Somme théologique

Somme théologique — La secunda secundae

4. LA VERTU DE FOI

  1. Qu'est-ce que la foi ?
  2. Dans quelle puissance de l’âme a-t-elle son siège ?
  3. Sa forme est-elle la charité ?
  4. La foi formée et la foi informe sont-elles numériquement identiques ?
  5. La foi est-elle une vertu ?
  6. Est-elle une seule vertu ?
  7. Son rapport aux autres vertus ?
  8. Comparaison entre sa certitude et celle des autres vertus intellectuelles.

1. Qu'est-ce que la foi ?

Objections

1. La définition donnée par l’Apôtre (Hébreux 11.1) : « La foi est la substance des réalités à espérer, la preuve de celles qu'on ne voit pas », semble sans valeur. Car aucune qualité n'est une substance. Mais la foi est une qualité puisqu'elle est une vertu théologale, nous l’avons dit. Elle n'est donc pas une substance.

2. À vertus diverses, objets divers. La réalité à espérer est objet de l’espérance. On ne doit donc pas la placer dans la définition de la foi comme si elle était l’objet de cette foi.

3. La foi reçoit plus de perfection de la charité que de l’espérance, puisque la charité, comme nous le montrerons, est la forme de la foi. Ce qu'on devait donc mettre dans la définition de la foi, c'était la réalité à aimer plutôt que la réalité à espérer.

4. Une même chose ne doit pas être placée dans des genres différents. Or substance et preuve sont des genres différents qui ne sont pas subordonnés l’un à l’autre. Il ne convient donc pas de dire de la foi qu’elle est une substance et une preuve. Cette description de la foi est donc incohérente.

5. La preuve a pour effet de rendre manifeste la vérité de la chose en faveur de laquelle elle est produite. Mais c'est la chose dont la vérité est rendue manifeste qu'on dit être apparente. Il semble donc qu'il y ait une opposition impliquée dans les mots : « preuve de ce que l’on ne voit pas. » Cette description de la foi est donc inadaptée.

En sens contraire, l’autorité de l’Apôtre s'impose.

Réponse

Certains disent bien que ces mots de l’Apôtre ne sont pas une définition de la foi, parce que « la définition indique la nature et l’essence de la chose », selon Aristote. Cependant, pour qui regarde bien, il est fait allusion dans cette sorte de description à toutes les choses d'où peut être tirée une définition de la foi, encore que les mots ne soient pas arrangés sous forme de définition. C'est ainsi que chez les philosophes l’on traite, en négligeant la forme syllogistique, des principes qui sont à la base des syllogismes.

Pour le montrer, il faut considérer que, l’habitus étant connu par l’acte, et l’acte par l’objet, la foi qui est un certain habitus, doit être définie par son acte propre au regard de son objet propre. Or l’acte de la foi c'est de croire comme nous l’avons dit : c'est un acte de l’intelligence déterminée à un seul parti sous l’empire de la volonté. Ainsi donc l’acte de la foi est ordonné et à l’objet de la volonté, qui est le bien et la fin, et à l’objet de l’intelligence, qui est le vrai. Et parce que la foi, étant une vertu théologale, possède, ainsi que nous l’avons dit plus haute, la même vérité pour objet et pour fin ; à cause de cela il est nécessaire absolument que l’objet de la foi et la fin de la foi se correspondent proportionnellement.

Or, l’objet de la foi, avons-nous dit, c'est la vérité première selon qu'elle échappe à notre vision, puis les choses auxquelles nous adhérons à cause de cette vérité. D'après cela il faut que cette vérité première se présente elle-même à l’acte de foi comme une fin, sous la raison d'une réalité que nous ne voyons pas. Ce qui aboutit à la raison d'une réalité espérée, selon le mot de l’Apôtre (Romains 8.25) : « Ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons. » Voir une vérité, en effet, c'est la posséder ; or, on n'espère pas ce qu'on a déjà, mais l’espérance a pour objet ce qu'on n'a pas, nous l’avons dit précédemment. Donc l’adaptation de l’acte de la foi à la fin de la foi, en tant que cette fin est objet de volonté, est signifiée quand on dit : « La foi est la substance des réalités à espérer. » On a coutume en effet d'appeler substance la première ébauche d'une chose, surtout quand tout ce qui va suivre est contenu virtuellement dans son premier commencement. Si nous disons, par exemple, que les premiers principes indémontrables sont la substance de la science, cela veut dire qu'ils sont le premier élément en nous de la science. De la même façon nous disons donc que la foi est la substance des réalités à espérer. Cela veut dire qu'une première ébauche des réalités à espérer existe en nous par l’adhésion de foi, et que cette première ébauche contient en germe toutes les réalités à espérer. Car nous espérons être béatifiés en ce que nous verrons dans une vision à découvert la vérité à laquelle nous adhérons par la foi, comme on le voit par ce que nous avons dit à propos de la béatitude.

