Histoire de la Réformation au temps de Calvin

Chapitre 2
Henri VIII sépare l’Angleterre de la papauté

(Noël 1533 à Juin 1534)

8.2

Mesures du roi contre Catherine – Les moines et les prêtres renoncent au pape – Préparatifs de Charles-Quint contre Henri – Henri se prépare à lui résister – Les deux chefs du parti romain – L’orateur de la Réforme – Le roi abolit l’autorité du pape – Les schérifs chargés de l’exécution – L’Église, un département de l’État – L’autorité dans l’Église – Forme que l’Église eût pu prendre – Systèmes divers

La fille du Kent ayant été ainsi mise à mort, ses partisans se rangèrent autour d’une autre femme, qui représentait le système romain sous ses traits les plus élevés, comme Elisabeth l’avait figuré sous les plus vulgaires. Après la nonne vint la reine.

Catherine avait toujours réclamé les honneurs dus à la souveraine d’Angleterre, et ses gens les lui rendaient. « Nous lui avons prêté serment comme telle, disaient-ils, le roi ne peut en délier notre conscience. » Chaque fois que lord Montjoye, commissaire royal auprès de la fille d’Isabelle et de Ferdinand, l’appelait princesse, elle relevait fièrement la tête et lui disait : « Vous en répondrez devant Dieua — Ah ! s’écriait Montjoye désolé des ennuis de sa charge, mille fois plutôt servir le roi aux postes les plus périlleux ! » Marie, ayant même reçu l’injonction de renoncer à son titre de princesse : « Je ne croirai à un tel ordre, répondit-elle, que si je vois la signature de Sa Majesté. » Les partisans les plus notables du catholicisme romain, et même l’ambassadeur de Charles-Quint, faisaient de fréquentes visites à la reine ; Henri en fut inquiet, et peu avant Noël 1533, il prit des mesures pour l’éloigner de ses amis. Catherine se refusa à tout. Suffolk écrivit au roi : « Je n’ai jamais vu une femme d’une telle obstination. » Mais il y avait un homme qui en avait autant : c’était Henri.

a – « Which we should answer to afore God. » (State papers, I, p. 408.)

Ses désirs les plus chers n’étaient point satisfaits ; il n’avait pas de fils. S’il venait à mourir, il laissait après lui deux filles, Marie et Elisabeth : l’une soutenue par les partisans du moyen âge et l’autre par ceux des âges nouveaux : la guerre civile déciderait probablement à laquelle la couronne appartiendrait. Il fallait prévenir un tel malheur. Les lords et les communes demandèrent donc au roi, sans doute à son instigation, que son mariage avec lady Catherine étant déclaré nul, et les enfants qui en étaient provenus illégitimes, son mariage avec la reine Anne fût reconnu valide et les enfants qui en provenaient seuls aptes à lui succéder. Toutes sortes de personnes prêtèrent aussitôt serment à ce statut ; les moines mêmes baissèrent la tête. « Obligés, dirent-ils, de rendre à notre roi Henri VIII, et à lui seul, après Jésus-Christb, la fidélité et le culte, nous promettons une obéissance inviolable à notre dit seigneur, ainsi qu’à la sérénissime reine Anne, son épouse, et à leurs enfants ; et nous professons un respect perpétuel pour le saint et chaste mariage qu’ils ont légitimement contractéc. » Ce témoignage forcé, rendu à la reine Anne par les ordres monastiques, est l’un des nombreux monuments du despotisme de Henri VIII et de la faiblesse morale des religieux.

b – « Cui uni et soli, post Christum Jesum. » (Rymer. Acta, p. 192.)

c – « Erga castum, sanctumque matrimonium. » (Rymer, Acta, 192.)

Mais le roi s’était proposé, dans le serment d’allégeance, un but plus important — bannir la papauté de l’Angleterre. Les moines s’engageaient non seulement à reconnaître l’ordre de succession prescrit, mais encore à substituer la primauté du roi à celle du pape. « Nous maintenons, disaient-ils, que le roi Henri est le chef de l’Église anglicane, que l’évêque romain, nommé faussement pape et souverain pontife, n’a pas plus d’autorité que tout autre évêque ; et nous promettons de nous appliquer à prêcher Christ, simplement et ouvertement, selon la règle de l’Écriture et des docteurs orthodoxes et catholiques. » Il suffisait d’un signe, d’un mot de l’État pour faire passer l’armée papale, du camp de Rome dans le camp du roi.

