Histoire de la Réformation au temps de Calvin

Chapitre 9
Luttes à Berne – Synode de Lausanne

(Janvier 1538)

11.9

Mégander est banni de Berne – Remontrances des pasteurs campagnards – Apaisement – Calvin déplore l’exil de Mégander – Hostilité de Kunz contre Calvin – Rapports de l’Église et de l’État – Usages divers à Genève et à Berne – Synode à Lausanne – Une étrange condition – Calvin et Farel n’assistent pas au synode – Le synode adopte les usages de Berne – Conférence sans résultat – Lettres des seigneurs de Berne à Calvin et Farel et au Conseil de Genève

L’état des choses était changé à Berne, depuis le synode de septembre 1537, où Calvin, paraissant comme l’ange de la paix, avait fait succéder aux disputes, la concorde. Mégander, Érasme Ritter et Rhellican s’y plaignaient des progrès du bucérisme, et leurs adversaires se plaignaient d’eux comme de perturbateurs. Mégander, on s’en souvient, avait consenti lors du synode à corriger un peu son catéchisme ; or Bucer dans son zèle avait entrepris lui-même ce travail et le Conseil, sans prendre l’avis de Mégander, avait imprimé le catéchisme revu et corrigé ; c’était à la fois un manque d’égards et une imprudence. Messieurs de Berne étaient habitués à agir un peu en autocrates. Mégander fut vivement blessé, et paraissant devant le Conseil avec Érasme Ritter, il déclara qu’il était bien décidé à ne pas devenir luthérien, et qu’il ne pouvait par conséquent admettre les corrections de Bucer. Kunz et Sébastien Meyer soutinrent au contraire fortement le catéchisme revu par le docteur de Strasbourg. L’État, quand il se mêle de discussions théologiques, manque du tact nécessaire et trop souvent est influencé par des considérations étrangères à la religion. Le Conseil répondit magistralement que le catéchisme était conforme à l’Écriture, et ajouta despotiquement que Mégander et Ritter devaient l’accepter tel quel ; sinon ils seraient instantanément destitués. Ritter qui ne voyait au fond, dans le catéchisme, rien qui mît la foi chrétienne en péril, céda. Mais Mégander souleva des objections plus ou moins fondées ; il était blessé dans son amour-propre d’auteur ; et voyant l’ardeur de ses adversaires à le poursuivre, il comprenait que sa position à Berne était devenue intenable. Il demeura donc ferme et reçut son congé, acte auquel on mit pourtant certaines formes ; c’était à la fin de l’année 1537. Il se retira à Zurich, où il fut reçu à bras ouvertsa.

a – Actes du Chap. de Brugg. Stettler, Berner Chronik. Hunderhagen Conflikte, p. 91.

Cet acte du gouvernement bernois fit une grande sensation. Zurich adressa à Berne une vive remontrance. Les pasteurs de la campagne du canton de Berne se plaignirent hautement du gouvernement et de ses conseillers ecclésiastiques, et demandèrent si ces Messieurs voulaient abjurer la Réformation. Une assemblée s’étant tenue à Aarau le 22 janvier 1538, on décida de faire des représentations au Conseil, et le doyen d’Aarau, J. Zehnder, nommé président de la députation, présenta la plainte. Le 1er février fut fixé pour entendre les deux partis opposés ; mais, tandis que Kunz et ses collègues, admis dans le Conseil, prenaient place à côté du président, le doyen et les ministres de la campagne attendaient à la porte. A peine furent-ils introduits que Kunz les apostropha d’un air orgueilleux, et les tança d’une voix rude et sévère. Les doyens campagnards répondirent qu’ils n’entendaient pas être gouvernés par les ministres de la ville, comme des enfants le sont par leur maître d’école. La discussion se passionnab et les membres du Conseil même prirent part à la querelle.

b – « In summa hierum zanggten wir ein gut wyl. » (Actes originaux de la Classe de Brugg. Hunderhagen Conflict, p. 101.

