Explication du Psaume 51

§ 63. Pourquoi ce verset doit être aussi notre prière.

Il faut encore remarquer, comme nous l’avons dit, que la dernière partie de ce verset doit être tournée en forme de prière ; savoir : Enseigne-moi la sagesse cachée ou secrète, (ce que notre version tourne : Tu m’as enseigné). On pourrait demander ici, pourquoi David, qui connaissait déjà cette sagesse secrète, demande encore à Dieu de la lui faire connaître : car celui qui dit à Dieu : C’est devant toi que je pèche sans cesse, c’est toi seul qui es juste ; celui-là, sans doute, a déjà cette sagesse cachée, non seulement quant à la connaissance de soi-même et de son péché, mais même quant à la connaissance de la grâce et de la miséricorde qui doit suivre, sans quoi il tomberait dans le désespoir : pourquoi donc, dit-il : Fais-moi connaître la sagesse secrète, s’il l’a déjà ? Je réponds, qu’une âme pénitente sent ordinairement plus de péché que de grâce, plus de colère que de faveur, plus de jugement que de rédemption ; un impie au contraire, ne sent presque rien de la colère, mais il vit aussi pleinement dans la sécurité que s’il n’y avait point de colère ni de juge à craindre pour ses péchés ; ce qui fait que plus il se croit dans un bon état, moins il prie et il cherche Dieu ; au lieu qu’un fidèle, plus il sent ses infirmités et ses péchés, plus il est diligent dans la prière et dans la recherche de son Dieu : car dans cette sagesse céleste, dont nous parlons, entre nécessairement une prière continuelle ; de même que le sentiment du péché ne cesse point, les gémissements, les soupirs et les prières par lesquelles on demande la perfection et l’avancement dans cette sagesse cachée, ne tarissent point : ces prières réitérées ne sont pas de vaines redites, mais de puissants désirs du cœur qui combattent contre le sentiment douloureux, que produit la résistance de la chair, afin que plus le sentiment du péché croît, plus aussi croisse le sentiment de la grâce, et la consolation de l’Esprit ; c’est pourquoi dans Zacharie, l’Esprit de prière est joint avec l’Esprit de grâce. Car les enfants de Dieu parlent toujours comme de pauvres pécheurs, comme ils le sont en effet ; mais parce qu’ils sont dans la vérité cachée, Dieu les aime, et ils sont en sa grâce. Mais comme le sentiment de la grâce est souvent très faible à cause de l’infirmité de la chair, c’est ce qui fait que quoiqu’ils aient déjà la rémission de leurs péchés, ils gémissent pourtant toujours et la demandent sans cesse ; au lieu que les pécheurs qui vivent dans la sécurité, disent a Dieu : Je te rends grâces de ce que je ne suis point comme le reste des hommes.

Voilà la raison pour laquelle un enfant de Dieu demande grâce dans le temps même qu’il l’a déjà et qu’il a commencé à être aimé de Dieu ; il goûte la douceur de cette divine doctrine, ce goût excite encore plus sa faim, car une âme touchée ne se contente pas des prémices de l’Esprit, mais elle soupire et elle aspire après la plénitude, comme Paul le disait de lui-même : Je ne suis pas encore rendu accompli, mais je poursuis pour tâcher d’y parvenir, et c’est ainsi que David prie aussi ici : Je sais, mon Dieu, veut-il dire, que tu aimes la vérité cachée et la sagesse secrète, laquelle tu as commencé à me faire connaître ; mais fais-moi la grâce de l’embrasser encore plus parfaitement, et avec plus d’assurance et de certitude. En quoi il confesse tacitement la méchanceté et les combats de sa chair, que quand même nous n’aurions point au dehors les occupations et les contrariétés du monde qui nous dissipent, pourtant nous portons en nous un malheureux principe qui s’oppose et qui combat cette divine sagesse cachée, et notre chair ne veut croire ni recevoir les vérités que nous enseignons et que nous disons.

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