La Théologie de Wesley

3.2 Le salut par la grâce

On soupçonne les Méthodistes de ne pas avoir, sur l’article du Salut par la Grâce, une doctrine aussi saine que la doctrine de certaines autres Églises. On nous accuse d’avoir des sentiments arminiens. Je crois que j’ai même vu chez un certain auteur une accusation de pélagianisme, ou, pour le moins, de semi-pélagianisme, portée contre les Méthodistes.

Entendons-nous ! Qui était Pélage ? Quelles sont les doctrines spéciales qui constituent le pélagianisme ? Pélage était un natif du pays de Galles. Il partit jeune pour Rome, où il apprit les erreurs qu’il enseigna plus tard en Afrique et dans les pays d’Orient. Voici les enseignements de Pélage sur le sujet de cet article : Les enfants naissent purs ; la loi rend les hommes capables d’entrer dans le royaume des cieux ; la loi est fondée sur des promesses qui valent celles de l’Évangile ; la grâce de Dieu est donnée aux hommes selon leur mérite ; la grâce ne leur est point donnée pour accomplir des actes moraux ; le libre arbitre et la connaissance du devoir suffisent à l’obéissance sans le secours de la grâce.

Ce système-là, nous le repoussons dans tous ses articles.

Cassien, qui fonda un monastère à Marseille, fut l’auteur du système qu’on appelle le semi-pélagianisme. Il enseigna que l’homme naît moralement libre, et capable ou de résister aux influences de la grâce divine, ou de céder à ses attraits ; que les facultés naturelles de l’homme lui suffisent pour se repentir et pour changer de vie.

Nous ne sommes d’accord avec ce second système sur aucun de ces points.

Arminius enseigna que la vraie foi ne peut pas procéder de l’exercice de nos facultés et capacités naturelles, ni de la puissance et de l’action de notre volonté, puisque l’homme, en conséquence de sa corruption naturelle, est incapable de penser, de vouloir et de faire le bien ; donc, il est absolument nécessaire au salut de l’homme qu’il soit régénéré et renouvelé par l’opération du Saint-Esprit qui est le don de Dieu par Jésus-Christ. De plus, Arminius enseigna que cette grâce divine, ou énergie du Saint-Esprit, commence et perfectionne tout ce qui est ou noble ou bon chez l’homme ; par conséquent, toutes nos bonnes œuvres doivent être attribuées à Dieu seul.

Ces doctrines, nous les croyons et nous les prêchons. Dans le sens des paroles que je viens de citer, les Méthodistes sont certainement arminiens.

Mais, n’est-ce pas là la vieille orthodoxie des grandes confessions de foi des siècles passés, et des Églises orthodoxes, réformées ou presbytériennes ou calvinistes ? Pourquoi donc appeler les Méthodistes arminiens comme terme de reproche ?

Pour deux raisons. D’abord, parce que Arminius combattit la prédestination calviniste et quelques doctrines qui s’y rattachent. Et en cela, nous ne nous séparons pas de lui. En second lieu, les successeurs d’Arminius, les Remontrants, surtout quelques-uns des derniers écrivains de cette école, dans leur horreur du calvinisme, allèrent beaucoup trop loin dans la direction du pélagianisme. Quelques-uns même versèrent presque dans les doctrines de Socin. Ces auteurs ne sont pas plus les disciples d’Arminius, que Henri Eberhard Paulus ne l’était de Martin Luther.

Qu’il me soit permis de citer le témoignage d’un théologien distingué, professeur de dogmatique à l’Université de Princeton (Etats-Unis). Son témoignage sera d’autant plus indépendant que l’auteur combat fortement nos doctrines sur d’autres points. Voici ses paroles : « L’Église méthodiste, en Angleterre et en Amérique, est la seule grande Église protestante du monde qui ait une confession de foi franchement arminienne. Mais son arminianisme est beaucoup moins éloigné du calvinisme de l’assemblée de Westminster, que ne l’est le système des derniers Remontrants, et devrait toujours être qualifié d’arminianisme évangélique. L’anthropologie et la sotériologie de l’arminianisme wesleyen sont en général et à peu de choses près semblables à l’enseignement luthérien sur ces doctrines. »

Qu’on en juge par le récit suivant :

En 1787, lorsque John Wesley était dans sa 85e année, un jeune pasteur de l’Église anglicane, le Rév. C. Simeon, lui fit visite. La conversation suivante s’engagea :

Simeon. — Monsieur, si je suis bien informé, vous êtes arminien. Je suis quelquefois appelé calviniste. Je suppose qu’il faut sortir l’épée du fourreau, et nous battre. Mais, avant de discuter, je vous ferai, avec votre permission, quelques questions, non pas dans un esprit de curiosité inconvenante, mais dans le but de m’instruire. Vous sentez-vous, Monsieur, un être corrompu, tellement que la pensée de vous convertir à Dieu ne vous serait jamais venue à l’esprit, si Dieu ne vous l’avait pas inspirée ?

Wesley. — C’est là ce que je sens profondément.

Simeon. — Est-ce que vous désespérez complètement de vous rendre agréable à Dieu par quoi que ce soit que vous puissiez faire ; et attendez-vous le salut uniquement à cause du sang et de la justice de Christ ?

Wesley. — Je l’attends exclusivement par Jésus-Christ.

Simeon. — Mais si, au commencement, vous êtes sauvé par Jésus-Christ, ne devez-vous pas de quelque manière vous sauver vous-même ensuite, par vos bonnes œuvres ?

Wesley. — Non, il faut que je sois sauvé par Jésus-Christ du commencement jusqu’à la fin.

Simeon. — Mais, en admettant que ce soit par la grâce de Dieu que vous vous êtes converti au commencement, ne devez-vous pas, d’une façon ou d’une autre, vous garder vous-même par votre propre puissance ?

Wesley. — Assurément non.

Simeon. — Quoi donc ! Vous devez être soutenu à chaque heure, à chaque moment, par Dieu, tout autant qu’un enfant est porté dans les bras de sa mère ?

Wesley. — Oui, absolument.

Simeon. — Et vous mettez toute votre espérance dans la grâce et dans la miséricorde de Dieu, pour vous préserver jusqu’à son royaume céleste ?

Wesley. — Je n’ai aucune espérance qu’en lui.

Simeon. — Dans ce cas, Monsieur, avec votre permission, je remettrai mon épée au fourreau. C’est là tout mon calvinisme, mon élection, ma justification, ma persévérance finale. C’est pour le fond ce que je crois, et pour la forme aussi. Donc, si vous le voulez bien, au lieu de chercher des mots et des phrases pour en faire un sujet de dispute entre nous, nous nous unirons cordialement sur le terrain des idées que nous avons en commun.

J’espère que nos lecteurs qui ne sont pas Méthodistes, après avoir entendu notre confession de foi, seront aussi convaincus que le fut M. Siméon que nous croyons au salut par la grâce.

Il y a une strophe que nous aimons chanter dans nos réunions, et c’est par elle que je termine :

Rien, ô Jésus ! que Ta grâce,
Rien que Ton sang précieux,
Qui seul mes péchés efface,
Ne me rend saint, juste, heureux.
Ne me dites autre chose,
Sinon qu’il est mon Sauveur,
L’Auteur, la Source, la Cause
De mon éternel bonheur.

W. Cornforth

[William Cornforth, pasteur et théologien méthodiste français, fut directeur, pendant plusieurs années, de la Maison d’études de Lausanne.]

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