Somme théologique

Somme théologique — La prima secundae

102. LES RAISONS D'ÊTRE DES PRÉCEPTES CÉRÉMONIELS

  1. Ont-ils une raison d'être ?
  2. Une raison littérale ou seulement figurative ?
  3. Quelle est la raison d'être des sacrifices ?
  4. Celle des sacrements ?
  5. Celle des réalités sacrées ?
  6. Celle des observances rituelles ?

1. Les préceptes cérémoniels ont-ils une raison d'être ?

Objections

1. Sur la parole de S. Paul (Éphésiens 2.15) à propos du Christ « qui anéantit par ses décrets la loi des commandements », la Glose observe ceci : « La loi est anéantie dans ses observances charnelles par les décrets, entendez par les préceptes évangéliques qui sont fondés en raison. » Si les observances de la loi ancienne avaient été fondées en raison, on ne leur aurait pas substitué les prescriptions raisonnables de la loi nouvelle. C'est donc que les observances cérémonielles de la loi ancienne n'étaient pas fondées en raison de quelque manière.

2. La loi ancienne a succédé à la loi naturelle. Or, sous le régime de celle-ci, il y eut un précepte qui n'avait pour motif que d'éprouver l'obéissance de l'homme, comme dit S. Augustin, à propos de la prohibition concernant l'arbre de Vie. À son tour, la loi ancienne devait donc comporter des préceptes destinés à éprouver l'obéissance et dépourvus de toute raison intrinsèque.

3. Dans l'activité humaine, les actes sont dits moraux selon qu'ils procèdent de la raison. Si donc les préceptes cérémoniels avaient quelque fondement rationnel, ils ne se distingueraient en rien des préceptes moraux. Donc ils n'ont pas de raison d'être.

En sens contraire, « le précepte du Seigneur est lumineux, il éclaire les yeux » (Psaumes 19.9). Cela concerne aussi les préceptes cérémoniels qui viennent de Dieu. Or ils ne pourraient être lumineux s'ils n'avaient pas un fondement raisonnable. Ils ont donc une raison d'être.

Réponse

On dit au premier livre de la Métaphysique d'Aristote que l'ordre est proprement l'œuvre du sage ; de son côté, l'Apôtre dit aux Romains (Romains 13.1) que tout ce qui procède de la divine sagesse est nécessairement ordonné. Mais l'ordre implique deux conditions : il faut d'abord que la réalité considérée se rapporte à la fin requise, la fin étant toujours principe d'ordre en matière d'action ; en effet, quand un événement se produit fortuitement et sans rapport avec la fin visée, ou quand on n'agit pas sérieusement mais pour rire, on appelle désordonnée une telle conduite. De plus, il faut que la conduite conçue en vue d'une fin soit proportionnée à celle-ci. Il en découle que tout dispositif conçu en vue d'une fin prend motif de cette fin, comme par exemple la configuration particulière qu'on donne à une scie se justifie par la finalité de cet outil qui est de couper, selon Aristote. Or il est clair que les préceptes cérémoniels, comme tous les préceptes de la loi ancienne, ont été établis par la sagesse divine : « Ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des nations » (Deutéronome 4.6). On conclura nécessairement que les préceptes cérémoniels ont été organisés en vue d'une fin et que chacun d'eux trouve en cette fin son explication motivée.

Solutions

1. On peut dire que les observances de la loi ancienne étaient sans fondement rationnel en ce sens que ces pratiques manquaient de justification intrinsèque : pourquoi par exemple un vêtement ne serait-il pas confectionné de laine et de lin ? Mais elles pouvaient se motiver sous un autre rapport, notamment si telle manière de faire figurait autre chose ou au contraire le niait. En revanche, les décrets de la loi nouvelle sont conformes à la raison par leur nature même, puisqu'ils consistent principalement en des actes de foi et d'amour de Dieu.

2. L'arbre de la science du bien et du mal ne comportait en lui-même rien de mauvais qui motivât l'interdiction dont il fut l'objet ; mais le fait de l'interdiction était fondé, à l'égard d'une autre réalité, car précisément c'était une figure. De même les préceptes cérémoniels de la loi ancienne ont un motif par référence à autre chose.

3. Les préceptes moraux se justifient en raison de leur contenu même, comme : Tu ne tueras point, tu ne déroberas point. Mais on vient de voir que les préceptes cérémoniels ont un motif par le fait qu'ils sont ordonnés à autre chose.


2. La raison d'être des préceptes cérémoniels est-elle littérale ou uniquement figurative ?

Objections

1. Il semble que les préceptes cérémoniels n'aient pas eu de raison d'être littérale. En effet, la circoncision, l'immolation de l'agneau pascal, c'est-à-dire les préceptes cérémoniels les plus importants, n'avaient d'autre raison que de figurer, puisque c'est comme signes qu'ils ont été proposés : « Vous circoncirez la chair de votre prépuce », lit-on dans la Genèse (Genèse 17.11), « et ce sera le signe de l'alliance entre moi et vous. » Quant à la célébration de la Pâque, il est écrit dans l'Exode (Exode 13.9) qu'elle « sera un signe sur ta main et un mémorial devant tes yeux ». Bien davantage encore sera exclusivement figurative la raison d'être des autres prescriptions cérémonielles.

2. Il y a proportion entre l'effet et la cause. Tous les préceptes cérémoniels étant figuratifs, leur raison d'être, qui est leur cause, ne peut avoir un caractère différent.

3. Quand il est de soi indifférent qu'on agisse de telle ou telle manière, il n'y a pas de place, semble-t-il, pour une explication littérale. Or, c'est ce qui se vérifie pour de nombreux préceptes cérémoniels, touchant par exemple le nombre des animaux à offrir ou tels menus détails du même genre. Les préceptes cérémoniels ne s'expliquent donc pas littéralement.

En sens contraire, le Christ était figuré non seulement par les préceptes cérémoniels, mais encore par les événements historiques de l'ancienne alliance, comme le dit S. Paul (1 Corinthiens 10.11) : « Tout leur arrivait par mode de figure. » Or tout, dans l'histoire de l'ancienne alliance, outre sa signification mystique ou figurative, s'entend aussi littéralement. Il en va donc de même des préceptes cérémoniels qui, outre leurs raisons d'être figuratives, comportaient aussi des raisons d'être littérales.

Réponse

Rappelons que c'est la fin qui rend compte du dispositif qui s'y rapporte. Or la fin des préceptes cérémoniels est double : le culte divin à organiser selon les besoins de ce temps, et le Christ à préfigurer. Les oracles des prophètes, eux aussi, avaient une valeur pour leur temps tout en présageant l'avenir, selon l'explication donnée par S. Jérôme à propos d'Osée. De sorte que les préceptes cérémoniels de l'ancienne loi se prêtent à deux types d'explications. D'une part, celles qui tiennent compte du culte divin tel qu'il fallait alors l'assurer ; c'est ce qu'on appelle l'explication littérale, qu'il s’agisse de fuir l'idolâtrie, de célébrer certains bienfaits de Dieu, de donner une idée de l'excellence divine, ou encore de fixer l'attitude spirituelle qui dès cette époque s'imposait dans l'exercice du culte divin. — D'autre part, on peut leur assigner comme raison d'être la préfiguration du Christ et alors ils comportent des explications figuratives et mystiques : du type allégorique si on les rapporte à la personne du Christ et à l'Église ; du type moral si elles concernent la vie du peuple chrétien; du type anagogique si on les rapporte à l'état de gloire à venir, pour autant que nous y sommes introduits par le Christ.

Solutions

1. De même qu'une locution métaphorique dans l'Écriture a un sens littéral si la formule employée dit précisément ce qu'elle veut dire, de même, quand une cérémonie légale rappelle le bienfait de Dieu qui est à l'origine de son institution, ou évoque quelque autre réalité intéressant ce régime, ces significations ne sortent pas du cadre des explications littérales. Par conséquent, que la célébration de la Pâque signifie la sortie d'Égypte, ou que la circoncision signifie le pacte conclu par Dieu avec Abraham, cela relève de l'explication littérale.

2. L'argument vaudrait si les préceptes cérémoniels étaient donnés uniquement en vue de figurer l'avenir et sans rapport avec le culte divin actuel.

3. On a dit à propos des lois humaines qu'elles sont fondées en raison, si on les considère dans leur ensemble mais non point dans le détail de leurs dispositions spécifiques, parce que celles-ci dépendent de la libre décision du législateur. De même beaucoup de prescriptions particulières, dans les cérémonies de la loi ancienne, n'ont pas de raison d'être littérale, mais seulement figurative ; c'est prises dans leur ensemble qu'elles ont aussi une raison d'être littérale.


3. Quelle est la raison d'être des sacrifices ?

Objections

1. Il semble qu'on ne puisse donner une explication satisfaisante des cérémonies ressortissant aux sacrifices. Par exemple ce qu'on offrait en sacrifice, c'étaient les éléments nécessaires à l'entretien de la vie humaine, pain et viandes. Mais Dieu n'a que faire de ces nourritures, comme le rappelle le Psaume (Psaumes 50) : « Vais-je manger la viande des taureaux, vais-je boire le sang des boucs ? » L'offrande de tels sacrifices à Dieu ne convenait pas.

2. On n'offrait en sacrifice à Dieu que des quadrupèdes de trois espèces, des bœufs, des brebis et des chèvres et, parmi les oiseaux, normalement la tourterelle et la colombe, sauf pour la purification d'un lépreux qui comportait l'offrande de passereaux. On ne voit pas pourquoi se limiter à ces sortes d'animaux, alors qu'il y en a beaucoup de plus nobles que ceux-là, et qu'il faut offrir à Dieu ce qu'il y a de meilleur.

3. L'autorité que Dieu a donnée à l'homme s'étend aux oiseaux et aux animaux terrestres, mais aussi aux poissons. Il était donc illogique de les exclure du sacrifice.

4. Les prescriptions cérémonielles mettent sur le même plan tourterelle et colombe. Puisque l'offrande des petits de la colombe est prescrite, on aurait dû prescrire celle des petits de la tourterelle.

5. Le premier chapitre de la Genèse nous fait voir en Dieu l'auteur de la vie, tant humaine qu'animale. La mort étant opposée à la vie, ce sont des animaux vivants et non pas des animaux abattus qu'il eût fallu offrir à Dieu, d'autant qu'aux Romains (Romains 12.1) S. Paul enseigne « d'offrir notre corps en hostie vivante, sainte et agréable à Dieu ».

6. Si vraiment il ne fallait offrir à Dieu en sacrifice que des animaux abattus, peu importait la manière de les mettre à mort, et on ne voit pas pourquoi le Lévitique (Lévitique 1.15) a minutieusement prescrit la manière de les immoler, en particulier pour les oiseaux.

7. Tout défaut, chez l'animal, n'est qu'une étape vers la corruption et la mort. Puisqu'on offrait à Dieu des animaux morts, il était illogique d'exclure l'offrande d'un animal défectueux, boiteux, aveugle ou autrement taré.

8. Ceux qui offrent à Dieu des victimes doivent y avoir part, au jugement de S. Paul (1 Corinthiens 10.18) : « Ceux qui mangent les victimes ne participent-ils pas à l'autel ? » C'est donc à tort que certaines parties des victimes étaient soustraites à ceux qui les offraient, notamment le sang et la graisse, la poitrine et la cuisse droite.

9. À côté des holocaustes, on offrait à la gloire de Dieu des sacrifices pacifiques et des offrandes expiatoires. Or, pour l'holocauste, les animaux femelles étaient exclus mais on offrait des quadrupèdes et des oiseaux. On voit mal pourquoi dans les sacrifices pacifiques et expiatoires on pouvait offrir des femelles, et en revanche pourquoi les oiseaux étaient exclus des sacrifices pacifiques.

10. Toutes les victimes des sacrifices pacifiques constituant évidemment un seul et même genre, il n'y avait pas lieu de diviser ce genre en interdisant de manger certaines d'entre elles le lendemain, et en le permettant pour d'autres, selon ce qui ressort du Lévitique (Lévitique 7.15).

11. Tous les péchés ont ceci de commun qu'ils éloignent de Dieu. Il fallait donc, quel que fût le péché, un seul et même type de sacrifice offert pour la réconciliation avec Dieu.

12. Tous les animaux offerts en sacrifice l'étaient dans le même état, c'est-à-dire préalablement mis à mort. On ne voit donc pas pour quelle raison les produits de la terre étaient offerts sous des formes différentes : tantôt sous forme d'épis, tantôt à l'état de farine, ou encore de pain, et celui-ci suivant les cas devait être cuit au four, ou dans la graisse, ou sur le gril. On se demande pourquoi.

13. Tout ce qui est à notre usage, nous devons y reconnaître un don de Dieu. Il paraît donc anormal qu'en dehors des animaux on n'offrît à Dieu que le pain, le vin, l'huile, l'encens et le sel.

14. Les sacrifices corporels expriment le sacrifice intérieur du cœur par quoi l'homme offre à Dieu son esprit. Mais le sacrifice intérieur a plus d'affinité avec la douceur, représentée par le miel, qu'avec l'âcreté représentée par le sel. Il est écrit en effet dans l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 24.27) : « Mon esprit est plus doux que le miel. » On ne comprend donc pas l'interdiction d'offrir du miel en sacrifice, ainsi que du levain, alors que celui-ci donne au pain sa saveur ; et il était requis d'y apporter du sel, principe d'âcreté, et de l'encens, substance à la saveur amère. Il y a donc lieu de penser que les prescriptions cérémonielles relatives aux sacrifices ne peuvent s'expliquer raisonnablement.

En sens contraire, nous lisons dans le Lévitique (Lévitique 2.13) : « Le prêtre fera fumer toutes les offrandes sur l'autel et ce sera un holocauste d'une odeur très agréable au Seigneur. » Et nous lisons aussi au livre de la Sagesse (Sagesse 7.28) : « Dieu n'aime que celui qui habite avec la Sagesse. » On peut en inférer que tout ce qui est agréé par Dieu est accompagné de sagesse et donc que ces rites sacrificiels étaient sages, autrement dit fondés en raison.

Réponse

On vient de le dire, les cérémonies de la loi ancienne comportaient une double raison d'être : littérale, en tant qu'elles réglaient le culte de Dieu, et figurative, ou mystique, en tant qu'elles étaient destinées à figurer le Christ. Des deux points de vue, il est possible de dégager une explication satisfaisante des cérémonies relatives aux sacrifices. En tant que les sacrifices contribuaient au culte divin, on peut les expliquer de deux façons:

1° Comme expression d'une juste attitude de l'esprit envers Dieu, attitude à laquelle était incité celui qui offrait le sacrifice. Mais cette juste attitude de l'âme envers Dieu requiert de l'homme qu'il reconnaisse tenir de Dieu tout ce qu'il possède, comme du principe premier, et qu'il le rapporte à Dieu comme à sa fin ultime. Telle était la signification des offrandes et des sacrifices, lorsque l'homme prenant de ses biens et reconnaissant par là qu'il les tenait de Dieu, les offrait à l'honneur de Dieu. C'est la prière de David au premier livre des Chroniques (1 Chroniques 29.14) : « Toutes choses t'appartiennent, et ce que nous te donnons nous l'avons reçu de ta main. » De cette façon, en offrant un sacrifice, l'homme attestait que Dieu est le premier principe créateur de toutes choses et la fin dernière à quoi tout doit être rapporté.

2° Mais la juste attitude de l'âme envers Dieu exige en outre que l'âme humaine ne reconnaisse en dehors de Dieu aucun autre auteur premier des choses et ne place en nul autre que lui sa fin dernière. Voilà pourquoi la loi interdisait d'offrir un sacrifice à personne d'autre qu'à Dieu, selon les termes de l'Exode (Exode 22.20) : « Celui qui sacrifie aux dieux, et non au seul Seigneur, périra. » Ce qui permet de dégager cette seconde raison pour expliquer le cérémonial des sacrifices, qui est de détourner les hommes des sacrifices idolâtriques. C'est même pour cela que les préceptes concernant les sacrifices ne furent pas donnés au peuple juif avant qu'il eût versé dans l'idolâtrie en adorant le veau d'or, comme si ces sacrifices n'avaient été institués que pour engager ce peuple, d'ailleurs enclin aux sacrifices, à en offrir à Dieu plutôt qu'aux idoles. « je n'ai rien dit à vos pères, lisons-nous en Jérémie (Jérémie 7.22), et je ne leur ai rien prescrit, le jour où je les ai tirés du pays d'Égypte, en matière d'holocaustes et de sacrifices. »

D'autre part, de tous les dons que Dieu a faits au genre humain après sa chute dans le péché, le tout premier en dignité est celui qu'il fit de son Fils : « Dieu a tant aimé le monde, écrit S. Jean (Jean 3.16), qu'il lui a donné son Fils unique, afin que tous ceux qui croient en lui ne périssent pas, mais obtiennent la vie éternelle. » C'est pourquoi le sacrifice le plus excellent est celui où le Christ en personne « s'est offert lui-même à Dieu en victime d'agréable odeur », selon l'expression de S. Paul aux Éphésiens (Éphésiens 5.2). Et tous les sacrifices de l'ancienne loi étaient offerts en figure de ce sacrifice unique et excellent, comme l'imparfait figure le parfait. Dans cette perspective, l'épître aux Hébreux (Hébreux 10.11) enseigne que le prêtre de la loi ancienne « offrait plusieurs fois les mêmes victimes qui ne parvenaient jamais à ôter les péchés ; tandis que le Christ, pour les péchés, n'en offrit qu'une et pour toujours ». Et parce que l'explication de la figure se trouve dans la réalité qu'elle représente, c'est à la lumière du vrai sacrifice du Christ qu'il faut interpréter le sens des sacrifices figuratifs de l'ancienne loi.