Quant à l’adaptation de l’acte de foi à l’objet de l’intelligence en tant qu'il est objet de foi, elle est désignée par les mots : « Preuves des réalités qu'on ne voit pas. » On prend ici la preuve pour son effet, car elle amène l’intelligence à adhérer à du vrai ; aussi, cette ferme adhésion de l’intelligence à une vérité de foi qui n'est pas évidente, c'est elle qu'on appelle ici preuve. C'est pourquoi une autre version a le mot « conviction », ce qui veut dire que par l’autorité divine l’intelligence du croyant est convaincue qu'elle doit adhérer à ce qu'elle ne voit pas.

Donc, si l’on veut ramener ces mots à une définition en forme, on peut dire : « La foi est un habitus de l’esprit par lequel la vie éternelle commence en nous et qui fait adhérer l’intelligence à ce qu'on ne voit pas. »

La foi se trouve distinguée par là de tout ce qui relève de l’intelligence. En disant « preuve », on la distingue de l’opinion, du soupçon et du doute, qui ne donnent pas cette première adhésion ferme de l’intelligence à quelque chose. En disant : « de ce qu'on ne voit pas », on distingue la foi de la science et de la simple intelligence par lesquelles quelque chose se manifeste. En disant : « substance des réalités à espérer », on distingue la vertu de foi d'avec la foi prise au sens général du mot, qui n'est pas ordonnée à l’espérance de la béatitude.

Toutes les autres définitions de la foi sont des explications de celle que présente l’Apôtre. Lorsqu'en effet S. Augustin dit que « la foi est la vertu par laquelle on croit ce qu'on ne voit pas », lorsque le Damascène, dit qu'elle est « un consentement sans discussion », lorsque d'autres disent qu'elle est « Une certitude de l’esprit en matière de réalités absentes, certitude supérieure à l’opinion et inférieure à la science », c'est ce que dit l’Apôtre : « Une preuve de ce qu'on ne voit pas. » Lorsque Denys dit que la foi est « le fondement permanent des croyants, ce qui les met dans la vérité et ce qui met la vérité en eux », cela revient à dire qu'elle est « la substance des réalités à espérer ».

Solutions

1. « Substance » n'est pas pris ici comme le genre le plus commun, celui qui se distingue de tous les autres. Mais en ce sens où l’on trouve en n'importe quel genre quelque chose qui ressemble à une substance. C'est-à-dire que ce qui est premier dans n'importe quel genre, cela contient en soi virtuellement d'autres choses, on dit que c'en est la substances.

2. La foi appartient à l’intelligence en tant que celle-ci est commandée par la volonté. Il faut donc que la foi soit ordonnée comme à une fin à ce qui fait l’objet des vertus dans lesquelles la volonté trouve sa perfection. Parmi ces vertus, nous le verrons plus loin, il y a l’espérance. Et c'est pourquoi on fait entrer l’objet de l’espérance dans la définition de la foi.

3. La dilection peut avoir pour objet et ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, ce qui est présent et ce qui est absent. Et c'est pourquoi une réalité à aimer n'est pas aussi proprement adaptée à la foi qu'une réalité à espérer, étant donné que l’espérance a toujours pour objet des choses absentes et qu'on ne voit pas.

4. Substance et preuve, tels qu'ils sont placés dans la définition de la foi, n'impliquent pas divers genres de foi ni divers actes de la foi, mais, comme nous venons de le préciser, diverses adaptations d'un acte unique à divers objets.

5. Il est vrai qu'une preuve, lorsqu'elle est tirée des principes propres d'une chose, fait que cette chose est visible. Mais la preuve qui est tirée de l’autorité divine ne fait pas que la chose soit en elle-même visible. Et telle est la preuve dont il s'agit dans la définition de la foi.


2. Dans quelle puissance de l’âme la foi a-t-elle son siège ?

Objections

1. Il ne semble pas qu'elle ait son siège dans l’intelligence. Car S. Augustin affirme qu'elle « réside dans la volonté des croyants ». Or la volonté est une puissance différente de l’intelligence.

2. L’assentiment de foi à une vérité qu'on doit croire provient de la volonté d'obéir à Dieu. C'est dire que toute la louange de la foi parait venir de l’obéissance. Mais celle-ci est dans la volonté. Donc la foi aussi ; elle n'est donc pas dans l’intelligence.

3. L’intelligence est ou spéculative ou pratique. Mais la foi n'est pas dans l’intellect spéculatif : selon la remarque du Philosophe, cet intellect « ne dit rien de ce qu'il faut faire ou éviter », il n'est donc pas principe d'opération, tandis que la foi est ce principe qui, selon la parole de l’Apôtre (Galates 5.6), « opère par la charité ». La foi n'est pas davantage dans l’intellect pratique, dont l’objet est le vrai en matière contingente de fabrication ou d'action, alors que l’objet de la foi est le vrai éternel comme nous l’avons montré précédemment. La foi n'a donc pas son siège dans l’intelligence.

