Histoire de la Réformation du seizième siècle

7.9

Victoire – Tumulte et calme – Le verre du duc Éric – L’Électeur et Spalatin – Message de l’Empereur – On veut violer le sauf-conduit – Vive opposition – Enthousiasme pour Luther – Voix de conciliation – Crainte de l’Électeur – Concours chez Luther – Philippe de Hesse

Il faisait nuit. Chacun regagnait sa demeure dans les ténèbres. On donna à Luther deux officiers impériaux pour l’accompagner. Quelques-uns s’imaginèrent que son sort était arrêté, qu’on le conduisait en prison, et qu’il n’en sortirait que pour aller à l’échafaud ; un immense tumulte s’éleva. Plusieurs gentilshommes s’écrièrent : « Est-ce en prison qu’on le mène ? — Non, répondit Luther ; ils m’accompagnent à mon hôtel. » A ces mots les esprits se calmèrent. Alors des Espagnols de la maison de l’Empereur, suivant cet homme audacieux, l’accompagnèrent de huées et de moqueriesa, à travers les rues qu’il devait traverser, tandis que d’autres faisaient entendre les cris de la bête féroce à qui l’on vient d’enlever sa proie. Mais Luther demeura ferme et en paix.

a – « Subsannatione hominem Dei et longo rugitu prosecuti sunt. » (Luth. Op. lat., II, p. 166.)

Telle fut la scène de Worms. Ce moine intrépide, qui jusqu’alors avait bravé avec quelque audace tous ses ennemis, parla dans cette heure, où il se trouvait en présence de ceux qui avaient soif de son sang, avec calme, noblesse et humilité. Pas d’exagération, pas d’enthousiasme humain, pas de colère ; il fut en paix dans l’émotion la plus vive ; modeste en résistant aux puissances de la terre ; grand en présence de toutes les majestés du monde. C’est là un irrécusable indice que Luther obéissait alors à Dieu, et non aux suggestions de son orgueil. Il y avait dans la salle de Worms quelqu’un de plus grand que Luther et que Charles : Quand vous me rendrez témoignage devant les nations, ne soyez point en peine, a dit Jésus-Christ ; car ce n’est pas vous qui parlerez (Matt.10.18-20). Jamais peut-être cette promesse ne s’accomplit d’une manière si manifeste.

Une impression profonde avait été produite sur les chefs de l’Empire ; Luther l’avait remarqué, et son courage s’en était accru. Les serviteurs du pape s’irritèrent de ce que Jean de Eck n’avait pas interrompu plus tôt le moine coupable. Plusieurs princes et seigneurs furent gagnés à une cause soutenue avec une telle conviction. Chez quelques-uns, il est vrai, l’impression ne fut que passagère ; mais d’autres, au contraire, qui se cachèrent alors, se manifestèrent plus tard avec un grand courage.

Luther était de retour dans son hôtel, reposant son corps fatigué par un si rude assaut. Spalatin et d’autres amis l’entouraient, et tous ensemble louaient Dieu. Comme ils conversaient, un valet entre, portant un vase en argent, rempli de bière d’Eimbek : « Mon maître, dit-il, en le présentant à Luther, vous invite à vous restaurer avec cette boisson. — Quel est le prince, dit le docteur de Wittemberg, qui se souvient si gracieusement de moi ? » C’était le vieux duc Éric de Brunswick. Le réformateur fut touché de cette offrande d’un seigneur si puissant, et qui appartenait au parti du pape. « Son Altesse, continua le valet, a voulu goûter elle-même cette boisson avant de vous l’envoyer. » Alors Luther, altéré, se versa de la bière du duc, et après l’avoir bue, il dit : « Comme aujourd’hui le duc Éric s’est souvenu de moi, qu’ainsi notre Seigneur Jésus-Christ se souvienne de lui à l’heure de son dernier combatb. » C’était peu de chose que ce présent ; mais Luther, voulant témoigner sa reconnaissance à un prince qui se souvenait de lui en un tel moment, lui donnait ce qu’il avait, une prière. Le valet alla porter ce message à son maître. Le vieux duc se rappela ces paroles au moment de sa mort ; et, s’adressant à un jeune page, François de Kramm, qui se tenait debout à côté de son lit : « Prends l’Évangile, lui dit-il, et lis-le-moi. » L’enfant lut les paroles de Christ, et l’âme du mourant fut restaurée. Quiconque vous donnera un verre d’eau en mon nom, parce que vous appartenez à Christ, a dit le Sauveur, je vous dis en vérité qu’il ne perdra pas sa récompense.

b – « Also gedencke seiner unser Herr Christus in seinem letzten Kampff. » (Seck., p. 354.)

