Théologie Systématique – IV. De l’Église

3. Ministres ordinaires

« Pasteurs » et « Docteurs ». — « Evêques » ou « Anciens ». — « Diacres », « Diaconesses ». — Question de l’Episcopat. — Les anciens et les évêques ne constituent pas deux ordres différents. — Comment expliquer l’existence de l’épiscopat au iie siècle ?

Les ministres ordinaires ont pour mission d’annoncer la vérité et de gouverner l’Église selon la parole des ministres extraordinaires, à laquelle rien ne doit être ajouté ou retranché (Galates 1.7-8 ; 1 Thessaloniciens 2.13 ; Tite 1.9). Les apôtres en établirent ou ordonnèrent d’en établir partout (Actes 14.23 ; 20.17 ; Tite 1.5) ; ils ont laissé des directions générales sur leur élection, leur caractère et leur emploi (1 Timothée ch. 3 ; Tite ch. 1). Nous en voyons à la tète de toutes les églises à la fin de l’âge apostolique.

Pasteurs et Docteurs. — Dans le passage cité en tète de ce chapitre (Éphésiens 4.11), saint Paul ne fait qu’une classe de ministres ordinaires, qu’il nomme pasteurs et docteurs : « τούς δέ ποιμένας και διδασκάλους ». On a demandé si l’enseignement de la Parole était toujours lié à la conduite de l’Église, si les διδασκάλος ne faisaient qu’un avec les ποιμένες ? — Evidemment il n’y avait pas de règle absolue à cet égard dans ces temps où la société chrétienne jouissait de dons extraordinaires, et où la distinction entre le clergé et le peuple n’était pas tranchée comme elle l’a été dans la suite. Chacun pouvait contribuer pour sa part à l’édification commune dans les assemblées (1 Corinthiens 14.26) ; ainsi que cela se pratiquait dans les synagogues (Luc 4.16). La charge de pasteur, de directeur, de président, n’emportait pas toujours celle de docteur (Romains 12.7-8). Mais la tendance apostolique fut, ce semble, de les réunir. Saint Paul veut (1 Timothée 5.17) qu’on honore spécialement les pasteurs (ποιμένες) qui travaillent à la prédication de la Parole et à l’instruction ; il prescrit (Tite 1.9) de ne choisir pour évêques que des personnes capables « tant d’exhorter selon la doctrine salutaire que de convaincre ceux qui s’y opposent », unissant ainsi les deux ordres de fonctionsc.

c – V. Néander : Siècle apost., T. I, p. 125.

Evêques ou Anciens. — Les ministres ordinaires sont appelés dans le Nouveau Testament « évêques », ἐπίσκοποι ; « anciens » (ou prêtres) πρεσβυτὲροι ; « diacres », διακονοι.

Επίσκοπος (de ἐπισκοπεω ou de ἐπισκεπτομαι) signifie inspecteur, visiteur, surveillant. Paul dit à Barnabas ; « Retournons visiter nos frères ἐπισκεψώμεθα » (Actes 15.36). La charge de l’ἐπίσκοπος est appelée ἐπίσκοπη (1 Timothée 3.1). L’apostolat est désigné sous ce nom Actes 1.20. Saint Pierre nomme Jésus-Christ « le Pasteur et l’Evêque de nos âmes », ποιμὲνα καί ἐπίσκοπον (1 Pierre 2.25 ; 5.4 : ἀρχιποίμην). Επίσκοπος correspond à pakid (inspecteur des synagogues) ; les Septante ont souvent employé le premier de ces deux termes pour rendre le second. Il aurait donc pu passer de la Synagogue dans l’Église, de même que celui de πρεσβυτὲρος Mais plusieurs commentateurs le considèrent comme étant purement d’origine grecque.

Le mot πρεσvυτὲρος désigne dans le Nouveau Testament : 1° les ancêtres, (majores) (Matthieu 5.21 ; 15.2), ou simplement les vieillards (1 Timothée 5.1 ; 1 Pierre 5.5) ; 2° des hommes revêtus d’autorité ou de considération publique, (seniores) (Matthieu 16.21 ; 21.23 ; 26.3, 47, 57, 59. etc.) que nos versions rendent par sénateurs ; 3° une classe de ministres de l’Église (Actes 11.30 ; 14.23, etc., etc.). En ce sens il correspond à l’expression juive d’αρχισυναγωγος, car les αρχισυναγωγοι étaient aussi appelés πρεσβυτὲροι (Luc 7.3,5). Saint Pierre et saint Jean se sont donné ce titre (1 Pierre 5.1 ; 2 Jean 1.1 ; 3 Jean 1.1).

