Histoire de la Réformation au temps de Calvin

Chapitre 14
Un empereur et un maître d’école

(Printemps 1532)

3.14

L’Empereur veut donner Genève au fils du duc – Zèle du duc, fermeté des Genevois – Les deux sphères du christianisme – Insuffisance du protestantisme négatif – Olivétan chez Chautemps – Piété d’Olivétan – Son zèle, son courage – Conversations et prédications – Discours d’Olivétan – Le juge – Les hommes charnels – Les hommes intellectuels – Rédemption par le sang – L’esprit de Christ – Le pionnier – L’œuvre d’Olivétan

Tandis que le généreux citoyen qui avait défendu avec tant de dévouement l’indépendance de sa patrie était retiré de la scène du monde, de nouveaux complots se tramaient contre Genève ; mais aussi des forces nouvelles lui arrivaient. Un empereur se levait contre cette ville, et un maître d’école venait lui apporter la Parole éternelle.

La cour impériale était alors à Ratisbonne, où la diète germanique devait s’assembler. Le duc et la duchesse de Savoie, qui ne pouvaient se résigner à abandonner Genève, avaient ordonné à l’ambassadeur qu’ils avaient auprès de Charles-Quint de réclamer les services de ce prince pour amener l’évêque, son partisan, à céder sa principauté temporelle au second fils du duc. La duchesse, passionnée à ce qu’il paraît de cette combinaison, faisait mouvoir tous les ressorts possibles pour atteindre le but qu’elle se proposait. L’Empereur, qui aimait beaucoup Béatrice, répondit : « Je désire cet appointement, pour la singulière amour, bienveillance et affection que je porte à ma très chère et bien-aimée cousine et belle-sœur. » Il ajouta pourtant qu’il le voulait aussi « pour la sainte foi et l’observation de la mère-Église. » Il se chargea d’amener Pierre de La Baume à remettre au jeune prince sa principauté, et pour mener cette négociation à bonne fin, il s’adressa au chef de la famille de l’évêque, au comte de Montrevel, son neveu. Le 14 avril 1532, il dicta et expédia la lettre suivante adressée à ce seigneur : « L’Empereur, roi, duc et comte de Bourgogne, à son tant très cher et féal : Nous vous requérons et ordonnons bien expressément que le plus tôt et avec la meilleure opportunité et commodité, vous vous rendiez vers l’évêque de Genève, et lui disiez, comme vous verrez le mieux convenir, le désir que nous avons qu’il veuille complaire à nos dits cousin et cousine ; usant envers lui de bonnes paroles de persuasion, ainsi que de votre accoutumée prudence. Il peut d’autant plus condescendre à notre prière, qu’étant successeur élu de l’archevêque de Besançon, il devra nécessairement laisser Genève pour habiter en cette ville. » De plus, l’Empereur mit aussi à réquisition le maréchal de Bourgogne, baron de Saint-Sorlin, frère de Pierre de La Baume. Le prélat devait être circonvenu de toutes parts. Ces recommandations de Charles-Quint eussent à peine été plus pressantes s’il s’était agi du salut de l’Empire germaniquen.

n – Lettre de l’Empereur au comte de Montrevel. — Galiffe fils, B. Hugues. Pièces justificatives, p. 494.