En sens contraire, à la foi succède la vision dans la patrie, selon la parole de l’Apôtre (1 Corinthiens 13.12) : « Nous voyons maintenant par un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. » Mais la vision est dans l’intelligence. Donc aussi la foi.

Réponse

Puisque la foi est une vertu, il faut que son acte soit parfait. Or, pour la perfection d'un acte, lorsqu'il découle de deux principes actifs, il est requis que chacun de ces deux principes actifs soit parfait ; on ne peut pas scier convenablement si le scieur ne sait pas son métier et si la scie n'est pas capable de scier. Or, dans ces puissances de l’âme qui se portent à des choses opposées, la disposition à bien agir, c'est l’habitus, nous l’avons dit précédemment. C'est pourquoi il faut que l’acte qui procède de deux puissances de cette sorte reçoive sa perfection d'un habitus qui préexiste en chacune de ces deux puissances. Or, nous l’avons dit plus haut, croire est un acte de l’intelligence selon qu'elle est poussée par la volonté à donner son assentiment, car un tel acte procède et de la volonté et de l’intelligence. Or, ces deux facultés sont destinées à être perfectionnées par l’habitus, nous l’avons vu. Voilà pourquoi il faut qu'il y ait un habitus aussi bien dans la volonté que dans l’intelligence, si l’on veut que l’acte de foi soit parfait ; de même que pour avoir un acte du concupiscible qui soit parfait, il faut qu'il y ait l’habitus de prudence dans la raison, et l’habitus de tempérance dans le concupiscible. Néanmoins, croire est immédiatement un acte de l’intelligence, parce que l’objet de cet acte c'est le vrai, lequel appartient en propre à l’intelligence. C'est pourquoi il est nécessaire que la foi, puisqu'elle est le principe propre d'un tel acte, réside dans l’intelligence comme dans son sujet.

Solutions

1. S. Augustin prend ici la foi pour l’acte de foi. Il est vrai de dire qu'il consiste dans la volonté des croyants en tant que c'est sous l’empire de la volonté que l’intelligence adhère aux vérités à croire.

2. Non seulement il faut que la volonté soit prompte à obéir, mais il faut aussi que l’intelligence soit bien disposée à suivre le commandement de la volonté ; de même faut-il que l’appétit concupiscible, dans l’exemple donné, soit bien disposé à suivre le commandement de la raison. Voilà pourquoi il faut qu'il y ait un habitus de la vertu non pas seulement dans la volonté qui commande, mais aussi dans l’intelligence qui adhère.

3. Le sujet de la foi, c'est l’intellect spéculatif, comme on le voit d'une façon évidente à partir de l’objet même de la foi. Mais, parce que la vérité première, qui est l’objet de la foi, est aussi la fin de tous nos désirs et de toutes nos actions, comme le montre S. Augustin. la foi est agissante par la charité, de même que l’intellect spéculatif, selon le Philosophe, en s'étendant devient pratique.


3. La forme de la foi est-elle la charité ?

Objections

1. Il ne semble pas, car c'est la forme qui donne à chaque être son espèce. Donc, lorsque des réalités se distinguent comme les diverses espèces du même genre, l’une ne peut pas être la forme de l’autre. La foi et la charité se distinguent en s'opposant, d'après S. Paul (1 Corinthiens 13.13), comme étant différentes espèces de la vertu. Donc la charité ne peut être la forme de la foi.

2. La forme et ce qu'elle informe sont dans le même sujet, puisque les deux forment absolument un seul être. Mais la foi est dans l’intelligence, la charité dans la volonté. La charité n'est donc pas la forme de la foi.

3. La forme est le principe de la réalité. Mais le côté de la volonté, que la charité, selon « pour la soumission ». l’obéissance est donc, plus que la charité, la forme de la foi.

En sens contraire, c'est par sa forme que chaque être est agissant. Or la foi est « agissante par la charité ». La dilection de charité est donc la forme de la foi.

Réponse

Nous l’avons montré précédemment, les actes de volonté reçoivent leur espèce de la fin, qui est l’objet de la volonté. Or, ce qui confère à quelque chose son espèce se comporte comme fait une forme dans les réalités de la nature. Voilà pourquoi dans tout acte de volonté la forme est en quelque sorte cette fin à laquelle l’acte est ordonné : d'abord parce que c'est de la fin elle-même que l’acte reçoit son espèce, et aussi parce que la mesure de l’action doit répondre à la fin qu'on se propose et être proportionnée à cette fin. Or, d'après ce que nous avons dit précédemment, il est clair que l’acte de la foi est ordonné à un objet de volonté, à un bien, et que c'est là pour cet acte comme une fin. Or, ce bien qui est le but de la foi, c'est le bien divin, objet propre de la charité. C'est pourquoi la charité est appelée la forme de la foi, en tant que par la charité l’acte de la foi est vraiment parfait et formé.