Solutions

1. En exigeant ces offrandes sacrificielles, ce n'est pas aux offrandes elles-mêmes que Dieu s'intéressait, comme s'il en avait besoin ; ne dit-il pas par la bouche d'Isaïe (Ésaïe 1.11) : « Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux et le sang des jeunes taureaux, des boucs et des agneaux, je n'en veux pas. » Il voulait qu'on lui offrît tout cela, répétons-le, pour détourner de l'idolâtrie, pour exprimer la juste soumission à Dieu de l'homme spirituel et pour figurer le mystère du Christ rachetant l'humanité.

2. Il faut faire appel aux mêmes raisons pour comprendre que certains animaux devaient être offerts et d'autres non.

1° Pour faire obstacle à l'idolâtrie, on écartait tous les animaux que les idolâtres offraient à leurs divinités ou employaient à leurs opérations magiques ; on admettait au contraire ceux que les Egyptiens, chez qui les Hébreux avaient vécu, n'offraient pas en sacrifice à leurs dieux, estimant qu'il était funeste de les tuer. Qu'on se rappelle ce verset de l'Exode (Exode 8.26) : « Les sacrifices que nous offrirons au Seigneur notre Dieu sont des sacrilèges pour les Égyptiens. » En effet, ceux-ci rendaient un culte aux moutons, ils vénéraient les boucs, d'autant que les démons leur apparaissaient sous cette forme, et ils employaient les bœufs pour la culture des champs, considérée par eux comme un rite sacré.

2° Ces dispositions favorisaient l'attitude spirituelle envers Dieu à laquelle nous faisions allusion et cela d'une double manière : a) Les animaux licites appartiennent aux espèces éminemment convenables à l'alimentation humaine ; de plus ils sont remarquables par leur propreté, eux et leur nourriture. Les autres sont de nature sauvage et généralement réfractaires au service de l'homme ; ou s'ils sont domestiqués, ils se repaissent d'immondices comme le porc et la poule ; or il ne faut présenter à Dieu rien que de pur. Quant aux oiseaux, ceux qu'on a cités étaient tout désignés pour l'offrande, car il y en avait beaucoup au pays de la promesse. b) La pureté spirituelle s'exprime dans l'immolation de ces animaux, comme l'explique la Glose sur le Lévitique : « Nous offrons un jeune taureau, lorsque nous domptons une chair rebelle ; un agneau, lorsque nous redressons des passions déraisonnables ; un bouc, lorsque nous triomphons d'une licence effrontée ; une tourterelle, quand nous gardons la chasteté ; des pains azymes, lorsque nous célébrons la Pâque avec les azymes de l'intégrité. » Enfin, manifestement, la colombe exprime la charité et la simplicité du cœur.

3° Il convenait que ces animaux fussent immolés en figure du Christ, comme il ressort du même passage de la Glose : « Le Christ est évoqué dans l'offrande du veau, pour la puissance de sa croix ; avec l'agneau, à cause de son innocence ; avec le bélier, parce qu'il est le chef du troupeau ; avec le bouc, parce qu'il a revêtu une chair semblable à la chair pécheresse. L'union des deux natures était mise en évidence dans la tourterelle et la colombe (ou si l'on préfère, la tourterelle représente la chasteté et la colombe la charité). La fleur de farine figurait l'aspersion de l'eau baptismale sur les fidèles. »

3. Vivant dans l'eau, les poissons ne sont pas aussi familiers à l'homme que les autres animaux qui comme lui vivent à l'air. En outre ils périssent dès qu'ils sont tirés de leur élément et ils ne pouvaient donc être offerts au Temple comme les autres animaux.

4. Chez les tourterelles, l'adulte a plus de valeur que le petit, tandis que pour les colombes c'est l'inverse. Ainsi Maïmonide explique l'offrande des tourterelles et des petits de la colombe, car c'est toujours ce qu'il y a de meilleur qu'il faut réserver à Dieu.

5. Les animaux offerts en sacrifice étaient mis à mort parce que Dieu les a donnés à l'homme comme une nourriture et que c'est en cet état qu'ils sont consommés. Pour la même raison ils étaient rôtis, la cuisson les rendant propres à la consommation humaine. D'autre part, leur mise à mort signifiait la destruction du péché et donnait aussi à entendre que les hommes, pour leurs péchés, méritaient la mort, comme si les animaux mourant à leur place signifiaient l'expiation du péché. Enfin la mise à mort des animaux représentait la mort du Christ.

6. La loi fixait la manière de tuer les victimes, afin d'exclure d'autres procédés en usage chez les idolâtres. On peut noter aussi, avec Maïmonide, que « la loi a fait choix, pour tuer les oiseaux, du procédé qui les fait le moins souffrir », celui qui, par conséquent, abîmait le moins les victimes et gardait les offrants d'une cruauté inhumaine.

7. Les animaux tarés sont d'ordinaire peu estimés, même selon l'estimation vulgaire, ils ne pouvaient donc pas être offerts en sacrifice à Dieu. Pour une raison analogue il était interdit « d'apporter à la maison de Dieu le gain d'une prostituée ou le salaire d'un chien » (Deutéronome 23.18), ou même d'offrir des animaux ayant moins de six jours, car jusqu'à cet âge on les considérait comme des avortons, manquant de fermeté et encore mal constitués.

8. On connaissait trois sortes de sacrifices L'holocauste, d'un mot grec voulant dit « entièrement brûlé », où la victime était intégralement consumée, était offert à Dieu spécialement en signe de révérence envers sa majesté, et d'amour pour sa bonté. Il correspondait à l'état de perfection dans l'accomplissement des conseils. Tout était consumé afin de montrer que, comme la victime s'élevait vers le ciel intégralement réduite en fumée, de même l'homme tout entier avec tout ce qui lui appartient est soumis au domaine divin et doit être offert à Dieu.

En second lieu, le sacrifice pour le péché, ou sacrifice expiatoire, était offert à Dieu lorsqu'un péché avait besoin d'être remis ; il correspondait à l'état des pénitents qui satisfont pour leurs péchés. On y distinguait deux parts, l'une qui était brûlée, l'autre qui était affectée à la consommation des prêtres, pour faire voir que Dieu purifiait des péchés par le ministère des prêtres. Toutefois, lorsque ce sacrifice était offert pour une faute du peuple dans son ensemble, ou pour la faute particulière du prêtre, tout était consumé, car il ne devait rien revenir au prêtre des offrandes faites pour son péché ; autrement quelque chose du péché, fût demeuré en lui; et d'ailleurs cela n'eût pas satisfait pour le péché, parce que, si ceux qui sacrifiaient pour le péché avaient bénéficié de ce qu'ils offraient, c'eût été comme s'ils ne l'avaient pas offert.

Enfin on appelait victime pacifique le sacrifice offert à Dieu en action de grâce, ou pour le salut et la prospérité de ceux qui l'offraient, c'est-à-dire au titre d'un bienfait reçu ou à recevoir. Il correspondait à l'état des progressants dans la pratique des commandements. Et cette victime se divisait en trois parts : l'une était brûlée en l'honneur de Dieu, une autre affectée à la consommation des prêtres, et la troisième remise à la disposition des offrants. Cela signifiait que le salut descend de Dieu aux hommes, sous la direction des ministres de Dieu, et avec le concours de ceux-là mêmes qui sont sauvés.

En règle générale, le sang et la graisse n'étaient mis à la disposition ni des prêtres ni des offrants : le sang était versé sur la base de l'autel en l'honneur de Dieu et la graisse brûlée dans le feu. On en peut donner plusieurs raisons : 1° Ce fut d'abord pour écarter le risque d'idolâtrie, car les sectateurs des idoles buvaient le sang et mangeaient la graisse des victimes, comme il ressort du Deutéronome (Deutéronome 32.38) : « Ils mangeaient la graisse des victimes et buvaient le vin des libations. » 2° Cela contribuait à l'honnêteté des mœurs. Il leur était interdit de boire le sang, afin de les détourner de verser le sang humain, comme on le lit dans la Genèse (Genèse 9.4) où Dieu dit à Noé . « Vous ne mangerez pas la chair avec le sang, et le sang de vos vies à vous, j'en demanderai compte. » La consommation des graisses leur était interdite pour les garder de toute sensualité : « Vous mettiez à mort ce qui était gras », leur reproche Ézéchiel (Ézéchiel 34.3). 3° La révérence envers Dieu l'exigeait, parce que le sang est ce qu'il y a de plus nécessaire à la vie, aussi dit-on que l'âme est dans le sang ; quant à la graisse, elle dénote un surplus de matières nutritives. Aussi on répandait le sang et on brûlait la graisse en l'honneur de Dieu, pour marquer que de lui nous vient la vie, avec l'abondance des biens. 4° Enfin cette pratique préfigurait l'effusion du sang du Christ et la succulence de la charité avec laquelle il s'offrit à Dieu pour nous.

Dans les sacrifices pacifiques, le prêtre recevait pour sa consommation le poitrail et la cuisse droite, pour éviter certaines formes de divination qu'on appelle spatulomancie — et qui mettait en œuvre les omoplates des victimes ainsi que l'os de la poitrine. Ces parties n'étaient donc pas remises aux offrants. En même temps cette poitrine, signe du cœur qui l'habite, montrait que la sagesse du cœur était indispensable au prêtre pour instruire le peuple, tandis que la cuisse droite évoquait la force qui lui était nécessaire pour corriger les défauts.

9. Parce que l'holocauste était le plus parfait des sacrifices, l'offrande d'un mâle y était de rigueur, car la femelle est un animal imparfait. L'offrande de tourterelles et de colombes était autorisée chez les pauvres qui ne pouvaient offrir des animaux plus importants. Et l'on conçoit que ces oiseaux n'étaient jamais offerts en victimes pacifiques, celles-ci étant toujours offertes spontanément sans qu'on y fût obligé, mais bien en holocauste ou pour le péché, sacrifices obligatoires en certains cas. Ajoutons que les hauteurs où ces oiseaux prennent leur essor s'accordent à la sublimité de l'holocauste, et que le caractère plaintif de leur chant convient à des victimes offertes en sacrifice pour le péché.

10. Parmi les victimes offertes en sacrifice, l'holocauste a la première place : il était intégralement consumé en l'honneur de Dieu et rien n'en était mangé. La victime offerte en sacrifice pour le péché tenait le second rang en sainteté : elle était mangée mais seulement dans l'enceinte du temple, par les prêtres et le jour même du sacrifice. En troisième lieu venaient les victimes pacifiques d'action de grâce, mangées le jour même, mais dans toute la ville de Jérusalem. Au dernier rang se tenaient les victimes pacifiques offertes en sacrifice votif, et qui pouvaient être mangées le lendemain. Cet ordre n'est pas sans raison : car l'homme est premièrement lié envers Dieu à cause de la majesté divine, ensuite à cause des péchés qu'il a commis, puis à cause des bienfaits qu'il a reçus et enfin à cause des bienfaits qu'il espère.

11. La gravité du péché dépend de la condition du pécheur, on le sait. Aussi était-il prescrit d'offrir une victime différente pour le péché d'un prêtre et d'un prince, ou pour celui d'un simple particulier. Remarquons toutefois avec Maïmonide que « plus le péché était grave, plus l'animal offert était de vile espèce » ; et il explique que pour l'idolâtrie, crime le plus grave, on offrait une chèvre, le plus vil des animaux ; que si un prêtre avait péché par ignorance, il offrait un jeune taureau, et qu'un prince ayant péché par négligence offrait un bouc.

12. La loi a voulu tenir compte de la pauvreté de ceux qui offraient des sacrifices en décidant que celui qui ne pourrait disposer d'un quadrupède offrirait du moins un oiseau, à défaut d'oiseau au moins un pain, et à défaut de pain au moins de la farine ou des épis. Le sens figuratif de ces dispositions est que le pain signifie le Christ, appelé « pain de vie » dans S. Jean (Jean 6.41, 51) ; au temps de la loi naturelle, le Christ était encore caché dans la foi des Pères comme le grain dans l'épi ; il était comme en farine dans l'enseignement des prophètes de la loi ; ce pain fut façonné lorsque fut assumée la nature humaine et subit l'action du feu, successivement cuit au four, c'est-à-dire formé par le Saint-Esprit dans les entrailles virginales, cuit à la poêle par les peines qu'il endura ici-bas, et consumé en quelque sorte sur le gril par la crucifixion.

13. Certains produits de la terre entrent dans la consommation humaine au titre d'aliments : cette catégorie était représentée dans les offrandes par le pain. D'autres comme boissons, catégorie représentée par le vin. Les condiments fournissaient aux sacrifices l'huile et le sel. On offrait enfin l'encens qui est utilisé en médecine pour ses propriétés aromatiques et astringentes. Or le pain représente la chair du Christ, le vin son sang, instrument de notre rédemption ; la grâce du Christ est figurée par l'huile, sa science par le sel, sa prière par l'encens.

14. Le miel ne paraissait pas dans les sacrifices offerts à Dieu, parce qu'il était d'usage courant dans les sacrifices idolâtriques, et aussi parce que ceux qui veulent offrir un sacrifice à Dieu doivent s'abstenir de toute douceur ou plaisir sensible. Pas de levain non plus, à cause du danger de corruption et peut-être, ici encore, parce qu'on en offrait d'ordinaire dans les sacrifices idolâtriques. On offrait le sel qui empêche la putréfaction, puisque les sacrifices divins doivent être sans tache ; d'ailleurs le sel signifie le discernement de la sagesse et aussi la mortification de la chair. — Quant à l'encens, on l'offrait pour marquer la dévotion du cœur, nécessaire à qui offre un sacrifice, et pour désigner aussi le parfum d'une bonne réputation : car l'encens est onctueux et odoriférant. Si l'on n'offrait pas d'encens dans le sacrifice de jalousie, c'est que celui-ci ne s'inspirait pas de la dévotion, mais du soupçon.


4. Peut-on assigner une raison d'être certaine à ce qui relève des réalités sacrées ?

Objections

1. Il semble qu'on ne puisse assigner une raison d'être suffisante à ce qui dans l'ancienne loi, concernait les réalités sacrées. S. Paul dit, dans le livre des Actes (Actes 17.24) : « Dieu qui a fait le monde et tout ce qu'il renferme, étant le Seigneur du ciel et de la terre, n'habite pas dans des temples faits de main d'homme. » La loi ancienne a donc eu tort d'établir un tabernacle ou un temple pour le culte de Dieu.

2. Il était réservé au Christ de modifier le régime de la loi ancienne. Si donc ce régime était symbolisé par la tente (ou le tabernacle), c'était le modifier indûment que de bâtir un temple.

3. La loi divine doit avant tout engager les hommes à rendre un culte à Dieu. Mais ce culte ne peut se développer que si l'on multiplie les autels et les temples, comme on le voit sous la loi nouvelle. Il semble donc que la loi ancienne n'aurait pas dû admettre un seul temple ou un seul tabernacle, mais un grand nombre.

4. Le tabernacle ou le temple étaient ordonnés au culte de Dieu. Mais en Dieu il faut vénérer avant tout l'unité et la simplicité. On ne voit donc pas pourquoi il convenait que le temple ou le tabernacle fussent divisés par des voiles.

5. La puissance du premier moteur qui est Dieu, fait sa première apparition du côté de l'orient, où commence le premier mouvement. Si le tabernacle était institué pour adorer Dieu, il devait donc être tourné vers l'orient plutôt que vers l'occident.

6. Aux termes de l'Exode (Exode 20.4), le Seigneur avait interdit « de faire aucune image taillée ou autre représentation » ; il ne convenait donc pas qu'il y eût dans le tabernacle ou dans le temple des images sculptées de chérubins, sans compter l'arche et le propitiatoire, le chandelier, la table et les deux autels, car leur présence n'avait aucun motif raisonnable.

7. Selon l'Exode (Exode 20.24), le Seigneur avait dit : « Vous me ferez un autel de terre... et vous n'y monterez pas par des marches. » Or un peu plus loin la loi demande que l'autel soit fait de bois lamé d'or ou d'airain et elle le prévoit d'une hauteur telle qu'on ne puisse y accéder que par des degrés : « Tu me feras un autel de bois d'acacia, il aura cinq coudées de long, autant de large et trois coudées de haut, et tu le recouvriras d'airain » (Exode 27.1) ; et plus loin : « Tu feras un autel de bois d'acacia et tu le recouvriras d'or fin » (Exode 30.1).

8. Il ne doit y avoir rien de superflu dans les œuvres de Dieu, puisqu'il en est déjà ainsi dans les œuvres de la nature. Or une tente ou une maison n'exige qu'une couverture. Il n'y avait donc pas besoin, pour le tabernacle (qui est une tente), de plusieurs revêtements superposés, en lin, en poil de chèvre, en peaux de bélier teintes en rouge et en peaux de dauphin.

9. La consécration extérieure signifie la sainteté intérieure qui a son siège dans l'âme. Il ne convenait donc pas que l'on consacrât le tabernacle et ses fournitures, qui sont des objets inanimés.

10. On lit dans le Psaume (Psaumes 34.2) « Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange est à tout moment dans ma bouche. » Il ne convenait donc pas de réserver à certains jours déterminés la célébration des fêtes qui ont pour objet de louer Dieu. Tout cela donne à penser que les dispositions cérémonielles relatives aux réalités sacrées ne comportent pas d'explication satisfaisante.

