Le repos éternel des Saints

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Instructions pour mener une vie sainte sur la terre

Je dois à présent vous recommander d’éviter quelques obstacles dangereux, et de remplir fidèlement les devoirs qui vous aideront à mener une vie céleste. Les obstacles qu’il faut éviter avec tout le soin possible sont, — la pratique de quelque péché reconnu, — l’attachement à la terre, — la société des impies, — une religion spéculative, — un esprit de fierté et d’orgueil, — un esprit d’indolence, — une confiance dans les préparatifs d’une vie céleste sans l’expérience de la chose elle-même.

1°. La pratique de quelque péché reconnu est un grand obstacle à un commerce céleste. Quel ravage elle fera dans votre âme ! Que de joies elle a détruites ! Que de grâces spirituelles elle a fait perdre ! Combien a-telle nui à l’accomplissement de ces devoirs qui fortifient l’âme ! Lecteur, êtes-vous dans l’habitude de violer sciemment vos devoirs reconnus, soit en public, soit en particulier, soit en secret ? Etes-vous l’esclave de vos appétits ou de quelque penchant impérieux de la chair ? Êtes-vous acariâtre ou irascible, prêt à prendre feu pour la moindre insulte ? Cherchez-vous à tromper les autres dans vos affaires avec eux, et à vous enrichir par tous les moyens possibles ? S’il en est ainsi, ces poutres dans vos yeux sont comme autant de nuages entre Dieu et vous. Quand vous essaierez de méditer sur l’éternité et de chercher des consolations dans la pensée de la vie à venir, votre péché se présentera à vous ; il empoisonnera vos joies ; il vous fera trouver dans l’idée du dernier jour et de la vie future, des sujets de peine et non de bonheur. Chaque péché volontaire sera pour votre félicité ce que l’eau est pour le feu : il vous abattra et vous désemparera tellement que vous ne pourrez pas plus vous élever à ces méditations divines qu’un oiseau ne peut voler quand on lui a coupé les ailes. Le péché ôte toute énergie à cette vie céleste. O pécheurs ! quelle vie vous perdez ! quelles jouissances vous échangez contre une misérable convoitise ! Veillez donc, prenez la résolution d’éviter les occasions de péché et de fuir l’approche des tentations. Nous avons bien besoin de dire chaque jour dans notre prière, « ne nous laisse point tomber en tentation, mais délivre-nous du mal. »

2°. L’attachement à la terre est un autre obstacle qu’il faut soigneusement éviter. Dieu et Mammon, le ciel et la terre ne peuvent en même temps posséder notre cœur. Quand le Chrétien pieux se réjouit en Dieu et dans l’espérance de la gloire à venir, peut-être vous réjouissez-vous dans votre prospérité mondaine et dans l’espoir de réussir ici-bas ; quand il console son âme par la contemplation de Christ, des anges et des saints avec lesquels il doit vivre éternellement, vous vous consolez en contemplant vos richesses, vos lettres de change, vos contrats, vos marchandises, vos troupeaux, vos bâtiments ; en pensant à la faveur des grands, à l’établissement de vos enfants, à l’avancement de votre famille. Christ a traité d’insensé celui qui disait : « Mon âme, tu as des biens en réserve pour plusieurs années ; repose-toi et te réjouis. » Quelle différence y a-t-il entre les discours de cet insensé et vos propres affections ? Souvenez-vous que vous avez affaire à celui qui sonde les cœurs. Vous savez vous-même avec quelle négligence, avec quelle froideur, avec quelle légèreté vous vous occupez des joies célestes, depuis que vous vous êtes livré au monde avec tant d’empressement. — Oh ! quelle est la folie de beaucoup de gens qui paraissent religieux ! ils s’enfoncent dans une multitude d’affaires, ils se chargent de travaux, ils s’embarrassent de soins, au point que leurs âmes sont aussi incapables de s’entretenir avec Dieu qu’un homme qui porterait une montagne serait incapable de marcher. O Chrétien ! si une fois vous venez à vouloir devenir riche, vous « tombez dans la tentation et dans le piège, et dans plusieurs désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la perdition (1 Timothée 6.9). » Souvenez-vous toujours que « l’amour du monde est une inimitié contre Dieu, et que quiconque est l’ami du monde est l’ennemi de Dieu (Jacques 4.4). N’aimez point le monde ni les choses qui sont dans le monde ; si quelqu’un aime le monde, l’amour du père n’est point en lui (1 Jean 2.15). » Voilà des déclarations claires et franches : heureux celui qui les reçoit avec des dispositions sincères.

