L’Imitation de Jésus-Christ, traduite en vers français

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Qu’il faut éviter la trop grande familiarité

Ne fais point confidence avec toutes personnes ;
Regarde où tu répands les secrets de ton cœur ;
Prends et suis les conseils de qui craint le Seigneur ;
Choisis tes amitiés, et n’en fais que de bonnes ;
Hante peu la jeunesse, et de ceux du dehors
        Souffre rarement les abords.
Jamais autour du riche à flatter ne t’exerce ;
Vis sans démangeaison de te montrer aux grands ;
Vois l’humble, le dévot, le simple, et n’entreprends
De faire qu’avec eux un long et plein commerce ;
Et n’y traite surtout que des biens précieux
        Dont une âme achète les cieux.
Évite avec grand soin la pratique des femmes,
Ton ennemi par là peut trouver ton défaut ;
Recommande en commun aux bontés du Très-Haut
Celles dont les vertus embellissent les âmes ;
Et, sans en voir jamais qu’avec un prompt adieu,
        Aime-les toutes, mais en Dieu.
Ce n’est qu’avec lui seul, ce n’est qu’avec ses anges
Que doit un vrai chrétien se rendre familier :
Porte-lui tout ton cœur, deviens leur écolier ;
Adore en lui sa gloire, apprends d’eux ses louanges
Et, bornant tes désirs à ses dons éternels,
        Fuis d’être connu des mortels.
La charité vers tous est toujours nécessaire,
Mais non pas avec tous un accès trop ouvert :
La réputation assez souvent s’y perd.
Et tel qui plaît de loin, de près cesse de plaire ;
Tant ce brillant éclat qui ne fait qu’éblouir
        Est sujet à s’évanouir !
Oui, souvent il arrive, et contre notre envie,
Que plus on prend de peine à se communiquer,
Plus cet effort nous trompe, et force à remarquer
Les désordres secrets qui souillent notre vie,
Et que ce qu’un grand nom avait semé de bruit
        Par la présence est tôt détruit.

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