Diacres.Διάκονος (de διάκονεω, servir), signifie en général un ministre, un serviteur, un aide, et διάκονια signifie un service, un emploi quelconque, humble et honorable. Ces termes marquent les fonctions inférieures de la domesticité (Matthieu 20.26 ; Jean 2.5,9) et les charges élevées de la magistrature (Romains 13.4), de l’évangélisation (2 Corinthiens 3.6 ; 6.4 ; 11.23 ; Éphésiens 3.7), de l’apostolat (Actes 1.17 ; 20.24 ; Romains 11.13). Il est dit de Jésus-Christ lui-même qu’il a été « ministre (διάκονος) parmi les Juifs » (Romains 15.8). Dans un sens plus restreint, ce terme désigne un ordre particulier de ministres de l’Église, ceux qui étaient spécialement chargés du soin des pauvres (Actes ch. 6 ; 1 Timothée 3.8-12). Aussi l’aumône est-elle appelée διακονὶα (Romains 15.31 ; 2 Corinthiens 8.4 ; 9.1).

L’institution du « diaconat » est rapportée Actes ch. 6. Cependant Mosheimd et autres ont prétendu qu’elle remonte plus haut, et qu’il ne s’agit Actes ch. 6 que de l’adjonction de diacres hellénistes aux diacres hébreux déjà existant. Suivant eux, les νεώτερος qui ensevelirent Ananias et Saphira n’étaient autre chose que les diacres et les serviteurs établis de l’Église (Actes ch. 5). Ils appuient cette interprétation sur Luc 22.26, où ils prennent le νεώτερος et le διακονῶν pour des diacres, et sur 1 Pierre 5.5, où les νεώτεροι sont opposés aux πρεσβυτέροι et où, disent-ils, ce dernier terme doit s’entendre non des vieillards, mais des anciens, conformément à sa signification générale dans le Nouveau Testament. Mais ce n’est là qu’une conjecture peu probable. Rien absolument ne porte à supposer que Jésus-Christ ou les apôtres eussent établi le diaconat avant la circonstance mentionnée Act. ch. 6. Pendant la vie du Sauveur, Judas portait la bourse et était chargé de la distribution des aumônes. Dans Act. ch. 5 il est naturel que de jeunes hommes se lèvent d’eux-mêmes pour emporter le corps d’Ananias et de Saphira. Ce n’est pas contre les diacres hébreux que murmurent les hellénistes, mais contre les hébreux en général. Tout indique que les apôtres avaient été jusque là les administrateurs des biens de la communauté (Actes 4.35-37 ; 5.1-6). Il n’y a donc pas de raisons suffisantes pour abandonner l’opinion commune.

dHist. Eccl. I. p. 105.

Les qualités nécessaires aux diacres sont marquées 1 Timothée 3.8-13, et ce sont à peu près les mêmes que celles des évêques ou des presbytres. Leurs fonctions se rapprochent aussi. Deux des sept diacres (Actes 6.5), Etienne et Philippe, étaient évangélistes, et il paraît que dans les premiers temps les diacres remplissaient tous les emplois ecclésiastiques, soit avec les presbytres, soit en leur absence. Ils étaient également nommés à vie et consacrés par l’imposition des mains (Actes 5.6).

Ainsi nos diacres actuels diffèrent à beaucoup d’égards de ceux de la Primitive Église, car ils ne sont élus que pour un temps et ils ne s’occupent que de recueillir et de distribuer les aumônes.

Quant à nos « anciens », c’est une institution à laquelle rien ne correspond exactement dans l’âge apostolique ; quoiqu’en divers lieux on ait appelé de bonne heure les laïques à gérer avec les ecclésiastiques les choses religieuses. Le πρεσβυτεριον (1 Timothée 4.14) diffère, par la même raison, de notre consistoire.

