescrit par la Loi. (Lévitique 16.29 ; 23.27-32 ; Nombres 29.7.)

dYoma, (יומא, יומה רבּה), la courte désignation est le titre du traité du Talmud relatif à cette solennité.

Cette austère solennité avait une importance spéciale en regard de la fête des Tabernacles, qui la suivait de près : pour pouvoir joyeusement rendre grâces au sujet des récoltes, il fallait d’abord que le peuple est reçu l’assurance de son pardon. L’importance du Jour grandissait encore quand arrivait tous les cinquante ans le Jubilé. La venue de cette année de grâce, de restauration et d’affranchissement était proclamée par les sons éclatants de la trompette et dans tout le pays (Lévitique 25.9). On admet généralement que le Jubilé, de même que l’Année sabbatique, commençait à cette époque, en automne et non au printemps, malgré la fixation du début de l’année religieuse d’après Exode 12.22.

L’école hypercritique a voulu rattacher aussi l’origine du Jour des expiations à la période de l’exil ; et, en fait, on ne trouve guère dans nos saints Livres de traces directes et incontestées de la célébration de cette solennité. Mais comment s’étonner que, réclamant à un si haut degré le sentiment du péché national, elle n’ait été surtout célébrée que lorsque les plus graves catastrophes avaient enfin développé ce sentiment chez les Israélites ?

[Voir Delitzsch, Handw., p. 1711, et surtout Dillmann, Exo. Lev., p. 524 : « Il est vrai en général, dit-il, qu’un sentiment prononcé du péché dans le peuple d’Israël a été le fruit de son histoire postérieure ; et c’est une raison qui explique pourquoi la fête n’est arrivée que tard à se réaliser pleinement et à acquérir toujours plus d’importance. Mais la loi de Lévitique  16 n’est pas provenue de ce sentiment, elle ne le présuppose pas. Elle a précisément pour but de le développer. Elle est sortie de l’idéal de sainteté, qui a été jeté par Moïse dans le peuple, et qui pénètre aussi toutes les autres lois. »]

Si le Jour des expiations a été appelé par les rabbins le Jour, ils ont appelé la fête des Tabernacles la Fête, la fête par excellence. Riehm et Dillmann pensent même qu’elle a été ainsi désignée déjà dans nos saints Livrese. En tous cas elle était très supérieure aux autres à un double point de vue : à cause de la joie qui y était réellement commandée et à laquelle était naturellement porté un peuple d’agriculteurs après toutes les récoltes de l’année, et du nombre tout exceptionnel des sacrifices prescrits. Il est dit Lévitique 23.40 : « Vous vous réjouirez devant l’Éternel, votre Dieu, pendant sept jours, » et même Deutéronome 16.14-15 : « Tu te réjouiras à cette fête, toi, ton fils et ta fille, ton serviteur et ta servante, et le lévite, l’étranger, l’orphelin et la veuve, qui seront dans tes portes. Tu célébreras la fête pendant sept jours en l’honneur de l’Éternel, dans le lieu que choisira l’Éternel ; car l’Éternel te bénira dans toutes tes récoltes et dans tout le travail de tes mains, et tu te livreras entièrement à la joie, » Dans le Lévitique, cette exhortation à la joie est étroitement rattachée aux tentes ou cabanes de feuillage, où devaient habiter les Israélites, en souvenir du séjour au désert (v. 40-43). — Quant aux sacrifices, on n’offrait alors chaque jour, comme dans toutes les autres fêtes, qu’un bouc comme victime expiatoire, mais les holocaustes étaient doublés ou quintuplés. Tandis qu’à chacun des jours de la Pâque, comme à Pentecôte, on offrait 1 bélier et 7 agneaux, on devait immoler, chaque jour de la fête des Tabernacles, 2 béliers et 14 agneaux. Mais surtout, tandis que le nombre des taureaux offerts dans les 7 jours des Azymes était de 14, il devait être de 70 pendant la fête des Tabernacles, et cela dans l’ordre suivant : premier jour, 13 ; second jour, 12, et ainsi de suite jusqu’au septième jour, où le nombre des taureaux sacrifiés était de 7 (Nombres 28.29). Le septénaire marquait donc de son sceau, dans la fête des Tabernacles, soit la série des jours de fête, soit les agneaux offerts chaque jour (14), soit les taureaux immolés le septième jour (7), soit ceux qui l’étaient dans les 7 jours (70=7×10).

eהחג. Le mot חג ne s’applique du reste qu’aux trois grandes fêtes à pèlerinage. « La fête des Tabernacles, dit Œhler, est appelée une fois (Lévitique 23.39, 41) simplement une Fête de l’Éternel, une fois (2 Chroniques 7.8-9), seulement la Fête, et dans les deux cas, il y est joint une détermination de temps, de telle sorte qu’on ne peut pas voir déjà ici la désignation de la fête des Tabernacles comme la fête par excellence. »

« Tous les 7 ans, est-il dit Deutéronome 31.10-12, à l’époque de l’année du relâche (c’est-à-dire de l’Année sabbatique), à la fête des Tabernacles, quand tout Israël viendra se prosterner devant l’Éternel… dans le lieu qu’il choisira, tu liras cette loi devant tout Israël… Tu rassembleras le peuple, les hommes, les femmes, les enfants et l’étranger qui sera dans tes portes, afin qu’ils entendent et apprennent à craindre l’Éternel, … à observer et à mettre en pratique toutes les paroles de cette loi. … » Il s’agit ici de la Loi dont il est dit dans le même chapitre (v. 9, 24-26), que Moïse l’écrivit et la remit aux lévites, pour être placée à côté de l’Arche de l’Alliance et comme témoin contre Israël, c’est-à-dire Deut. ch. 5 à 28.

Dans un sens, la fête des Tabernacles ne comprenait que 7 jours, mais, dans un autre plus large, elle en comprenait 8 ; car après les 7 jours de fête, il y en avait un huitième, distinct des autres, bien que s’y rattachant. En ce jour, les sacrifices prescrits, bien moins nombreux que ceux des jours précédents, même moindres que ceux de Pâque et de Pentecôte, se composaient seulement, de même que ceux de la septième néoménie et outre le bouc expiatoire, d’un jeune taureau, d’un bélier et de 7 agneaux. Toutefois ce jour était, comme le premier de la fête des Tabernacles, un jour de repos, bien que non strict, et de sainte convocation.

[Lévitique 23.36, 39  Nombres 29.35-38. Ce 8e jour est dit Lévitique 23.36 ; Nombres 29.35, עצרת expression assez obscure, bien que son étymologie soit très claire. Les rabbins la traduisent par « jour de réserve ». Riehm et d’autres la traduisent par « clôture de la fête ; » ils s’appuient sur ce que la même qualification était donnée, dans Deutéronome 16.8, au 7e jour des Azymes, et plus tard, d’après Josèphe (Antiq. 3.10.6), à la Pentecôte, et sur ce que la Septante traduit le mot par ἐξόδιον. D’autre part, Segond traduit par « assemblée solennelle, » comme la version de Lausanne, celle de Bunsen, Gesenius et Dillmann, qui revendique pour cette traduction le sens ordinaire du mot hébreu (2 Rois 10.20 ; Joël 1.14 ; Amos 5.21 ; Esdras 10.12).]

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