A peine le valet du duc de Brunswick était-il sorti, qu’un envoyé de l’Électeur de Saxe vint ordonner à Spalatin de se rendre à l’instant près de lui. Frédéric était venu à la Diète plein d’inquiétude. Il avait cru qu’en présence de l’Empereur Luther verrait son courage s’évanouir. Aussi, la fermeté du réformateur l’avait-elle profondément ému. Il était fier d’avoir pris sous sa protection un tel homme. Quand le chapelain arriva la table était mise ; l’Électeur allait s’asseoir pour souper avec sa cour, et déjà les valets avaient emporté le vase où l’on se lavait les mains. Voyant entrer Spalatin, Frédéric lui fit aussitôt signe de le suivre, et, seul avec lui dans sa chambre à coucher, il lui dit avec une grande émotion : « Oh ! comme le père Luther a parlé devant l’Empereur et devant tous les états de l’Empire ! Je tremblais seulement qu’il ne fût trop hardic. » Frédéric prit alors la résolution de protéger à l’avenir le docteur avec plus de courage.

c – « O wie schön hat Pater Martinus geredet. » (Seck., p. 355.)

Aléandre voyait l’impression que Luther avait produite ; il n’y avait pas de temps à perdre ; il fallait décider le jeune Empereur à agir vigoureusement. Le moment était favorable : la guerre avec la France était imminente. Léon X, voulant agrandir ses États, et se souciant peu de la paix de la chrétienté, faisait en même temps négocier secrètement deux traités, l’un avec Charles contre François, l’autre avec François contre Charlesd. Par le premier il demandait pour lui à l’Empereur Parme, Plaisance et Ferrare ; par le second il réclamait du roi une partie du royaume de Naples, qui serait ainsi enlevée à Charles. Celui-ci sentait l’importance de gagner Léon en sa faveur, afin de l’avoir pour allié dans la guerre contre son rival de France. C’était peu que d’acheter au prix de Luther l’amitié du puissant pontife.

d – « Guicciardini, L. XIV, p. 175. — Dumont, Corp. dipl., t. IV, p. 96 – « Dicesi del papa Leone, che quando l’aveva fatto lega con alcuno, prima soleva dirche pero non si dovea restar de tratar cum lo altro principe opposto. » (Suriano, ambassadeur vénitien à Rome, MSC., Archives de Venise.)

Le lendemain de la comparution, le vendredi 19 avril, l’Empereur fit lire à la Diète un message écrit en français de sa propre maine. « Issu, disait-il, des empereurs chrétiens d’Allemagne, des rois catholiques d’Espagne, des archiducs d’Autriche, et des ducs de Bourgogne, qui se sont tous illustrés comme défenseurs de la foi romaine, j’ai le ferme dessein de suivre l’exemple de mes ancêtres. Un seul moine, égaré par sa propre folie, s’élève contre la foi de la chrétienté. Je sacrifierai mes royaumes, ma puissance, mes amis, mes trésors, mon corps, mon sang, mon esprit et ma vie pour arrêter cette impiétéf. Je vais renvoyer l’augustin Luther, en lui défendant de causer le moindre tumulte parmi le peuple ; puis je procéderai contre lui et ses adhérents, comme contre des hérétiques manifestes, par l’excommunication, par l’interdit, et par tous les moyens propres à les détruireg. Je demande aux membres des états de se conduire comme de fidèles chrétiens. »

e – « Autographum in lingua Burgundica, ab ipsomet enarratum. » (Cochlœus, 32.)

f – « Regna, thesauros, amicos, corpus, sanguinem, vitara, spiritumque profundere, » (Pallav., I, p. 118.)

g – « Und andern Wegen sie zu vertilgen. » (Luth. Op. (L.), XVII, p. 581.)