Ce qui causait l’opposition des ministres de la campagne, ce n’étaient pas seulement, on le voit, des motifs théologiques ; c’était la domination que les ministres de la ville prétendaient exercer et la puissance que le Conseil s’arrogeait dans l’Église, et en vertu de laquelle il avait despotiquement destitué Mégander. Les campagnards ne voulaient pas d’une aristocratie spirituelle et citadine ; Messieurs de la ville, laïques et clercs, le comprirent. Aussi peu à peu ce parti baissa le ton ; on chercha à se rapprocher au lieu de se quereller ; les citadins accordèrent deux changements dans le catéchisme revu par Bucer ; ils déclarèrent que les députés de la campagne avaient agi honorablement, et ceux-ci reconnurent de leur côté que Messieurs de Berne n’étaient pas devenus infidèles à la Réforme. On se t même des excuses sur la vivacité apportée dans la discussion ; les ministres de la ville firent visite à ceux de la campagne ; ils les conduisirent à la maison du prévôt, premier ecclésiastique du canton ; on leur y fit le meilleur accueil, ils mangèrent et burent ensemble, et ces bons Helvétiens se séparèrent contents les uns des autresc. La lettre cordiale que Luther avait adressée aux Suisses le 1er décembre 1537d adoucit encore les esprits. La doctrine proclamée par Calvin au synode de septembre, à laquelle Bucer et Capiton avaient adhéré, était reconnue à Berne comme la véritable. Érasme Ritter surtout y était cordialement dévoué ; on espérait s’unir sur cette base, qui devait ainsi faire disparaître les morcellements du protestantisme.

c – « Die prædikanten von der Statt assend mit uns, » etc. (Ibid.), p. 105.

d – Luther, Epp., V, p. 88.

Malheureusement Luther a toujours eu des disciples plus luthériens que lui-même. Kunz et Sébastien Meyer étaient de ce nombre. Mécontents de la profession de Calvin, qui était pour eux un joug gênant, ils désiraient s’en débarrasser. Un nouveau ministre, appelé alors à Berne, se joignit à eux ; mais, doué d’un esprit paisible, prudent et traitable, il chercha toujours, quoique décidé pour Luther, à adoucir ses deux bouillants collègues. C’était Simon Sulzer. Fils illégitime du prévôt catholique d’Interlaken, il avait passé sa première jeunesse dans les chalets et sur les Alpes magnifiques du Hasli. Haller l’avait trouvé plus tard dans une boutique de barbier où il gagnait humblement sa vie, et lui reconnaissant de grandes capacités, il l’avait recommandé au Conseil. En 1531, il était devenu maître ès arts à Strasbourg. Le Conseil de Berne l’avait alors chargé de pourvoir à l’établissement d’écoles dans tous les lieux du canton où il n’y en avait pas. Il s’était ensuite voué à la théologie, s’était rendu en Saxe pour s’entretenir avec Luther, et avait été nommé à son retour professeur de théologie à Berne, en remplacement de Mégander. Il devint peu à peu le représentant le plus considérable en Suisse du système qui voulait l’union avec le réformateur de la Saxee.

e – Kirchhofer, B. Haller, p. 203. Iselin, Hist. Lexicon. Hunderhagen Conflikte, p. 105. Hagenbach, Gesch. der 1. Baseler Conf., p. 90.