Solutions

1. On dit que la charité est la forme de la foi en tant qu'elle donne forme à l’acte de la vertu même de foi. Rien n'empêche qu'un acte unique soit formé par des habitus différents, et se ramène ainsi à des espèces différentes, mais dans un certain ordre, comme nous l’avons dit, lorsqu'il s'est agi des actes humains en général.

2. L’objection est valable s'il s'agit de la forme intrinsèque. Or ce n'est pas ainsi que la charité est la forme de la foi, c'est en tant qu'elle forme l’acte de la foi dans le sens que nous venons de dire.

3. L’obéissance elle-même, comme l’espérance et toute autre vertu, peut précéder l’acte de foi en étant formée par la charité, comme on le montrera plus loin. Et c'est pourquoi la charité est précisément tenue pour la forme de la foi.


4. La foi formée et la foi informe sont-elles numériquement identiques ?

Objections

1. Il semble que la foi informe ne puisse devenir une foi formée, ni l’inverse. Car, selon l’Apôtre (1 Corinthiens 13.10) : « Quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel disparaîtra. » Mais la foi informe est imparfaite en face de la foi formée. Donc lorsque paraît celle-ci, celle-là est éliminée si bien qu'elles ne forment pas un habitus numériquement un.

2. Ce qui est mort ne devient pas vivant. Mais la foi informe est une foi morte, selon S. Jacques (Jacques 2.20) : « La foi sans les œuvres est une foi morte. » La foi informe ne peut donc se changer en foi formée.

3. Quand survient la grâce de Dieu, elle n'a pas moins d'effet chez un fidèle que chez un infidèle. Or, en venant chez un infidèle, elle cause chez lui l’habitus de foi. Donc, lorsqu'elle vient aussi chez un fidèle qui avait jusque-là un habitus de foi informe, elle cause en lui un autre habitus de foi.

4. Comme dit Boèce, les accidents ne peuvent pas subir d'altération. Mais la foi est un accident. Une même foi ne peut donc pas être tantôt formée et tantôt informe.

En sens contraire, sur le passage cité de S. Jacques : « La foi sans les œuvres est une foi morte », la Glose ajoute : « Par les œuvres elle se remet à vivre. » Donc cette foi qui d'abord était morte et informe devient formée et vivante.

Réponse

Il y a eu à cet égard des opinions diverses. Certains ont dit : autre est l’habitus de la foi formée et autre celui de la foi informe ; à la venue d'une foi formée, la foi informe est enlevée. Pareillement lorsqu'un homme, après avoir eu la foi formée, pèche mortellement, un autre habitus survient, un habitus de foi informe, infusé par Dieu. Mais il ne paraît pas admissible qu’une grâce advienne à l’homme pour exclure un don de Dieu, ni non plus qu'un don de Dieu soit infusé à l’homme à cause d'un péché mortel.

Aussi d'autres ont dit que foi formée et foi informe sont bien des habitus différents ; cependant, lorsque survient la foi formée, l’habitus de foi informe n'est pas enlevé, mais il subsiste chez le même homme en même temps que l’habitus de foi formée. Mais cela encore semble inadmissible, qu'un habitus de foi informe demeure sans rien faire chez celui qui possède un habitus de foi formée.

C'est pourquoi il faut dire que l’habitus est le même pour la foi formée que pour la foi informe. La raison en est qu'un habitus se diversifie d'après ce qui lui appartient essentiellement. Puisque la foi est une perfection de l’intelligence, ce qui appartient à l’intelligence appartient essentiellement à la foi ; tandis que ce qui appartient à la volonté n'appartient pas essentiellement à la foi au point que cela puisse diversifier l’habitus de la foi. Or, la distinction entre foi formée et foi informe dépend de ce qui appartient à la volonté, c'est-à-dire dépend de la charité ; elle ne dépend pas de ce qui appartient à l’intelligence. Aussi foi formée et foi informe ne sont-elles pas des habitus différents.

Solutions

1. La parole de l’Apôtre doit s'entendre d'une imperfection qui tient à l’essence même de l’être imparfait. Car en ce cas il faut qu'à la venue du parfait l’imparfait soit exclu ; c'est ainsi que, lorsqu'advient la vision à découvert, la foi est exclue, puisqu'il lui est essentiel d'avoir pour objet ce qui ne se voit pas. Mais si l’imperfection ne tient pas à l’essence même de la réalité imparfaite, alors le même être numériquement, qui était imparfait, devient parfait. Ainsi, comme l’enfance ne tient pas à notre essence même, le même numériquement qui était un enfant, devient un homme. Pour ce qui est de la foi, le manque de forme ne tient pas à l’essence de la foi, mais cela lui arrive, nous venons de le dire, par accident. Aussi est-ce bien la foi informe elle-même qui devient foi formée.

