Élans de l’âme vers Dieu

94. Prêcher les autres et s’oublier

Combien de fois, Seigneur, j’ai été frappé de l’abondance du mal sur la terre, de la méchanceté des hommes, de la nécessité de réformer la société ? Combien de fois j’ai cherché des remèdes à tous ces maux ; combien je me serais estimé heureux de les appliquer moi-même, de parler, d’agir pour moraliser, convertir le monde ! Que de souhaits, que de projets j’ai conçus pour les autres, hélas ! en m’oubliant moi-même ! Je dis : « Priez, » et je ne prie pas ! Je dis : « Lisez la Parole, » et je ne la lis pas ! « Sanctifiez-vous, » et ne me sanctifie pas ! Mon Dieu, quel aveuglement ; ou plutôt quel orgueil ; mieux encore, quelle lâcheté ! Ah ! Seigneur, tourne mes regards sur moi-même ; apprends-moi à sonder mon propre cœur, à gémir sur mes propres misères. Mais que ce ne soit pas comme ces médecins qui étudient sur eux-mêmes les maladies qu’ils veulent traiter chez les autres ; qu’avant tout ce soit pour me guérir moi-même. Si je travaillais pour moi, n’aurai-je pas, par là, travaillé pour mes frères ? Pourrais-je leur donner de meilleurs arguments que ceux des bons exemples : Jésus n’était-il pas saint en même temps qu’il prêchait la sainteté ? Son humilité n’est-elle pas écrite sur sa crèche et sa croix encore plus que dans ses discours ? Oui, Seigneur, ce n’est pas le modèle qui me manque, c’est le courage de l’imiter. Viens donc à mon secours, donne-moi d’essayer sur moi tout ce que j’offre aux autres ; donne-moi de faire avant de dire, d’agir plus que de parler. Donne-moi surtout de parler et d’agir en toute sincérité ; non en imitation des hommes, mais de mon propre mouvement ; que je n’offre à autrui que ce que je trouve bon pour moi, et surtout que je ne m’érige jamais en maître, moi dont le Maître s’est fait serviteur.

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