Kunz, qui la voulait aussi, n’était pas seulement l’homme de la tradition, opposé à l’esprit scripturaire du ministre de Genève ; il y avait aussi en lui des inimitiés personnelles. Calvin, tout en n’approuvant pas entièrement Mégander, avait témoigné hautement la peine que lui causait sa destitution. « Quelle perte pour l’Église, écrivait-il à Bucer le 12 janvier 1538, et comme les ennemis de l’Évangile vont triompher en voyant que l’on se met à bannir les pasteurs, et qu’au lieu de penser à vaincre les puissants adversaires en présence desquels nous sommes, nous nous faisons les uns aux autres de mortelles blessures ! Cette nouvelle de la destitution de Mégander nous a frappés d’un coup aussi violent que si l’on nous avait dit que l’Église de Berne s’était en grande partie écrouléef. J’admets qu’il y avait quelque chose d’humain dans son affaire ; mais ne valait-il pas mieux garder un tel homme en lui pardonnant cette petite faiblesse, que de le priver de son ministère, au mépris de Dieu et de sa parole, au grand détriment de l’Église, et en exposant fort l’avenir ? Sébastien Meyer et Kunz restent, il est vrai ; mais que peut faire le premier, si ce n’est perdre la cause de l’Évangile par ses extravagancesg, et aussi par les violences auxquelles, n’étant point maître de lui-même, il se laisse emporter ? Quant à Kunz, à peine est-ce que j’ose dire ce qu’il est. Farel raconte qu’ayant eu à faire récemment avec lui, il n’a jamais vu une bête plus furieuse. Son visage, ses gestes, ses paroles, son teint même, dit-il rappellent les furiesh. » Il est vrai que Calvin écrivait ces choses, à un ami, à Bucer ; il lui disait même : « Si je vous parle si franchement, c’est que je sais à qui j’écris. » Mais il était difficile que, Kunz n’apprît pas par l’un ou par l’autre ce que Calvin pensait de lui. Il devint son ennemi mortel, et renferma les autres ministres de Genève dans la même hainei. Il ne laissait passer aucune occasion de s’opposer à eux. En vain les Genevois cherchaient-ils à lui montrer qu’ils n’étaient pas ses ennemis, à l’adoucir par leur modération, il se plaisait à placer dans, les États bernois des ministres sur lesquels Calvin s’exprimait de la manière la plus sévèrej ; et quand des hommes capables avaient été examinés et approuvés à Genève, il ne voulait les recevoir qu’après qu’ils avaient été examinés de nouveau par les classes bernoisesk. Calvin pourtant en savait plus que Kunz. « Que présagent de tels commencements ? s’écrie Calvin ; tandis qu’il s’imagine nous donner des coups de fouet, c’est sa propre ruine qu’il prépare. Certainement, si telle est la volonté de Dieu, il tombera dans la fosse qu’il a creusée, plutôt que de continuer à causer tant de chagrins à l’Église de Christl.

f – « Quo nuntio periode perculsi fuimus, ac si Bernensem Ecclesiam majore ex parte collapsam audissemus. » (Calvinus Bucero. Henry Beylage, 6j p. 36. Calvin, Opp., X, p. 138.)

g – « Sed quid ille aliud potest, quam suis deliramentis invertere Evangelii puritatem ? » (Henry Beylage, p. 39. Calvin, Opp., X, p. 140.)

h – « Vultus, gestus, verba, color ipse furia, ut inquit, spirabant. » (Ibid., p. 141.)

i – « Nosita capitaliter odit. » (Ibid.)

j – « Quos ad verbi ministerium erigit, dignos esse judicamus, qui in patibulum tollantur. » (Ibid.)

k – « Bonos viros, qui a nobis probati sunt, non audet cooptare, nisi a tota ejus regionis cui destinantur classe, sint explorati. » (Ibid.)

l – Voir J. Calvin’s Leben, par Paul Henry, Dr Th., pasteur à Berlin, 1er vol., Beylage 6, p. 40.

Outre la question luthérienne, il y avait d’ailleurs celle des rapports de l’Église et de l’État, qui établissait une différence entre Berne et les réformateurs de Genève. A Berne le magistrat était considéré, selon les principes de Zwingle, comme le représentant des membres du troupeau, il était l’évêque ; l’Église y était une Église d’État. Calvin au contraire qui avait vu en France comment l’État traitait la Réformation, voulait l’autonomie de l’Église ; il ne demandait pas sans doute la séparation complète de l’Église et de l’État, mais il désirait que chacune des deux sociétés eût un gouvernement qui lui fût propre. C’était le but vers lequel il tendait, et Kunz qui s’en apercevait était encore plus irrité. A ces deux questions se joignait celle du culte. Kunz, là comme ailleurs, était le singe de Luther, ainsi que Mégander l’était de Zwingle. Calvin n’était l’imitateur ni de l’un ni de l’autre et suivait en général la voie moyenne. Mais quant au culte, il voulait la plus grande simplicité. Berne avait gardé certains usages catholiques. On y baptisait sur un baptistère, comme autrefois ; à Genève on laissait là ces pierres, on se servait d’un simple vase. Berne employait dans la cène les oublies, le pain sans levain ; Genève se servait de pain ordinaire. Berne avait conservé des fêtes, même l’annonciation de la Vierge ; Genève ne célébrait que le jour du Seigneur, le dimanchem. Farel ayant trouvé ces usages, au moins en partie, chez les Vaudois, dans le voyage qu’il avait fait aux vallées en 1532, les avait introduits à Genève, et Calvin les y trouvant n’y avait rien changé.

m – Rozet, Chronique msc. de Genève, l. IV, ch. 16.