En sens contraire, on dit dans l'épître aux Hébreux (Hébreux 8.4 s) : « Ceux qui offrent des oblations selon la loi effectuent le service d'une copie et d'une ombre des réalités célestes, selon la réponse donnée à Moïse lorsqu'il dut confectionner le tabernacle : “Regarde, lui dit Dieu, et fais tout suivant le modèle qui t'a été présenté sur la montagne.” » Exprimer l'image des réalités célestes est éminemment raisonnable ; par conséquent les prescriptions dont nous nous occupons étaient raisonnablement fondées.

Réponse

L'ensemble du culte extérieur a pour principale raison d'être d'inculquer aux hommes la révérence envers Dieu. Or le cœur humain est ainsi fait qu'il a moins d'égard pour ce qui se tient dans l'ordre commun et ordinaire, mais qu'il est pénétré d'étonnement et de respect devant une supériorité qui tranche sur le reste. C'est si vrai que l'usage s'est instauré partout, pour inspirer aux sujets le respect des princes et des rois, de revêtir ceux-ci d'ornements plus précieux et de mettre à leur disposition des demeures plus vastes et plus belles. Telle est la raison pour laquelle furent affectés au culte de Dieu certains temps déterminés, une tente spéciale, une vaisselle spéciale et des ministres spéciaux. Ainsi les esprits seraient-ils incités envers Dieu à plus de révérence. — D'autre part, on l'a dit, le régime de la loi ancienne avait été fondé pour figurer le mystère du Christ. Or il faut bien que ce qui doit figurer quelque chose comporte un élément caractéristique par lequel il en éveille précisément l'idée. Il fallait donc qu'il y eût certaines dispositions particulières en matière de culte divin.

Solutions

1. Le culte divin intéresse à la fois Dieu qui est honoré, et les hommes qui honorent Dieu. Dieu, à qui s'adresse le culte, n'est enclos dans aucun lieu corporel, et ce n'est nullement à cause de lui qu'il fallut un tabernacle ou un temple. Mais les hommes qui rendent le culte sont dotés d'un corps, et c'est pour eux qu'il fallut installer un tabernacle ou un temple spécial pour le culte divin. Tout d'abord afin que les gens qui se rassembleraient dans un tel lieu y apportent une dévotion plus grande à la pensée qu'il était affecté au culte de Dieu ; et ensuite parce que l'aménagement même de ce temple ou de ce tabernacle pourrait évoquer par certains traits l'excellence de la divinité ou de l'humanité du Christ.

C'est ce que veut dire Salomon (1 Rois 8.27) « Si le ciel et la terre ne peuvent te contenir, que dire de cette demeure que je t'ai édifiée ? » Et il ajoute : « jette les yeux sur cette maison dont tu as dit : “Là sera mon nom”, et exauce la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël. » Cela montre que le sanctuaire n'a pas été instauré comme la demeure où Dieu serait contenu, comme s'il l'habitait corporellement, mais pour que « le nom de Dieu y réside », c'est-à-dire pour qu'à la lumière de ce qu'on y dirait ou ferait, Dieu y soit connu,, et aussi pour que, le caractère sacré du lieu excitant la dévotion, les prières qui y seraient faites soient plus dignes d'être exaucées.

2. Le statut de la loi ancienne ne fut pas modifié avant le Christ en ce qui touche l'accomplissement de la loi, car le Christ seul l'a accomplie ; mais il connut des changements en ce qui concerne la situation du peuple soumis à la loi. Le peuple vécut d'abord dans le désert, sans demeure fixe ; il soutint ensuite une série de guerres avec les nations voisines ; c'est à la fin, aux temps de David et de Salomon, que ce peuple a joui d'une paix véritable. Et c'est alors pour la première fois que le temple fut bâti, à l'endroit que, sur l'indication divine, Abraham avait marqué pour le sacrifice. On lit en effet dans la Genèse (Genèse 22.2) que le Seigneur ordonna à Abraham d'offrir son fils en holocauste « sur celle des montagnes que je t'indiquerai » ; après quoi Abraham « appela ce lieu : “Le Seigneur voit” », comme si Dieu avait d'avance jeté les yeux sur cet endroit pour l'affecter au culte divin. Aussi le Deutéronome (Deutéronome 12.5) dit-il : « Vous viendrez au lieu que le Seigneur votre Dieu aura choisi et vous y offrirez vos holocaustes et vos victimes. »

Si ce lieu n'avait pas pu être marqué par la construction d'un temple avant l'époque royale, Maïmonide en donne trois raisons : ce lieu ne devait pas tomber au pouvoir des païens, il ne devait pas non plus être ravagé par les païens, et enfin il ne fallait pas qu'une des tribus voulût posséder ce lieu sur son territoire, ce qui eût provoqué contestations et disputes. Le temple ne fut donc construit que lorsque le peuple eut un roi capable d'apaiser ces contestations. Auparavant le culte divin utilisait le tabernacle, une tente que l'on transportait d'un endroit à l'autre, si bien qu'apparemment il n'existait encore aucun lieu déterminé pour le culte divin. Et voilà ce qui explique au sens littéral la différence du tabernacle et du temple.

Mais on peut discerner de cette dualité une raison figurative dans le symbolisme des deux statuts. Le tabernacle mobile signifie la condition changeante de la vie humaine, tandis que le temple, fixé et stable, signifie la condition de la vie future qui exclut tout changement. À quoi se rattache le fait que, dans la construction du temple, « on n'entendit aucun bruit de marteau ou de hache », ce qui signifie qu'aucun trouble ou tumulte n'affectera la vie future. — D'une autre façon, le tabernacle représente le régime de la loi ancienne, et le temple de Salomon celui de la loi nouvelle, car les Juifs ont travaillé seuls à la construction du tabernacle, tandis que les païens, venus de Tyr et de Sidon, prirent part à l'édification du temple.

3. L'unité du sanctuaire se justifie par une raison littérale, et par une raison figurative. La raison littérale était d'exclure l'idolâtrie. Or les païens élevaient pour chacun de leurs dieux des temples différents ; donc, pour affermir dans les âmes la foi en l'unité divine, Dieu voulut que les sacrifices lui fussent offerts en un lieu unique. De plus, cette règle donnait à entendre que le culte corporel n'avait pas de valeur par lui-même, et elle détournait le peuple de sacrifier n'importe quand et n'importe où. Au contraire, le culte de la loi nouvelle, où le sacrifice contient la grâce spirituelle, a valeur par lui-même aux yeux de Dieu, et la multiplication des autels et des temples est agréée dans la loi nouvelle. Quant au culte spirituel consistant dans l'enseignement de la loi et des prophètes, dès la loi ancienne divers lieux lui étaient affectés, où l'on se réunissait pour louer Dieu : on les appelait synagogues, comme aujourd'hui on appelle églises les lieux où le peuple chrétien se rassemble pour louer Dieu. On voit par là que nos églises ont succédé et au Temple et aux synagogues, parce que le sacrifice de l'Église est spirituel et qu'il n'y a plus sujet pour nous de distinguer le lieu du sacrifice et le lieu de l'instruction. — La raison figurative de l'unité du sanctuaire pouvait être de signifier l'unité de l'Église militante ou triomphante.

4. Alors que l'unité du temple ou du tabernacle représentait l'unité de Dieu ou celle de l'Église, les divisions du temple ou du tabernacle représentaient les différentes catégories d'être soumis à Dieu et que nous utilisons comme degrés pour nous élever à la révérence due à Dieu. Le tabernacle était distribué en deux parties : l'une, vers le couchant, s'appelait le Saint des saints ; l'autre, vers l'orient, le Saint, précédé lui-même d'un vestibule. Or cette distribution comporte une double explication.

Dans la première, on considère le tabernacle selon qu'il est ordonné au culte divin. En ce sens, ses différentes parties représentaient les différentes parties de l'univers : le Saint des saints figurait la région supérieure des substances spirituelles, et le Saint représentait le monde corporel. Le Saint était donc séparé du Saint des saints par un voile de quatre couleurs désignant les quatre éléments : le lin blanc, né de la terre, représente celle-ci ; le pourpre désigne l'eau, car elle est extraite de coquillages qu'on trouve dans la mer ; l'hyacinthe symbolise l'air par sa couleur azurée ; le cramoisi teint deux fois évoque le feu. Et tout cela parce que la matière des quatre éléments est comme un voile qui nous cache les substances spirituelles. — Le grand prêtre était donc seul à entrer, une fois l'an, dans l'intérieur du tabernacle, c'est-à-dire dans le Saint des saints, pour marquer que l'accès à ces régions supérieures constitue la perfection finale de l'homme. Mais dans le tabernacle extérieur, c'est-à-dire dans le Saint, les prêtres entraient tous les jours, tandis que le peuple n'avait accès qu'au vestibule : car le vulgaire peut bien percevoir les réalités corporelles, mais seuls les sages parviennent à la contemplation de leurs raisons profondes.

Passant à l'interprétation figurative, par le tabernacle extérieur, ou Saint, on symbolise le statut de la loi ancienne, comme il ressort de l'épître aux Hébreux (Hébreux 9.6 s), puisque « les prêtres y entraient constamment pour exercer leur fonction de sacrificateurs ». Au contraire, le tabernacle intérieur, ou Saint des saints, signifie la gloire du ciel, ou encore la condition spirituelle de la nouvelle loi, qui est comme le prélude de la gloire future, et le Christ nous en a ouvert l'entrée, ce que figurait l'entrée du grand prêtre, seul, une fois l'an, dans le Saint des saints. — Pour le voile, il figurait le mystère des sacrifices spirituels cachés sous les sacrifices antiques. Quant à son quadruple coloris, le lin blanc désignait la pureté de la chair, la pourpre le martyre enduré pour Dieu par les saints, le cramoisi teint deux fois la double charité envers Dieu et envers le prochain, l'hyacinthe la méditation des réalités célestes. — Mais dans la loi ancienne, autre était la condition du peuple, autre celle des prêtres. Le peuple apercevait les sacrifices corporels offerts dans le vestibule, mais les prêtres apercevaient le sens des sacrifices car ils possédaient une foi plus explicite dans les mystères du Christ. C'est pourquoi ils entraient dans le tabernacle extérieur. Un rideau séparait celui-ci du vestibule, car certains aspects du mystère chrétien, cachés aux yeux du peuple, étaient connus des prêtres sans toutefois leur être aussi pleinement révélés qu'ils le furent plus tard sous la nouvelle alliance, comme il ressort de l'épître aux Éphésiens (Éphésiens 3.5).

5. La règle de se tourner vers l'occident pour adorer fut introduite dans la loi pour combattre l'idolâtrie, vu que tous les païens adoraient le soleil en se tournant vers l'orient. Ézéchiel (Ézéchiel 8.16) dénonce certains individus « qui avaient tourné le dos au temple du Seigneur et, la face vers l'orient, adoraient le soleil à son lever ». Pour éviter cette pratique, le Saint des saints occupait la partie occidentale du tabernacle, et l'on adorait dans cette direction.

On peut aussi admettre une raison figurative tout le régime ancien du tabernacle tendait à figurer la mort du Christ, symbolisée par le coucher du soleil à quoi fait allusion le Psaume (Psaumes 68.5) : « Celui qui s'élève au-dessus du couchant, celui-là s'appelle le Seigneur. »

6. Si nous considérons les objets qui se trouvaient dans le tabernacle, nous pouvons en donner une double raison : littérale et figurative.

1° La raison littérale se rapporte au culte de Dieu.

a) Nous venons de voir que le tabernacle intérieur, ou Saint des saints, représentait le monde supérieur des substances spirituelles ; il contenait donc trois objets : l'arche d'alliance, dans laquelle se trouvait une urne d'or renfermant de la manne, le bâton d'Aaron qui avait fleuri et les tables où étaient écrits les dix commandements de la loi. L'arche était placée entre deux chérubins qui se faisaient face, et sur l'arche se trouvait une sorte de table appelée « propitiatoire », posée sur les ailes des chérubins et comme portée par eux, si bien qu'on se la représentait comme le trône de Dieu, du haut duquel, à la prière du grand prêtre, il se rendait « propice » au peuple, ce qui explique son nom. Il semblait donc que Dieu fût porté par les chérubins comme par des serviteurs, et l'arche d'alliance se présentait comme l'escabeau de celui qui était assis sur le propitiatoire. — Or, ces trois objets désignent trois sortes de réalités qui appartiennent au monde supérieur. Dieu d'abord, qui est au-dessus de tout et qui dépasse la compréhension de toute créature. Et c'est pourquoi il n'y avait de Dieu aucune représentation, afin de signifier qu'il est invisible ; mais on représentait son siège, car la créature, qui, elle, peut être saisie, est soumise à Dieu comme le siège l'est à celui qui y est assis. Il y a en second lieu dans ce monde supérieur les substances spirituelles, qu'on appelle les anges, représentés par les deux chérubins ; ils se font vis-à-vis, pour marquer l'harmonie qui règne entre eux, comme on le lit au livre de Job (Job 25:2) : « Dieu fait régner l'harmonie dans les hautes demeures. » Et l'on ne pouvait se contenter d'un seul chérubin pour cette autre raison que la multitude des esprits célestes devait être évoquée, détournant ainsi de leur vouer un culte ceux qui avaient appris à vénérer le Dieu unique. Enfin, dans ce monde intelligible, sont de quelque façon enfermées, comme la raison de l'effet dans sa cause et la raison de l'œuvre dans la pensée de l'artiste, les raisons de tous les êtres qui se réalisent dans ce monde. Et telle était la signification de l'arche, car les trois objets qu'elle renfermait représentent les trois grandeurs suprêmes de l'ordre humain : la sagesse évoquée par les tables de l'alliance, le pouvoir signifié par le bâton d'Aaron, la vie figurée par la manne qui en fut le soutien. — Ou bien ces trois objets signifiaient trois attributs divins, si l'on voit dans les tables la sagesse, dans le bâton la puissance, et dans la manne la bonté (à cause de son goût agréable, et parce que Dieu l'avait donnée à son peuple par miséricorde, si bien qu'on en conservait pour rappeler la miséricorde divine). — Cette triple figure se retrouve dans la vision d'Isaïe qui, en effet, « vit le Seigneur assis sur un trône haut et élevé », et « des Séraphins qui l'entouraient », et « la maison toute remplie de la gloire de Dieu », ce qui faisait dire aux Séraphins : « Toute la terre est remplie de sa gloire. » — On le voit, les Séraphins n'étaient pas là pour être adorés, car le premier précepte l'interdisait, mais, comme on vient de le dire, pour signifier leur qualité de serviteurs.

b) Le tabernacle extérieur, qui représentait le monde où nous sommes, contenait aussi trois objets : l'autel des parfums, juste en face de l'arche ; la table où étaient posés les douze pains de proposition, vers le nord ; le chandelier, vers le sud. Ils correspondaient aux trois objets renfermés dans l'arche, mais leur symbolisme était plus apparent. En effet, pour que la sagesse humaine, personnifiée par les prêtres accédant au tabernacle, parvienne à saisir les raisons des choses, ces raisons doivent en venir à se révéler plus clairement qu'elles ne font dans la pensée de Dieu ou des anges. Et donc le chandelier désignait, à la manière d'un signe sensible, la sagesse exprimée en termes intelligibles dans les tables de la loi. L'autel des parfums signifiait le ministère des prêtres à qui il appartient de mener le peuple à Dieu, ce qui était aussi la signification du bâton d'Aaron : sur cet autel en effet on brûlait un encens de bonne odeur qui représentait la sainteté d'un peuple agréable à Dieu, selon l'Apocalypse (Apocalypse 8.4) qui compare la fumée des parfums aux bonnes œuvres de saints. Et ce n'est pas sans raison que la dignité sacerdotale était signifiée dans l'arche par le bâton et dans le tabernacle extérieur par l'autel des parfums, car le prêtre, médiateur entre Dieu et le peuple, gouverne d'une part celui-ci au nom de l'autorité divine, ce qui est marqué par le bâton, et d'autre part fait monter vers Dieu, comme sur l'autel des parfums, l'offrande des fruits de son ministère, c'est-à-dire la sainteté du peuple. — La table des pains, comme la manne, représente l'aliment de la vie, mais le pain est une nourriture plus ordinaire et plus grossière, la manne est plus savoureuse et plus délicate. — Il convenait que le chandelier fût placé au sud et la table au nord, s'il est vrai que le midi est la partie droite et le nord la partie gauche de l'univers, comme le pense Aristote ; car la sagesse ainsi que les autres biens spirituels méritent d'être à droite et la nourriture temporelle à gauche, suivant le mot des Proverbes (Proverbes 3.16) : « À sa gauche sont la richesse et la gloire. » Quant au pouvoir sacerdotal, il occupe le milieu entre les biens temporels et la sagesse spirituelle, parce qu'il dispense celle-ci comme ceux-là.