Cette fameuse questiond, celle de la juridiction romaine, était aussi posée aux deux universités. Cambridge déclara le 2 mai, que « tous ses docteurs, ayant soigneusement examiné les saintes Écritures, n’y avaient point trouvé la primauté du pape. » Le clergé de la province de York, dirigé par l’archevêque, Edouard Lee, clerc plein de talent, d’activité et de vanité, résista d’abord vivement ; mais, enfin, ce prélat écrivit au roi, le 2 juin, que « le pape, selon l’avis unanime de son clergé, n’avait conformément aux saintes Écritures pas plus d’autorité en Angleterre que tout ecclésiastique étrangere. » Henri, non content des ordonnances de son conseil, des arrêtés de son parlement, demandait, pour se séparer de Rome, le suffrage de l’Église ; et l’Église, plus par faiblesse sans doute que par conviction, le lui donnait. Cependant, sans compter les membres du clergé qui, comme le primat, ne voulaient plus du pape, il y avait bien des évêques qui, au fond, n’étaient pas fâchés d’être débarrassés des empiétements perpétuels de la cour romaine.

d – « In quæstione illa famosa de romani pontificis potestate. (Wilkins, Concilia, III, p. 771.)

e – « Nemine eorum discrepante. » (Wilkins, Concilia, III, p. 782.)

Une nouvelle, arrivée du continent, vint tout à coup inquiéter le roi d’Angleterre, au milieu de ces faciles triomphes. Un ennemi plus redoutable que les moines et les évêques se levait contre lui. L’Empereur, disait-on, non seulement recrutait des soldats dans la Flandre, mais encore y envoyait de Bohême, d’Allemagne, d’Italie et d’Espagne, des troupes considérables pour envahir l’Angleterref. François Ier ne pouvait permettre que ce royaume, si rapproché du sien, fût occupé par les armées de Charles-Quint, son perpétuel ennemi ; il résolut donc d’avoir une entrevue avec Henri, et lui envoya, à cet effet, le seigneur de la Guicheg, son conseiller et chambellan. Henri répondit qu’il lui était difficile de quitter l’Angleterre dans un moment où le pape et l’Empereur parlaient de l’envahir ; d’autant plus qu’il devrait y laisser « sa reine entièrement bien aimée » (Anne Boleyn), et sa jeune fille, la princesse Elisabeth ; ainsi qu’une autre fille et sa mère, tante de Charles-Quint, dont les partisans complotaient contre lui. « Demandez au roi, mon bon frère, dit Henri au sire de la Guiche, de réunir une flotte de navires, de galères et de barques, qui empêchent la descente de l’Empereur. Et dans le cas où ce prince envahirait soit la France, soit l’Angleterre, convenons que celui de nous qui ne sera pas appelé à défendre son royaume entrera dans les États de Charles. » Toutefois Henri consentait à aller jusqu’à Calaish.

f – « But of Boheme Italy and Almayn, as also out of Spain to invade his realm : » (Certains articles, State papers, VII, p. 560.)

g – On a cru qu’il s’agissait du duc de Guise (Froude, History of England) ; mais un Guise, papiste dévoué, ne se fût pas trouvé dans une négociation opposée aux ordres du pape. Les State papers, VII, p. 562, et la table du septième volume de ce recueil disent Guiche ou Guysche.

hState papers, VII, p. 559 à 564.

Il y avait une autre invasion qui, aux yeux de Henri VIII, était plus à craindre. Ce roi, plus grand peut-être comme roi qu’on ne le pense d’ordinaire, prétendait qu’aucun prince, qu’il s’appelât Charles ou s’appelât Clément, ne devait s’ingérer dans son royaume. L’acte par lequel le pape l’avait condamné, le 23 mars, avait mis fin à sa longue patience ; Clément VII lui avait déclaré la guerre, et Tudor l’acceptait. Un homme, fût-il même d’ordinaire esclave de ses passions, a quelquefois des élans qui appartiennent aux grands caractères. Henri résolut d’en finir avec le pape, comme le pape en avait fini avec lui. Il se déclarera maître dans son île ; il bravera hardiment Rome et la puissance impériale, prête à l’assaillir. Bientôt le feu qui l’embrase semble enflammer ses sujets. Le parti politique, à la tête duquel se trouvaient Norfolk et Gardiner, tout en maintenant les dogmes du catholicisme, était prêt à abandonner la papauté. Le parti évangélique voulait aller plus loin, et bannir de l’Angleterre le dogme catholique lui-même. Ces deux sections si opposées de l’Église d’Angleterre, réunissaient leurs forces contre l’ennemi commun.