Le duc, rempli de joie par ces lettres de l’Empereur, se mit en mesure d’en profiter. Puisque le puissant Charles-Quint donne Genève à son fils, il s’en ira querir les nouveaux États du jeune prince. Dès le mois suivant (mai 1532), tout annonçait qu’on méditait quelque coup contre Genève. Une grande agitation régnait dans les châteaux ; les trompettes sonnaient ; les brillantes armures resplendissaient aux rayons du soleil ; les prêtres surtout élevaient la voix. Il se préparait, à les entendre, une croisade, comme celles qui avaient eu lieu jadis contre les Albigeois ou les Sarrasins. Les Genevois, qui n’avaient pas un moment de repos, se communiquaient tristement ces nouvelles. « Au pays de Savoie, il se fait gros bruits de guerre, disaient-ils ; on en veut aux évangélistes qu’ils appellent luthériens. Déjà sont aucuns gentilshommes assemblés, et ne font qu’aller et venir tout armés. » Toutefois ils ne se laissaient pas abattre ; la connaissance de ces intrigues, de ces préparatifs leur faisait au contraire désirer avec plus d’énergie l’émancipation de Genève. Ils disaient que du moment où les papes avaient enlevé aux citoyens le choix libre de leur chef, et avaient donné pour évêques à Genève des créatures ou des fils de la maison de Savoie, il n’y avait eu dans la ville que désordres, violences, concussions, emprisonnements, confiscations, tortures et affreux supplices. Ils demandaient s’il n’était pas temps de revenir aux formes primitives du christianisme, à l’organisation populaire de l’Église ; ils répétaient que jamais Genève n’affermirait son indépendance et ses libertés, qu’en s’appuyant sur les grands principes de la Réformation. « Zurich, disait-on, a repris les droits que Rome lui avait enlevés ; il est temps que Genève l’imiteo !… »

o – Zwingl. Op., III, p. 439. — Archives de Genève. — James Fazy, Précis de l’histoire de la République de Genève, p. 183 à 191.

La Réformation ne fut ni un mouvement de liberté politique, ni une évolution philosophique ; mais une rénovation chrétienne, céleste. Elle chercha Dieu, elle le trouva et le rendit à l’homme, voilà son œuvre. Mais en même temps partout où elle s’est établie, au moins sous la forme calviniste, la liberté civile est venue après elle. Toutefois, nous le reconnaissons, les réformateurs eux-mêmes, sauf Zwingle, ne s’en sont pas beaucoup préoccupés. La grâce, voilà ce qui les enthousiasmait. Ce fut la grande idée d’un pardon gratuit, et non pas l’artillerie, qui brisa le pouvoir du pape. Tout homme fut alors convoqué au pied de la croix, pour recevoir immédiatement de Christ, et sans filière sacerdotale, un don ineffable. Mais le christianisme, que le sacerdoce avait accaparé, vicié, exploité pendant le moyen âge, fut rendu dans le seizième siècle au domaine public. Il passa des magnificences de l’autel, à l’homme humble et caché du cœur ; des cloîtres tristes et solitaires, au joyeux foyer domestique ; de Rome isolée, à la société tout entière. Jeté de nouveau au milieu des peuples, il rendit partout à l’homme, la foi, l’espérance, la moralité, la lumière, la liberté et la vie.

Au moment où une belle princesse convoitait Genève, où un duc ambitieux intriguait, où des courtisans s’agitaient, et où un monarque puissant accordait ses impériales faveurs, un pauvre maître d’école arrivait à Genève. Et tandis que toutes ces pompes et ces pratiques étaient au nombre des choses usées qui s’en allaient, cet instituteur y apportait avec lui les principes d’une nouvelle vie. Farel, nous l’avons vu, désirait ardemment voir la Parole de Dieu répandue et même publiquement prêchée dans Genève. Il croyait que seulement alors la Réformation y serait vraiment établie, et l’indépendance assurée. Il est probable que le personnage qui arrivait dans cette ville et qu’il connaissait de longue date, était envoyé par lui ; nous n’en avons pourtant pas la preuve. Quoi qu’il en soit, cet homme n’était pas proprement un prédicateur ; c’était simplement un maître d’école, et pourtant le maître d’école devait faire une œuvre plus grande que l’Empereur. Genève passait alors pour protestant, mais se bornait presque à rejeter l’arbitraire et les superstitions. Or, il ne suffit pas de nier le faux ; la vérité que Christ et les apôtres ont manifestée doit être crue. La foi est le principe de la Réformation. Il y avait à Genève, en une certaine mesure, ce protestantisme négatif, qui repousse non seulement les abus de la papauté, mais aussi les vérités évangéliques mêmes ; qui ne peut rien créer et n’est guère autre chose qu’une forme de la philosophie, et l’une des moins intéressantes assurément. Si Genève devait se réformer, devenir un centre de lumière et de moralité, et maintenir enfin son indépendance politique, il lui fallait un christianisme positif, vivant ; et c’est là ce que les Olivétan, les Farel et les Calvin allaient lui apporter.