3°. Gardez-vous de la société des impies. Je ne vous défends point d’entretenir avec eux les rapports convenables, ni de leur rendre de bons offices, ni surtout de tenter la guérison de leur âme tant que vous avez la facilité ou l’espérance d’y réussir. Je ne vous engage pas non plus à les regarder comme des chiens ou des pourceaux, pour vous dispenser du devoir de la répréhension fraternelle. Mais je veux vous détourner de fréquenter sans nécessité les impies et de vivre familièrement avec des compagnons tout-à-fait inutiles.

Évitez non seulement la société des hommes ouvertement irréligieux, blasphémateurs, buveurs, ennemis de la piété ; mais évitez encore de vous trouver trop souvent avec des personnes simplement honnêtes et polies, dont la conversation est frivole et point édifiante, et qui pourraient détourner vos pensées du ciel. Notre éloignement de Dieu est tel que nous avons besoin de secours continuels et puissants. Une pierre est aussi propre à s’élever dans l’air que nos cœurs à s’élever vers le ciel. Pensez à cela dans le choix de vos sociétés. A quoi vous servira-t-il, pour mener une vie spirituelle, de savoir le cours du marché, le temps qu’il fait ou qu’il fera, ou les nouvelles que l’on débite ? et cependant voilà toute la conversation des gens du monde. Quand même vous auriez réchauffé votre cœur par la contemplation des joies célestes, ces entretiens ne suffiraient-ils pas pour refroidir vos affections et pour glacer votre âme ? J’en appelle au jugement de tout homme qui en a fait l’épreuve et qui a observé la disposition de son esprit. Il est difficile de parler d’une chose et de penser en même temps à une autre, surtout quand il s’agit de choses si différentes.

Pensez sérieusement à ce que je dis, jeunes gens, vous qui êtes le plus exposés à cette tentation. Votre cœur peut-il être au ciel lorsque vous êtes avec vos bruyants amis dans des lieux de divertissements, ou lorsque vous travaillez dans vos ateliers avec des hommes dont la bouche ne profère que des jurements, des grossièretés, des frivolités ou des bouffonneries ? Permettez-moi de vous le dire, si vous choisissez une pareille société et si vous y prenez plaisir, vous n’avez point de titres au ciel, et avec cette disposition vous n’y arriverez jamais. — En un mot notre société fera partie de notre bonheur dans le ciel, et ici-bas elle ne contribue pas peu à nous en rapprocher ou à nous en éloigner.