Les évangéliques qui devaient finalement l’emporter sous le fils de Henri VIII, avaient alors à leur tête deux hommes d’une grande intelligence, et qui devaient aider puissamment à l’affranchissement de l’Angleterre. Cranmer, chef ecclésiastique du parti, cédait trop facilement à la pression royale ; mais théologien modéré, chrétien consciencieux, administrateur habile, travailleur infatigable, il étudiait avec soin les Écritures, les Pères, les scolastiques même ; il transcrivait leurs sentences, et appuyé de ces autorités, poursuivait avec calme et persévérance l’œuvre de la Réformation. A côté de lui se trouvait Cromwell, le chef laïque de l’opinion protestante. Doué à certains égards d’un caractère généreux, il aimait à faire du bien à ceux qui l’avaient secouru dans l’adversité ; mais trop attentif à ses intérêts, il profita de la Réformation pour accroître ses richesses et ses honneurs. Inférieur à Cranmer, en qualités morales, Cromwell avait un coup d’œil plus sûr et plus étendu que le primat, il discernait clairement le but auquel il fallait tendre, les moyens qu’il fallait employer, et joignait à ses talents beaucoup d’activité. Ces chefs étaient fortement appuyés. Un certain nombre de ministres ou de simples membres de l’Église voulaient en Angleterre une réforme évangélique. Latimer, orateur populaire, était comme le tribun chargé de répandre dans la nation les principes dont Cranmer et Cromwell cherchaient le triomphe. Il prêchait dans toute l’étendue de la province archiépiscopale de Cantorbéry ; et ses discours hardis éclairaient les esprits bien disposés, mais irritaient les prêtres et les moines. Sa grande réputation le fit inviter à prêcher en présence du roi et de la reine. Cranmer, craignant sa parole tranchante, son ton sarcastique, le supplia de ne rien dire en chaire qui indiquât la moindre rancune de son ancienne disgrâce. « Qu’il n’y ait pas dans tout votre discours une étincelle de malicei. Si vous attaquez, avec la Parole de Dieu, telle faute, telle superstition, faites-le sans passion. » Latimer prêcha, et Anne fut tellement ravie de sa simplicité évangélique, de son éloquence chrétienne et de son zèle apostolique, qu’elle le nomma son chapelain. Latimer prend place à côté de Cranmer parmi les réformateurs de l’Église d’Angleterre.

i – « That in that place, any sparkle or suspicion of grudge should appear to remain in you. » (Latimer’s Remains, p. 366.)

Le parti évangélique et le parti politique étant d’accord pour soutenir le prince, Henri résolut de porter le grand coup. Le 9 juin 1534, trois mois environ après qu’il avait été condamné à Rome, il signa à Westminster la proclamation qui devait abolir en Angleterre le pouvoir usurpé par les papesj. Le roi annonçait : « Qu’ayant été reconnu immédiatement après Dieu, chef suprême de l’Église d’Angleterre, il abolissait dans son royaume l’autorité de l’évêque de Rome, et ordonnait à tous les évêques de prêcher et de faire prêcher, chaque dimanche et jours de fête, la douce et sincère Parole du Seigneur ; d’enseigner que la juridiction de l’Église appartient à lui seul, et de faire effacer, dans tous les canons, liturgies et autres livres, le nom de l’évêque de Rome, et ses titres pompeux, ce prélat ne devant plus être rappelé en mémoire dans le royaume d’Angleterre, si ce n’est à sa honte perpétuelle. Vous avancerez ainsi l’honneur du Dieu tout-puissant, vous manifesterez, la majesté impériale de votre souverain seigneur, et vous procurerez au peuple l’unité, la tranquillité et la prospérité. »

j – « The king’s proclamation for the abolishing of the usurped power of the pope. » (Wilkins, Concilia, III, p. 772.)