Dans la rue de la Croix d’Or, non loin de la place du Molard, habitait un citoyen notable, éclairé, riche, Jean Chautemps, membre du conseil. C’était un homme tranquille, mais consciencieux et qui obéissait sans hésiter à ses convictions. Chautemps faisait grand cas des lettres, et ayant des fils, il désirait les faire bien élever. On lui parla d’un Français, né en Picardie, à Noyon, qui après avoir longtemps habité Paris, avait dû quitter la France, à la suite de l’une de ces poursuites qui s’exerçaient si fréquemment alors contre les Luthériens. « Du reste, dit-on au conseiller, c’est un homme fort savant. » En effet, sans être un Reuchlin pour l’hébreu, ni un Mélanchthon pour le grec, ce Français possédait bien ces deux langues ; il lisait habituellement les saintes Écritures dans le texte original, et il aimait à intercaler dans ses écrits des passages de l’Ancien Testament, où ils brillent encore en beaux caractères hébraïques, au milieu de son vieux français. Son nom était Pierre-Robert Olivétan. C’est le même qui, pendant son séjour à Paris, avait eu le bonheur d’amener à la vérité évangélique un de ses cousins et compatriotes, Jean Calvin. Chautemps regarda comme une bonne fortune d’avoir un tel maître pour ses enfants, et le prit dans sa maison.

Le cousin de Calvin se mit à l’œuvre avec courage. Il instruisait les enfants de son patron et, à ce qu’il semble, quelques autres qu’on leur avait associés. Il enseignait avec amour, avec clarté, selon cette droite façon de Mathurin Cordier, qu’il avait beaucoup connu à Paris. Il croyait, comme le dit Calvin lui-même, que « rudesse et austérité servile enflamme les enfants à rébellion et éteint en eux les saintes affections d’amour et de révérence, » et il cherchait, par un traitement modéré et honnête, à augmenter en eux la volonté et l’alaigreté d’obéirp. »

p – Calvin, Opera.

Le maître d’école, comme l’appellent les registres du conseil de Genève, ne s’en tenait pas à l’enseignement du latin et du grec. Il était simple, modeste, et s’appelle dans la préface du livre qui l’a immortalisé (sa traduction de la Bible) « l'humble et petit translateur ; » mais Dieu avait allumé un feu divin dans son cœur. Il croyait que le chrétien devait porter en ses mains une lampe ardente, pour montrer aux autres le chemin de la vie, et ne manquait pas de le faire. Il accompagnait quelquefois Chautemps dans les églises et on le voyait alors vivement ému des erreurs qu’il y entendait ; il sortait du temple tout agité, il retournait à la rue de la Croix d’Or, et seul avec son patron, il réfutait par la sainte Écriture les opinions des prêtres et exposait fidèlement la vérité chrétienne. Le conseiller, qui de bonne heure s’était rangé parmi ceux qui penchaient pour la Réformation, était frappé de ces conversations, et loin de résister à la vérité qui lui était annoncée, il s’y abandonnait avec joie. Il montra aussitôt, selon le témoignage de Froment, sinon une science parfaite, au moins un grand désir d’apprendre, une grande affection, et un grand zèle à se manifester comme ami de la Réformationq. » Dès lors le pieux conseiller se mit toujours en avant, toutes les fois qu’il fut question de soutenir la cause évangélique dans Genève. Quand le grand missionnaire Farel y arriva, Chautemps fut des premiers à le recevoir. Quand une dispute s’engagea avec le vicaire de la Madeleine, il fut de ceux qui défendirent la doctrine des Écrituresr. Et plus tard il déclara courageusement en plein conseil qu’il voulait vivre selon l’Évangile et la Parole de Dieus.

q – Froment, Actes et gestes de Genève, p. 4.

r – Registres du Conseil du 31 décembre 1532.

sIbid., du 8 janvier 1534.