2. Ce qui fait la vie de l’animal appartient à sa raison même d'animal, c'est sa forme essentielle, en un mot son âme. Voilà pourquoi un mort ne peut devenir un vivant, mais ce qui est mort est d'une autre espèce que ce qui est vivant. Au contraire ce qui fait que la foi est une foi vive ou formée n'appartient pas à l’essence de la foi ; ce n'est donc pas pareil.

3. La grâce produit la foi chez quelqu'un, non seulement quand celle-ci commence d'exister à nouveau, mais encore tout le temps qu'elle dure. Nous l’avons dit en effet : Dieu opère à tout moment la justification de l’homme comme le soleil répand à tout moment sa lumière dans l’air. Par conséquent, la grâce ne fait pas moins lorsqu'elle se présente au fidèle que lorsqu'elle se présente à l’infidèle : chez l’un comme chez l’autre elle opère la foi, chez l’un en l’affermissant et en la perfectionnant, chez l’autre en la créant à neuf. On peut dire aussi que, si la grâce ne cause pas la foi dans celui qui l’a, c'est par accident, c'est-à-dire en raison de la disposition du sujet, comme, en sens contraire, un second péché mortel n'ôte pas la grâce à celui qui l’a perdue par un péché mortel précédents.

4. Par le fait que la foi formée devient informe ce qui est changé ce n'est pas la foi elle-même, c'est l’âme, sujet de la foi ; elle possède la foi tantôt sans la charité, et tantôt avec la charité.


5. La foi est-elle une vertu ?

Objections

1. Il semble que non. Car la vertu est tournée vers le bien : « Elle est, dit le Philosophe, ce qui rend bon celui qui la possède. » Mais la foi est tournée vers le vrai. Elle n'est donc pas une vertu.

2. Il y a plus de perfection dans la vertu infuse que dans la vertu acquise. Or la foi, en raison de l’imperfection qui est en elle, n'est pas au rang des vertus intellectuelles acquises, comme le montre Aristote. On peut donc encore beaucoup moins la compter comme vertu infuse.

3. La foi formée et la foi informe, nous venons de le voir, sont de la même espèce. Mais la foi informe n'est pas une vertu, puisqu'elle est sans lien avec les autres vertus. La foi formée n'est donc pas non plus une vertu.

4. Les grâces gratuitement données sont distinctes des vertus ; les fruits aussi. Mais la foi est comptée parmi les grâces gratuitement données (1 Corinthiens 12.9) ; elle est comptée également parmi les fruits (Galates 5.22). Elle n'est donc pas une vertu.

En sens contraire, on est justifié par les vertus, car « la justice est toute la vertu », selon Aristote. Or, on est justifié par la foi, selon S. Paul (Romains 5.1) : « Justifiés par la foi nous avons la paix. » La foi est donc une vertu.

Réponse

De ce que nous avons dit plus haut, il résulte que la vertu humaine est celle par laquelle l’acte humain est rendu bon. Aussi peut-on appeler vertu humaine tout habitus qui est toujours le principe d'un acte bon. Or la foi formée est un habitus de cette sorte. Car, puisque croire est un acte de l’intelligence qui donne son assentiment au vrai sous l’empire de la volonté, pour qu'un tel acte soit parfait deux conditions sont requises. l’une : que l’intelligence tende infailliblement à son bien, qui est le vrai ; l’autre : qu'elle soit infailliblement ordonnée à la fin ultime en raison de quoi la volonté, elle aussi, donne son assentiment au vrai. Ces deux conditions se trouvent dans l’acte de la foi formée. Car il est essentiel à la foi elle-même de toujours porter l’intelligence au vrai puisque, comme nous l’avons dit, cette foi ne peut comporter de fausseté ; en outre, par la charité, qui forme la foi, l’âme a de quoi ordonner infailliblement sa volonté à la fin bonne. C'est pourquoi la foi formée est une vertu.

Mais la foi informe n'en est pas une. Car, si l’acte de foi informe a du côté de l’intelligence la perfection requise, il ne l’a cependant pas du côté de la volonté. De même que, s'il y avait de la tempérance dans l’appétit concupiscible, et qu'il n'y eût pas de prudence dans la raison, ce ne serait pas, avons-nous dit plus haute, la vertu de tempérance. Car, pour l’acte de la tempérance il faut et l’acte de la raison et celui du concupiscible, comme pour l’acte de la foi il faut et l’acte de la volonté et celui de l’intelligence.

Solutions

1. Le vrai est lui-même le bien de l’intelligence puisque l’intelligence y trouve sa perfection. C'est pourquoi, en tant que l’intelligence est déterminée au vrai par la foi, celle-ci est tournée vers un bien. Mais en outre, en tant qu'elle est formée par la charité, elle est tournée aussi vers le bien selon qu'il est objet de volonté.

2. La foi dont parle le Philosophe s'appuie sur une raison humaine, qui n'est pas rigoureusement concluante, et qui peut comporter du faux ; aussi une telle foi n'est-elle pas une vertu. Mais la foi dont nous parlons s'appuie sur la vérité divine qui est infaillible et ainsi ne peut laisser de place pour le faux : c'est pour cela qu'une telle foi peut être une vertu.