4°. Evitez de disputer fréquemment sur les vérités de moindre importance, et gardez-vous d’une religion purement spéculative. Ceux qui disputent avec violence sur les accessoires de la religion ont rarement l’expérience d’une vie céleste. Celui dont la religion est toute spéculative parlera souvent de ses opinions ; mais ils sont rares et précieux les chrétiens qui savent mettre à profit les vérités bien reconnues. Vous donc qui aspirez à cette vie, ne perdez pas votre temps, vos pensées, votre zèle, vos paroles, à des disputes de peu d’intérêt pour votre âme ; mais tandis que les hypocrites ne vivent que d’une nourriture creuse, nourrissez-vous des joies célestes. Lisez et étudiez ; mais étudiez surtout les vérités principales, et non celles qui pourraient détourner vos pensées de l’éternité. Les points les moins controversés sont ordinairement les plus importants et les plus utiles à l’âme. Étudiez souvent les préceptes de l’Écriture : « Quant à celui qui est faible dans la foi, recevez-le, mais sans contestations et sans disputes (Romains 14.5). — Et rejetez les questions folles et qui sont sans instruction, sachant qu’elles ne produisent que des contestations. Or il ne faut pas que le serviteur du Seigneur aime à contester (2 Timothée 2.23). — Si quelqu’un enseigne autrement et n’acquiesce pas aux salutaires instructions de notre Seigneur Jésus-Christ et à la doctrine qui est selon la piété, il est orgueilleux, il ne sait rien, il a la maladie des questions et des disputes de mots, d’où naissent les médisances, les querelles, les mauvais soupçons, les vaines disputes de ceux qui ont l’esprit corrompu, qui sont privés de la vérité et qui regardent la piété comme un moyen de gagner du bien ; sépare-toi de ces gens-là (1 Timothée 6.3-4). » — C’est un malheur que les chrétiens perdent tant de temps en conversations vaines et en disputes inutiles, et ne parlent pas plus sérieusement du ciel. Oh ! si nous avions l’adresse et la volonté de diriger les conversations des hommes vers des objets plus sublimes et plus précieux ! Quand ils commencent à parler de choses inutiles, si nous pouvions leur apprendre à y mêler un mot pour le ciel ! Quel bien nous pourrions ainsi faire aux autres et à nous-mêmes ! Si Christ n’avait pas voulu nous détourner des conversations oiseuses, aurait-il dit : « Les hommes rendront compte au jour du jugement de toutes les paroles vaines qu’ils auront dites (Matthieu 12.36). »

5°. Gardez-vous d’un esprit d’orgueil et de fierté. Il y a une telle antipathie entre Dieu et ce péché, que jamais votre cœur ne s’approchera de lui tant qu’il en sera l’esclave. Si l’orgueil bannit nos premiers parents du paradis, et opéra une séparation entre Dieu et nous, il éloignera certainement notre cœur de lui. L’union avec Dieu inspirera aux hommes de l’humilité, et l’humilité resserrera encore cette union. Lorsqu’un homme s’approche souvent de Dieu, et étudie attentivement ses glorieux attributs, il s’abhorre lui-même, il s’humilie dans la cendre et dans la poussière, et cette horreur de lui-même est le meilleur moyen pour être admis de nouveau auprès de Dieu. Dieu prend plaisir en celui qui est pauvre, « qui a le cœur contrit et qui tremble à sa parole (Ésaïe 66.2). Une telle âme, à son tour, se réjouit en Dieu ; et cette joie mutuelle produit l’accès le plus libre, l’accueil le plus cordial, le commerce le plus intime.

Mais loin de demeurer dans l’âme orgueilleuse, Dieu lui interdit tout accès auprès de lui. « Dieu résiste aux orgueilleux, mais il fait grâce aux humbles (1 Pierre 5.5). » — Vous regardez-vous comme un homme de mérite ? Vous réjouissez-vous de l’estime des autres, et vous laissez-vous abattre par leur mépris ? Aimez-vous ceux qui vous honorent, et méprisez-vous ceux qui ne vous honorent point ? La contradiction excite-telle votre colère ? Regardez-vous avec froideur et éloignement l’homme pieux dans la pauvreté ? Regardez-vous l’humilité comme une sordide bassesse, et ne savez-vous pas vous résoudre à faire un humble aveu, quand vous avez péché contre Dieu ou fait tort à votre frère ? Est-ce la prudence plutôt que l’humilité qui retient vos vanteries ? Aimez-vous à voir les regards des hommes fixés sur vous, et à les entendre dire : C’est lui ? Ignorez-vous la fausseté et la méchanceté de votre cœur ? Etes-vous plus disposé à défendre votre innocence qu’à avouer votre faute ? Supportez-vous avec peine les reproches et la franchise ? — Si ces symptômes se rencontrent dans votre cœur, vous êtes un orgueilleux. L’homme orgueilleux est lui-même son Dieu et son idole : comment peut-il placer ses affections en Dieu ? L’esprit ou la mémoire peuvent sans doute fournir à sa bouche quelques expressions humbles et pieuses, mais dans son cœur, il n’y a rien du ciel, il n’y a rien qui ressemble à la vraie humilité. O chrétien ! si vous vouliez vivre continuellement en présence de votre Dieu, et « apprendre de lui à être doux et humble de cœur, vous trouveriez le repos de votre âme. — Dieu habite avec celui qui a le cœur brisé et qui est humble d’esprit, pour vivifier l’esprit des humbles et afin de vivifier ceux qui ont le cœur brisé (Ésaïe 57.15).