Cette allocution ne plut pas à tout le monde. Charles, jeune et passionné, n’avait pas suivi les formes ordinaires ; il eût dû premièrement demander l’avis de la Diète. Deux opinions extrêmes se prononcèrent aussitôt. Les créatures du pape, l’Électeur de Brandebourg et plusieurs princes ecclésiastiques demandèrent que l’on ne respectât point le sauf-conduit donné à Lutherh. Le Rhin, dirent-ils, doit recevoir ses cendres, comme il a reçu, il y a un siècle, celles de Jean Huss. » Charles, s’il faut en croire un historien, se repentit vivement plus tard de n’avoir pas suivi ce lâche conseil. « Je confesse, dit-il, vers la fin de sa vie, que j’ai fait une grande faute en laissant vivre Luther. Je n’étais point obligé de lui tenir ma promesse, cet hérétique ayant offensé un maître plus grand que moi, Dieu lui-même. Je pouvais, je devais même oublier ma parole, et venger l’injure qu’il faisait à Dieu : c’est parce que je ne l’ai pas fait mourir que l’hérésie n’a pas cessé de faire des progrès. Sa mort l’eût étouffée au berceaui. »

h – « Dass Luthero das sichere Geleit nicht möchte gehalten werden. (Seckend., p. 357.)

i – Sandoval, Hist. de Carlos V, citée dans Llorente, Hist. de l’Inquisition, II, p. 57. D’après Llorente, la supposition que Charles, vers la fin de sa vie, pencha vers les sentiments évangéliques n’est qu’une invention des protestants et des ennemis de Philippe II. Cette question est un problème historique, que les citations nombreuses de Llorente paraissent résoudre malheureusement tout à fait dans son sens.

Une si horrible proposition remplit d’effroi l’Électeur et tous les amis de Luther. « Le supplice de Jean Huss, dit l’Électeur palatin, a fait fondre sur la nation allemande trop de malheurs pour qu’il faille une seconde fois élever une tel échafaud. — Les princes d’Allemagne, s’écria George de Saxe lui-même cet irréconciliable ennemi de Luther, ne permettront pas qu’on viole un sauf-conduit. Cette première diète tenue par notre nouvel Empereur ne se rendra pas coupable d’une action si honteuse. Une telle perfidie ne s’accorde pas avec l’antique droiture germanique. » Les princes de Bavière, dévoués aussi à l’Église de Rome, appuyèrent cette protestation. La scène de mort que les amis de Luther avaient déjà devant les yeux parut s’éloigner.

Le bruit de ces débats, qui durèrent deux jours, se répandit dans la ville. Les partis s’exaltèrent. Des gentilshommes, partisans de la Réforme, commencèrent à parler d’une voix ferme contre la trahison qu’Aléandre demandait. « L’Empereur, disaient-ils, est un jeune homme, que les papistes et les évêques mènent à leur gré, par leurs flatteriesj. » Pallavicini fait mention de quatre cents nobles prêts à soutenir de leur glaive le sauf-conduit de Luther. Le samedi matin on trouva des placards affichés aux portes des maisons et sur les places publiques, les uns contre Luther, et les autres en sa faveur. Sur l’un d’eux on lisait simplement ces paroles énergiques de l’Ecclésiaste : Malheur à toi, terre ! dont le roi est un enfant. Sickingen, disait-on, a rassemblé à quelques lieues de Worms, derrière les remparts imprenables de sa forteresse, beaucoup de chevaliers et de soldats, et il n’attend pour agir que de savoir l’issue de l’affaire. L’enthousiasme du peuple, non seulement dans Worms, mais encore dans les villes les plus éloignées de l’Empirek ; l’intrépidité des chevaliers, l’attachement de plusieurs princes pour le réformateur, tout devait faire comprendre à Charles et à la Diète que la démarche réclamée par les Romains pourrait compromettre l’autorité suprême, exciter des révoltes, et même ébranler l’Empirel. Ce n’était qu’un simple moine qu’il s’agissait de brûler ; mais les princes et les partisans de Rome n’avaient à eux tous ni assez de force ni assez de courage pour le faire. Sans doute aussi Charles-Quint, jeune alors, craignait encore le parjure. C’est ce qu’indiquerait, si elle est vraie, cette parole que, selon quelques historiens, il prononça dans cette circonstance : « Quand la bonne foi et la fidélité seraient bannies de tout l’univers, elles devraient trouver un refuge dans le cœur des princes. » Il est triste qu’il l’ait peut-être oubliée près de la tombe. Au reste, d’autres motifs encore pouvaient agir sur l’Empereur. Le Florentin Vettori, ami de Léon X et de Machiavel, prétend que Charles n’épargna Luther que pour tenir ainsi le pape en échecm.