Kunz détestait ces usages et les signalait à Berne ; le gouvernement bernois lui-même voyait avec peine ces différences, soit parce qu’il entendait exercer une certaine suprématie sur l’Église de Genève, qui lui devait, pensait-il, en grande partie sa réformation, et qu’il désirait voir en tout semblable à la sienne, soit parce qu’il craignait que ces diversités ne fournissent des armes aux catholiques, soit aussi parce que les Églises du canton de Vaud paraissaient disposées à adopter l’ordre de Genève et non celui de Berne, ce qui aux yeux de ces Messieurs, était presque un cas de rébellion. Des baillis bernois défendirent aux pasteurs vaudois de leur ressort de recevoir Calvin et Farel dans leurs colloques et de se rendre eux-mêmes à ceux qui se tenaient à Genèven. Farel qui avait rendu à Berne et à Vaud de signalés services ne devait pas paraître dans le canton où pourtant les fanatiques spirituels avaient libre entrée. Le réformateur fut indigné. « Que le Seigneur rende à Kunz selon ce qu’il mérite, écrivit-il à Fabri. Oui, que le Seigneur perde ceux qui continuent à perdre l’Égliseo. » Ces vœux étaient, à ce qu’il semble, plus conformes à l’Ancien Testament qu’au Nouveau.

n – « Omnibus ministris qui vicinis ecclesiis prasunt interdictum fuit ne quid haberent negotii nobiscum aut ullo modo communicarent. » (Calvin à Bucer, 12 janvier. Calvin, Opp., X, p. 144.)

o – « Reddat Dominus Cunzeno juxta id quod meritus est. Qui perdere pergunt ecclesiam, perdat eos Dominus. » (Lettre de Farel à Fabri, du 14 janvier 1538.) Calvin, Opp., X, p. 145.

Les magistrats bernois, pour établir l’unité extérieure à laquelle ils tenaient beaucoup comme le font en général les hommes politiques, résolurent de convoquer un synode à Lausanne et écrivirent à ce sujet, le 10 mars, aux magistrats de Genève. Le Conseil des Deux-Cents se montra très disposé à suivre les usages de Berne quant aux cérémonies. Calvin et Farel ayant exposé au Conseil le désir de se rendre à cette assemblée, le Conseil décida de les envoyer, mais en leur adjoignant le conseiller Jean Philippe.

Le synode se réunit à Lausanne le 31 mars. L’esprit bernois était plus dominateur que conciliateur. Les seigneurs de Berne avaient bien demandé que Calvin et Farel se rendissent à Lausanne ; mais au lieu d’attendre de l’assemblée l’œuvre conciliatrice, ils avaient très positivement stipulé, dans une lettre au Conseil de Genève, que les prédicants genevois devaient s’engager à l’avance à adopter l’ordre de culte suivi à Berne, et que, dans ce cas seulement, ils pourraient prendre part aux délibérations du synode. Si leur adhésion ne précédait pas l’assemblée, ils seraient entendus après, et l’on traiterait à part avec eux. Ce n’était donc ni aune assemblée libre ni à une discussion libre que les réformateurs genevois étaient invités ; on ne leur reconnaissait d’autre droit que celui de se soumettre. Les Bernois ajoutaient que le motif de cette étrange mesure était soit d’ôter aux peuples voisins l’occasion de calomnier la religion réformée, soit de procurer l’union des Églises. Mais il est probable que ce dernier but et par cela même le premier eussent été plus promptement atteints si l’on avait agi fraternellement et non despotiquement avec les ministres de Genève. « Les Bernois, selon Rozet, demandèrent amiablement à Farel et à Calvin quand ils furent arrivés, s’ils ne recevaient pas leurs cérémonies. » Les réformateurs répondirent « que la chose méritait bien d’être débattue. On le leur refusap. »

p – Rozet, Chronique msc. de Genève, l. IV, ch. 10. Roget, Peuple de Genève, p. 82.

