Somme théologique

Somme théologique — La prima secundae

70. LES FRUITS DU SAINT-ESPRIT

  1. Les fruits du Saint-Esprit sont-ils des actes ?
  2. Diffèrent-ils des béatitudes ?
  3. Leur nombre.
  4. Leur opposition aux œuvres de la chair.

1. Les fruits du Saint-Esprit sont-ils des actes ?

Objections

1. Ce que l'Apôtre dans son épître aux Galates appelle les fruits du Saint-Esprit ne semble pas consister en des actes. En effet, ce qui a un fruit ne doit pas être appelé fruit : ce serait aller à l'infini. Or nos actes ont du fruit. Il est écrit dans la Sagesse (Sagesse 3.15 Vg) : « Le bon labeur a un fruit glorieux » ; et en S. Jean (Jean 4.36) : « Celui qui moissonne reçoit la récompense et ramasse du fruit pour la vie éternelle. » Donc nos actes eux-mêmes ne sont pas appelés fruits.

2. S. Augustin dit : « Nous jouissons des choses que nous connaissons dès que la volonté se repose avec délectation dans ces choses pour elles-mêmes. » Mais notre volonté ne doit pas se reposer dans nos actes pour eux-mêmes. Nos actes ne doivent donc pas être appelés des fruits.

3. Entre les fruits du Saint-Esprit l'Apôtre énumère des vertus : charité, mansuétude, foi et chasteté. Or les vertus ne sont pas des actes mais des habitus, avons-nous dit. Donc les fruits ne sont pas des actes.

En sens contraire, il est dit en S. Matthieu (Matthieu 12.33) : « L'arbre se reconnaît à ses fruits », ce qui signifie, comme les Pères l'expliquent à cet endroit : « On connaît l'homme à ses œuvres. » Ce sont donc les actes humains eux-mêmes qui sont appelés des fruits.

Réponse

Ce nom de fruit a été transposé du corporel au spirituel. Or, dans les réalités corporelles, on appelle fruit ce que produit une plante parvenue à son point de perfection et ce qui a en soi une certaine douceur. Ce fruit a une double relation : à l'arbre qui le produit, et à l'homme qui le prend à l'arbre. Ainsi donc, dans le domaine spirituel, nous pouvons entendre ce mot de fruit dans une double acception. Dans un sens on dira « le fruit de l'homme », comme si l'homme était l'arbre qui le produit. Dans l'autre sens on appellera « fruit de l'homme » ce que l'homme obtient.

Or, tout ce que l'homme obtient n'a pas raison de fruit, mais seulement ce qui est ultime et comporte de la délectation. En effet l'homme possède le champ et l'arbre : ce n'est pas eux qu'on appelle des fruits, mais seulement ce qui est ultime, ce que l'homme entend recevoir du champ et de l'arbre. En ce sens, on appelle fruit de l'homme sa fin ultime, dont il doit avoir la jouissance.

Si l'on appelle fruit de l'homme ce qui est produit par lui, alors ce sont les actes humains eux-mêmes qui sont appelés fruits. L'action est en effet l'acte second de celui qui agit, et elle comporte de la délectation si elle lui convient. Donc, si l'activité de l'homme émane de lui selon la capacité de sa raison, on dit qu'elle est le fruit de la raison. Mais si elle procède de lui selon une vertu plus haute, celle du Saint-Esprit, on dit que l'action de l'homme est le fruit du Saint-Esprit, comme d'une semence divine, car il est écrit dans la première épître de Jean (Jean 3.9) : « Quiconque est né de Dieu ne commet pas le péché parce que la semence de Dieu demeure en lui. »

Solutions

1. Puisque le fruit a, d'une certaine manière, raison de réalité ultime et de fin, rien n'empêche qu'un fruit ait un autre fruit, ainsi qu'une fin est ordonnée à une fin. Donc nos œuvres, en tant qu'elles sont des effets du Saint-Esprit opérant en nous, ont raison de fruits ; mais, en tant qu'elles sont ordonnées à leur fin qui est la vie éternelle, elles ont plutôt raison de fleurs, d'où le mot de l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 24.17 Vg) : « Mes fleurs sont des fruits d'honneur et d'honnêteté. »