On peut d'ailleurs donner de tous ces objets une explication plus littérale encore. L'arche renfermait les tables de la loi, pour éviter que la loi ne tombât dans l'oubli, selon l'Exode (Exode 24.12) : « Dieu dit à Moïse : je te donnerai deux tables de pierre avec la loi et les dix commandements que j'ai écrits, et tu en instruiras les fils d'Israël. » — Le bâton d'Aaron y était placé pour réprimer au sein du peuple tout dissentiment relatif au sacerdoce d'Aaron, comme nous lisons dans les Nombres (Nombres 17.10) : « Replace, dit encore Dieu à Moïse, le bâton d'Aaron dans le tabernacle du témoignage, pour qu'il soit gardé en signe de la rébellion des fils d'Israël. » — La manne, à son tour, était conservée dans l'arche pour rappeler le bienfait accordé par le Seigneur à son peuple dans le désert, comme il est raconté dans l'Exode (Exode 16.32) : « Emplis de manne un gromor, et qu'on le garde à l'avenir pour que les générations futures sachent de quel pain je vous ai nourris dans le désert. » — Le chandelier était destiné à l'ornementation du tabernacle, un brillant éclairage contribuant à la splendeur d'une maison. Au dire de Josèphe ses sept branches évoquaient les sept planètes qui éclairent l'univers. C'est pourquoi le chandelier était placé au sud, vu que pour nous la course des planètes commence de ce côté. — L'autel des parfums était destiné à entretenir constamment dans le tabernacle un nuage d'agréable odeur, tant à cause de la vénération due au lieu que pour combattre une puanteur rendue inévitable par le sang versé et les bêtes immolées. Ce qui sent mauvais, on le repousse en effet comme de l'ordure, tandis qu'on attache un prix spécial à ce qui sent bon. — La table était là pour signifier que les prêtres affectés au service du temple devaient trouver dans le temple leur subsistance, c'est pourquoi les douze pains qu'elle portait, en mémoire des douze tribus, ne devaient être consommés que par les prêtres, comme dit S. Matthieu (Matthieu 12.4). La table n'était pas placée en plein milieu devant le propitiatoire, car il fallait exclure un rite idolâtrique : dans leurs fêtes en l'honneur de la lune, les païens avançaient une table en face de leur idole ce qui faisait dire à Jérémie (Jérémie 7.18) : « Les femmes pétrissent la pâte pour faire des galettes à la reine du ciel. »

c) Dans le vestibule enfin, en dehors du tabernacle, se trouvait l'autel des holocaustes où l'on offrait à Dieu en sacrifice certains biens appartenant au peuple. Le peuple qui les offrait à Dieu par le ministère des prêtres avait donc accès au vestibule, tandis que seuls les prêtres, à qui il appartenait d'offrir le peuple à Dieu pouvaient s'approcher de l'autel intérieur où l'on offrait à Dieu précisément la dévotion et la sainteté du peuple. Mais cet autel était placé dans le vestibule, en dehors du tabernacle, pour écarter le culte idolâtrique, car les païens, pour sacrifier aux idoles, dressaient leurs autels à l'intérieur des temples.

2° Le sens figuratif de toutes ces prescriptions peut se dégager du rapport que le tabernacle soutient avec le Christ qu'il figurait. Mais observons que plusieurs sortes de figures ont été voulues dans le temple pour symboliser le Christ, afin de marquer ainsi l'insuffisance des figures légales. Le Christ est en effet désigné par le propitiatoire, parce qu'il est, selon l'expression de S. Jean dans sa première épître (1 Jean 2.2), « propitiation pour nos péchés ». — Ce propitiatoire est à juste titre porté par les chérubins, parce qu'il est écrit dans l'épître aux Hébreux (Hébreux 1.6) : « Que tous les anges l'adorent. » — Il est aussi désigné par l'arche, confectionnée de bois précieux, comme le corps du Christ était constitué de membres très purs ; et toute couverte d'or, comme le Christ était rempli de sagesse et de charité, ce que symbolise l'or. On trouvait dans l'arche une urne d'or, c'est-à-dire une âme sainte, contenant la manne, c'est-à-dire « toute la plénitude de la divinité » (Colossiens 2.9). On y trouvait aussi le bâton d'Aaron, emblème du pouvoir sacerdotal, parce que le Christ a été fait « prêtre pour l'éternité » (Hébreux 6.20) ; les tables de l'alliance, indiquant que le Christ est lui-même législateur. — Le Christ encore, lui qui a dit : « je suis la lumière du monde », est représenté par le chandelier, dont les sept lampes représentent les sept dons du Saint-Esprit. La table à son tour figure le Christ, nourriture spirituelle, lui qui a dit : « je suis le pain de vie », tandis que les douze pains de proposition désignent les douze Apôtres ou les articles qu'ils ont enseignés. On pourrait aussi voir dans le chandelier et dans la table la doctrine et la foi de l'Église, qui dispense aussi lumière et réfection spirituelle. — Et c'est encore le Christ qui est représenté par les deux autels des holocaustes et des parfums, car c'est par lui que nous devons offrir à Dieu toutes nos œuvres vertueuses, soit celles qui mortifient notre chair en une offrande qui évoque l'autel des holocaustes, soit celles que, à un degré supérieur de perfection et par leurs désirs spirituels, les âmes avancées offrent à Dieu dans le Christ comme sur l'autel des parfums, selon l'exhortation de l'épître aux Hébreux (Hébreux 13.15) : « Offrons donc à Dieu par lui un sacrifice perpétuel de louange. »

7. Le Seigneur ordonna de construire un autel pour l'offrande des sacrifices et des dons, en vue de l'honneur de Dieu et pour la subsistance des ministres affectés au service du tabernacle. Or la construction de l'autel fut de la part du Seigneur l'objet de deux ordonnances. L'une est présentée par l'Exode au début de la loi (Exode 20.24 s) : Dieu y ordonne de faire un autel de terre, ou au moins de pierres brutes, et de ne pas le faire si élevé qu'on doive y monter par des degrés. Il s'agissait par là de repousser une pratique du culte idolâtrique, les païens construisant des autels ornés et fort élevés, où ils croyaient que résidait quelque chose de la sainteté et de la majesté divine. Pour un motif du même ordre, Dieu ordonna aussi selon le Deutéronome (Deutéronome 16.21) : « Tu ne planteras pas de bois sacré ni aucun arbre près de l'autel du Seigneur ton Dieu », car les idolâtres sacrifiaient volontiers sous des arbres, pour l'agrément du site ombragé. — Mais ces prescriptions comportaient aussi une raison figurative : le Christ est notre autel et selon son humanité il nous faut confesser que sa nature charnelle est véritable, ce qui est faire un autel de terre ; et selon sa divinité nous devons confesser qu'il est l'égal du Père, ce qui est ne pas monter à l'autel par des degrés. Et, de plus, auprès du Christ nous ne devons pas accueillir l'enseignement des païens qui porte au libertinage.

Mais une fois établi ce tabernacle pour l'honneur de Dieu, ces risques d'idolâtrie n'étaient plus à redouter. Aussi le Seigneur commanda-t-il de fabriquer en airain l'autel des holocaustes, exposé à la vue du peuple, et en or l'autel des parfums, visible aux seuls prêtres. L'airain n'est pas tellement précieux que le peuple pût de ce fait être tenté d'idolâtrie.

Cependant, à l'appui de ce précepte : « Tu ne monteras pas à mon autel par des degrés », l'Exode (Exode 20.26) ajoute ce motif : « afin que ta nudité ne soit pas découverte ». On doit observer que cette prescription tendait, elle aussi, à combattre l'idolâtrie, car dans les cultes priapiques les païens découvraient leurs parties honteuses aux yeux du peuple. Ultérieurement il fut enjoint aux prêtres de revêtir des caleçons qui les couvraient, et il n'y eut plus d'inconvénient à établir cet autel élevé où les prêtres, au moment d'offrir le sacrifice, montaient par des gradins de bois, non pas fixes, mais mobiles.

8. Le gros œuvre du tabernacle était constitué de panneaux posés de chant et recouverts intérieurement de certaines tentures où se mariaient quatre couleurs : de lin retors, de violet, de pourpre et de cramoisi teint deux fois. Ces tentures ne revêtaient que les parois, et le plafond était tendu d'un premier revêtement en peaux de dauphin violettes, puis d'un second revêtement en peaux de bélier teintes en rouge, et enfin d'un troisième en couvertures de poil de chèvre qui non seulement couvraient le dessus du tabernacle, mais retombaient jusqu'à terre en dissimulant extérieurement les panneaux du tabernacle. De tous ces revêtements, la raison littérale commune était de décorer et de protéger le tabernacle afin d'en inspirer le respect. Dans le détail, si l'on en croit certains auteurs, les tentures représentaient le ciel astral tout diapré d'étoiles diverses ; les peaux de chèvre, les eaux qui sont au-dessus du firmament ; les peaux teintes en rouge, le ciel empyrée où résident les anges ; les peaux de teinte violette, le ciel de la sainte Trinité.

La raison figurative consiste à voir dans les panneaux qui formaient le tabernacle le symbole des fidèles du Christ qui constituent l'édifice de l'Église. Ces panneaux étaient antérieurement recouverts de tentures en quatre couleurs, à cause des quatre vertus qui décorent antérieurement les fidèles ; car, au dire de la Glose, « le lin retors signifie la chair brillant de chasteté ; le violet, l'âme avide des biens célestes ; la pourpre, la chair soumise aux tortures ; le cramoisi teint deux fois, l'âme qui à travers les tourments rayonne d'amour pour Dieu et pour le prochain ». Les revêtements du toit désignent les prélats et les docteurs en qui doivent briller des mœurs célestes, figurées par les peaux violettes ; l'empressement au martyre, que figurent les peaux teintes en rouge ; l'austérité de vie et le support des adversités, qui sont signifiés par les couvertures en poil de chèvre, exposées, comme l'explique la Glose, aux vents et à la pluie.

9. La consécration du tabernacle et de ses accessoires avait littéralement pour motif de leur attirer plus de respect, cette consécration les affectant au culte divin. — Au sens figuratif, elle signifiait la consécration spirituelle du tabernacle vivant, c’est-à-dire des fidèles qui constituent l'Église du Christ.

10. Il ressort du livre des Nombres (Nombres 28 et 29) que la loi ancienne connaissait sept solennités revenant à date fixe, et une solennité ininterrompue. Il y avait en effet une fête continuelle, car tous les jours, soir et matin, on immolait un agneau et, par cette célébration ininterrompue du sacrifice perpétuel, était symbolisée la perpétuité de la béatitude divine.

Parmi les fêtes périodiques, il y avait d'abord celle qui se renouvelait chaque semaine ; C'était la solennité du sabbat, célébrée comme nous l'avons dit pour rappeler le souvenir de la création. — Une autre revenait chaque mois, c'était la néoménie, dont la célébration rappelait l'action du gouvernement divin, car en ce bas monde la plupart des changements sont liés à des mouvements lunaires. Et si l'on célébrait cette fête à la nouvelle lune et non pas à la pleine lune, c'était pour s'opposer au culte idolâtrique dont les sectateurs sacrifiaient à la lune en son plein. — Les deux bienfaits en question intéressant tout le genre humain, ces fêtes devaient revenir fréquemment.

Les cinq autres se célébraient une fois l'an et rappelaient le souvenir de bienfaits octroyés spécialement à ce peuple. La fête de Pâque, célébrée au premier mois, rappelait la délivrance de l'esclavage d'Égypte ; la Pentecôte, cinquante jours plus tard, le don de la loi. Les trois dernières se célébraient toutes au cours du septième mois, qui comme le septième jour se passait chez les juifs presque entièrement en fêtes. Donc, le premier jour de ce mois avait lieu la fête des Trompettes, en souvenir de la délivrance d'Isaac au moment où Abraham aperçut un bélier pris par les cornes ; celles-ci étaient évoquées par les cornes utilisées comme trompettes. — Mais cette fête des Trompettes n'était guère qu'une invitation à se préparer pour la suivante, la fête de l'Expiation, qui avait lieu le dixième jour du mois. Le bienfait qu'elle rappelait était qu'après l'adoration du veau d'or, Dieu, sur la prière de Moïse, avait fait grâce au peuple pour son péché. — Celui que rappelait la fête suivante, dite des Tentes, ou Scénopégie, et qui durait sept jours, était que Dieu avait protégé et guidé son peuple dans le désert, où l'on avait vécu sous la tente. Il fallait durant cette fête se munir du fruit d'un des plus beaux arbres, le citronnier, et d'une plante à l'épaisse frondaison, le myrte, tous deux dégageant un fort parfum ; ainsi que de branches de palmiers et de saules du torrent, l'un et l'autre toujours verts et qui d'ailleurs pousseraient dans la terre promise. On signifiait par là qu'à travers un pays désert Dieu avait conduit son peuple vers une terre de délices. — Une autre fête, celle de l'Assemblée et de la Collecte, se célébrait le huitième jour, pendant laquelle on demandait au peuple de réunir toutes les ressources nécessaires aux dépenses du culte divin, ce qui représentait le bienfait de l'unité et de la paix assuré au peuple dans la terre promise.

Ces fêtes ont aussi une explication figurative. Le sacrifice quotidien symbolise la perpétuité du Christ, Agneau de Dieu, selon l'épître aux Hébreux (Hébreux 13.8) : « Jésus Christ est le même hier, aujourd'hui et dans tous les siècles ». — Le sabbat désigne le repos spirituel qui nous est procuré par le Christ, comme le dit ailleurs (Hébreux 4.1-11) la même épître. — La Néoménie, qui marque le début d'une phase nouvelle de la lune représente les débuts de l'Église illuminée par le Christ lorsqu'il prêchait et faisait des miracles. — La fête de la Pentecôte désigne la descente du Saint-Esprit sur les Apôtres. — La fête des Trompettes signifie la prédication apostolique. — La fête de l'Expiation, le peuple chrétien purifié de ses péchés par le Christ. La fête des Tentes montre ce peuple pérégrinant en ce monde, où il avance par le progrès dans les vertus. La fête de l'Assemblée et de la Collecte évoque le rassemblement des fidèles dans le Royaume des cieux, et c'est pourquoi cette fête était qualifiée de très sainte. D'autre part, ces trois dernières fêtes se suivaient sans interruption parce que, dès que les vices sont expiés, il faut croître dans la vertu jusqu'à ce qu'on parvienne à la vision de Dieu, comme il ressort du Psaume (Psaumes 84.8).


5. Quelle est la raison d'être des sacrements de la loi ancienne ?

Objections

1. Il semble qu'on ne puisse leur donner une raison d'être satisfaisante. En effet, les rites du culte divin ne doivent pas ressembler aux pratiques des idolâtres, car nous lisons (Deutéronome 12.31) : « Tu n'agiras pas ainsi avec le Seigneur ton Dieu : ce que les nations faisaient en l'honneur de leurs dieux, c'étaient toutes les abominations que le Seigneur a en horreur. » Mais les sectateurs des idoles, au cours de leurs cérémonies, se faisaient des incisions jusqu'à l'effusion du sang, comme on peut le lire au premier livre des Rois (1 Rois 18.28) : « Ils s'entaillaient selon leur coutume, avec des épées et avec des lances, jusqu'à être couverts de sang. » C'est pour cela que le Seigneur a prescrit (Deutéronome 14.1) : « Ne vous faites pas d'incisions et ne vous tondez pas pour un décès. » La loi prescrivant la circoncision n'était donc pas admissible.

2. Le déroulement du culte divin doit être empreint de noblesse et de gravité, selon le Psaume (Psaumes 35.18) : « je te rendrai grâce dans la grande assemblée. » C'est au contraire une manifestation de légèreté que de manger à la hâte, et l'on ne peut approuver le précepte (Exode 12.11) qui enjoint de manger ainsi l'agneau pascal, sans compter beaucoup d'autres prescriptions alimentaires qui paraissent totalement dénuées de raison.

3. Les sacrements de la loi ancienne sont la figure des sacrements de la loi nouvelle. Donc, si l'agneau pascal représente le sacrement de l'eucharistie, comme il ressort de la première aux Corinthiens (1 Corinthiens 5.7) : « Le Christ, notre Pâque, a été immolé », on s'attendrait à trouver aussi dans la loi des sacrements préfigurant les autres sacrements de la loi nouvelle, comme la confirmation, l'extrême onction, le mariage, etc.

4. On ne conçoit raisonnablement de purification que s'il y a mouillure. Mais aux yeux de Dieu rien de corporel n'est à considérer comme impur, puisque tout corps est une créature de Dieu et que, selon S. Paul (1 Timothée 4.4), « toute créature est bonne et il ne faut rien rejeter de ce qui est reçu avec action de grâce ». Il n'y avait donc aucune raison de se purifier pour avoir touché un cadavre ou toute autre impureté d'ordre physique.

5. « L'impur, que peut-il purifier ? » lisons-nous dans l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 34.4). Or la cendre d'une vache rousse consumée par le feu était impure, puisqu'elle communiquait l'impureté ; car le prêtre qui immolait la bête était souillé jusqu'au soir, de même celui qui la brûlait, et aussi celui qui en recueillait les cendres, comme dit le livre des Nombres (Nombres 19.7 s.). On ne comprend donc pas le précepte de répandre cette cendre sur ceux qui sont souillés, pour les purifier.

6. Non seulement rien d'impur ne peut purifier l'homme, mais le péché n'est pas une réalité corporelle que l'on puisse transporter d'un lieu à un autre. Il est dès lors étrange de voir, pour l'expiation des péchés du peuple, le prêtre imposer les péchés des fils d'Israël à un bouc qui devait les emporter dans le désert ; d'autant qu'on était souillé et qu'on devait laver dans l'eau son corps et ses vêtements, lorsque dans le rite des purifications on avait brûlé un autre bouc, en dehors du camp, en même temps qu'un veau.

7. Ce qui est déjà pur n'a plus besoin d'être purifié. Il est donc anormal, quand on a purifié la lèpre d'un homme ou d'une maison, de prescrire une autre purification (Lévitique 14).