6°. Un esprit d’indolence est encore un obstacle à cette vie céleste. C’est peut-être le plus grand obstacle, chez les hommes doués d’une haute intelligence. S’il ne s’agissait que de donner du mouvement à son corps, de remuer les lèvres et de plier les genoux, les hommes mèneraient aisément une vie sainte ; mais séparer du monde nos pensées et nos affections, déployer toutes nos grâces spirituelles, augmenter la mesure de chacune d’elles en ce qui lui est propre, les tenir à la tâche jusqu’à ce que l’œuvre prospère entre nos mains, c’est là la difficulté. — Lecteur, pouvez-vous élever au ciel ce cœur terrestre, et amener à Dieu cet esprit nonchalant, en demeurant tranquille et en prenant toutes vos aises ? S’il ne s’agissait pour parvenir que de se coucher au pied de la colline, d’en regarder le sommet et de souhaiter de l’atteindre, alors, nous ne manquerions pas de voyageurs sur la route du ciel : « Mais le royaume des cieux doit être ravi, et ce sont les violents qui l’emportent. » Il faut de la violence pour en avoir les prémices, aussi bien que pour en obtenir la pleine jouissance. Vous savez qu’un cœur qui pense rarement au ciel n’en retire que peu de consolation, et cependant vous laissez perdre toutes les occasions favorables : vous vous étendez à terre, tandis que vous devriez monter au ciel et vivre avec Dieu. Vous vantez la douceur d’une vie céleste, vous regardez comme les meilleurs chrétiens ceux qui s’y adonnent, mais vous en essayez rarement vous-même : comme le paresseux qui s’étend sur son lit et qui s’écrie : Oh ! si c’était ainsi qu’on travaillât ! Vous perdez votre temps en vaines paroles, en frivolités, en fainéantise, et vous dites : « Oh ! si je pouvais élever mon cœur au ciel ! » Combien de gens lisent des livres de piété, et entendent des sermons, espérant trouver quelque voie plus facile que celle que leur enseigne l’Écriture ! Ils demandent des instructions pour mener une vie sainte, mais si nous leur montrons leur tâche, et si nous leur déclarons qu’ils ne peuvent posséder ces jouissances à des conditions plus faciles, ils s’en vont tout tristes, comme le jeune riche de l’Évangile.

Si vous êtes convaincu, lecteur, que cette œuvre est indispensable à votre félicité, mettez-vous-y avec courage. Ne restez pas les bras croisés quand vous avez devant vous un trésor aussi précieux : que votre vie ne soit pas un tourment continuel, faute de vouloir faire quelques efforts. Quand les consolations sont à votre portée, ne restez pas à vous désoler. Je sais que, en tant que vous avez des dispositions spirituelles, vous n’avez pas besoin de tant d’efforts et de violence ; mais vous êtes en partie charnel, et aussi longtemps que vous le serez, vous aurez besoin de travail. Jugez donc ce qui vaut le mieux d’une vie céleste ou de votre oisiveté charnelle, et choisissez en homme sage. — Cependant, pour vous encourager, j’ajouterai que vous n’avez pas besoin d’occuper vos pensées plus qu’elles ne le sont : vous devez seulement les fixer sur des objets plus relevés et plus agréables. Pensez chaque jour à la gloire excellente de la vie à venir, aussi sérieusement que vous pensez aux affaires du monde, à ses vanités, à ses futilités, et bientôt votre cœur sera au ciel. Enfin, c’est le champ du paresseux qui est « couvert d’épines et de chardons ! » — L’homme paresseux dit : « Le grand lion est dans le chemin ; comme la porte tourne sur ses gonds, ainsi le paresseux se retourne sur son lit. Le paresseux cache sa main dans son sein, il a de la peine à la porter à sa bouche (Proverbes 26.13-15). » Appliquez cela à votre tâche spirituelle, et étudiez-en bien la signification et l’importance.