Le Sénat bernois avait nommé Kunz l’un des présidents du synode. Il lui avait adjoint le ministre Érasme Bitter et deux membres du Grand Conseil, Huber et Amman ; Kunz était de ces natures dominatrices qui s’imposent et dont l’influence est presque irrésistible ; d’ailleurs ses collègues étaient d’accord avec lui. L’affaire ne souffrit pas de difficulté. Le synode qui s’ouvrit le 31 mars, admit à l’unanimité les usages de Berne, les baptistères, le pain sans levain dans la cène et les fêtes, y compris l’annonciation de la Vierge.

Calvin et Farel assistèrent-ils ou non au synode ? Il paraît peu probable qu’ils aient voulu donner par leur présence une certaine sanction aux résolutions d’une assemblée de laquelle ils étaient virtuellement exclus. La lettre de Berne à Genève semble d’ailleurs bien indiquer que s’ils ne recevaient pas humblement les décisions ecclésiastiques des avoyers et conseils de Berne, on ne les entendrait qu’à part. Un biographe passionné (Bolsec, chap. 8), dit qu’on les vit dans la ville et même qu’ils « allèrent s’ébattre au dehors. » Il n’y aurait pas eu grand mal à ce qu’ils se promenassent sur les collines environnantes et sur les rives de l’Aar, contemplant de leurs yeux les beautés de la nature helvétique, en attendant qu’il plût aux seigneurs de Berne de leur permettre d’ouvrir la bouche. Mais ils eussent été coupables de ne pas assister au synode si les ordres de Berne ne le leur eussent pas réellement interdit. Aussi l’histoire a-t-elle commis une faute, quand, en signalant leur absence du synode, elle n’a pas rapporté ce qui la justifie, savoir l’étrange exigence de Berne, omission grave et que l’on aime à croire involontaireq.

q – Kampschulte, Johann Calvin, I, p. 310. Roget, Peuple de Genève, I, p. 83.

La conférence entre Calvin, Farel et les délégués de Berne eut lieu. Les ministres de Genève, tout en objectant à l’emploi des baptistères et du pain sans levain, ne voulaient pourtant pas faire une scission pour de telles choses. Ils tenaient un peu plus à l’article des fêtes. « De quel droit, dit Calvin, voulez-vous honorer davantage le jour de la circoncision, que celui de la mort du Rédempteur ? » En effet, on ne célébrait pas à Berne le jour de la Passion. Kunz ne répondit rienr. Calvin et Farel désiraient que de telles questions fussent résolues, non par des délégations gouvernementales, mais par l’Église en ses assemblées. Ils demandèrent donc que la décision fût renvoyée à un synode de toute l’Église réformée de Suisse, qui devait se tenir incessamment à Zurich. On éviterait ainsi toute apparence de contrainte ; la liberté et l’ordre seraient également respectés, et l’on épargnerait à l’Église de douloureuses dissensions. « Il y avait un excellent remède, écrivait plus tard Calvin aux Zurichois, par le moyen duquel on pouvait obvier au danger, c’était que nous fussions appelés à votre synode ; mais nous ne pûmes l’obtenirs. »

r – « Quo jure circumcisio plus haberet honoris quam mors Christi ?… Obmutescere coactus est. » (Calvinus Hallero. Calvin, Epp. et responsa, p. 102.) Hunderhagen Conflikt, p. 132.

s – « Optimum erat remedium quo periculo obviaretur, si ad vestrum synodum fuissemus vocati. Impetrari non potuit. » (Calvin ad Tigur. Ratisb., 31 mars 1541. Archives de Zurich.)

Les seigneurs de Berne voyant que leurs délégués avaient échoué dans leur conférence avec les ministres de Genève, résolurent d’écrire deux lettres le même jour, (15 avril) l’une à Calvin et à Farel, l’autre au Conseil de Genève, ne doutant pas que cette habile combinaison ne réussit. Leurs deux missives se ressemblaient beaucoup. Ils pressaient les ministres d’accepter la conclusion du synode, sans attendre l’assemblée de Zurich, afin que les deux Églises, unies quant aux fondements de la foi, fussent aussi conformes quant aux cérémonies. Et quant au Conseil, ils le priaient d’accepter la même conclusion, « espérant que maîtres Farel et Calvin, quoiqu’ils eussent fait quelques difficultés, adviseraient pour le mieuxt. »

t – Registres de Genève ad diem. Chronique msc. de Rozet, l. IV, ch. 13. Roget, Peuple de Genève, p. 84-85.

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