8. Ce n'est pas une ablution corporelle ni le fait de raser des poils qui peut purifier d'une souillure spirituelle. On ne s'explique pas que le Seigneur ait ordonné de confectionner un bassin d'airain avec sa base, où les prêtres se laveraient les mains et les pieds au moment d'entrer dans le tabernacle, selon l'Exode (Exode 30) ; ou ce qui est demandé par le livre des Nombres (Nombres 8.7) : que les lévites dussent être aspergés d'eau lustrale et rasés par tout le corps.

9. Le supérieur ne reçoit pas sa sainteté de l'inférieur. La consécration des prêtres et des grands prêtres telle que la décrit le Lévitique (Lévitique 8) ou celle des lévites telle que la présentent les Nombres (Nombres 8.5), ne pouvait donc raisonnablement se faire par des onctions corporelles ni par des sacrifices ou offrandes matérielles.

10. « L'homme, lisons-nous au premier livre de Samuel (1 Samuel 16.7), considère ce qui paraît, mais Dieu pénètre le cœur. » Or l'état du corps, ou les vêtements, ce sont choses qui paraissent extérieurement. Il n'y avait donc pas lieu de réserver aux prêtres de tout grade certains vêtements déterminés, dont le détail se trouve dans l'Exode (Exode 28). Il n'y avait non plus aucune raison d'interdire à quelqu'un le sacerdoce à cause d'une infirmité corporelle, comme le veut le Lévitique (Lévitique 21.17) : « Aucun homme d'entre les familles de la race n'offrira les pains à son Dieu s'il a quelque tare, s'il est aveugle, boîteux, etc. » Bref, les sacrements de la loi ancienne semblent dénués de tout fondement raisonnable.

En sens contraire, il est écrit au Lévitique (Lévitique 20.8) : « C'est moi, le Seigneur, qui vous sanctifie. » Mais rien de ce que Dieu fait n'est fait sans raison, comme le dit le Psaume (Psaumes 104.24) : « Tu as fait toutes choses avec sagesse. » Donc, dans les sacrements de la loi ancienne, qui étaient destinés à la sanctification des hommes, rien ne manquait de motif raisonnable.

Réponse

On l'a dit précédemment, le nom de « sacrements » appartient proprement aux rites consécratoires dont la vertu députait en quelque façon au culte divin. Or le culte divin regardait bien, d'une manière générale, le peuple tout entier, mais il regardait à un titre spécial les prêtres et les lévites, en qualité de ministres du culte. Il y avait donc, parmi les sacrements de la loi ancienne dont nous nous occupons, ceux qui intéressaient tout le peuple, et ceux qui étaient réservés aux ministres. Les uns et les autres satisfaisaient à une triple exigence. Il fallait d'abord mettre le sujet en état de rendre un culte à Dieu. En général et pour tous, cela se faisait par la circoncision, sans laquelle nul n'était admis à aucun des rites de la loi ; et pour les prêtres, par la consécration sacerdotale. — En second lieu, il fallait exercer les actes caractéristiques du culte divin : c'était pour le peuple la manducation de l'agneau pascal, à quoi nul incirconcis n'était admis, comme le précise l'Exode (Exode 12.43), et pour les prêtres c'était l'oblation des victimes et la consommation des pains de propositions et des autres dons qui leur revenaient. — Enfin, il fallait écarter tout ce qui pouvait leur interdire l'accès au culte divin, c'est-à-dire les impuretés. À cela répondait pour l'ensemble du peuple l'institution de purifications touchant certaines souillures extérieures, et les rites d'expiation des péchés ; et pour les prêtres et lévites la règle de se laver les mains et les pieds et de se raser le poil.

Tout cela avait son explication raisonnable, soit littérale, en rapport avec le culte divin de l'époque, soit figurative, en rapport avec le Christ. On s'en convaincra en examinant le détail de ces dispositions.

Solutions

1. La circoncision eut pour principale cause littérale d'être une protestation de la foi en un seul Dieu. Et parce que Abraham fut le premier à se séparer des infidèles en quittant sa maison et sa parenté, il fut le premier à recevoir la circoncision. Telle est la raison marquée par l'Apôtre (Actes 4.9) : « Abraham reçut le signe de la circoncision, sceau de la justice de la foi qu'il reçut incirconcis. » Comment cela ? Il est écrit : « Sa foi lui fut comptée à justice » du fait que, « espérant contre l'espérance », c'est-à-dire par une espérance fondée sur la grâce contre une espérance fondée sur la nature, « il crut qu'il deviendrait le père de beaucoup de nations », alors qu'il était un vieillard et que sa femme était âgée et stérile. Pour que cette protestation de foi d'Abraham et le désir de l'imiter fussent ancrés au cœur des Juifs, ils reçurent dans leur chair un signe qu'ils ne pourraient oublier : « Mon alliance, dit Dieu, selon la Genèse (Genèse 17.13), sera dans votre chair une alliance éternelle. » La circoncision se pratiquait le huitième jour, parce que plus tôt l'enfant est encore fragile, qu'on aurait pu le blesser grièvement et qu'il n'était pas encore considéré comme pleinement constitué. L'offrande des animaux ne se faisait pas non plus avant le huitième jour. Mais on ne pratiquait pas plus tard le signe de la circoncision, parce que d'aucuns s'y seraient dérobés par crainte de la souffrance et que les parents auraient été tentés d'y soustraire leurs enfants, car ils ont pour eux plus d'affection à mesure qu'ils les voient grandir et qu'ils ont vécu davantage avec eux. — Une autre raison pouvait être d'affaiblir la concupiscence dans l'organe intéressé. — Une troisième de tourner en dérision les cultes de Venus et de Priape, qui vénéraient cette partie du corps. — Au reste, les entailles interdites par le Seigneur sont celles qui intervenaient dans les cultes idolâtriques et on ne peut leur assimiler la circoncision.

Selon le sens figuratif, la circoncision signifiait que le Christ devait supprimer toute corruption, ce qui sera complètement achevé au huitième âge du monde, celui de la résurrection. Et comme toute corruption de coulpe et de peine dérive en nous, par voie d'origine charnelle, du péché de notre premier père, la circoncision devait se faire au membre qui sert à la génération. C'est ainsi que l'entend S. Paul (Colossiens 2.11) : « Vous avez été circoncis dans le Christ, d'une circoncision où la main de l'homme n'est pour rien, et qui vous a dépouillés du corps charnel : telle est la circoncision de notre Seigneur jésus Christ. »

2. Le repas pascal avait pour raison littérale de, rappeler ce bienfait divin que fut la sortie d’Égypte, et ceux qui célébraient ce repas faisaient ainsi profession d'appartenir au peuple que Dieu s'était choisi en le tirant d'Égypte. Lors de cette délivrance, il fut prescrit aux Hébreux de frotter du sang d'un agneau le linteau des portes de leurs demeures, par quoi ils se désolidarisaient explicitement du rite des Égyptiens qui vénéraient le bélier. Et par suite, grâce au sang de l'agneau répandu ou frotté sur les linteaux, ils furent préservés de l'extermination qui allait frapper les Égyptiens.

L'exode d'Égypte offrait deux particularités : la hâte des partants, pressés par les Égyptiens de s'en aller au plus vite, comme le raconte le chapitre 12 de l'Exode, et le danger, pour celui qui ne se serait pas hâté de partir avec le gros du peuple, d'être tué par les Égyptiens. Cette hâte était désignée d'abord par la nature même des mets; il était prescrit de manger des pains sans levain, pour signifier que la pâte n'avait pu lever, les Égyptiens précipitant le départ; de manger la viande rôtie, manière la plus rapide de l'accommoder, et sans en briser un seul os, vu qu'on n'en avait pas le loisir. Le comportement des convives trahit aussi cette hâte : « les reins ceints, les sandales aux pieds, le bâton à la main, vous mangerez rapidement » ; ce qui révèle à l'évidence des voyageurs sur le départ. Une autre prescription va dans le même sens : « Vous mangerez dans la maison même, et vous ne porterez pas de morceaux au-dehors », parce que l'urgence ne laissait pas le loisir d'échanger des politesses entre voisins. — L'autre trait de la sortie d'Égypte rappelé par ce repas, les amertumes dont ils avaient été abreuvés dans ce pays, était signifié par les herbes amères.

La raison figurative de la Pâque se découvre aisément : l'immolation de l'agneau représentait l'immolation du Christ, selon la formule de S. Paul : « Le Christ notre Pâque a été immolé » (1 Corinthiens 5.7). Le sang de l'agneau, qui préservait de l'extermination ceux qui en avaient marqué le linteau de leur porte, signifie la foi en la passion du Christ dans le cœur et la bouche des croyants, foi qui nous délivre du péché et de la mort, comme le dit S. Pierre dans sa première lettre (1 Pierre 1.18) : « Vous avez été rachetés par le sang précieux de l'Agneau sans tache. » Ces viandes qu'on mangeait signifiaient la manducation du Corps du Christ dans le Sacrement. On les mangeait rôties au feu, pour symboliser la passion ou la charité du Christ ; avec du pain sans levain, pour représenter la pureté de vie des fidèles qui prennent le Corps du Christ, selon le mot de S. Paul (1 Corinthiens 5.8) : « Célébrons la Pâque avec les azymes de la pureté et de la vérité. » On y ajoutait les herbes amères, pour marquer qu'il est nécessaire à ceux qui prennent le Corps du Christ de se repentir de leurs péchés. Les reins doivent être ceints de la ceinture de chasteté. Les sandales aux pieds sont les exemples des Pères qui ont vécu autrefois. Les bâtons tenus à la main symbolisent la vigilance pastorale. Enfin, il est prescrit de manger l'agneau pascal dans la maison, c'est-à-dire dans l'Église catholique et non dans les conventicules des hérétiques.

3. Un certain nombre de sacrements de la loi nouvelle eurent dans la loi ancienne leur correspondant figuratif. La circoncision correspond au baptême, sacrement de la foi : « Vous avez reçu la circoncision de Notre Seigneur Jésus Christ, ensevelis avec lui par le baptême » (Colossiens 2.11). Le repas de l'agneau pascal a pour pendant le sacrement de l'eucharistie dans la loi nouvelle. À l'ensemble des purifications de la loi ancienne répond maintenant le sacrement de pénitence, et à la consécration des pontifes et des prêtres le sacrement de l'ordre.

Mais le sacrement de la confirmation, signe de la plénitude de la grâce, ne pouvait avoir aucun correspondant parmi les sacrements de la loi ancienne ; ce n'était pas encore le temps de la plénitude, puisque, dit l'épître aux Hébreux (Hébreux 7.19), « la loi n'a amené personne à la perfection ». Pas davantage le sacrement de l'extrême-onction, parce qu'il dispose immédiatement à entrer dans la gloire et que sous la loi ancienne le prix n'était pas encore payé qui devait en ouvrir l'accès. — Quant au mariage, il existait bien sous la loi ancienne en tant que fonction de nature, mais non comme sacrement de l'union du Christ et de l'Église, cette union n'étant pas encore réalisée. C'est si vrai que la loi ancienne admettait l'acte de répudiation, ce qui contredit le sens même du sacrement.

4. Au sujet des purifications de la loi ancienne, on a vu dans la réponse qu'elles étaient destinées à écarter les empêchements à l'exercice du culte divin. Mais il y a deux sortes de culte : le culte spirituel qui consiste dans le don de l'esprit à Dieu et le culte corporel qui réside dans les sacrifices, offrandes, etc. L'empêchement au culte spirituel, c'est le péché par quoi les hommes étaient réputés souillés, comme par l'idolâtrie, l'homicide, l'adultère et l'inceste. De ces souillures les hommes se purifiaient au moyen de certains sacrifices offerts officiellement au nom de toute la collectivité, ou encore pour les péchés de simples particuliers. Non que ces sacrifices charnels eussent par eux-mêmes la vertu d'expier le péché, mais ils signifiaient l'expiation des péchés qui serait réalisée par le Christ, et à laquelle participaient déjà les anciens quand ils protestaient de leur foi au Rédempteur sous la figure des sacrifices.

Quant au culte extérieur, l'empêchement venait d'un certain nombre d'impuretés corporelles, qui pouvaient affecter les hommes, mais aussi, secondairement, les maisons, les vêtements, les animaux et les ustensiles. Les hommes pouvaient être réputés impurs pour une raison personnelle, ou par suite d'un contact avec des choses impures. Du premier point de vue, on considérait comme impur tout ce qui était déjà touché par la corruption ou qui en était menacé ; il s'ensuit qu'un cadavre humain était considéré comme impur, car la mort est une corruption. De même, la lèpre étant provoquée par une corruption des humeurs qui s'échappent du corps et répandent une contagion, les lépreux étaient réputés impurs. Et de même les femmes, lorsqu'elles avaient un écoulement de sang, qu’il s’agisse d’une manifestation morbide ou d’un phénomène naturel comme lors de leurs règles ou de l'accouchement. Et pour la même raison étaient réputés impurs les hommes qui avaient un flux spermatique, que ce fût par maladie, ou dans une pollution nocturne ou dans l'acte générateur, car toute émission de liquide dans ces conditions entachait l'homme d'une sorte d'impureté. — En outre l'homme en contractait une s'il touchait quoi que ce fût d'impur.

Cette première catégorie d'impuretés avait une signification littérale aussi bien que figurative. Au sens littéral, elles accentuaient le respect dû au culte divin. En effet, on ne manie pas volontiers les objets précieux quand on est malpropre ; en outre, les choses saintes étaient d'autant plus vénérées qu'on s'en approchait moins souvent, car, parvenant rarement à éviter tant d'occasions de souillure, on se trouvait rarement à même d'entrer en contact avec des réalités du culte divin et ainsi, quand cela arrivait, on le faisait avec plus de respect et d'un cœur plus humble. — Dans certains cas il y avait une autre raison littérale : éviter que certains ne soient écartés du culte divin parce qu'ils fuiraient la compagnie des lépreux ou d'autres malades du même genre, dont l'affection est horrible et contagieuse. — La raison, parfois encore, était d'évincer le culte idolâtrique, parce que les païens, dans le rituel de leurs sacrifices, usaient occasionnellement de sang et de sperme humain. — Toutes ces impuretés corporelles, du reste, se purifiaient par une simple aspersion d'eau ou, pour les plus importantes, par un sacrifice destiné à expier le péché qui avait provoqué l'infirmité en question.

Au sens figuratif ces impuretés extérieures représentaient divers péchés. La mort spirituelle provoquée en général par toute espèce de péché est signifiée par l'impureté du cadavre ; celle de la lèpre représente la souillure de la doctrine hérétique, soit parce que l'hérésie est contagieuse comme la lèpre, soit parce qu'il n'est point de doctrine fausse où ne se mêle quelque élément de vérité, de même que sur la peau du lépreux il y a une juxtaposition de taches et de parties intègres. Les pertes sanglantes de la femme désignent la souillure de l'idolâtrie à cause du sang des sacrifices ; le flux spermatique de l'homme symbolise la souillure des paroles oiseuses, car il est écrit en S. Luc (Luc 8.11) que « la semence est la parole de Dieu ». L'impureté provoquée par l'acte conjugal et par l'accouchement signifie la souillure du péché d'origine. L'impureté périodique de la femme représente celle de l'esprit efféminé par les voluptés. Enfin d'une manière générale, la souillure qui résulte du contact d'une chose impure désigne l'impureté contractée par le consentement au péché d'autrui, selon S. Paul (2 Corinthiens 6.17) : « Fuyez leur compagnie, écartez-vous d'eux et ne touchez rien de souillé. »

Observons que cette souillure par contact se communiquait aussi aux êtres inanimés, car tout ce que touchait une personne impure devenait impur. En cela la loi était plus douce que les superstitions des païens, pour qui la souillure se propageait non seulement par contact avec l'être impur, mais même par une conversation ou par un simple regard. Maïmonide fait cette remarque à propos de l'impureté périodique de la femme. — En tout cas, par cette contagion d'impureté est évoquée mystiquement cette vérité que nous lisons dans la Sagesse (Sagesse 14.9) : « Dieu déteste également l'impie et son impiété. »

Mais il y avait aussi une sorte d'impureté qui affectait les objets inanimés eux-mêmes, telle que la lèpre des maisons et celle des vêtements. De même en effet que cette maladie atteint les hommes par suite d'une corruption des humeurs gâtant et détruisant les tissus, il se produit parfois une corruption, un excès d'humidité ou de sécheresse, qui ronge les pierres des maisons ou l'étoffe des vêtements. Cette corruption, que la loi appelait « lèpre », faisait considérer comme impurs la maison ou le vêtement, parce que d'une part, on l'a dit, toute corruption avait le caractère d'une impureté et que, d'autre part, contre ces sortes de corruption les païens invoquaient leurs divinités domestiques ; aussi, pour écarter cette tentation d'idolâtrie, la loi ordonnait-elle de détruire la maison et de brûler les vêtements où pareille corruption s'était installée. — Il y avait aussi une impureté spéciale aux récipients. Il est écrit au livre des Nombres (Nombres 19.15) : « Le vase qui n'aura pas de couvercle muni d'une attache sera impur. » Cette impureté s'explique du fait qu'en de tels récipients il pouvait aisément tomber quelque ordure capable de les souiller. C'était aussi pour écarter l'idolâtrie : si une souris, un lézard ou quelque autre bestiole qu'on immolait aux idoles tombait dans les vases ou dans l'eau, les idolâtres se figuraient que c'était agréable aux dieux. Aujourd'hui encore il y a certaines bonnes femmes qui laissent des récipients découverts à l'intention de génies nocturnes qu'on appelle des Jeannes.