3. La foi formée et la foi informe ne diffèrent pas d'espèce comme si elles existaient dans des espèces différentes, mais comme du parfait et de l’imparfait dans la même espèce. Aussi la foi informe n'arrive-t-elle pas à réaliser la parfaite raison de vertu, par cela même qu'elle est imparfaite, alors que " la vertu est une perfection " selon le Philosophe.

4. Certains pensent que cette foi qui est comptée parmi les grâces gratuitement données est la foi informe. Mais cela est à rejeter. Car les grâces gratuitement données qui sont ici énumérées ne sont pas des grâces communes à tous les membres de l’Église ; d'où le mot de l’Apôtre à cet endroit : « Il y a diversité de grâces », et ensuite : « À l’un est donné ceci, à l’autre est donné cela. » La foi informe, au contraire, est commune à tous les membres de l’Église, car ce caractère informe n'appartient pas à la substance de la foi en tant que la foi est un don de la grâce. Il faut dire par conséquent que la foi, dans le passage en question, est prise pour une foi d'ordre supérieur : par exemple, pour « la constance dans la foi », comme dit la Glose, ou bien pour « la parole de foi. » — Et si la foi est comptée comme un fruit, c'est parce qu'il y a de la délectation dans son acte, en raison de la certitude qu'on y goûte. Aussi, sur ce passage où sont énumérés les fruits (Galates 5.19-23) la Glose explique-t-elle que la foi est « la certitude des réalités invisibles. »


6. La foi est-elle une seule vertu ?

Objections

1. Il semble qu'il n'y ait pas une seule foi. Car l’Apôtre (Éphésiens 2.8) affirme qu'elle « est un don de Dieu ». Mais, comme on le voit dans Isaïe (Ésaïe 11.2) la sagesse et la science sont comptées, elles aussi, parmi les dons de Dieu. Or, elles diffèrent en ce que la sagesse a pour objet les réalités éternelles, et la science, au contraire, les réalités temporelles, comme le montre S. Augustin. Puisque la foi a pour objet et les réalités éternelles et certaines réalités temporelles, il semble qu'il n'y ait pas une seule foi et qu'elle se distingue en plusieurs parties.

2. La confession de la foi, avons-nous dit, est l’acte de la foi. Mais il n'y en a pas qu'une, et elle n'est pas la même pour tous. Ce que nous confessons comme réalisé, les anciens Pères le confessaient comme futur témoin Isaïe disant (Ésaïe 7.14) : « Voici qu'une vierge concevra. » Il n'y a donc pas une foi unique.

3. La foi est commune à tous les fidèles du Christ. Mais un accident unique ne peut pas exister dans des sujets différents. Il ne peut donc pas y avoir une foi unique chez tous.

En sens contraire, l’Apôtre déclare (Éphésiens 4.5) : « Un seul Seigneur, une seule foi. »

Réponse

La foi, si on la prend comme un habitus, peut être considérée de deux façons. Du côté de l’objet, et par là elle est une, car son objet formel est la Vérité première et c'est en y adhérant que nous croyons à tout ce qui peut se trouver contenu dans la foi. Du côté du sujet, la foi se diversifie selon qu'elle est chez des sujets différents. Or, il est évident que la foi, comme n'importe quel autre habitus, est spécifiée par la raison formelle de son objet, mais individuée par son sujet. Voilà pourquoi, si l’on prend la foi pour l’habitus qui nous fait croire, alors elle est unifiée dans son espèce, et différenciée en nombre dans ses divers sujets. — Mais, si l’on prend la foi au sens de ce qui est cru, là aussi il y a une seule foi. Car c'est la même chose qui est crue par tous ; et s'il y a une grande diversité dans les vérités à croire, même dans celles que tous croient universellement, toutes cependant se ramènent à une seule.

Solutions

1. Les vérités temporelles qui nous sont proposées dans la foi n'appartiennent à l’objet de foi que par rapport à quelque chose d'éternel, qui est, avons-nous dit, la vérité première ; et c'est pourquoi la foi est une pour le temporel et pour l’éternel. Mais il en est autrement de la sagesse et de la science, qui considèrent les réalités du temps et celles de l’éternité sous leurs raisons propres.

2. Cette différence du passé et du futur ne vient pas d'une diversité dans la réalité que l’on croit, mais d'une diversité dans la relation des croyants à l’unique réalité qu'ils croient, nous l’avons établi précédemment.

3. l’argument est valable pour la diversité de la foi dans le nombre des sujets.


7. Rapport de la foi aux autres vertus

Objections

1. Il ne semble pas que la foi soit la première des vertus. Car sur Luc (Luc 12.4), la Glose dit que « la force est le fondement de la foi ». Mais le fondement a priorité sur ce qu'il fonde. La foi n'est donc pas la première vertu.