2. Quand on dit que la volonté se délecte d'une réalité à cause de la réalité même, cela peut se comprendre de deux façons. Ou « à cause de » s'entend de la cause finale, et ainsi on ne se délecte d'une réalité pour elle-même que si c'est la fin ultime. Ou bien « à cause de » désigne une cause formelle, et alors quelqu'un peut trouver à se délecter de la chose même en tout ce qui est délectable selon sa forme. Il est évident par exemple que le malade se délecte de la santé pour elle-même comme en une fin ; dans le remède, si celui-ci est doux, on trouve aussi du plaisir, non comme en une fin, mais comme en une chose qui a un goût agréable ; mais, si le remède est amer, le malade n'y prend aucun plaisir d'aucune sorte pour la chose en soi, mais uniquement en vue d'autre chose. Ainsi donc il faut dire qu'on doit se délecter en Dieu à cause de lui-même comme à cause d'une fin ultime ; dans les actes vertueux, au contraire, on doit se délecter non pas comme s'ils étaient une fin, mais à cause de l'honnêteté qu'ils renferment et qui est agréable à leurs auteurs. Ce qui fait dire à S. Ambroise : « Les œuvres des vertus sont appelés des fruits parce qu'elles procurent à leurs possesseurs la réfection d'une sainte et pure délectation ».

3. Les noms des vertus sont pris parfois pour les actes de ces vertus, comme S. Augustin dit que « la foi est l'acte de croire ce que vous ne voyez pas », et « la charité, un mouvement d'âme pour aimer Dieu et le prochain ». C'est de cette manière qu'on emploie aussi des noms de vertus dans l'énumération des fruits.


2. Les fruits diffèrent-ils des béatitudes ?

Objections

1. Il semble que non. Car les béatitudes sont attribuées aux dons, on l'a dit plus haut. Mais les dons perfectionnent l'homme pour qu'il se laisse mouvoir par le Saint-Esprit. Les béatitudes sont donc elles-mêmes des fruits du Saint-Esprit.

2. Le rapport du fruit de la vie éternelle à la béatitude future, qui est une possession réelle, se retrouve entre les fruits de la vie présente et la béatitude de la vie présente, qui viennent de l'espérance. Mais le fruit de la vie éternelle, c'est la béatitude de la vie éternelle elle-même. Donc les fruits de la vie présente, ce sont aussi les béatitudes elles-mêmes.

3. La raison de fruit comporte qu'il soit quelque chose d'ultime et de délectable. Mais, on l'a dit plus haut, cela appartient aussi à la raison de béatitude. Le fruit et la béatitude ont une raison identique. Donc ils ne doivent pas être distingués l'un de l'autre.

En sens contraire, quand les espèces ne sont pas les mêmes, les choses non plus ne sont pas les mêmes. Mais les fruits d'une part, les béatitudes de l'autre, se répartissent sur des espèces qui ne sont pas les mêmes, comme on le voit par leurs dénombrements respectifs. Donc les fruits diffèrent des béatitudes.

Réponse

On exige plus pour la raison de béatitude que pour celle de fruit. Car, pour la raison de fruit, il suffit qu'on ait quelque chose d'ultime et de délectable. Mais la raison de béatitude exige en outre que ce soit quelque chose de parfait et d'excellent. Ainsi toutes les béatitudes peuvent-elles être appelées des fruits, mais non inversement. En effet, toutes les œuvres vertueuses dans lesquelles on trouve de la délectation sont des fruits. Mais on appelle béatitudes uniquement les œuvres parfaites qui, en raison même de leur perfection, sont attribuées plutôt aux dons qu'aux vertus, comme on l'a dit ci-dessus.

Solutions

1. Cet argument prouve que les béatitudes sont des fruits, mais non que tous les fruits soient des béatitudes.

2. Le fruit de la vie éternelle est ultime et parfait absolument, et c'est pourquoi il n'est distinct en rien de la béatitude éternelle à venir. Mais dans la vie présente les fruits ne sont pas ultimes ni parfaits absolument, et c'est pourquoi ils ne sont pas tous des béatitudes.