La raison figurative de ces impuretés, c'est que la lèpre de la maison signifie l'impureté d'un amas d'hérétiques ; la lèpre du vêtement de lin, la perversion des mœurs, née de l'amertume spirituelle ; celle du vêtement de laine, la perversité des flatteurs ; la lèpre du fil de chaîne représente les vices de l'âme, et celle du fil de trame les péchés de la chair, car la chaîne est dans la trame comme l'âme dans le corps. Le vase sans couvercle ni fermeture, c'est l'homme incapable de se taire et que nul frein de discipline ne retient.

5. On vient de distinguer dans la loi deux impuretés de gravité inégale, la plus grave résultant d'une corruption qui atteint l'âme ou le corps; la seconde, moins grave et d'expiation plus facile, résultant du simple contact avec une chose impure. La première impureté s'expiait par un sacrifice pour le péché, parce que toute corruption procède d'un péché et en est la marque ; la seconde s'expiait simplement par aspersion d'une eau spéciale, l'eau d'expiation, mentionnée au chapitre 19 des Nombres.

À cet endroit, le Seigneur ordonne de prendre une vache rousse en souvenir du péché commis par les adorateurs du veau d'or ; une vache et non pas un taureau, parce que le Seigneur en usait ainsi pour désigner la Synagogue, témoin le passage d'Osée (Osée 4.16) où Israël est comparé à une vache rétive. Cette prescription tenait peut-être au fait qu'à l'imitation des Égyptiens on rendait un culte aux vaches, comme il ressort de cet autre passage d'Osée (Osée 10.5) qui parle des vaches de Bethaven. En renonciation solennelle au péché d'idolâtrie, l'animal était immolé en dehors du camp ; d'ailleurs, chaque fois qu'on sacrifiait pour expier un grand nombre de péchés, la victime était intégralement brûlée en dehors du camp. — Puis, pour signifier que par ce sacrifice le peuple était purifié de tous ses péchés, le prêtre trempait le doigt dans le sang de la vache et en aspergeait sept fois l'entrée du sanctuaire, car le nombre sept est symbole de plénitude. Le fait même de répandre le sang avait valeur de renonciation à l'idolâtrie, car les païens au contraire recueillaient le sang des victimes et en faisaient le centre de leurs repas en l'honneur des idoles. — La vache était brûlée dans le feu, soit parce que c'est dans le feu que Dieu apparut à Moïse et lui donna la loi, soit pour montrer que l'idolâtrie doit être extirpée complètement, avec tout ce qui s'y rattache : ainsi la vache était brûlée y compris la peau, la viande, le sang et les excréments, le tout livré aux flammes. — On brûlait en même temps du bois de cèdre, de l'hysope et du cramoisi teint deux fois, cela non sans raison : comme le bois de cèdre est peu sujet à pourrir, que le cramoisi teint deux fois ne perd pas sa teinte, que l'hysope demeure parfumée même après dessiccation, de même ce sacrifice allait à la conservation du peuple, de son honneur et de sa dévotion ; ce qui faisait dire sur ces cendres de vache : « Qu'elles soient en sauvegarde à la multitude des fils d'Israël » (Nombres 19.9). Ou bien, selon Josèphe, c'étaient les quatre éléments qui figuraient là : le feu d'abord, puis la terre que symbolise le cèdre à cause de son affinité avec elle, l'air représenté par l'hysope, puisque c'est un parfum, et enfin l'eau qui peut être signifiée par le cramoisi teinté deux fois aussi bien que par la pourpre, puisque ces teintures sont tirées de l'eau. Ainsi était-il donné à entendre qu'on offrait ce sacrifice au créateur des quatre éléments. Comme ce sacrifice était offert pour le péché d'idolâtrie, l'horreur inspirée par celle-ci s'affirmait en ce que celui qui brûlait la victime, celui qui recueillait les cendres et celui qui faisait l'aspersion avec le mélange d'eau et de cendres, étaient tous considérés comme impurs. On marquait ainsi que tout ce qui, de près ou de loin, touche à l'idolâtrie doit être rejeté comme souillure. Mais il suffisait de passer à l'eau les vêtements pour être lavé de cette impureté, et il n'était pas besoin d'une nouvelle aspersion. Sinon, le processus eût été sans fin, car le fait d'asperger rendait impur : en s'aspergeant soi-même on restait donc impur ; si un autre vous aspergeait, celui-là contractait une impureté, et aussi le troisième qui l'aurait aspergé, et cela indéfiniment.

Voici l'explication figurative de ce sacrifice. La vache rousse représente le Christ, car elle évoque par son sexe la faiblesse de la nature humaine assumée, et par sa couleur le sang de la Passion. Cette bête était d'âge parfait, parce que toutes les opérations du Christ sont parfaites. Elle était sans défaut et n'avait jamais porté le joug : le Christ en effet n'a jamais porté le joug du péché. Il est prescrit de la faire comparaître devant Moïse : c'est qu'on reprochait au Christ d'avoir enfreint la loi mosaïque par la violation du sabbat. Il est prescrit aussi de la livrer au prêtre Éléazar, parce que le Christ fut livré entre les mains des prêtres pour être mis à mort. Elle est immolée en dehors du camp, parce que, selon l'épître aux Hébreux (Hébreux 13.12), « le Christ a souffert hors des portes ». Le prêtre trempe son doigt dans le sang : où l'on voit que le mystère de la Passion du Christ doit être considéré et imité avec le discernement que le doigt signifie. Le sang est aspergé contre le tabernacle, symbole de la Synagogue, pour la condamnation des juifs qui ne croient pas, ou pour purifier ceux qui croient ; et cela à sept reprises, à cause des sept dons du Saint-Esprit, ou à cause de sept jours qui représentent la totalité du temps. Ce qui doit être brûlé au feu, entendez pénétré spirituellement, ce sont tous les aspects de l'incarnation du Christ; en effet la peau et la chair signifient son opération extérieure ; le sang, la vertu intime et subtile qui répand la vie au-dehors ; les excréments, sa lassitude, sa soif et tout ce qui relève de sa faiblesse humaine. On ajoute le cèdre qui marque la hauteur de l'espérance ou celle de la contemplation ; l'hysope, symbole de l'humilité ou de la foi ; le cramoisi teint deux fois qui désigne la double charité, car nous devons par tout cela nous rattacher au Christ immolé. La cendre de la combustion est recueillie par un homme pur parce que les reliques de la Passion sont parvenues aux mains des païens qui ne peuvent être inculpés de la mort du Christ. On mêle les cendres à l'eau d'expiation, car la passion du Christ confère au baptême la vertu de laver les péchés. Le prêtre qui immolait et brûlait la vache, celui qui la brûlait avec lui, celui qui recueillait les cendres, tous étaient impurs, et aussi celui qui aspergeait l'eau ; ce qui peut vouloir dire que la mort du Christ en expiant nos péchés a rendu les Juifs impurs, et cela jusqu'au soir, c'est-à-dire jusqu'à la fin du monde où les restes d'Israël reviendront au Christ ; ou bien, selon l'explication donnée par S. Grégoire, qu'en s'occupant de choses saintes en vue de purifier les autres on contracte soi-même quelques souillures et jusqu'au soir encore, c'est-à-dire tant que dure la vie présente.

6. C'est donc par les sacrifices pour le péché que s'expiait l'impureté provoquée par une corruption de l'âme ou du corps. On offrait des sacrifices spéciaux pour les péchés des particuliers, mais certains se montraient négligents à cet égard, ou même omettaient par ignorance cette expiation de leurs péchés et impuretés. Aussi était-il prescrit d'offrir tous les ans, le dixième jour du septième mois, un sacrifice d'expiation au nom de tout le peuple. Mais comme la loi, selon l'expression de l'épître aux Hébreux (Hébreux 7.28), « ne fit prêtres que des hommes remplis de faiblesse », le prêtre devait d'abord offrir pour lui-même un jeune taureau, en victime pour le péché, pour rappeler le péché commis par Aaron lorsqu'il fabriqua le veau d'or ; puis un bélier, en holocauste, signifiant que la prérogative sacerdotale, symbolisée par le bélier guide du troupeau, devait être au service de la gloire de Dieu. Après quoi il offrait deux boucs pour le peuple.

L'un de ces boucs était immolé pour expier le péché de la collectivité. On sait que le bouc est une bête fétide et que les vêtements tissés de son poil sont irritants pour la peau : cela signifiait la puanteur, l'impureté et l'aiguillon du péché. Le sang de cette victime, joint à celui du taureau, était porté dans le Saint des saints et on en aspergeait tout le sanctuaire, pour montrer que le tabernacle était lavé des impuretés d'Israël. Ce bouc et ce taureau immolés pour le péché devaient être brûlés et ainsi figurer la destruction des péchés. Mais on ne les brûlait pas sur l'autel, car seuls les holocaustes pouvaient y être brûlés intégralement. Il était prescrit de les brûler hors du camp en détestation du péché, et c'était la règle en effet toutes les fois qu'on immolait un sacrifice pour un péché grave ou pour un grand nombre de péchés.

Le second bouc était lâché dans le désert, non certes en offrande aux démons que les païens adoraient dans le désert, puisqu'il ne fallait rien sacrifier aux démons, mais afin de marquer l'effet produit par la victime immolée en sacrifice. Le prêtre posait donc la main sur la tête du bouc en proclamant les péchés des enfants d'Israël, tout comme si l'animal devait les emporter dans le désert, où les bêtes sauvages le mangeraient, lui infligeant en quelque sorte la peine due aux péchés d'Israël. Il était censé emporter les péchés du peuple, soit parce que son expulsion signifiait la rémission des péchés du peuple, soit parce qu'on lui attachait sur la tête une pancarte où les péchés étaient inscrits.

Quant à l'explication figurative, le Christ est représenté à la fois par le taureau, à cause de sa force, par le bélier parce qu'il est le chef des fidèles et par le bouc parce qu'il avait « une chair semblable à notre chair de péché ». C'est bien le Christ qui est immolé pour les péchés des prêtres et pour ceux du peuple, car grands et petits sont purifiés du péché par la Passion. Le sang du taureau et du bouc est porté dans le sanctuaire par le grand prêtre, parce que le sang de la passion du Christ nous ouvre l'entrée du royaume des cieux. Les corps des deux victimes sont brûlés en dehors du camp, car selon l'épître aux Hébreux (Hébreux 13.12) « le Christ a souffert hors des portes ». Le bouc émissaire peut représenter la divinité du Christ qui se retira dans la solitude lorsque souffrit l'humanité du Christ, non qu'elle eût changé de lieu, mais parce qu'elle dissimulait sa force ; ou si l'on veut, il représente la convoitise mauvaise que nous devons chasser loin de nous pour offrir en revanche au Seigneur le sacrifice d'une vie vertueuse.

Quant à l'impureté affectant ceux qui brûlaient ces victimes, elle s'explique comme dans le cas du sacrifice de la vache rousse.

7. Le rite légal ne purifiait pas le lépreux de sa lèpre mais faisait constater sa guérison. Le Lévitique (Lévitique 14.3 s) dit bien que « quand le prêtre constatait que la lèpre était guérie, il devait prescrire, etc. » La lèpre était donc déjà guérie, mais le lépreux était purifié lorsque, par décision du prêtre, il était rendu aux actes de la vie sociale et du culte divin. Néanmoins il arrivait parfois au rite légal de guérir miraculeusement la lèpre corporelle si le prêtre avait fait une erreur de diagnostic.

La purification du lépreux se déroulait en deux temps. D'abord il était reconnu pur puis, après un délai de sept jours, il était réintégré comme tel dans la vie sociale et dans l'exercice du culte divin. Au moment de la première purification, le lépreux offrait pour son compte deux oiseaux vivants, du bois de cèdre, un fil rouge et de l'hysope, de telle sorte qu'un des oiseaux fut, par le fil rouge, attaché au bois de cèdre, celui-ci jouant en quelque façon le rôle d'un manche d'aspersoir ; l'hysope et l'oiseau étaient la partie de l'aspersoir qu'on trempait dans le sang du second oiseau immolé sur l'eau vive. Il y a un rapport entre cette quadruple offrande et les quatre misères caractéristiques de la lèpre : à la pourriture remédiait le bois de cèdre qui est imputrescible ; à l'odeur fétide, l'hysope, herbe parfumée ; à la perte de la sensibilité s'opposait l'oiseau plein de vie ; à la couleur abjecte, le fil rouge de teinte vive. L'oiseau était lâché vivant dans la campagne, parce que le lépreux recouvrait sa liberté d'autrefois.

Le huitième jour, le lépreux guéri était admis au culte divin et rendu à la vie sociale. Mais il devait auparavant se raser les poils de tout le corps et laver ses vêtements, parce que la lèpre ronge le poil, souille et infecte les vêtements. Ensuite un sacrifice était offert pour son péché, car la lèpre survient d'ordinaire à cause d'un péché. On faisait à celui qui devait être purifié une onction avec le sang de la victime sur le lobe de l'oreille, sur le pouce droit et sur le gros orteil du pied droit, car ce sont les points où la lèpre se manifeste et se ressent d'abord. Trois liquides intervenaient dans ce rite : le sang, contre la corruption du sang, l'huile pour marquer la guérison, l'eau vive pour éliminer toute ordure.

Passons à l'explication figurative. Les deux oiseaux signifient la divinité et l'humanité du Christ. L'un d'eux, figurant l'humanité, est immolé dans un vase de terre sur les eaux vives, parce que la passion du Christ consacre les eaux du baptême. L'autre, représentant la divinité impassible, demeurait en vie, car la divinité ne peut mourir ; et il s'envolait, parce que la divinité ne pouvait être astreinte à souffrir. Ce second oiseau, en même temps que le bois de cèdre, le cramoisi ou fil rouge et l'hysope, c'est-à-dire avec la foi, l'espérance et la charité, selon nos remarques précédentes, est plongé dans l'eau pour l'aspersion, parce que nous sommes baptisés dans la foi au Christ Dieu et homme. On lave ses vêtements, qui sont les œuvres, et tous ses poils, qui sont les pensées, dans l'eau du baptême ou des larmes. Le lobe de l'oreille droite, chez celui qui est purifié, est oint de sang et d'huile pour fortifier le sens de l'ouïe contre les paroles corruptrices ; le pouce droit et le gros orteil droit, pour sanctifier ses actions.

Les autres détails de cette purification, ou de celle des autres impuretés, n'ont rien de particulier qui ne se trouve aussi dans les sacrifices pour les péchés et les délits.

8. 9. Comme le peuple pour la circoncision, les ministres étaient habilités au culte de Dieu par une purification ou consécration particulière. Il leur est donc enjoint de se distinguer des autres, comme, étant plus que les autres spécialement députés au service du culte divin. Et toutes les cérémonies dont ils étaient l'objet lors de leur consécration ou installation tendaient à mettre en évidence cette prérogative de pureté, de puissance, de dignité qui était la leur. Aussi l'installation des ministres comportait-elle trois sortes de cérémonies : ils étaient d'abord purifiés, puis revêtus de leurs ornements et consacrés, enfin assignés aux fonctions de leur ministère.

La purification comportait pour tous une ablution d'eau et certains sacrifices ; les lévites, en outre, se rasaient tous les poils du corps, comme il est dit au chapitre 8 du Lévitique.

La consécration des grands prêtres et des prêtres se déroulait de la manière suivante : d'abord, après l'ablution d'eau, ils étaient revêtus des ornements spéciaux destinés à marquer leur dignité. En ce qui concerne le grand prêtre en particulier, on lui faisait sur la tête une onction d'huile : cela voulait dire que le pouvoir de consacrer se communiquerait de lui aux autres, comme l'huile coule de la tête sur les membres, selon l'image du Psaume (Psaumes 133.2) : « Comme l'huile parfumée sur la tête, qui descend le long de la barbe, de la barbe d'Aaron. » Les lévites, en fait de consécration, étaient simplement offerts au Seigneur, au nom des fils d'Israël, par les mains du grand prêtre qui priait pour eux. Aux prêtres inférieurs, on ne consacrait que les mains en contact avec les sacrifices ; puis, du sang de la victime immolée, on leur mouillait le lobe de l'oreille droite, le pouce droit et le gros orteil du pied droit, le rite de l'oreille signifiant qu'ils obéiraient à la loi divine dans l'offrande des sacrifices, celui de la main et du pied qu'ils exerceraient avec zèle et empressement leurs fonctions de sacrificateurs. On aspergeait aussi les prêtres, ainsi que leurs vêtements, du sang d'une victime, en mémoire du sang de l'agneau qui les avait délivrés d'Égypte. La consécration des prêtres comportait l'offrande des sacrifices suivants : un taureau, en sacrifice pour le péché, rappelant que le péché d'Aaron fabriquant le veau d'or avait été pardonné ; un bélier, en holocauste, pour rappeler l'offrande d'Abraham, modèle d'obéissance proposé à l'imitation du grand prêtre ; un bélier encore, pour sacrifice de consécration, assimilé à un sacrifice pacifique, rappelant la libération d'Égypte par le sang de l'agneau; enfin une corbeille de pains, en souvenir de la manne fournie au peuple.

L'assignation des ministres à leurs fonctions se faisait par l'imposition sur leurs mains de la graisse du bélier, d'une tourte de pain et d'une omoplate : pour montrer qu'ils recevaient le pouvoir de faire ces offrandes au Seigneur. Mais la prise de fonctions des lévites consistait dans leur introduction au tabernacle de l'alliance pour montrer qu'ils avaient à s'occuper des objets du sanctuaire.