Diaconesses. — Il y avait des diaconesses (αι διάκονοι). Il est parlé (Romains 16.1) de Phébé, diaconesse de l’Église de Cenchrée. C’est certainement aussi de diaconesses que parle Pline dans sa lettre à Trajan : « necessarium credidi ex duabus anciliis quæ ministræ dicebantur ». On rapporte en général à cette charge 1 Timothée 3.11 ; 5.10 ; Tite 2.3 ; car les femmes dont il est là question ont à remplir des fonctions spéciales, elles doivent enseigner, exercer l’hospitalité, secourir les affligés, etc. Mais les χήραι (ou πρεσβύτιδες) sont-elles les mêmes que les διάκονοι ? Assez souvent on les a distinguées. On a considéré les dernières comme chargées de la visite des malades, du soin des pauvres, du baptême des femmes, etc., et les autres comme des espèces de catéchistes pour les personnes de leur sexe. Du reste, si ces deux ordres de fonctions ont réellement existé à part, ils se touchaient par tant de points qu’ils devaient fréquemment se confondre, surtout à une époque où la constitution ecclésiastique était si peu déterminée. Nous inclinons à croire que c’était, sous des noms divers et peut-être dans des situations différentes, le même ordre de soins, de devoirs et d’emplois, et par conséquent la même charge. Cette institution était bien nécessaire à une époque où la position de la femme dans la société était tout autre qu’aujourd’hui.

On ne trouve dans le Nouveau Testament nulle trace de cette distinction. 1° Les noms d’« évêque » et d’« ancien » y sont souvent pris l’un pour l’autre et donnés aux mêmes personnes. Ainsi les pasteurs d’Ephèse (πρεσβυτὲροι) (Actes 20.17) sont ensuite nommés évêques (ἐπισκόπους) (v. 28).

2° Il n’est jamais fait mention que de deux ordres de ministres, « les évêques et les diacres », ou « les anciens et les diacres », là même où tout conduisait à parler des trois ordres s’ils eussent réellement existé, comme par exemple lorsque saint Paul donne des règles pour leur élection. Après avoir exposé les qualités de l’évêque il passe à celles des diacres (1Tim. ch. 3). Est-il possible d’expliquer ce silence relativement aux anciens dans une telle occasion, autrement que par leur identité avec les évêques ? Cette induction se change en certitude quand on voit l’Apôtre, donnant les mêmes préceptes Tite 1.5-7, employer indifféremment les deux noms et les échanger l’un contre l’autre : « La raison pour laquelle je t’ai laissé en Crète, c’est afin que… tu établisses des pasteurs (πρεσβύτερους) dans chaque ville ; savoir s’il se trouve quelqu’un qui soit irrépréhensible, mari d’une seule femme, etc., car il faut que l’évêque (τον ἐπίσκοπον) soit irrépréhensible, etc. » — 3° Il y avait plusieurs évêques dans une même ville (Philippiens 1.1 : « Paul et Timothée… aux évêques et aux diacres qui sont à Philippes, etc. ») ce qui est tout simple dans l’opinion presbytérienne, mais inconciliable avec le système épiscopal. Pétaue suppose que les apôtres ordonnaient plusieurs évêques dans le même lieu, afin qu’on les eût tout prêts pour les envoyer là où il serait nécessaire : hypothèse inadmissible, qui laisse d’ailleurs subsister les difficultés. Car elle n’explique pas pourquoi saint Paul ne s’adresse qu’aux évêques et aux diacres de Philippes, sans nommer les anciens, ni pourquoi il appelle évêques ceux qui avaient été désignés auparavant comme pasteurs ou anciens d’Ephèse (Act. ch. 20), ni pourquoi il néglige les anciens, dans sa lettre à Timothée, en exposant les qualités des ministres de l’Église, ni pourquoi il les confond avec les évêques dans sa lettre à Tite. Tous ces traits qui indiquent si positivement l’identité des deux titres pour saint Paul, restent toujours ; l’hypothèse n’en rend pas compte. — 4° Dans les systèmes où l’on pose la suprématie des évêques comme de droit divin, on leur réserve le gouvernement de l’Église, la décision des questions de doctrine et de discipline, l’ordination, etc. Or, il n’est parlé que des anciens dans le Concile de Jérusalem (Actes 15.2, 4, 6, 22-23). L’ordination est attribuée à ces derniers (1 Timothée 4.14) aussi bien que la direction des affaires ecclésiastiques (1 Timothée 5.17 : προεστῶντες πρεσβύτεροι, 1 Pierre 5.1-2 : ἐπισκοῦντες). D’ailleurs, dans l’esprit du Nouveau Testament, toutes ces fonctions gouvernementales, dont on fait la base de la supériorité des évêques, sont inférieures à celle de la prédication, unanimement accordée aux anciens (Actes 6.2, 4 ; 1 Corinthiens 1.17).

eDe ecclesiastica hierarchia, etc., Lib. I, cap. I. (Paris 1641).