7°. Se contenter des préparatifs de cette vie céleste et demeurer étranger à la vie elle-même, est encore un obstacle caché et dangereux. Nous tombons dans ce péril, quand nous nous bornons à étudier les choses célestes, à les connaître, et à nous en entretenir les uns avec les autres, comme si cela suffisait pour nous mettre en commerce avec les choses d’en-haut. — Ceux qui risquent le plus de tomber dans ce piège sont ceux qui sont chargés de diriger les dévotions des autres, particulièrement les prédicateurs de l’Évangile Avec quelle facilité ils peuvent se laisser tromper ! Un homme, en restant chez lui, peut tracer exactement la carte d’un pays qu’il n’a jamais vu et qu’il ne verra jamais ; de même vous pouvez représenter aux autres les joies du ciel, et n’en approcher jamais dans le fond de vos cœurs. Un aveugle, à force de s’instruire, peut disserter sur la lumière et les couleurs ; de même vous pouvez faire briller aux yeux des autres cette lumière céleste qui n’a jamais éclairé votre âme. Que de piété dans quelques passages des prophéties de Balaam ; mais combien il y en avait peu dans ses dispositions intérieures ! Nous, ministres de l’Évangile, nous sommes plus que les autres hommes exposés à cette tentation. En parlant du ciel, nous paraissons avoir beaucoup plus de communion avec le ciel qu’en parlant du monde, et cette apparence peut nous tromper.

II. Je vous ai montré les obstacles que vous aurez à vaincre dans l’accomplissement de cette tâche ; j’espère que vous êtes résolu à les éviter soigneusement. Maintenant, si vous appréciez ces avant-goûts du ciel, j’attends de vous la promesse que vous remplirez scrupuleusement les devoirs suivants ; car si vous vous bornez à les étudier sans les mettre constamment en pratique, jamais le ciel n’entrera dans votre cœur. — Soyez convaincu que le ciel est le seul trésor et le seul bonheur : — Efforcez-vous d’acquérir la certitude que ce bonheur est à vous, et de savoir combien il est rapproché : — Cherchez à élever de plus en plus vos affections vers le ciel dans la pratique de tous vos devoirs : — Que tous les objets et tous les événements tendent pour vous à ce résultat : — Livrez-vous souvent à l’œuvre angélique de la louange : — Nourrissez votre âme de la pensée continuelle de l’amour infini de Dieu : — Observez soigneusement et accueillez les mouvements de l’Esprit de Dieu : — Et même ne négligez pas le soin de votre santé corporelle.

1°. Soyez convaincu que le ciel est le seul trésor et le seul bonheur, et efforcez-vous d’en connaître toute la valeur et tout le prix. Si vous n’êtes pas persuadé qu’il est le souverain bien, jamais il ne fixera votre cœur. Cette persuasion doit pénétrer jusque dans vos affections ; car tant qu’elle ne sera que dans votre intelligence, elle aura peu d’efficacité. Ève attacha au fruit défendu une plus grande valeur qu’à l’amour et à la possession de Dieu ; il n’est donc pas étonnant que son cœur se soit laissé tenter par ce fruit. Si votre jugement préfère les jouissances de la chair aux jouissances de la présence de Dieu, il est impossible que votre cœur soit au ciel. C’est parce que les hommes ignorent la vanité des choses d’ici-bas qu’ils les surestiment : et c’est parce qu’ils ignorent le prix des jouissances célestes qu’ils les rabaissent au-dessous de leur valeur. Si vous voyez une bourse d’or, et si vous vous imaginez qu’elle ne renferme que des jetons, vous n’aurez aucune envie de la posséder. Ce n’est point l’excellence réelle d’une chose, mais son excellence reconnue qui excite nos désirs.