L'explication figurative de ces rites était de signifier que pour être consacré au service spirituel du Christ, il faut d'abord être purifié par l'eau du baptême et des larmes, dans la foi à la passion du Christ ; tel est le sacrifice qui expie et purifie. Il faut raser tous les poils du corps, entendez toutes les mauvaises pensées ; se parer de vertus, être consacré par l'huile de l'Esprit Saint et par l'aspersion du sang du Christ. Tels doivent être ceux qui entendent exercer les ministères spirituels.

10. On a déjà dit que la loi se proposait d'inculquer le respect du culte divin, d'une part en excluant de ce culte tout ce qui pouvait être objet de mépris, et d'autre part en y introduisant tout ce qui semblait capable de le rehausser. Si cette règle se vérifiait à propos du tabernacle et de ses accessoires ainsi que des animaux à immoler, elle devait s'observer encore bien plus en ce qui concerne la personne des ministres. Effectivement, de crainte qu'ils ne fussent objet de dédain, il fut décidé que les ministres seraient exempts de tout défaut ou tare corporels, puisque ceux qui en sont affectés sont généralement entourés de peu de considération. La même raison fit décider que les ministres de Dieu ne seraient pas recrutés indifféremment dans n'importe quelle famille, mais dans un certain lignage par succession héréditaire, ce qui leur vaudrait un surcroît d'illustration et de prestige.

C'est encore pour leur attirer le respect qu'on leur accordait, avec une consécration spéciale, un luxe vestimentaire particulier, et telle est en général la raison d'être du luxe vestimentaire. Si l'on veut entrer dans le détail, on se rappellera que le grand prêtre portait huit ornements : 1° une robe de lin ; 2° une tunique de pourpre violette au bas de laquelle, tout autour, on avait disposé des clochettes, ainsi que des grenades mariant la pourpre violette, la pourpre écarlate et le cramoisi teint deux fois ; 3° le pectoral qui couvrait les épaules et la partie antérieure du buste jusqu'à la ceinture, fait d'or, de pourpre violette, de pourpre écarlate, de cramoisi teint deux fois et de lin retors, avec sur les épaules deux onyx où étaient gravés les noms des fils de Jacob ; 4° le rational, fait des mêmes matières ; il était carré, se posait sur la poitrine, attaché au pectoral, et portait, sur quatre rangs, douze pierres précieuses, chacune gravée au nom d'un des fils d'Israël : ainsi le grand prêtre portait ces noms sur les épaules comme pour marquer qu'il avait la charge de tout le peuple, et aussi sur la poitrine comme s'il les gardait en son cœur, pour montrer qu'il devait sans cesse se préoccuper de leur salut. Le Seigneur fit encore placer sur le rational l'Enseignement et la Vérité, c'est-à-dire certaine inscription qui était en rapport avec la vérité de la justice et de l'enseignement. Toutefois les juifs racontent qu'il y avait sur le rational une pierre qui changeait de couleur selon l'avenir réservé aux Israélites, et c'est cette pierre qu'ils appellent Vérité et Enseignement ; 5° la ceinture, faite des quatre couleurs susdites ; 6° la tiare, qui consistait en une mitre de lin ; 7° une lame d'or qui pendait sur le front du grand prêtre et portait le nom du Seigneur ; 8° le caleçon de lin, pour voiler les parties honteuses au moment d'accéder au sanctuaire ou à l'autel. — Les simples prêtres ne portaient que quatre de ces ornements : la tunique de lin, le caleçon, la ceinture et la tiare.

Selon certains auteurs, ces ornements avaient pour explication littérale de reproduire l'organisation du globe terrestre, moyen pour le grand prêtre de se déclarer publiquement ministre de celui qui créa l'univers; ils se fondent notamment sur ce passage de la Sagesse (Sagesse 18.24), où il est dit que le globe terrestre était dessiné sur le vêtement d'Aaron. Effectivement le caleçon de lin représentait la terre qui produit le lin ; la ceinture enroulée représentait l'océan qui entoure la terre ; la tunique de pourpre violette désignait l'air par sa couleur, le tonnerre par ses clochettes, et les éclairs par ses grenades ; le pectoral, dans ses multiples détails, représentait le ciel astral, avec ses deux onyx correspondant aux deux hémisphères, ou bien au soleil et à la poitrine représentant les douze signes du zodiaque, placés là, dit-on, parce que les êtres terrestres ont chacun leur raison dans les cieux, comme il ressort de Job (Job 38.33) : « Sais-tu l'ordre du ciel et règles-tu son influence sur la terre ? » La tiare représentait le ciel empyrée ; la lame d'or enfin, Dieu qui trône au-dessus de tout.

L'explication figurative est évidente. D'abord les tares ou défauts corporels dont les prêtres devaient être exempts correspondent à différents vices et péchés qui doivent leur demeurer étrangers. Un prêtre par conséquent ne peut pas être aveugle, c'est-à-dire ignorant, ni boiteux, c'est-à-dire chancelant et déporté çà et là par ses penchants. Il n'aura pas le nez trop petit, ni trop grand, ni tordu ; ce qui veut dire, puisque le nez discerne les odeurs et symbolise donc la discrétion, qu'il ne manquera pas de discernement, évitant ainsi tout excès et tout défaut et n'agissant jamais qu'avec droiture. Il n'aura aucune fracture du pied ou de la main, car il doit toujours avoir la force de faire le bien et de progresser dans la vertu. Il sera également écarté s'il a une bosse, par-devant ou par-derrière, ce qui désigne un amour excessif des biens de la terre ; ou s'il a les yeux chassieux, c'est-à-dire l'esprit enténébré de passions charnelles, vu que la chassie provient d'un flux humoral ; de même s'il a une blancheur dans l'œil, en entendant par là une prétention de sainteté dont il s'éblouit à ses propres yeux ; ou encore s'il a la gale, autrement dit une chair indocile, ou une dartre, affection qui insensiblement envahit le corps et flétrit la beauté des membres et qui représente l'avarice ; de même enfin s'il souffre d'une hernie ou descente, tel celui dont le cœur porte un fardeau de turpitude, quoiqu'il ne s'y adonne pas en pratique.

Quant aux ornements, ils signifient les vertus nécessaires aux ministres de Dieu. Il en est quatre qui s'imposent à tous les ministres : la chasteté évoquée par le caleçon, la pureté de vie représentée par la tunique de lin, les rênes de la discrétion que représente la ceinture, et la rectitude de l'intention signifiée par la tiare qui protège la tête. — Mais le grand prêtre doit en posséder quatre autres : il ne doit jamais perdre de vue le souvenir de Dieu, ce que désigne sur son front la lame d'or portant le nom de Dieu ; il doit soutenir les faiblesses du peuple, c'est le sens du pectoral ; porter le peuple dans son cœur et dans ses entrailles, par une charité attentive, c'est la signification du rational ; avoir enfin un genre de vie céleste dans la pratique de la perfection, comme l'indique la tunique de pourpre violette. Si au bas de celle-ci sont suspendues des clochettes d'or, c'est pour évoquer l'enseignement des choses divines, nécessairement lié, chez le pontife, à la vie céleste. Mais ce lien doit s'entendre de telle sorte que son enseignement ne brise pas l'unité de la foi et de la paix ; ainsi s'explique l'insertion des grenades, qui marque l'unité de la foi et celle des cœurs dans la pratique du bien.


6. Les observances rituelles avaient-elles quelque motif raisonnable ?

Objections

1. Il semble que les observances rituelles n'avaient pas de motif raisonnable. En effet, comme dit S. Paul (1 Timothée 4.4) « Toute créature est bonne et rien n'est à rejeter de ce qui est reçu avec action de grâce. » Il ne convenait donc pas d'interdire la consommation de certains aliments pour motif d'impureté, comme on le voit dans le Lévitique.

2. Les plantes aussi bien que les animaux sont destinées à l'alimentation humaine, puisque, selon la Genèse (Genèse 9.3), Dieu dit à Noé : « je vous ai donné à manger toute chair comme de l'herbe verte. » Or la loi n'a distingué parmi les herbes aucune espèce impure, alors pourtant qu'il en est de fort dangereuses, comme les plantes toxiques. Il n'était pas davantage requis, semble-t-il, d'interdire certains animaux pour motif d'impureté.

3. Si la matière qui est à l'origine d'une génération est impure, le produit de cette génération ne l'est pas moins. Donc, puisque toutes les chairs ne sont pas interdites comme impures alors qu'elles sont engendrées dans le sang, le sang ne devait pas être prohibé comme impur, ni non plus la graisse qui procède du sang.

4. En S. Matthieu (Matthieu 10.28), Notre Seigneur dit qu'il ne faut pas craindre ceux qui tuent le corps « parce qu'ils n'ont plus aucun pouvoir sur l'homme une fois mort », ce qui ne serait pas vrai si l'homme pouvait pâtir du traitement infligé à son corps. À bien plus forte raison qu'importe, à l'animal une fois tué, la manière dont sa viande est accommodée ? On ne s'explique donc pas la prescription de l'Exode (Exode 23.19) : « Tu ne cuiras pas le chevreau dans le lait de sa mère. »

5. Les premiers-nés des hommes et des animaux, considérés comme meilleurs, doivent être offerts au Seigneur. Cette prescription ne s'accorde pas avec celle du Lévitique (Lévitique 19.23) : « Quand vous serez entrés dans le pays et que vous y aurez planté des arbres fruitiers, vous taillerez leurs prépuces (c'est-à-dire leurs premiers fruits), et ils seront impurs pour vous et vous n'en mangerez pas. »

6. Le vêtement est indépendant du corps humain. Il n'y avait donc pas lieu d'interdire aux juifs certains vêtements, et pourtant nous lisons dans le Lévitique (Lévitique 19.19) : « Tu ne porteras pas de vêtement tissé de deux fils différents » ; dans le Deutéronome (Deutéronome 22.5) : « La femme ne portera pas un habit d'homme, ni l'homme un habit de femme », et au même endroit (Deutéronome 22.11) : « Tu ne porteras pas de vêtement tissé de laine et de lin. »

7. Se rappeler les commandements de Dieu, c'est le fait de la pensée, non du corps. Il est donc étrange que le Deutéronome (Deutéronome 6.8 s) prescrive « d'attacher les préceptes à sa main comme un signe, de les écrire sur le seuil des portes » ; ou encore selon les Nombres (Nombres 15.38) « de faire des houppes aux coins des manteaux et d'y insérer des fils de pourpre violette, en mémorial des commandements de Dieu ».

8. On lit (1 Corinthiens 9.9) : « Dieu ne s'inquiète pas des bœufs. » Pas davantage, évidemment, des autres animaux sans raison. Dès lors on s'étonne des prescriptions suivantes du Deutéronome (Deutéronome 22.6) : « Si sur ton chemin tu trouves un nid d'oiseau, tu ne prendras pas la mère avec les petits » ; du Deutéronome encore (Deutéronome 25.4) : « Tu ne muselleras pas le bœuf qui foule le grain », et du Lévitique (Lévitique 19.19). « Tu n'accoupleras pas ton bétail avec des bêtes d'autres espèces. »

9. Puisqu'on ne distinguait pas entre plantes pures et impures, encore moins fallait-il distinguer des catégories à propos de culture. On ne peut donc comprendre le Lévitique (Lévitique 19.19) qui prescrit : « Tu ne mêleras pas deux semences différentes dans ton champ », ni le Deutéronome (Deutéronome 22.9 s) qui ajoute : « Tu ne feras pas un second semis dans ta vigne », et : « Tu n'attelleras pas le bœuf et l'âne à la même charrue. »

10. Il saute aux yeux que les êtres inanimés sont assujettis au pouvoir de l'homme. Il n'y avait donc pas lieu de mettre l'homme en garde contre l'or et l'argent dont sont faites les idoles, ou contre les autres objets qui se trouvent dans leurs temples, selon le Deutéronome (Deutéronome 7.25-26). — Ce livre (Deutéronome 23.13) prête même à rire avec son précepte de creuser le sol pour recouvrir les déjections.

11. La piété est particulièrement requise chez le prêtre. Or c'est faire acte de piété que de participer aux funérailles de ses amis, une pratique dont l'Ecriture félicite Tobie (Tobie 1.20). C'est aussi parfois une œuvre pie que d'épouser une prostituée, pour la délivrer du péché et de l'infamie. C'est donc à tort que tout cela était interdit aux prêtres par le Lévitique (Lévitique 21).

En sens contraire, il est écrit au Deutéronome (Deutéronome 18.14) : « Pour toi, Dieu t'a donné d'autres règles de conduite. » Ce qui donne à penser que toutes ces observances ont été ordonnées par Dieu pour faire ressortir la condition privilégiée de son peuple. Elles ne sont donc ni sans raison ni sans motif.

Réponse

Le peuple juif, on l'a dit, était voué par une désignation spéciale au culte de Dieu, et parmi les juifs, les prêtres l'étaient à un titre particulier. Que les différents objets affectés au culte divin doivent revêtir un caractère distinctif, cela intéresse l'honneur dû à ce culte. De même fallait-il que la manière de vivre de ce peuple, et notamment des prêtres, fût signalée par certains traits spéciaux, en rapport avec le culte divin, spirituel ou corporel. D'autre part, le culte légal préfigurait le mystère du Christ, et tout ce qui s'y accomplissait figurait quelque trait relatif au Christ, selon l'expression de S. Paul (1 Corinthiens 10.11) : « Tout ce qui leur arrivait avait valeur de figure. » L'explication de ces observances peut donc être cherchée dans deux directions selon qu'elles sont heureusement adaptées au culte divin, ou bien selon qu'elles figurent certaines modalités de la vie chrétienne.

Solutions

1. On a dit que la loi connaissait deux sortes d'impureté ou de souillure : l'une souille l'âme, c'est celle qui consiste en une faute ; l'autre consiste en une sorte de corruption dont le corps est plus ou moins infecté. Si l'on s'en tient à la première sorte d'impureté, il n'est pas d'aliment qui, par sa nature propre, soit impur ou puisse souiller l'homme. Notre Seigneur l'a dit (Matthieu 15.11) : « Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ; mais ce qui sort de la bouche, voilà ce qui souille l'homme. » Cela doit s'entendre des péchés. Toutefois, une circonstance particulière donne parfois aux aliments le pouvoir de souiller l'âme, dans la mesure par exemple où leur consommation va contre l'obéissance ou contre un vœu, ou procède d'une convoitise déréglée ; dans la mesure encore où certains aliments favorisent la luxure, raison pour laquelle certains s'abstiennent de vin ou de viande.

Mais si l'on parle de l'impureté physique qui consiste en une sorte de corruption, alors certaines viandes animales y sont sujettes. C'est par exemple la viande des animaux qui se nourrissent d'immondices, comme le porc, ou vivent dans la saleté, tels ceux qui habitent sous terre, comme la taupe, le rat et ceux qui leur ressemblent, d'où vient au surplus que ces bêtes sentent mauvais. C'est aussi le cas de ces viandes qui, par excès d'humidité ou de sécheresse, engendrent dans le corps humain une corruption des humeurs. Cela explique l'interdiction de manger les animaux ayant des sabots, c'est-à-dire la corne du pied pleine et non fendue, signe de leur affinité avec la terre. De même sont prohibés les animaux ayant le pied fort divisé, comme le lion entre autres, parce qu'ils présentent un excès de fiel et sont de nature ignée. La même raison écarte certains oiseaux rapaces en qui domine le sec, et certains oiseaux aquatiques en qui domine l'humide. De même certains poissons, entre autres les anguilles dépourvues de nageoires et d'écailles, présentent un excès d'humidité. Sont admis dans l'alimentation les animaux ruminants et à la corne du pied fendue, parce qu'ils sont d'humeurs bien réparties et de complexion équilibrée, n'étant pas trop humides comme leur corne en témoigne, ni trop secs puisque cette corne n'est pas compacte, mais fendue. Parmi les poissons, la loi autorisait ceux qui ont des nageoires et des écailles, signe d'une relative sécheresse, puisque c'est par là qu'est tempérée la complexion humide des poissons. En fait d'oiseaux, elle autorisait la poule, la perdrix et d'autres de complexion tempérée. — Certaines prohibitions s'expliquent encore en témoignage de renonciation à l'idolâtrie. Les païens en effet surtout dans cette Égypte où Israël avait grandi, immolaient à leurs idoles ou utilisaient à des fins magiques ces oiseaux interdits par la loi ; et ceux dont la consommation était permise aux juifs, les païens ne les mangeaient pas, soit qu'ils les adorassent comme des dieux, soit pour quelque autre raison déjà signalée. — Enfin, troisième explication, il s'agissait d'éviter en matière alimentaire une recherche excessive ; aussi les animaux permis sont-ils ceux que l'on se procure aisément et qu'on a sous la main.

Cependant, sans exception ni distinction d'espèces, la consommation du sang et de la graisse était interdite aux Israélites. En ce qui concerne le sang, la loi a d'abord voulu les prémunir contre la cruauté, pour les détourner de verser le sang humain, comme on l'a dit ; mais aussi les prémunir contre l'usage des idolâtres qui, à l'occasion des banquets célébrés en l'honneur de leurs idoles, se réunissaient autour de ce sang qu'ils avaient recueilli et qu'ils croyaient très agréable à leurs divinités; aussi le Seigneur exigea-t-il que le sang fût répandu et recouvert de terre. — Ainsi s'explique aussi la défense de manger les animaux étouffés ou étranglés, parce que leur sang reste dans la viande. C'est aussi un genre de mort qui maltraite particulièrement les animaux, et Dieu n'a pas toléré la cruauté chez son peuple, même à l'égard des animaux, mais il a voulu lui faire prendre l'habitude de la douceur envers les bêtes pour le mieux garder d'être cruel envers l'homme.