On a voulu tirer de 1Thes.5.12,14, la distinction apostolique de l’évêque et de l’ancien, prétendant que saint Paul y parle de deux ordres de pasteurs, dont les uns gouvernaient et les autres enseignaient : « τοὺς κοπιῶντας ἐν ὑμῖν, καὶ προϊσταμένους ὑμῶν ἐν κυρίῳ, καὶ νουθετοῦντας ὑμᾶς ». Mais la forme même de la phrase prouve qu’il n’a réellement en vue qu’une seule classe d’ouvriers évangéliques, qui présidaient et instruisaient tout ensemble, ou qui pouvaient faire l’un et l’autre, l’article n’existe que devant κοπιῶντας. Ce passage est parallèle de 1 Timothée 5.17, où l’Apôtre veut qu’on honore doublement l’ancien qui préside et qui instruit.

On a dit que le mot πρεσβύτερος étant un titre honorable (senior) il a pu en ce sens être appliqué aux évêques, et que celui d’ἐπίσκοπος, pris dans son acception étymologique, a pu être employé pour désigner les anciens, sans qu’il résulte de là l’identité ecclésiastique des deux titres, — que le nom d’apôtre, qui dans sa signification propre ne convient qu’aux Douze, est pourtant donnée à d’autres, — et que les Douze se sont appelés eux-mêmes πρεσβύτεροι et même διάκονοι. — Nous ne nions pas la vérité de ces observations, mais évidemment elles ne rendent pas compte des faits. S’il existait dans la Primitive Église une distinction formelle entre l’office d’évêque et celui d’ancien, comprend-on, je le répète, qu’elle ne soit indiquée nulle part, et qu’il ne soit jamais fait mention des droits et des devoirs respectifs de ces deux ordres de ministres, même dans les occasions où tout conduisait ou obligeait à en parler (Philippiens 1.1 ; 1 Timothée ch. 3 ; Tite ch. 1) ? Si la différence des deux ordres était établie dans d’autres passages, comme l’est celle des ministres ordinaires et des ministres extraordinaires, l’explication proposée serait valable pour les passages où les titres d’évêque et d’ancien se présentent comme identiques. Mais prétendrait-on conclure la différence des textes mêmes qui impliquent l’identité ?

On a dit encore que Timothée et Tite étaient évêques, que c’est en cette qualité qu’ils établirent des anciens, l’un à Ephèse, l’autre en Crète, et que c’est par conséquent dans leur ministère qu’il faut chercher l’idée apostolique de l’épiscopat. — Mais cette assertion a pour unique fondement la souscription de l’Epître à Tite et de la seconde à Timothée. Or, il n’y a qu’une voix sur l’inauthenticité de ces souscriptions comme des autres. D’après la nature des fonctions de ces deux compagnons de saint Paul et d’après le témoignage de l’histoire, il est évident qu’ils appartenaient à la classe des évangélistes (Actes 16.3-4 ; Romains 16.21 ; 1 Corinthiens 4.17 ; 2 Timothée 4.9-10 ; 2 Corinthiens 8.23 ; Tite 1.3).

Ainsi, le Nouveau Testament, si on le prend pour unique juge, donne gain de cause aux presbytériens ; non seulement il se tait absolument sur la distinction des deux ordres, mais il s’exprime partout de manière à prouver qu’il ne la fait point ; témoignage à la fois négatif et positif qui ne saurait laisser de doutes.