2. Sur le Psaume (Psaumes 37), une certaine Glose dit que « l’espérance est une introduction à la foi ». Mais l’espérance, nous le dirons, est une vertu. La foi n'est donc pas première.

3. On a dit que l’intelligence du croyant est inclinée à donner son assentiment à ce qui est de foi, par obéissance à Dieu. Mais l’obéissance aussi est une vertu. Donc la foi n'est pas la première vertu.

4. Comme il est dit dans la Glose, ce n'est pas la foi informe qui est un fondement, c'est la foi formée. Or nous savons que la foi est formée par la charité. C'est donc par la charité que la foi peut être un fondement. La charité est un fondement plus que la foi, car le fondement est la base première de l’édifice. Ainsi semble-t-il qu'elle ait priorité sur la foi.

5. Enfin, l’ordre des habitus se comprend d'après celui des actes. Mais, dans l’acte de foi, l’acte de la volonté, que perfectionne la charité, précède l’acte de l’intelligence, que perfectionne la foi, comme la cause précède son effet. Donc la charité précède aussi la foi, et celle-ci n'est pas la première des vertus.

En sens contraire, l’Apôtre dit que « la foi est la substance des réalités à espérer ». Mais la substance implique la priorité. Donc la foi est la première des vertus.

Réponse

Quelque chose peut avoir priorité sur une autre chose de deux manières : par soi ou par accident. — Par soi, il est certain qu'entre toutes les vertus la première est la foi. Puisque, en matière d'action, la fin est principe, nous l’avons déjà dit, nécessairement les vertus théologales, parce qu'elles ont pour objet la fin ultime, possèdent la priorité sur toutes les autres vertus. Mais, cette fin ultime elle-même, il faut qu'elle soit dans l’intelligence avant d'être dans la volonté parce que celle-ci se porte sur un objet en tant seulement qu'il est saisi par l’esprit. Aussi, comme la fin ultime est dans la volonté par l’espérance, et comme la charité est dans l’intelligence par la foi, nécessairement la foi est la première entre toutes les vertus : le fait est que la connaissance naturelle ne peut s'élever jusqu'à Dieu sous l’aspect où il est objet de béatitude, selon que tendent à lui l’espérance et la charité.

Mais, par accident, une vertu peut avoir priorité sur la foi. Une cause accidentelle a une priorité accidentelle. Or, écarter un obstacle relève de la cause accidentelle, comme le montre bien le Philosophe. D'après cela, on peut dire que des vertus ont sur la foi une priorité accidentelle, en tant qu'elles écartent ce qui empêche de croire ; ainsi la force écarte cette crainte désordonnée qui paralyse la foi, l’humilité cet orgueil qui fait que l’intelligence refuse de se soumettre à la vérité de la foi, et on peut dire la même chose de quelques autres vertus. Encore qu'elles ne soient de vraies vertus que si la foi est présupposée, comme le fait voir S. Augustin dans son livre contre Julien.

Solutions

1. Cela donne la réponse à la première objection.

2. L’espérance ne peut pas être une introduction à toutes les composantes de la foi. En effet, on ne peut avoir l’espérance de la béatitude éternelle que si la foi nous en révèle la possibilité, car l’impossible, nous l’avons dit, n'est pas objet de l’espérance. Mais par l’espérance quelqu'un peut être amené à persévérer dans la foi, ou bien à fermement adhérer à la foi, et en ce sens on dit que l’espérance est une introduction à la foi.

3. On parle de l’obéissance en deux sens. Parfois elle implique l’inclination de la volonté à accomplir les commandements divins. En ce sens elle n'est pas une vertu spéciale, mais elle est incluse d'une manière générale en toute vertu, du fait que tous les actes des vertus tombent sous des préceptes de la loi divine, ainsi qu'on l’a observé plus haut. À cet égard l’obéissance est requise pour la foi. — Autrement, on peut prendre l’obéissance en tant qu'elle implique une certaine inclination à accomplir les commandements selon qu'ils se présentent comme une véritable dette. En ce sens elle est une vertu spéciale ; elle est une partie de la justice, car en obéissant au supérieur, on lui rend ce qui lui est dû. À ce point de vue, l’obéissance vient après la foi, parce que celle-ci révèle clairement à l’homme que Dieu est un supérieur à qui l’on doit obéir.

4. Pour qu'un fondement le soit vraiment, il ne faut pas seulement qu'il soit la base première, il faut aussi qu'il soit uni aux autres parties de l’édifice ; ce ne serait pas un fondement si les autres parties de l’édifice ne lui étaient pas rattachées. Or la cohésion de l’édifice spirituel vient de la charité, selon la lettre aux Colossiens (Colossiens 3.14) : « Par-dessus tout ayez la charité : elle est le lien de la perfection. » Voilà comment la foi sans la charité ne peut être un fondement spirituel. Il ne s'ensuit cependant pas que la charité passe avant la foi.