2°. Efforcez-vous d’acquérir la certitude que ce bonheur est à vous. Nous pouvons reconnaître que le ciel est le bien le plus précieux, tout en désespérant de le posséder jamais : et nous pouvons le désirer et le poursuivre, si nous avons l’espoir de l’atteindre ; mais il ne sera jamais pour nous une source de joie jusqu’à ce que nous soyons assurés d’y avoir des droits. Quel plaisir un homme nu et dépouillé peut-il prendre à considérer la parure des riches ? Si vos maisons, vos biens, vos enfants ne vous appartenaient point, vous en jouiriez beaucoup moins.

Chrétiens, n’ayez point de cesse que vous ne puissiez dire que ce repos est à vous. Soumettez votre cœur à l’épreuve, mais ne vous méprenez point sur le portrait que l’Écriture fait d’un saint, de peur que vous ne prononciez votre acquittement ou votre condamnation en vertu d’une méprise. Car comme les fausses espérances sont la cause principale de la damnation d’un grand nombre d’âmes, ainsi les doutes sans fondement sont pour les saints une source abondante de perplexité et d’inquiétude. Fondez donc votre épreuve sur des bases sûres et poursuivez-la avec courage et résolution. Oh ! si les hommes avaient la certitude que Dieu est leur père, que Jésus-Christ est leur rédempteur, que le ciel doit être la demeure éternelle où ils jouiront d’un bonheur qui n’aura point de fin, pourraient-ils ne pas être ravis par la pensée anticipée de cette ineffable félicité ?

Ils sont ennemis de leur propre bien, et de la grâce de l’Évangile, ceux qui veulent justifier leur incrédulité, qui nourrissent de la défiance envers Dieu, et des soupçons injurieux sur leur Rédempteur ; qui représentent l’alliance comme fondée sur les œuvres et non sur la grâce ; qui prétendent que Jésus-Christ veut les laisser mourir dans leur incrédulité, quoiqu’il leur ait adressé de si pressantes et de si tendres sollicitations, et qu’il ait souffert les tourments qu’ils avaient mérités. Misérables que nous sommes ! nous nourrissons de la défiance contre notre Sauveur, quand nous devrions nous réjouir de son amour. Comme si un homme pouvait choisir Christ avant que Christ l’eût choisi : comme si nous avions plus d’envie d’être heureux que Christ n’en a de nous rendre heureux. Loin de nous ces pensées injurieuses, sinon sacrilèges. Si vous avez nourri de pareilles pensées, repoussez-les et gardez-vous de jamais les accueillir.

3°. Efforcez-vous de sentir combien ce repos est rapproché. Quand une chose est près de nous, nous en sommes plus frappés que lorsque nous la croyons éloignée. Quand des épreuves ou des miséricordes sont encore loin, nous en parlons avec peu d’intérêt. Mais quand elles s’approchent de nous, nous sommes saisis de crainte ou de joie. C’est là ce qui fait que les hommes pensent au ciel avec tant de froideur parce qu’ils le croient très éloigné : ils pensent qu’ils en sont encore à vingt, trente ou quarante ans. Si vous aviez la certitude de mourir demain, comme vous penseriez sérieusement aujourd’hui ! Lorsque Samuel eut dit à Saül : « Tu seras demain avec moi » : ces paroles le frappèrent au cœur.

4°. Efforcez-vous d’élever de plus en plus vos affections vers le ciel dans la pratique de tous vos devoirs. En instituant les moyens de grâce, Dieu a voulu qu’ils fussent autant de degrés pour nous rapprocher de notre repos et par lesquels, avec l’aide de Jésus-Christ, nous pussions élever de plus en plus nos affections. Que ce soit là votre intention en les employant, et vous en obtiendrez d’heureux résultats. — Pendant l’absence d’un ami, quelques lignes de sa main ne vous ont-elles pas causé le plus grand plaisir ? Et quelle joie ne devons-nous pas éprouver en lisant ces pages qui contiennent nos titres et nos droits à l’héritage céleste ? Avec quel triomphe et quelle félicité devons-nous lire les expressions de cet amour divin, et les descriptions de notre céleste patrie, quoique nous n’ayons pas encore eu l’avantage de la voir ! Renoncez donc aux vaines formes, à la froide routine, au désir d’être applaudi ; et priez dans le secret de votre cabinet avec l’espoir de rapprocher votre cœur de Dieu. — Quand vous ouvrez la Bible, ou tout autre livre, que ce soit avec l’espérance d’y trouver quelque vérité divine, accompagnée d’une telle bénédiction de l’Esprit qu’elle vous donne le sentiment de la jouissance du ciel. — Quand vous allez à la maison de Dieu, dites : « J’espère y rencontrer quelque grâce divine qui élèvera mes affections à Dieu : j’espère que le Saint-Esprit fera goûter à mon cœur les délices célestes : j’espère que Christ m’y fera entendre sa voix qui instruit et qui vivifie. » Assurément Dieu ne nous manquerait pas dans la pratique de ces devoirs, si nous ne nous manquions pas à nous-mêmes.