j – « Eum esse puerum, qui nutu et blanditiis papistarum et episcoporum trahatur quocunque velint. » (Cochlœus, p. 33.)

k – « Verum etiam in longinquis Germaniæ civitatibus, motus et murmura plebium. (Cochlœus, p. 33.)

l – « Es wäre Aufruhr daraus worden, » dit Luther.

m – « Carlo si excuso di non poter procedere piu oltre, rispetto al salvocondotto ; ma la verita fu che conoscendo cheil Papa temeva molto di questa doctrina di Luthero, lo voile tenere con questo freno. » (Vettori, Istoria d’Italia, msc. Biblioth. Corsini à Rome, extraite par Rauke.)

Dans la séance du samedi les conseils violents d’Aléandre furent écartés. On aimait Luther, on voulait sauver cet homme si simple, dont la confiance en Dieu était si touchante ; mais on voulait aussi sauver l’Église. On frémissait à la pensée des conséquences qu’aurait également ou le triomphe ou le supplice du réformateur. Des voix de conciliation se firent entendre ; on proposa de faire auprès du docteur de Wittemberg une nouvelle tentative. L’archevêque-électeur de Mayence lui-même, le jeune et somptueux Albert, plus dévot que courageux, dit Pallavicinin, avait pris peur en voyant l’intérêt que le peuple et la noblesse témoignaient au moine saxon. Son chapelain, Capiton, qui avait été lié, pendant son séjour à Bâle, avec ce prêtre évangélique de Zurich nommé Zwingle, homme intrépide dans la défense de la vérité, dont nous avons eu déjà l’occasion de parler, avait aussi sans doute représenté à Albert la justice de la cause du réformateur. Le mondain archevêque eut un de ces retours à des sentiments chrétiens qu’on remarque quelquefois dans sa vie, et consentit à se rendre auprès de l’Empereur, pour lui demander de permettre un dernier effort. Mais Charles se refusa à tout. Le lundi 22 avril les princes vinrent en corps renouveler les sollicitations d’Albert. « Je ne me départirai point de ce que j’ai arrêté, répondit l’Empereur. Je ne chargerai personne de se rendre officiellement vers Luther. Mais, ajouta-t-il, au grand scandale d’Aléandre, j’accorde trois jours de réflexion à cet homme ; pendant ce temps chacun pourra, en son particulier, lui faire les exhortations convenableso. » C’était tout ce qu’on demandait. Le réformateur, pensait-on, exalté par la solennité de la comparution, cédera dans une conférence plus amicale, et peut-être le sauvera-t-on de l’abîme où il est près de tomber.

n – « Qui pio magis animoerat quam forti. » (Pallav., p. 118.)

o – « Quibus privatim exhortari hominem possent. » (Pallav., I, p. 119.)

L’Électeur de Saxe savait le contraire ; aussi était-il rempli de crainte. « Si cela était en mon pouvoir, écrivait-il le lendemain à son frère le duc Jean, je serais prêt à soutenir Luther. Vous ne sauriez croire jusqu’à quel point les partisans de Rome m’attaquent. Si je pouvais tout vous raconter, vous entendriez des choses étonnantesp. Ils veulent sa ruine ; et pour peu qu’on manifeste quelque intérêt pour sa personne, on est aussitôt décrié comme hérétique. Que Dieu, qui n’abandonne pas la cause de la justice, amène tout à une bonne fin ! » Frédéric, sans montrer la vive affection qu’il portait au réformateur, se contenta de ne pas perdre de vue un seul de ses mouvements.

p – « Wunder hören werden, » (Seckend., p. 365.)

