Explication du Psaume 51

§ 50. Une fois justifiés, nous avons toujours besoin de l’Esprit-Saint pour ne pas tomber dans le péché.

Ainsi une âme justifiée par la foi ne doit pas se laisser aller à la sécurité ni croire qu’elle soit pure de tout péché ; au contraire, c’est dès-lors qu’elle doit entrer dans une lutte constante et continuelle contre ce péché et contre ces méchants restes, dont le prophète demande ici d’être lavé et nettoyé. Il est vrai qu’elle est juste et sainte, mais d’une sainteté étrangère et extrinsèque, c’est-à-dire par la pure miséricorde de Dieu en Jésus-Christ. Cette miséricorde n’est pas quelque chose d’humain, ce n’est pas une qualité ou une habitude attachée au cœur, mais c’est une faveur de Dieu et une grâce qui nous est donnée par la connaissance réelle de l’Évangile par lequel nous apprenons et nous croyons que nos péchés nous sont remis par la grâce et par les mérites de Jésus-Christ et par l’espérance et la confiance que nous mettons en ses grandes compassions et en ses gratuités infinies, dont parle notre prophète. Une telle justice est sans doute une justice étrangère qui consiste dans la charitable indulgence et bonté de Dieu, et qui est un don de Dieu qui nous regarde gracieusement en Jésus-Christ.

Cela peut s’éclaircir par cette similitude : Si quelqu’un avait mérité un supplice de mort et que le prince relachât ce criminel et lui pardonnât son crime, n’est-il pas vrai qu’il n’y aurait dans sa libération rien de son propre mérite, mais que ce serait la pure grâce et la bonté de son prince qui en serait la seule cause ? car quant à lui, il n’a rien mérité que la mort ; mais son prince ne lui remet pas seulement sa peine, mais il le met en liberté, délie ses liens, lui fait donner des habits et même de quoi s’entretenir et se nourrir dans la suite. C’est ce qui arrive à une âme justifiée, car par la miséricorde de son Dieu, elle est libérée de la peine qu’elle avait méritée, elle reçoit de plus le don du Saint-Esprit, qui la nettoie de plus en plus du péché et qui l’assiste afin qu’elle ne succombe pas sous les efforts du péché et sous les concupiscences qui combattent dans sa chair, comme le dit l’apôtre : Elle mortifie par l’esprit les œuvres du corps (Romains 8.13). Mais la plupart de nous vivons dans une telle sécurité qu’on dirait que nous sommes tout esprit, que nous n’avons plus de chair : c’est pourquoi il est nécessaire que nous apprenions à sentir que nous avons encore la chair pécheresse, et que l’œuvre du Saint-Esprit en nous, c’est de combattre contre cette chair afin qu’elle n’exécute pas ce qu’elle désire.

Ainsi un chrétien n’est pas justice d’une justice qui vienne de son propre fond, et qui soit une qualité inhérente en lui ; mais il est juste seulement par la miséricorde de Dieu et la rémission des péchés que reçoivent ceux qui reconnaissent leurs péchés, et qui croient que Dieu leur est propice et favorable pour l’amour de Jésus-Christ qui s’est donné pour nos péchés, et que nous embrassons par la foi. Quand nous avons été faits participants de cette justice, nous avons ensuite besoin de ce nettoiement dont notre texte fait mention, de cette purification qu’il demande à Dieu. Car, quoique le péché ne condamne plus, il demeure pourtant encore, il combat ; il nous empêche sans cesse d’être enflammés d’amour pour notre Dieu, de croire en lui avec une pleine confiance de cœur, comme nous le souhaiterions, par les bons mouvements de l’esprit que nous avons reçu ; il nous empêche de vivre aussi chastement, aussi débonnairement et aussi paisiblement que nous le désirerions ; de sorte que presque tous nos membres sont infectés de quelque péché qui combat contre la loi de Dieu. Si donc nous ne nous opposons ici et si nous ne combattons avec beaucoup de violence et de zélé, il est à craindre que nos péchés ne se fortifiant en nous, ne nous entraînent de nouveau dans notre première impiété, comme de tristes exemples ne le prouvent, hélas ! que trop, dans ceux qui après avoir ouï et embrassé l’Évangile en sont déchus et sont devenus beaucoup pires qu’auparavant, et comme aussi les erreurs des différentes sectes que nous voyons, le témoignent. Ils croient que leur raison ne peut pas les tromper, et que leur chair n’est plus vivante et ne peut plus les séduire.

C’est contre ces pensées de sécurité qu’il est bon de se servir de cette prière de David ; lequel après avoir demandé la miséricorde de son Dieu pour la rémission de ses péchés, prie aussi que Dieu le lave de ses iniquités, lui donne son Saint-Esprit, le munisse de ce don et de cette force céleste, afin qu’il purifie et nettoie son cœur des restes des péchés qui sont encore en lui, lesquels commencent à être ensevelis par le baptême, mais ne sont pourtant pas encore tout-à-fait abolis. Voici donc la vie d’un vrai chrétien comme elle est décrite (Colossiens 3.2) : Que nous cherchions les choses qui sont en haut, comme étant morts au monde, et ayant notre vie cachée avec Christ en Dieu ; et comme Saint-Paul le dit encore (2 Corinthiens 7.1) : Que nous nous purifions de toute souillure du corps et de l’esprit ; par où il indique qu’il reste encore en lui et dans les enfants de Dieu de pareilles souillures ; savoir, de fausses opinions, pensées, imaginations, ainsi que des passions et des convoitises vicieuses de la chair, et que le travail et l’étude des enfants de Dieu doivent être avec l’aide de l’Esprit saint, afin d’être purifiés de ces souillures de plus en plus. Mais ceux qui se croient saints et sans ces souillures, s’enfoncent de plus en plus dans le mal, perdent la foi, et ne conservent que de fausses opinions qui peuvent ressembler, il est vrai, à la foi, mais qui ne sont pourtant que des illusions de Satan, par lesquelles ils sont entraînés insensiblement à l’impiété en abandonnant la vérité et la parole de Dieu. On a bientôt dit : Je crois en Jésus-Christ ; mais c’est une chose bien difficile et qui demande un grand travail que d’avoir cette foi bien plantée dans le cœur, parce que non seulement les souillures de l’esprit sont restées en nous, mais que la chair et le diable ne cessent point de tâcher de nous ravir cette foi, et de nous porter à abandonner la parole pour nous laisser conduire à nos propres lumières et à nos opinions. C’est de là que viennent les sectes et les hérésies qui ont pour nous une haine mortelle qu’elles ne croient pas être une haine, mais un zèle divin ; de sorte qu’elles ne tâchent guère de se laver ou de se laisser laver de ce péché ; au contraire, elles l’accroissent tous les jours. Mais pour nous, tâchons de nous laisser purifier tons les jours de plus en plus, afin que nous devenions toujours plus purs, que le nouvel homme se renouvelle de jour en jour et que le vieil homme s’affaiblisse et s’approche de sa mort totale pour notre sanctification.

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