3. Il y a quelque chose de plus, nous venons de le dire, dans la raison de béatitude que dans celle de fruit.


3. Le nombre des fruits

Objections

1. Il semble que l'Apôtre ait eu tort d'en compter douze dans l'épître aux Galates (Galates 5.22). Ailleurs, en effet, dans l'épître aux Romains (Romains 6.22), il dit qu'il n'y a qu'un seul fruit pour la vie présente : « Vous avez votre fruit dans la sanctification. » Et en Isaïe (Ésaïe 27.9) il est écrit : « Tel sera tout le fruit qu'il recueillera en renonçant à son péché. » Il n'y a donc pas à énumérer douze fruits.

2. Le fruit est ce qui sort, avons-nous dit, d'une semence spirituelle. Mais le Seigneur (Matthieu 13.23) présente un triple fruit provenant d'une semence semée en bonne terre : cent, soixante et trente pour un. Il n'y a donc pas à présenter douze fruits.

3. La raison de fruit implique qu'il soit chose ultime et délectable. Mais cette raison ne se trouve pas dans tous les fruits énumérés par l'Apôtre : la patience et la longanimité semblent bien exister dans les choses affligeantes ; la foi n'a pas raison de chose ultime, mais plutôt de premier fondement. Il y a donc quelque chose de trop dans l'énumération des fruits.

En sens contraire, il semble au contraire que cette énumération n'est pas suffisante et qu'il y manque quelque chose. Nous avons dit en effet que toutes les béatitudes peuvent être appelées des fruits ; mais toutes ne sont pas énumérées ici. Il n'y a rien non plus qui se rapporte à l'acte de la sagesse, ni de beaucoup d'autres vertus.

Réponse

Ce nombre de douze fruits énumérés par l'Apôtre est justifié. On peut même en voir le symbole dans ces douze fruits dont il est parlé à la fin de l'Apocalypse (Apocalypse 22.2) : « Des deux côtés du fleuve l'arbre de vie portant douze fruits. » Mais puisqu'on donne ce nom de fruit à ce qui sort d'un principe comme d'une semence ou d' une racine, on devra tenir compte de la distinction de ces fruits d'après les différents progrès du SaintEsprit en nous. Ces progrès consistent en ce que l'homme spirituel est bien ordonné, premièrement en lui-même; deuxièmement par rapport à ce qui est à côté de lui ; troisièmement par rapport à ce qui est au-dessous de lui.

L'homme spirituel est bien disposé en lui-même quand il se possède parfaitement dans la prospérité comme dans l'adversité. Or à l'égard du bien, la première disposition de l'esprit humain se fait par l'amour, lequel est la première des affections, la racine de toutes, comme nous l'avons dit. C'est pourquoi parmi les fruits de l'esprit, on met en premier lieu la charité, en laquelle le Saint-Esprit est donné d'une manière spéciale, comme en sa propre ressemblance, puisque lui-même aussi est amour. Aussi l'Apôtre dit-il (Romains 5.5) : « L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné. » Mais l'amour de charité entraîne nécessairement la joie. Toujours en effet celui qui aime se réjouit d'être uni à l'aimé. Or la charité a toujours présent le Dieu qu'elle aime, selon S. Jean (Jean 14.16) : « Qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. » C'est pourquoi la joie est une conséquence de la charité. Or, la perfection de la joie c'est la paix. La paix à deux points de vue :

1° Quant au repos, à l'abri des causes extérieures de trouble. En effet, on ne peut se réjouir parfaitement du bien qu'on aime, si sa jouissance est troublée par les autres. Au contraire, celui qui a le cœur parfaitement pacifié dans un unique objet, ne peut être importuné par rien d'autre, parce qu'il tient pour rien tout le reste, d'où cette parole du Psaume (Psaumes 119.165) : « Grande paix pour ceux qui aiment ta loi, et il n'y a pas pour eux de scandale », c'est-à-dire que les choses du dehors ne les troublent pas dans leur jouissance de Dieu.

2° La paix est aussi la perfection de la joie en ce qu'elle calme les remous du désir, car il ne possède pas la joie parfaite, celui à qui l'objet de sa joie ne suffit pas. Or la paix comporte ces deux éléments : que du dehors rien ne nous trouble, et que nos désirs se reposent en un objet unique. C'est pourquoi après la charité et la joie on met en troisième lieu la paix. — À l'égard des maux, l'esprit est en parfaite possession de lui-même sur deux points : que l'imminence des maux ne parvienne pas à le troubler ce qui est l'œuvre de la patience ; ni l'attente prolongée des biens, ce qui est l'affaire de la longanimité, car « être privé d'un bien, comme il est dit dans l'Ethique a raison de mal ».