5°. Que tous les objets et tous les événements tendent à rappeler à votre âme son prochain repos. Si vous prospérez dans le monde, que cela vous fasse songer à votre prospérité éternelle. Si vous êtes accablé de travaux, que cela vous rende plus douce la pensée de votre repos éternel. Si vous éprouvez des contrariétés, que cela vous fasse désirer plus vivement ce repos où il n’y aura plus ni souffrances ni chagrins.

6°. Livrez-vous fréquemment à l’œuvre angélique de la louange. Plus votre occupation sera céleste, plus elle rapprochera votre esprit du ciel. Louer Dieu est l’œuvre des anges et des saints dans le ciel, et sera aussi notre éternelle occupation. Nous ne savons pas tout le tort que nous nous faisons en donnant à la louange de Dieu si peu de place dans notre vie. Lecteur, je vous en supplie, que la louange de Dieu occupe une place importante dans vos devoirs. A cet effet, étudiez les perfections et la bonté de Dieu aussi souvent que vos besoins et votre indignité : méditez sur les grâces que vous avez reçues et sur celles qui vous sont promises aussi souvent que sur les péchés que vous avez commis. La louange est bienséante dans la bouche des hommes droits. « Celui qui sacrifie la louange me glorifiera. — Louez l’Éternel, car l’Éternel est bon, psalmodiez à son nom, car il est agréable. — Offrons donc sans cesse à Dieu un sacrifice de louange, c’est-à-dire le fruit des livres en confessant son nom (Hébreux 13.15). » — David, si occupé de cette tâche céleste, n’avait-il pas le cœur attaché aux choses du ciel ? La lecture du cantique de Moïse et des psaumes de David n’élève-t-elle pas notre cœur ? Combien ne s’élèverait-il pas davantage si nous étions nous-mêmes assidus et accomplis dans l’œuvre de la louange ? Oh ! quelle perte pour beaucoup de saints qui ont l’esprit abattu par une tristesse continuelle, qui consument leurs jours dans les plaintes et dans les soupirs, et qui rendent leurs corps et leur âme tout-à-fait incapables de se livrer à cette œuvre céleste ! Au lieu de s’occuper de la louange de Dieu, ils mettent en doute leurs mérites, ils étudient leurs misères, ils enlèvent à Dieu sa gloire, et à eux-mêmes leur propre consolation.

7°. Nourrissez votre âme de la pensée continuelle de l’amour infini de Dieu. Ce qui anéantit en nous le principe d’une vie céleste, c’est de nous représenter Dieu comme un maître dur, et de croire qu’il est aussi disposé à nous condamner qu’à nous sauver. Quand notre ignorance et notre incrédulité ont présenté à notre imagination un portrait aussi infidèle de Dieu, nous nous plaignons alors de ne pouvoir l’aimer et nous réjouir en lui. C’est ce qui arrive à des milliers de chrétiens. Hélas ! faut-il que nous blasphémions ainsi notre Dieu, et que nous détruisions nous-mêmes notre joie ? L’Écriture nous assure que Dieu est amour ; qu’il ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. Oh ! si nous pouvions toujours penser à Dieu comme à un ami, comme à un père qui nous aime sincèrement plus que nous ne nous aimons nous-mêmes, dont le cœur nous est tendrement attaché et toujours occupé de nous ; qui ne veut que notre bien, et qui nous a réservé une demeure éternelle auprès de lui ! Il ne nous serait pas alors si difficile de lui donner nos cœurs et de nous réjouir en lui. C’est quand nous aimons cordialement que nos pensées ont plus de douceur et de liberté. Je crains que beaucoup de chrétiens ne fassent plus de cas de l’amour d’un ami sincère que de l’amour de Dieu. Est-il donc étonnant qu’ils aiment mieux leurs amis que Dieu, qu’ils aient plus de confiance en eux, et qu’ils aiment mieux vivre avec eux qu’avec Dieu ?

