La Résurrection de Jésus-Christ

2 — Le signe du prophète Jonas.

Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens lui répondirent, disant : Maître, nous voulons voir un signe dont tu sois l’auteur. Mais il leur répliqua : Une génération méchante et adultère réclame un signe et un signe ne lui sera pas donné, si ce n’est le signe de Jonas le prophète. Car de même que Jonas fut dans le ventre de la baleine trois jours et trois nuits, de même le Fils de l’homme sera dans le cœur de la terre trois jours et trois nuits. Les hommes de Ninive ressusciteront lors du jugement avec cette génération et ils la condamneront, car ils se repentirent à la prédication de Jonas ; et voici, il y a ici plus que Jonas. La reine du Midi ressuscitera lors du jugement avec cette génération, et elle la condamnera, car elle vint des extrémités de la terre pour entendre la sagesse de Salomon ; et voici, il y a ici plus que Salomon. (Matthieu 12.38-42)

C’est dans ces versets que se trouve de la manière la plus explicite la seconde des prophéties du Seigneur concernant sa résurrection, mentionnées par nos Évangiles.

Nous la retrouvons dans Luc 11.16, 29-32, mais en termes plus brefs. Après qu’il a été parlé du signe de Jonas, l’Évangéliste ajoute seulement comme explication : car de même que Jonas fut un signe pour les Ninivites, de même le Fils de l’homme en sera aussi un pour cette génération. Puis, ainsi que Matthieu, mais en ne suivant pas le même ordre que lui, il parle de la reine du Midi et des hommes de Ninive comme devant s’élever au jour du jugement contre les contemporains du Sauveur.

L’explication du signe de Jonas, qui est si nettement donnée dans Matthieu 12.40, nous paraît clairement indiquée dans le verset Luc 11.30, que nous venons de citer, puisque c’est la personne même de Jonas qui y est indiquée comme ayant été un signe. Il est vrai que les Ninivites ne furent pas témoins de la miraculeuse délivrance du prophète, mais la masse des contemporains du Seigneur ne devait pas davantage le contempler après sa résurrection, et cependant cette résurrection devait être un signe pour elle, comme la miraculeuse délivrance de Jonas avait été un signe pour les habitants de Ninive. Pour les uns comme pour les autres, le miracle devait être un signe, transmis par le moyen du témoignage et appuyé dans le premier cas par la prédication de Jonas, et dans le second par le souvenir de la prédication de Christ et par la prédication des apôtres.

Il nous semble au moins arbitraire de prétendre, comme on l’a fait trop souvent, que Matthieu 12.40 est une interprétation imaginée par l’Évangéliste ou la tradition, et ne remontant point au Seigneur lui-même. C’est une pure hypothèse qu’aucun fait ne vient confirmer. Nous voyons donc ici une seconde prédiction faite par le Seigneur concernant sa résurrection. Godet et de Pressensé la rapprochent avec raison de la première. Elle lui ressemble en effet sous plus d’un rapport : l’une et l’autre sont adressées directement, non aux disciples, mais aux adversaires ; en outre, chacune est une réponse à une question des adversaires demandant à Jésus un signe attestant son extraordinaire mission. Moins riche de contenu que la première, la seconde est déjà plus précise, mais elle est encore figurée. Nous y retrouvons l’indication du temps que le Seigneur devait passer dans le sépulcre, mais ici il est vaguement question de trois jours et de trois nuits, comme dans le parallèle de Jonas, tandis qu’en fait le Seigneur ne devait rester dans le sépulcre que deux nuits et un jour, cet intervalle devant, du reste, être distribué entre trois jours de la semaine en embrassant la fin du vendredi, tout le samedi et le commencement du dimanche.

Nous n’avons point à nous étendre ici ni sur l’histoire du prophète Jonas, ni sur le livre où elle est rapportée. Rappelons seulement que ce livre n’est pas le seul endroit de l’Ancien Testament où il soit question de ce prophète, qu’il est parlé de lui 2 Rois 4.25-27, comme ayant vécu sous le règne de Jéroboam II, roi d’Israël, et fait une prophétie qui fut accomplie par ce roi. — Rappelons aussi que le livre de Jonas est remarquable, entre autres égards, par l’élévation de son enseignement : la miséricorde de Jéhovah y est représentée comme s’étendant aussi sur les païens. Si l’histoire de Jonas est une prophétie en action de la résurrection de Jésus-Christ, elle ne l’est pas moins de la pleine révélation de la miséricorde divine que devait proclamer l’Évangile.

Cette seconde prophétie du Seigneur concernant sa résurrection reparaît dans l’Évangile selon Matthieu 16.1-4, mais encore moins développée que dans Luc 11.29-30. La scène est toujours en Galilée, mais à une époque postérieure, après la seconde multiplication des pains. Il est dit seulement dans le passage qu’aucun signe ne sera donné, si ce n’est le signe de Jonas. Mais rien n’implique que Jésus ait été aussi concis ; et, s’il a été plus explicite, Matthieu pouvait d’autant plus se dispenser de rapporter toutes ses paroles qu’il avait déjà transmis avec plus de détail des paroles au moins analogues.

Marc 8.14-13 renferme un fragment évidemment parallèle à ce second fragment de Matthieu. Mais là il n’est plus même question du signe de Jonas : Pourquoi cette génération réclame-t-elle un signe ? répond Jésus aux pharisiens, après avoir profondément gémi en son esprit. En vérité, je vous déclare qu’aucun signe ne sera donné à cette génération. Marc pouvait ainsi résumer la réponse de Jésus, dès qu’il ne lui convenait pas de parler du prophète Jonas : aucun signe ne devait être, en effet, immédiatement donné en réponse à la demande des pharisiens. L’Évangéliste n’écrivant point comme Matthieu pour d’anciens Juifs et étant souvent d’une extrême brièveté dans ses récits, pouvait juger convenable de ne point parler de l’allusion faite par Jésus à l’antique et miraculeuse histoire du fils d’Amittaï.

Nous n’éprouvons aucune difficulté à admettre que Jésus, ayant à répondre à la même question posée par la même catégorie de personnes, ait fait deux fois la même réponse. Nous comprenons même très bien qu’il ait pu répéter une déclaration prophétique qui devait tarder un peu à recevoir son accomplissement et dont le sens était aussi important que la forme en était impressive.

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