Par rapport à ce qui est à côté de lui, c'est-à-dire le prochain, l'homme spirituel est en de bonnes dispositions, 1° quant à la volonté de bien faire, et à cela se rapporte la bonté ; 2° quant à la bienfaisance effective, et à cela se rapporte la bénignité ; car on attribue celle-ci aux hommes qu'un « bon feu d'amour » enflamme à faire du bien au prochain ; 3° quant à l'égalité d'âme pour supporter les maux infligés par les proches, et c'est à cela que se rapporte la mansuétude, qui refrène les colères ; 4° quant au fait de ne nuire aucunement au prochain, non seulement par colère, mais non plus par fraude ou par ruse, et à cela s'applique la foi, prise au sens de fidélité. Mais si nous la prenons au sens de la foi par laquelle on croit en Dieu, alors, par cette foi, l’homme est ordonné à ce qui est au-dessus de lui, c'est-à-dire à soumettre à Dieu son intelligence et, par voie de conséquence, tout ce qui est à lui.

Mais par rapport à ce qui est au-dessous de lui l'homme est en de bonnes dispositions, 1° quant aux actions extérieures, grâce à la modestie qui garde la mesure en tout ce qu'on dit et tout ce qu'on fait. 2° Quant aux convoitises intérieures, grâce à la continence et à la chasteté, soit que l'on distingue ces deux choses par ce fait que la chasteté refrène ce qui est illicite, tandis que la continence refrène même ce qui est licite ; soit qu'on les distingue par ce fait que le continent éprouve les convoitises mais n'est pas entraîné par elles, tandis que le chaste ni ne les éprouve ni n'est entraîné par elles.

Solutions

1. La sanctification provient de toutes les vertus, qui enlèvent aussi les péchés. C'est pourquoi, aux endroits cités, le fruit est nommé au singulier en raison de l'unité de genre. Genre qui se partage en de multiples espèces d'après lesquelles sont désignés les multiples fruits.

2. Les fruits ne sont pas différenciés par cent, soixante, et trente, d'après les diverses espèces d'actes vertueux, mais d'après les divers degrés de perfection, même dans une seule vertu. Ainsi, on dit que la continence dans le mariage est symbolisée par le fruit à trente pour un, celle du veuvage par le fruit à soixante, tandis que celle de la virginité est représentée par le cent pour un. — Les Pères ont aussi d'autres façons de distinguer dans ces trois fruits évangéliques comme trois degrés dans la vertu. Et l'on suppose trois degrés parce que, en tout domaine, la perfection se présente selon un commencement, un milieu et une fin.

3. Le fait même de ne pas être troublé dans les tristesses de la vie se présente comme un fruit délectable. La foi aussi, même si on la prend en tant qu'elle est le fondement de la vie spirituelle, possède un certain aspect de chose ultime et délectable selon qu'elle contient une certitude. D'où ce commentaire de la Glose : « La foi, c'est-à-dire la certitude de l'invisible. »

4. En sens contraire, comme dit S. Augustin dans son commentaire de l'épître aux Galates, « l'Apôtre n'a pas adopté ce chiffre pour enseigner combien il y a d'œuvres de la chair ou de fruits de l'esprit, mais pour montrer dans quelle genre de choses celles-là sont à éviter, ceux-ci à rechercher ». Aussi auraient-ils pu être énumérés en nombre plus ou moins grand. Et cependant, tous les actes des dons et des vertus peuvent, selon une certaine convergence, se ramener à ces fruits selon que toutes les vertus et tous les dons ordonnent nécessairement l'âme selon l'une des modalités qu'on vient de dire. Aussi les actes de la sagesse, et ceux de tous les dons qui nous ordonnent au bien, se ramènent-ils à la charité, à la joie et à la paix. Néanmoins, si Paul a donné cette énumération plutôt qu'une autre, c'est parce que les fruits énumérés ici impliquent davantage soit une jouissance des biens, soit un adoucissement des maux : ce qui, semble-t-il, appartient à la raison de fruit.