Il n’en était pas de même des hommes de tout rang qui se trouvaient alors dans Worms. Ils faisaient sans crainte éclater leur sympathie. Dès le vendredi une foule de princes, de comtes, de barons, de chevaliers, de gentilshommes, d’ecclésiastiques, de laïques, d’hommes du peuple, entouraient l’hôtel où logeait le réformateur : ils entraient, ils sortaient, et ne pouvaient se rassasier de le voirq. Il était devenu l’homme de l’Allemagne. Ceux même qui ne doutaient pas qu’il ne fût dans l’erreur étaient touchés de la noblesse d’âme qui le portait à immoler sa vie à la voix de sa conscience. Luther avait avec plusieurs des personnages présents à Worms, l’élite de la nation, des entretiens, pleins de ce sel dont toutes ses paroles étaient assaisonnées. On ne le quittait pas sans se sentir animé d’un généreux enthousiasme pour la vérité. « Que de choses j’aurais à vous raconter ! écrivait alors à l’un de ses amis le secrétaire privé du margrave Casimir de Brandebourg, George Vogler. Que de conversations pleines de piété et de bonté Luther a eues avec moi et avec d’autres ! Que cet homme est plein de grâcer. »

q – « Und konnten nicht sait werden ihn zu sehen. » (Luth. Op. XVII, p. 581.)

r – « Wie eine holdselige Person er ist. » (Meuzel. Magaz. I, p. 207.)



Philippe de Hesse

Un jour, un jeune prince de dix-sept ans entra en caracolant dans la cour de l’hôtel ; c’était Philippe, qui depuis deux ans régnait sur la Hesse. Le jeune landgrave était d’un caractère prompt et entreprenant, d’une sagesse qui devançait les années, d’une humeur belliqueuse, d’un esprit impétueux, et n’aimant guère à se diriger que d’après ses propres idées. Frappé des discours de Luther, il désirait le voir de plus près. « Il n’était pourtant pas encore pour moi, » dit Luther en le racontantα. Il sauta à terre, monta sans autres compliments dans la chambre du réformateur, et, l’apostrophant, il lui dit : « Eh bien, cher docteur, comment cela va-t-il ? — Gracieux seigneur, répondit Luther, j’espère que cela ira bien. — A ce que j’apprends, reprit le landgrave en riant, vous enseignez, docteur, qu’une femme peut quitter son mari et en prendre un autre quand le premier est reconnu trop vieux ! » C’étaient les gens de la cour impériale qui avaient fait ce conte au landgrave. Les ennemis de la vérité ne manquent jamais de répandre des fables sur de prétendus enseignements des docteurs chrétiens — « Non, monseigneur, répondit Luther gravement ; que Votre Altesse ne parle pas ainsi, de grâce ! » Là-dessus, le prince tendit brusquement la main au docteur, serra cordialement la sienne, et lui dit : « Cher docteur, si vous avez raison, que Dieu vous soit en aide !… » Puis il quitta la chambre, remonta à cheval, et partit. Ce fut la première entrevue de ces deux hommes, qui devaient plus tard se trouver à la tête de la Réformation, et la défendre, l’un avec l’épée de la parole, et l’autre avec celle des rois.

α – « War noch nicht auf meiner Seite. » (Luth. Op., XVII, p.589.)

C’était l’archevêque de Trèves, Richard de Greifencklau, qui, avec la permission de Charles-Quint, avait entrepris le rôle de médiateur. Richard, intimement lié avec l’Électeur de Saxe, et bon catholique romain, désirait, en arrangeant cette difficile affaire, rendre à la fois service à son ami et à son Église. Le lundi soir, 22 avril, au moment où Luther allait se mettre à table, un envoyé de l’archevêque vint lui annoncer que ce prélat désirait le voir le surlendemain, mercredi, à six heures du matin.

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