Ces ordres seraient-ils exécutés ? S’il subsistait dans quelque université, couvent, paroisse, et même dans quelque chétif presbytère un bréviaire, où le nom du pape fût écrit, si sur l’autel de quelque pauvre église de campagne se trouvait un missel où ces quatre lettres étaient maintenues, c’était un crime. Si l’on n’arrache pas toute la mauvaise herbe, pensaient les conseillers du roi, le jardin en sera bientôt entièrement couvert. Or, l’obstination du clergé, ses ruses, ses fraudes pieuses, n’étaient un mystère pour personne. Henri était persuadé, et ses conseillers encore plus, que les évêques laisseraient faire ; on résolut donc de charger les schérifs de veiller à ce que les ordres du roi fussent strictement exécutés. « Nous vous ordonnons, dit ce prince, sous peine d’encourir notre haute indignation, de mettre de côté tout respect humain, de placer uniquement devant vous la gloire de Dieu, et dussiez-vous vous exposer aux plus grands périls, de faire et d’ordonner des recherches diligentes, fallût-il même employer la rusek. Assurez-vous si dans chaque lieu de votre comté, l’évêque exécute notre commandement, sans voile, sans dissimulation. Et dans le cas où vous apercevriez qu’il en néglige quelque partie, qu’il accomplit nos ordres froidement, ou présente cette mesure sous une mauvaise couleur, nous vous commandons rigoureusement de nous en avertir en toute hâte, nous et notre conseil.

k – « Make diligent search and wait. » (The king’s proclamation. — Foxe’s Acts and Monuments, V, p. 70.) Wait signifie proprement embûches.

Si vous hésitiez ou trébuchiez dans la commission que nous vous donnons, soyez assurés qu’étant un prince ami de la justice, nous vous punirons avec une telle rigueur, que tous nos sujets prendront bien garde à l’avenir de ne pas désobéir à nos commandements. »

Chacun vit que Henri ne badinait pas, et aussitôt après cette énergique ordonnance, ceux qui étaient en retard, se hâtèrent de faire leur soumission. Le doyen et le chapitre de Saint-Paul firent, le 20 juin, leur protestation contre le pape. Le 27, l’université d’Oxford, dans un acte où elle nommait le roi, « ce très sage Salomon, » prononça à l’unanimité qu’il était opposé à la Parole de Dieu de reconnaître dans l’évêque de Rome une supériorité quelconque. Un grand nombre d’Églises et de monastères apposèrent leurs sceaux à de semblables déclarationsl.

lSigilla de cera rubea. — Voir pour le modèle et les signatures, Rymer, Acta, VII, de la page 195 à 209.

Tel fut le premier mandement pastoral du prince qui prétendait maintenant gouverner l’Église. Il semblait vouloir en faire un simple département de l’État. Henri laissait subsister les évêques, mais il employait des fonctionnaires de police et de justice pour contrôler leur épiscopat ; et cet office leur était enjoint en des termes tels qu’ils devaient nécessairement faire main basse sur les contrevenants. Le roi voulait avant tout que sa volonté fût faite dans sa famille, dans l’État, dans l’Église. Celle-ci était à ses yeux comme un vaisseau, dont il venait de s’emparer ; il en avait chassé le capitaine, mais craignant qu’il ne revînt, il faisait jeter par-dessus bord ceux qu’il pensait devoir le trahir. Henri VIII entrait, la tête levée et le glaive à la main, dans le nouveau royaume qu’il venait de conquérir. Il ne ressemblait guère à Celui que les prophètes avaient annoncé en disant : Voici, ton roi vient à toi plein de douceur.

Le pouvoir dans l’Église étant enlevé au pape, à qui devait-il être remis ?

L’Écriture appelle le peuple chrétien : une nation sainte, un sacerdoce royal (1 Pierre 2.9) ; ces paroles nous indiquent que c’est bien à lui, après Dieu, que l’autorité appartient. Et, en effet, le premier acte que fit l’Église, le choix d’un apôtre à la place de Judas, fut accompli par les frères réunis en un même lieu (Actes 1.15). Quand il fallut élire des diacres, les douze apôtres convoquèrent de nouveau la multitude des disciples (Actes 6.2). Plus tard, enfin, les évangélistes, les délégués des troupeaux furent désignés par les suffrages des Églises (2 Corinthiens 8.19).