Mais il se présente ici un fait remarquable et grave ; le système épiscopal se trouve à peu près universellement établi dès le iie siècle. Cette question semble dès lors se placer sur la même ligne que celles du dimanche et du pédobaptisme, où manquent aussi les déterminations scripturaires, et où de l’ancienneté et de l’universalité on conclut l’apostolicité. C’est la base d’argumentation qu’ont adoptée un grand nombre d’épiscopaux. — Nous pouvons répondre 1° que le point en discussion n’est pas passé sous silence dans le Nouveau Testament comme le changement du jour de repos ou le baptême des enfants, mais qu’il y est formellement décidé, car le Nouveau Testament ne mentionne, à côté des diacres, qu’un seul ordre de ministres ordinaires, qu’il nomme indistinctement anciens ou évêques. Evidemment il n’y a pas parité entre les questions qu’on assimile. Pour le dimanche, par exemple, les écrits sacrés n’en affirment point, il est vrai, l’institution divine ; mais ils renferment divers traits qui montrent que ce jour se distinguait par certains usages et certains caractères religieux dès le temps des apôtres (1 Corinthiens 16.2 ; Apocalypse 1.10) ; et quand nous le voyons ensuite universellement observé (Lettre de Pline ; Justin etc.) nous avons le droit d’en conclure qu’il fut consacré d’une manière spéciale au culte chrétien, sous la direction des fondateurs de l’Église. Pour l’épiscopalisme, au contraire, les Livres saints, bien loin d’en contenir les indications ou les semences, le combattent formellement, puisqu’ils détruisent la distinction sur laquelle il repose. 2° Il est aisé d’expliquer l’élévation rapide de l’un des pasteurs, lorsqu’il s’en trouvait plusieurs dans un même lieu (Actes 20.28 ; Philippiens 1.1 ; 1 Timothée 4.14). On comprend, en effet, que l’ordre des délibérations, l’unité de direction et de conduite, et mille autres causes, aient ainsi porté de bonne heure à établir un président ; qu’on lui ait affecté insensiblement le nom d’évêque (ou d’ange : Apocalypse ch. 2) ; que l’utilité de cette institution l’ait bientôt rendue générale ; que, par l’effet des circonstances extérieures, le besoin d’union et de force, les tendances naturelles de l’homme, etc., ce président, qui n’était d’abord que primus inter pares, se soit trouvé peu à peu investi d’attributions et de prérogatives supérieures. C’est la loi de développement de tous les pouvoirs. Ce fut celle de l’épiscopat lui-même depuis les temps dont nous parlons jusqu’à la Réformation. Les évêques du iie siècle sont tout autre chose que ceux du ive ou du viiie. Le principe une fois posé se développa sans cesse, jusqu’à l’établissement complet du système romain, son complément final.

Cette explication, qui se recommande d’elle-même par ses rapports avec la nature humaine et avec l’histoire ecclésiastique, se confirme encore quand on entend Clément de Rome dire, selon la formule du Nouveau Testament : « Que les apôtres prêchèrent dans les cités et les contrées diverses, établissant leurs premiers disciples, après les avoir éprouvés par le Saint Esprit, pour être évêques et diacres de ceux qui croiraient ensuite ». Polycarpe ne mentionne que les anciens et les diacres (Ep. aux Philippiens, V et VI). Le titre de l’Epître est déjà significatif : « Polycarpe et ceux qui sont anciens avec lui, etc. ». C’est aussi la formule d’Irénée en divers endroits. Epiphanes (en 368), pour rendre compte de l’état des églises, suppose que les apôtres établirent, dans certaines localités, seulement des évêques ou des anciens et des diacres, et dans d’autres des évêques, des anciens et des diacres ; ce qui indique visiblement, quand on laisse l’interprétation pour s’en tenir aux faits, que certaines églises ne prirent que lentement la forme épiscopale et retinrent longtemps, malgré l’entraînement universel, l’institution et la forme primitive.

Il y a là deux choses, le fait et le principe, en d’autres termes le droit humain et le droit divin. La suprématie de fait est généralement établie dès le iie siècle, mais les Pères eux-mêmes reconnaissent qu’au commencement il n’en était pas ainsi, et que les mêmes hommes étaient appelés indifféremment évêques et anciens (Hilaire, Théodoret, etc.). Voici le témoignage formel de saint Jérômef : « Eumdem esse presbyterum qui et episcopus est ; et antequam diaboli instinctu studia in religione fierent et diceretur in populis : ego sum Pauli, ego Apolli, ego autem Cephas, communis presbyterorum concilio ecclesias gubernatas esse. Postquam autem unusquisque quos baptisaverat suos putabat esse, non Christi, in toto orbe decretum esse ut unus de presbyteris electus præponeretur cœteris, ad quem omnis Ecclesiæ cura pertineat, et schismatum semina tollerentur ». Il est curieux de rapprocher cette déclaration de saint Jérôme du décret de Trente qui anathématise « quiconque ose dire que la suprématie des évêques n’est que de droit ecclésiastique ».

fComm. in Epist. ad Titum.

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