8°. Observez soigneusement, accueillez les mouvements de l’Esprit de Dieu. Si jamais votre âme s’élève au-dessus de la terre et s’adonne à cette vie céleste, l’Esprit-Saint doit être le principe vivant de tous vos efforts. Ne contristez donc point votre guide, n’éteignez point votre vie. Vous ne savez pas combien la vie de vos grâces spirituelles et le bonheur de votre âme dépendent de votre obéissance prompte et complète à l’Esprit-Saint. — Quand l’Esprit vous engage à la prière, quand il vous interdit de vous laisser aller à vos péchés, quand il vous indique la voie que vous devez suivre, si vous ne l’écoutez point, il n’est pas étonnant que votre âme soit étrangère au ciel. — Si vous ne voulez pas suivre l’Esprit, quand il veut vous attirer à Christ et à votre devoir, comment peut-il vous conduire au ciel et introduire votre âme en la présence de Dieu ? Quel secours surnaturel, quel accès facile votre âme trouverait pour s’approcher de Dieu, si elle obéissait constamment à l’Esprit ! — Quel éloignement, quelle répugnance, quelle honte n’éprouvera-t-il pas dans ses rapports avec Dieu, celui qui s’est souvent soustrait à l’influence de l’Esprit qui lui aurait servi de guide et de conducteur !

Lecteur chrétien, ne ressentez-vous pas quelquefois un ardent désir de vous retirer du monde et de vous approcher de Dieu ? Ne résistez point, mais suivez cette impulsion, et tendez vos voiles pendant que dure ce souffle salutaire. Plus nous résistons à l’Esprit, plus notre blessure devient profonde. Plus nous lui obéissons et plus rapide est notre course.

9°. Je vous conseille encore comme une précaution utile de ne pas négliger le soin de votre santé corporelle. Votre corps peut être un serviteur utile, si vous lui donnez le nécessaire et rien de plus ; mais c’est un tyran insatiable si vous cédez à tous ses désirs insensés. Quand nous songeons combien il y a peu de chrétiens qui fassent un bon usage de leur corps, nous ne devons pas nous étonner des obstacles qu’ils éprouvent dans leurs relations avec le ciel. La plupart des hommes sont esclaves de leurs appétits, ne peuvent rien refuser à la chair, et sont en conséquence enclins à se livrer aux divertissements, aux intérêts mondains, aux sociétés frivoles, au lieu d’élever leurs esprits à Dieu. Si vous aimez vos âmes, n’ayez pas soin de la chair pour satisfaire ses convoitises (Romains 13.14) ; mais souvenez-vous que « l’affection de la chair donne la mort ; parce que l’affection de la chair est ennemie de Dieu, car elle ne se soumet pas à la loi de Dieu ; et aussi elle ne le peut. C’est pourquoi ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu. Ainsi, mes frères, nous ne sommes point redevables à la chair pour vivre selon la chair : car si vous vivez selon la chair, vous mourrez ; mais si par l’esprit de Dieu vous mortifiez les œuvres du corps, vous vivrez (Romains 8.6, 8, 12-13). » — Il y en a quelques-uns qui altèrent sensiblement leurs joies célestes, en refusant à leur corps ce qui lui est nécessaire ; s’ils ne faisaient tort qu’à leur chair, le mal ne serait pas grand ; mais ils nuisent également à leur âme : comme en dégradant une maison, on fait tort à celui qui l’habite.

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