C’est un principe de la raison que l’autorité, quand il s’agit d’un corps, réside dans l’ensemble de ses membres. Ce principe de la raison est aussi celui de la Parole de Dieu.

L’Église en devenant plus nombreuse fut appelée à déléguer (en partie du moins) un pouvoir qu’elle ne pouvait plus exercer entièrement elle-même. Dans l’âge apostolique, les chrétiens, appelés à constituer cette délégation, adoptèrent les formes qu’ils rencontrèrent près d’eux. A l’image du conseil des anciens, qui se trouvait dans les synagogues des Juifs, et de l’assemblée des décurions, qui exerçait les fonctions municipales dans les cités des païensm, l’Église chrétienne eut dans chaque ville un conseil, composé d’hommes irréprochables, vigilants, prudents, propres à enseignern, mais distincts de ceux qui étaient appelés docteurs, évangélistes, ministres de la Paroleo. Les chrétiens n’eurent toutefois point l’idée de se donner, à l’image de l’empereur, un chef universel ; Jésus-Christ et sa Parole leur suffisait pleinement. Ce n’est que beaucoup de siècles plus tard que cette institution antichrétienne paraît dans l’histoire.

m – Digesta, lib. I, tit. 2, De Decurion., n° 2.

n1 Timothée ch. 3 ; Tite ch. 1.

oEphésiens 4.11 ; 6.21 ; Colossiens 1.7 ; 1 Timothée 4.6.

L’autorité, enlevée en Angleterre au pape, revenait donc d’après les principes scripturaires aux membres de l’Église ; et si, suivant l’exemple des chrétiens primitifs, ils avaient adopté les formes qui existaient au seizième siècle dans leur pairie, ils auraient placé à la tête de l’Église, — Christ restant leur unique roi, — une ou deux chambres ou assemblées, chargées de pourvoir à l’administration ecclésiastique, au maintien d’une foi pure, et à la prospérité spirituelle de ce vaste corps. Ces assemblées eussent été composées, comme dans les temps primitifs, d’une majorité de chrétiens laïques, auxquels auraient été adjoints des ministres ; et les uns et les autres auraient été élus par les fidèles dont la foi était conforme à celle de l’Églisep.

p – Les 39 articles.

Mais y avait-il alors en Angleterre assez de chrétiens éclairés pour devenir membres de ces assemblées, et même pour procéder aux élections qui devaient les composer ? Cela est douteux. Il ne s’en trouva pas même en Allemagne. Je n’ai personne à y mettre, disait Luther ; mais si la chose devient possible, je ne manquerai pas à ce devoirq. » Cette forme de gouvernement n’étant pas alors possible en Angleterre, selon l’expression du réformateur, deux autres formes se présentaient. Si l’on adoptait la première, l’autorité serait remise au clergé. Mais le faire, eût été perpétuer les doctrines et les rites de la papauté, et ramener infailliblement la domination de Rome. Le gouvernement le plus dangereux pour l’Église, est celui des prêtres ; ils lui enlèvent d’habitude, la liberté, la spontanéité, la foi évangélique et la vie.

q – Luther, De Missa Germanica.

Il ne restait plus, et c’est la seconde forme, qu’à confier l’autorité suprême dans l’Église à l’État ; c’est là ce qui a été fait assez généralement au seizième siècle. Mais les docteurs les plus versés dans ces matières ont reconnu que le gouvernement de la société religieuse par la société civile ne pouvait être qu’un expédient temporaire ; et ils ont universellement proclamé ce grand principe : « qu’il est de l’essence de toute société d’être gouvernée par elle-mêmer. » Nier cet axiome, serait souverainement contraire, non seulement à la liberté, mais encore à la justice.

r – Grotius. De Imp. Summ. Potest. circa sacra.

Il ne faut pas oublier que lorsqu’il s’agit des rapports de l’Église et de l’État, il y a trois systèmes différents. Le gouvernement de l’Église par l’État ; l’union de l’Église, se gouvernant elle-même, avec l’État ; et la séparation complète de l’un et de l’autre. Il n’y a pas lieu à se prononcer ici sur la valeur relative des deux derniers systèmes.

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