Pour la consommation de la graisse, elle était interdite d'abord parce que les idolâtres la mangeaient en l'honneur de leurs dieux, et ensuite parce qu'on la brûlait dans les sacrifices à l'honneur de Dieu. Une dernière raison avancée par Maïmonide est que la graisse, non plus que le sang, ne fournit une nourriture saine. — Enfin le texte de la Genèse (Genèse 32.32) : « Les fils d'Israël ne mangent pas le nerf, parce que l'ange a touché le nerf de la hanche de Jacob et l'a frappé d'engourdissement » explique pourquoi la consommation des nerfs est interdite.

La raison figurative est que ces animaux interdits représentent certains péchés et que la prohibition des animaux figure celle des péchés. S. Augustin l'explique ainsi : « S'il est question du porc et de l'agneau, tous deux sont naturellement purs, car toute créature de Dieu est bonne ; mais comme signes l'agneau est pur, le porc impur. De même, si l'on prononce les mots de fou et de sage, l'un et l'autre, quant à la nature du mot et des lettres et syllabes qui le constituent, sont purs, mais selon leur signification l'un est pur, l'autre impur. » Le ruminant au pied fendu est pur dans sa signification, car la fente de la corne signifie la distinction des deux testaments, ou des deux personnes du Père et du Fils, ou des deux natures dans le Christ, ou encore le discernement du bien et du mal ; et la rumination signifie la méditation et la saine intelligence des Écritures. Que manque l'un de ces caractères, on est impur, spirituellement parlant. — Parmi les poissons, sont purs dans leur signification ceux qui ont des écailles et des nageoires ; en effet, les nageoires désignent l'élévation de la vie, c'est-à-dire la contemplation, tandis que les écailles désignent l'austérité de la vie : les deux sont nécessaires à la perfection spirituelle. — Certaines classes spéciales d'oiseaux sont interdites : l'aigle vole très haut, c'est l'orgueil qui est interdit ; avec le grillon, qui s'attaque aux chevaux et aux hommes, c'est la cruauté des puissants ; avec l'émerillon qui se repaît de petits oiseaux, ce sont ceux qui écrasent les pauvres. Le milan, spécialement rusé, représente les fourbes ; le vautour qui dans le nuage des armées compte sur les cadavres pour se nourrir, signifie ceux qui exploitent à leur profit les décès et les troubles. Les oiseaux du genre des corbeaux désignent ceux que les plaisirs ont remplis de noirceur, si l'on veut ceux qui n'ont pas de bons sentiments, puisque le corbeau, une fois sorti de l'arche, n'y revint plus. L'autruche est un oiseau mais qui ne peut voler et ne quitte pas le sol : elle est le type des serviteurs de Dieu qui s'embarrassent des affaires du siècle. La chouette dont l'œil perce les ténèbres mais qui est aveugle en plein jour ressemble à ces gens qui sont pleins de finesse dans le temporel mais sont obtus dans les choses spirituelles. La mouette qui nage et qui vole représente ceux qui respectent à la fois le baptême et la circoncision, ou bien ceux qui prétendent s'élever sur les ailes de la contemplation tout en demeurant plongés dans les plaisirs. L'épervier qui fournit ses services au chasseur ressemble à ceux qui aident les grands à dépouiller les pauvres. Le hibou cherche sa nourriture la nuit et se cache le jour, comme les débauchés qui cherchent l'obscurité pour perpétrer leurs œuvres de ténèbres. Le plongeon qui est apte à demeurer longtemps sous l'eau représente les gourmands plongés dans un flot de délices. L'ibis est un oiseau d'Afrique, au long bec, qui se nourrit de serpents (c'est peut-être le même que la cigogne) : il signifie les envieux qui s'engraissent des serpents, c'est-à-dire des malheurs d'autrui. Le cygne, à la robe toute blanche, a un long cou qui lui permet de tirer sa nourriture des profondeurs de la terre ou de l'eau ; il peut représenter ces gens qui sous les dehors éclatants de la justice n'aspirent qu'aux avantages temporels. Le pélican est un oiseau des régions orientales, qui a un long bec et certains sacs dans le gosier où il dépose d'abord sa nourriture qu'il avale après un moment : c'est l'image des avares qui se préoccupent trop de mettre de côté ce qui leur est nécessaire. La sarcelle, à la différence des autres oiseaux, a une patte palmée en vue de la nage et une patte divisée en vue de la marche, ce qui fait qu'elle nage à la manière des canards et marche sur terre comme une perdrix ; elle ne boit qu'en mangeant, car elle humecte toute nourriture : c'est le type de ceux qui ne veulent rien faire au gré d'autrui, mais n'assaisonnent leurs actes qu'à l'eau de leur volonté propre. La chevêche, vulgairement appelée faucon, représente ceux « dont les pieds sont rapides pour aller verser le sang », selon le Psaume (Psaumes 14). Le pluvier, bête babillarde, signifie les bavards. La huppé fait son nid dans les ordures et se nourrit d'excréments pestilentiels, mais son chant qui ressemble à un gémissement signifie ce que S. Paul (2 Corinthiens 7.10) appelle « la tristesse mondaine » qui produit la mort chez les hommes impurs. La chauve-souris vole au ras du sol ; tels ceux qui, dotés de la science du siècle, n'ont de goût que pour les choses terrestres.

En ce qui concerne les animaux ailés munis de quatre pattes, seuls sont autorisés ceux qui ont les pattes de derrières plus longues et qui peuvent sauter ; les autres, davantage retenus au sol, étaient interdits : on tient en effet pour impurs ceux qui ne profitent pas de la doctrine des quatre évangélistes pour s'élever vers le ciel. La prohibition du sang, de la graisse et des nerfs revient à condamner la cruauté, la volupté et l'ardeur au péché.

2. L'usage alimentaire des plantes et autres productions de la terre est antérieur au déluge dans l'humanité ; mais l'usage de manger de la viande semble avoir été introduit après le déluge, car il est écrit dans la Genèse (Genèse 9.3) : « je vous donnerai toute chair, dit Dieu à Noé, comme je vous avais donné l'herbe verte. » C'est que la consommation des produits du sol dénote une certaine simplicité de vie, tandis que l'alimentation carnée marque un certain raffinement en quelque recherche ; alors que la terre produit spontanément les végétaux ou du moins qu'on peut les lui faire produire en abondance sans grand effort, il faut beaucoup de travail pour l'élevage des animaux ou simplement pour leur capture. Aussi le Seigneur, voulant ramener son peuple à un mode de vie plus simple, multiplia les prohibitions dans le domaine animal, mais n'en fit aucune en ce qui concerne les végétaux. — On peut ajouter que l'on offrait des animaux aux idoles et non point des produits de la terre.

3. La réponse a été donnée plus haut (première solution).

4. Il est vrai que le chevreau une fois mort ignore la manière dont on l'accommode. Mais, dans la psychologie de celui qui l'apprête, il semble cruel d'utiliser, pour réduire cette viande, le lait maternel qui était destiné à la nourrir. — Ou bien disons que, dans les solennités idolâtriques, les païens préparaient de cette façon la chair des chevreaux, pour l'immoler ou pour la consommer. Effectivement, c'est après avoir parlé des solennités légales à célébrer que le livre de l'Exode (Exode 23.19) ajoute : « Tu ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère. »

Au figuré, cette interdiction s'explique en ce sens que le chevreau, c'est-à-dire le Christ « semblable à une chair de péché », ne devait pas être cuit, c'est-à-dire tué par les juifs, dans le lait de sa mère, autrement dit au temps de son enfance. — Ou bien cela veut dire que le chevreau — entendez le pécheur — ne doit pas être cuit dans le lait de sa mère, c'est-à-dire adouci par des cajoleries.

5. Les païens offraient à leurs dieux les premiers fruits qu'ils croyaient favorisés du sort, ou bien il les brûlaient en vue d'opérations magiques. Il fut donc prescrit à Israël de regarder comme impurs les fruits des trois premières années. Ce laps de temps suffit, dans ce pays, à la fructification de presque toutes les espèces, qu'on les cultive par semis, par greffe ou par plants; il est exceptionnel qu'on sème des noyaux ou des pépins sous leur enveloppe, car leur fructification en serait retardée ; mais la loi ne prend en considération que ce qui se fait d'ordinaire. La quatrième année, les fruits sont offerts à Dieu, comme prémices des fruits purs, et à partir de la cinquième année on les mange.

L'explication figurative de ce dispositif était de signifier qu'après les trois états de la loi ancienne, d'Abraham à David, de David à l'exil, de Babylone et de l'exil à l'avènement du Christ, le Christ, fruit de la loi, serait offert à Dieu ; ou bien que nous devons suspecter d'imperfection les débuts de notre vie active.

6. Selon l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 19.27), « l'habit nous renseigne sur celui qui le porte ». Le Seigneur a donc voulu que son peuple se distinguât des autres non seulement par la marque charnelle de la circoncision, mais encore par un caractère distinctif dans le vêtement. Il fut donc interdit de porter des vêtements en tissu mélangé de laine et de lin, et de revêtir l'habit de l'autre sexe. On écartait ainsi d'abord un rite d'idolâtrie, car les païens portaient dans leurs cérémonies des vêtements bariolés de tissus différents ; dans le culte de Mars, les femmes revêtaient l'équipement des guerriers et, en revanche, dans le culte de Venus les hommes s'habillaient en femmes. — Par là on combattait aussi la luxure ; en même temps que le caprice des combinaisons vestimentaires, on excluait tout dérèglement dans les rapports charnels. On sait d'ailleurs que le travesti attise le désir et donne lieu à la licence.

Au sens figuratif, avec le vêtement tissé de lin et de laine, il est interdit de marier la simplicité de l'innocence que représente la laine, avec les roueries de la malice signifiées par le lin. — D'autre part la femme ne doit pas s'arroger l'enseignement ou d'autres fonctions qui reviennent à l'homme, ni l'homme ne doit se laisser aller à des mœurs efféminées.

7. Dans son commentaire sur S. Matthieu, S. Jérôme explique : « Le Seigneur a ordonné de poser des houppes violettes aux quatre coins des manteaux pour que le peuple d'Israël se reconnaisse entre tous les autres. » C'était donc une façon de s'affirmer comme juif, et rien qu'à voir ce signe on se rappelait qu'on était soumis à la loi.

Quant à la clause : « Tu les attacheras dans ta main et ils seront toujours devant tes yeux », S. Jérôme continue : « Les pharisiens, par une interprétation matérielle, écrivaient le décalogue de Moïse sur des parchemins qu'ils se fixaient au front, à la manière d'une couronne, pour les porter devant les yeux. » Mais l'intention du Seigneur dans ce commandement était que les préceptes fussent attachés à la main, c'est-à-dire à toute activité, et présents devant les yeux, c'est-à-dire dans la pensée. Les cordons violets attachés aux manteaux signifient aussi l'intention du ciel qui doit se mêler à toutes nos œuvres. — On peut d'ailleurs admettre que ce peuple étant charnel et ayant la tête dure, ces moyens sensibles étaient indispensables pour l'inciter à observer la loi.

8. Il y a dans l'homme une double affectivité, l'une selon la raison, l'autre selon la passion sensible. Selon l'affectivité réglée par la raison, rien n'empêche l'homme d'agir à sa guise avec les animaux, ceux-ci ayant été assujettis par Dieu au pouvoir de l'homme, comme le rapporte le Psaume (Psaumes 8) : « Tu as tout placé sous ses pieds. » Et c'est de ce point de vue que S. Paul assure que Dieu ne s'inquiète pas des bœufs, en ce sens que l'homme fait ce qui lui plaît avec les bœufs et les autres animaux sans que Dieu lui en demande compte.

Mais, du point de vue de la passion sensible, l'homme se laisse émouvoir envers les autres animaux. En effet, la passion sensible de miséricorde naît de la souffrance d'autrui et, comme il arrive aux animaux de souffrir, l'homme peut éprouver ce sentiment même à l'occasion des coups qui affligent les animaux. Or il est vraisemblable que, si l'on éprouve un tel sentiment de pitié à l'égard des animaux, on s'en trouve favorablement disposé à le ressentir envers les hommes, suivant les Proverbes (Proverbes 12:10) : « Le juste n'est pas insensible à la vie de son bétail, mais les entrailles de l'impie sont cruelles. » Ainsi donc, pour rappeler à la miséricorde ce peuple juif enclin à la cruauté, le Seigneur voulut l'habituer à la miséricorde même envers les animaux et lui interdit de se livrer envers eux à des pratiques plus ou moins empreintes de cruauté. C'est le sens des prescriptions qui interdisent de cuire le chevreau dans le lait de sa mère, ou de museler le bœuf qui foule le grain, ou de tuer la mère avec les petits. — Cependant, on peut relever encore dans ces prohibitions une protestation contre l'idolâtrie, s’il est vrai que les Égyptiens considéraient comme néfaste que les bœufs mangeassent du grain qu'ils foulaient ; ou bien que les sorciers employaient l’oiseau en train de couver et les petits pris avec leur mère, pour obtenir la fécondité et la faveur du sort pour l'éducation des enfants ; ou enfin, que l'on considérait comme de bon augure de rencontrer une mère couvant ses petits.

Touchant l'accouplement d'animaux d'espèce différente, on peut en expliquer l'interdiction par trois raisons littérales : d'abord en protestation contre l'idolâtrie des Égyptiens qui provoquaient des accouplements disparates en hommage aux planètes dont les diverses conjonctions produisent des effets différents et sur les réalités d'espèces diverses. — C'était aussi pour détourner des vices contre nature. — Enfin, on voulait ainsi éloigner toute occasion de convoitise : les animaux d'espèce différente ne s'accouplent pas spontanément, si l'homme n'y pourvoit ; or, pour l'homme, ce spectacle est de nature à exciter la concupiscence. Aussi les traditions des Juifs prescrivent-elles, selon Maïmonide, d'en détourner les yeux.

Selon l'explication figurative, au bœuf qui foule le grain, c'est-à-dire au prédicateur qui expose les gerbes de la doctrine, il ne faut pas refuser le nécessaire (1 Corinthiens 9.4). — Nous ne devons pas non plus retenir la mère avec les Petits, car parfois il faut retenir les sens spirituels, qui sont les petits, et abandonner l'observance littérale, c'est-à-dire la mère, par exemple en tout ce qui regarde les cérémonies de la loi. — Enfin il nous est interdit de pousser le bétail, c'est-à-dire les gens du peuple, à s'accoupler, c'est-à-dire à frayer, avec des animaux d'espèce différente, autrement dit avec les païens ou les Juifs.

9. L'explication littérale des règles qui interdisent tous ces mélanges en agriculture, c'est l'horreur de l'idolâtrie. En effet, les Égyptiens, pour vénérer les étoiles, représentaient leurs conjonctions diverses en procédant à diverses combinaisons entre les semences, les animaux et les vêtements. — Ou encore ces prohibitions tendaient à bannir les rapports contre nature.

Mais elles offrent une signification figurative. Quand on nous dit : « Tu ne sèmeras pas une autre semence dans ta vigne », il faut comprendre spirituellement que nulle doctrine étrangère ne doit être semée dans l'Église, vigne des âmes. — Pareillement, le champ qu'est l'Église ne doit pas être ensemencé de graines différentes, c'est-à-dire de la doctrine catholique et de la doctrine hérétique. — Il ne faut pas non plus atteler un bœuf et un âne à la même charrue, c'est-à-dire qu'il ne faut pas que le sot accompagne le sage en prédication car l'un fait tort à l'autre.

10. 11. Dans leurs pratiques, les sorciers et les prêtres des idoles employaient des ossements ou de la chair de cadavres. Pour extirper ces pratiques idolâtriques, le Seigneur prescrivit aux prêtres inférieurs, qui avaient leur tour de service dans le sanctuaire, « de ne pas se souiller au contact des morts », sauf s'il s'agissait de parents très proches, père, mère, ou de personnes aussi voisines. Mais le grand prêtre, lui, qui devait toujours être prêt à desservir le sanctuaire, ne pouvait absolument pas avoir de contact avec des morts, si proches qu'ils fussent. — Il était interdit aussi aux prêtres d'épouser une prostituée ou une femme répudiée, ou toute autre qu'une vierge ; cela pour l'honneur des prêtres dont la dignité aurait paru abaissée par ce genre d'unions, et aussi pour leurs enfants qui eussent été éclaboussés par le déshonneur de leur mère, inconvénient qu'il convenait d'éviter avec d'autant plus de soin que les fonctions sacerdotales se transmettaient alors par voie d'hérédité. — L'interdiction pour les prêtres de se raser les cheveux ou la barbe, ou de pratiquer des incisions dans leur chair, tendait à exclure un rite idolâtrique. On lit en effet dans Baruch (Baruch 6.30) que les prêtres païens se rasaient la tête et la barbe : « Leurs prêtres sont assis, la tunique déchirée, la tête et la barbe rasées. » Et qu'ils s'entaillaient en vue du culte des idoles avec des épées et des lances, cela ressort du premier livre des Rois (1 Rois 18.28). D'où les préceptes contraires imposés aux prêtres de la loi ancienne.

Au sens spirituel, les prêtres doivent être absolument indemnes des œuvres mortes, qui sont les actes peccamineux. Ils ne doivent ni se raser la tête, c'est-à-dire dépouiller la sagesse, ni renoncer à la barbe, c'est-à-dire à la perfection de la sagesse, ni déchirer leurs vêtements, ni taillader leur chair, c'est-à-dire encourir le péché de schisme.

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