4. L'opposition des fruits aux œuvres de la chair

Objections

1. L'Apôtre énumère aussi les œuvres de la chair (Galates 5.19). À ce qu'il semble, les fruits ne leur sont pas contraires. Les contraires sont dans un même genre. Mais on ne dira pas que les œuvres de la chair sont des fruits. Donc les fruits de l'esprit ne leur sont pas contraires.

2. Une chose est contraire à une autre. Or l'Apôtre énumère plus d'œuvres de la chair que de fruits de l'esprit. Donc fruits de l'esprit et œuvres de la chair ne sont pas des contraires.

3. Au premier rang des fruits de l'esprit on met la charité, la joie, la paix, auxquelles ne correspondent pas les œuvres de la chair énumérées en premier, qui sont la fornication, l'impureté, l'impudicité. Donc les fruits de l'esprit ne sont pas contraires aux œuvres de la chair.

En sens contraire, l'Apôtre dit dans le même passage que « la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair ».

Réponse

Œuvres de la chair et fruits de l'esprit peuvent être pris dans une double acception : 1° Sous un aspect général. En ce sens les fruits du Saint-Esprit sont, dans l'ensemble, contraires aux œuvres de la chair. Le Saint-Esprit meut en effet l'esprit humain vers ce qui est selon la raison, ou plutôt vers ce qui est au-dessus de la raison. L'appétit de la chair, qui est l'appétit sensible, entraîne vers les biens sensibles, qui sont au-dessous de l'homme. Aussi, de même que dans la nature un mouvement vers le haut et un mouvement vers le bas sont contraires, de même dans les œuvres humaines les œuvres de la chair et les œuvres de l'esprit.

2° On peut considérer autrement les fruits énumérés sous l'aspect qui est propre à chacun d'eux, et pareillement les œuvres de la chair. En ce sens, il n'est pas nécessaire qu'ils se fassent opposition un par un, parce que, comme nous l'avons dit, l'Apôtre n'a pas l'intention d'énumérer toutes les œuvres spirituelles ni toutes les œuvres charnelles. Pourtant, avec une certaine ingéniosité, S. Augustin oppose un par un les actes de la chair aux fruits de l'esprit. « La fornication est la passion d'assouvir les désirs charnels en dehors d'une union légitime : c'est l'opposé de la charité, par laquelle l'âme est unie à Dieu, et en laquelle se trouve aussi la vraie chasteté. Quant aux impuretés, ce sont tous les troubles que fait naître la fornication, à quoi s'oppose la joie de la tranquillité. La servitude des idoles mène la guerre contre l'évangile de Dieu ; son opposé est la paix. Aux maléfices, aux inimitiés, disputes et rivalités, aux animosités et dissensions, s'oppose la longanimité pour supporter les misères des hommes chez qui l'on vit, la bénignité pour y porter remède, et la bonté pour pardonner. Aux hérésies s'oppose la foi ; à l'envie la mansuétude ; aux excès du boire et du manger, la continence. »

Solutions

1. Ce qui vient d'un arbre contrairement à sa nature, on ne dit pas que c'en est le fruit, on dit plutôt que c'en est la corruption. Aussi, comme les œuvres des vertus sont connaturelles à la raison alors que les œuvres des vices lui sont contraires, on donne à celles-là le nom de fruits mais pas à celles-ci.

2. « Le bien arrive d'une seule manière, dit Denys ; le mal de beaucoup de façons » : de là vient qu'à une seule vertu s'opposent plusieurs vices. Et c'est pourquoi il n'est pas étonnant que l'on compte plus d'œuvres de la chair que de fruits de l'esprit.

3. Ce qu'on vient de dire donne la solution.


LES VICES ET LES PÉCHÉS

Après l'étude des vertus vient celle des vices et des péchés. Et à ce propos six grandes sortes de considération se présentent : 1° Les vices et les péchés en eux-mêmes (Q. 71) ; 2° la distinction des péchés (Q. 72) ; 3° leurs relations mutuelles (Q. 73) ; 4° le sujet du péché (Q. 74) ; 5° sa cause (Q. 75-84) ; 6° ses effets (Q. 85-89).

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