Le zèle d’Olivétan ne se bornait pas à la maison qu’il habitait ; il cherchait à faire connaître l’Évangile aux amis du conseiller et même à toute personne qu’il ne trouvait pas inaccessible à la Parole divine. Il faisait des efforts ; il surmontait les obstacles ; il s’appliquait à « remontrer honnêtement » aux prêtres par les saintes Écritures les erreurs qu’ils enseignaient ; il ne se laissait pas arrêter par la crainte. Ce zèle n’était pas sans danger ; les prêtres avaient dans Genève beaucoup de puissance. Aussi Chautemps et ses amis recommandaient-ils la prudence à Olivétan, de peur qu’il ne lui arrivât du mal ; mais le maître d’école disait comme son cousin : « Dieu veut que la doctrine soit annoncée, quelque chose qu’il advienne ; il faut qu’elle soit publiée, même quand tous les enfers dégorgeraient leur raget. » Olivétan reprit une fois un prêtre avec tant de hardiesse, qu’il souleva tout le clergé contre lui, et reçut l’ordre (sans condamnation judiciaire) de quitter la ville ; mais ceci appartient à un temps postérieur.

t – Calvin, sur les Actes.

Les conversations ne lui suffisaient pas, et si quelques personnes se montraient désireuses de connaître la nouvelle doctrine, le cousin de Calvin la leur expliquait. Ce n’était pas devant de grands auditoires qu’il le faisait ; c’était en général dans de petites réunions. Cependant un document parle d’assemblées qui se tenaient non seulement dans les maisons particulières, mais en public, sur les places, devant les templesu. Olivétan se rappelait donc, comme son illustre parent, qu’au commencement du christianisme, la doctrine du Seigneur n’était pas demeurée, « comme cachée en de petits anglets (coins), et que jamais ne fut ouï tonnerre si éclatant et si bruyant sur la terre, que fut le son de la prédication de l’Évangile, retentissant d’un bout du monde à l’autrev. » Il quittait quelquefois l’humble conventicule, et portait la Parole de la vérité sous la voûte des cieux. Effrayé des grands désordres auxquels se livraient déjà des hommes qui devaient porter un jour le nom de libertins, il s’attaquait aux consciences avec une sainte intrépidité.

u – Archives de Genève, pièces historiques, n° 7069, 8 juillet 1532.

v – Calvin, In Matth., cap. X, v. 28.

Un jour donc, se formait une de ces assemblées particulières, dont l’Empereur s’était tant plaint aux syndics de Genève. C’était, nous le supposons, dans la maison de Chautemps ou dans celle d’un autre huguenot (les assemblées n’étaient, je crois, que des exceptions rares), à la rue de la Croix d'or, ou à la rue des Allemands, ainsi appelée parce qu’il s’y trouvait des Suisses allemands, amis de la Réformation. Quelques hommes et quelques femmes, connus la plupart du maître de la maison, venaient s’asseoir sur les bancs qui entouraient l’évangéliste. Olivétan, voyant devant lui des âmes endormies dans une fausse sécurité, sans souci du Juge suprême, « exécutait magnifiquement » (c’est une expression de Calvin) « l’ambassade qui lui était donnée. » « Quand un jour, disait-il, tu entendras le Seigneur qui t’appellera en jugement, apparaitra-t-il autre chose en toi que crainte, tremblement, fuite et cachement ? Vois ! l’accès au Seigneur est clos, à cause du péché. A qui aurais-tu ton refuge ? En quel lieu trouveras-tu allégement ? Dieu, le vengeur du péché, devant lequel on ne peut rien cacher, se rencontre partout et partout épouvante la conscience coupable ! »

Puis, croyant apercevoir tels de ces Genevois, que des mœurs, dissolues comme celles des moines, éloignaient de l’Evangile, il s’écriait : « La chair exclut l’esprit, et lui estouppe (lui bouche) le chemin, en sorte que l’entrée du cœur ne lui soit pas ouverte. Elle désire les voluptés présentes ; elle suit vanité ; elle cherche soigneusement des délices à son corps par manger, boire, dormir, oisiveté, jeux dissolus et choses semblables, dans lesquelles elle est entièrement plongée. La raison, illuminée par l’Esprit, s’efforce à choses bonnes, et bataille contre la chair ; mais l’homme tout brutal n’est qu’une bête, et se livre entièrement aux choses qui sont les principales des bêtes ! »

Parmi ceux qui, assis sur un modeste banc, écoutaient le prédicateur, se trouvaient aussi de ces hommes intellectuels, nombreux dans Genève, qui eussent voulu venir à la foi, mais que la doctrine de Christ étonnait, et même épouvantait. « Vous croyez, disait l’évangéliste, et pourtant vous ne croyez point. Vous entendez volontiers les paroles du salut, et pourtant vous les avez en horreur. Il n’y a rien de ce que l’on entend de la bouche du Seigneur, qui ne nous soit épouvantable, — sans médiateur, — et la chair est tout éperdue de ce qu’elle doit avoir une telle foi. »

Alors le maître d’école embouchait la trompette de l’Évangile, et annonçait le grand mystère de la Rédemption ; sans cacher ce que les Grecs appelaient sa folie. « Tournons-nous donc, s’écriait-il, tournons-nous au Médiateur, lequel a consommé l’alliance et nous a purifiés par son propre sang, dont nos consciences sont aspergées et arrosées. L’Ancien Testament a toujours consisté en sang de bêtes ; le Nouveau consiste en nouveau sang. L’éternelle Rédemption a été faite par une éternelle hostie. L’alliance est indissoluble, perpétuelle et parfaite, par le sang éternel qui était à Dieu… Le royaume du Messie n’a point de fin ; donc, il faut que son roi soit roi immortel ; et les nouveaux hommes, aussi immortels, sont citoyens d’un éternel royaume. »

Les huguenots aimaient à contester, même mal à propos. Tel, assis devant Olivétan, s’étonnait, en entendant exposer cette doctrine du sacrifice de Christ, et prétendait que si l’on en jugeait par les faits, elle ne délivrait guère l’homme du péché… « Sans doute, disait Olivétan, si le Saint-Esprit ne nous l’enseigne pas. On n’acquiert pas une vraie bonté si l’Esprit, qui est le réformateur des cœurs, est absent. Par l’Esprit de Jésus-Christ, les reliques (les restes) du péché, s’épuisent tous les jours, petit à petit. L’Esprit de Christ brûle doucement et nettoie les macules du cœur… O profond mystère ! Celui qui a été mis en croix, qui même est monté au ciel pour tout accomplir, vient habiter en nous, et y accomplit l’œuvre parfaite de l’éternelle Rédemption… »

Ainsi parlait le maître d’école des enfants du conseiller Chautemps. Ces discours se trouvent en tête de sa grande Bible, après la dédicace. Nous ne pouvons affirmer qu’il les ait prononcés à Genève tels qu’il les a publiés ; mais en tout cas, tel était son langage.

Olivétan est un mystérieux personnage, un singulier réformateur. A Paris, il appelle Calvin à l’Évangile, et le donne à la chrétienté comme docteur des temps nouveaux. A Genève, il est le devancier de son illustre parent ; semblable aux pionniers des forêts, il abat les arbres séculaires, et prépare le terrain que doit richement ensemencer son pieux et puissant successeur. Plus tard, nous le verrons, il donnera à l’Église réformée française sa première Bible, une traduction, qui, retouchée par Calvin, avancera grandement le règne de Dieu. Peut-être qu’Olivétan, pendant son séjour à Genève, se demanda quelquefois si ce ne serait pas la place que son cousin occuperait. Il ne paraît dans l’histoire que comme le précurseur du réformateur, et à peine Calvin a-t-il pris pied dans cette ville, qu’Olivétan passe les Alpes, se rend en Italie, dans la cité même des pontifes, comme s’il voulait maintenant accomplir une nouvelle œuvre, se prendre corps à corps avec la papauté, et préparer Rome pour son cousin, comme il lui a préparé Genève. Mais là il disparaît soudain, — empoisonné, dit-on. Il y a un voile sur sa mort comme sur sa vie. On n’en parle plus, et personne presque ne semble dès lors connaître ni son œuvre ni son nom. Mais n’anticipons point ; nous le retrouverons plus tard.

Olivétan a eu certes une importante part dans la grande transformation qui a renouvelé la société moderne, et son nom, peu illustre, mérite d’être inscrit parmi ceux qui se trouvent à la base du vaste temple de la Réformation.

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