5. Un acte de vouloir est exigé avant la foi ; mais non un acte de vouloir informé par la charité ; un tel acte, au contraire, présuppose la foi, car la volonté ne peut tendre vers Dieu d'un amour parfait si l’intelligence ne possède pas une foi droite en ce qui concerne Dieu.


8. Comparaison entre la certitude de la foi et celle des autres vertus intellectuelles ?

Objections

1. Il semble que la foi n'ait pas plus de certitude que la science et les autres vertus intellectuelles. En effet, le doute s'oppose à la certitude ; aussi une chose paraît-elle d'autant plus certaine qu'elle peut comporter moins de doute, de même qu'un être est d'autant plus blanc qu'il comporte moins de noir. Mais l’intelligence, la science et aussi la sagesse, n'ont pas de doute en ce qui concerne leurs objets, tandis que le croyant peut de temps en temps ressentir un mouvement d'hésitation et douter en matière de foi. La foi n'a donc pas plus de certitude que les vertus intellectuelles.

2. On est plus sûr de ce qu'on voit que de ce qu'on entend. Mais, dit l’Apôtre (Romains 10.17), « la foi vient de ce qu'on entend », alors que, dans l’intelligence, la science et la sagesse, est incluse une certaine vision de l’esprit. Il y a donc plus de certitude dans la science ou l’intelligence que dans la foi.

3. En ce qui relève de l’intelligence, plus il y a de perfection, plus il y a de certitude. Or il y a plus de perfection dans l’intelligence que dans la foi, puisque c'est à travers la foi qu'on arrive à l’intelligence, suivant la parole d'Isaïe (Ésaïe 7.9) d'après une autre version : « Si vous n'avez pas la foi, vous n'aurez pas l’intelligence. » Et S. Augustin, dit aussi à propos de la science que c'est elle « qui fortifie la foi ». S'il y a plus de perfection, il y a donc aussi plus de certitude dans la science ou l’intelligence que dans la foi.

En sens contraire, S. Paul écrit (1 Thessaloniciens 2.13) : « Lorsque vous avez reçu » par la foi « la parole que nous vous faisions entendre, vous l’avez accueillie non comme une parole d'homme, mais comme ce qu'elle est vraiment, la parole de Dieu ». Mais rien n'est plus certain que la parole de Dieu. Donc la science, ni rien d'autre, n'est pas plus certaine que la foi.

Réponse

Comme nous l’avons dit, deux des vertus intellectuelles regardent les choses contingentes : la prudence et l’art. La foi passe avant elles en certitude à cause de sa matière, puisqu'elle a pour objet les réalités éternelles qui ne seront jamais autrement qu'elles sont. Quant au reste des vertus intellectuelles : la sagesse, la science et l’intelligence, elles concernent le domaine du nécessaire, nous l’avons dit. Mais il faut savoir que les mots : sagesse, science et intelligence se prennent en deux sens : en tant qu'elles sont données par le Philosophe comme des vertus intellectuelles ; en tant qu'elles figurent parmi les dons du Saint-Esprit. Selon la première acception, il faut dire que la certitude peut être envisagée de deux façons. D'abord selon la cause de la certitude ; on dit alors que ce qui a une cause plus certaine est plus certain. À ce point de vue, c'est la foi qui est la plus certaine, parce qu'elle s'appuie sur la vérité divine, tandis que les trois autres vertus intellectuelles s'appuient sur la raison humaine.

Mais on peut aussi envisager la certitude du côté du sujet, et ainsi on dit plus certain ce que l’intellect humain possède plus pleinement. Sous cet angle, parce que les vérités de foi dépassent l’intellect humain, et non pas les objets des trois autres vertus, la foi est moins certaine. Mais parce qu'on juge toute chose de façon absolue d'après sa cause, tandis qu'on la juge de façon relative d'après la disposition du sujet, on doit conclure que la foi est absolument plus certaine, tandis que les autres vertus intellectuelles le sont relativement, c'est-à-dire par rapport à nous.

Pareillement, si l’on prend ces trois vertus comme des dons du Saint-Esprit pour la vie présente, elles se rattachent à la foi comme au principe qu'elles présupposent. Aussi, même à ce point de vue, la foi est plus certaine qu'elles.

Solutions

1. Ce doute ne saurait être attribué à la cause de la foi. Il est relatif à nous en tant que nous ne saisissons pas pleinement par l’intelligence les vérités de foi.

2. Toutes choses égales d'ailleurs, ce qu'on voit est plus certain que ce qu'on entend. Mais si celui que l’on entend surpasse de beaucoup ce que l’on voit, alors il y a plus de certitude à entendre qu'à voir. De même, si l’on n'a qu'une petite science, on est plus sûr de ce qu'on entend dire à un savant que de ce qu'il semble qu'on voie selon sa propre raison. Or, l’homme est beaucoup plus certain de ce qu'il entend de Dieu, qui ne peut se tromper, que de ce qu'il voit par sa propre raison, laquelle peut se tromper.

3. La perfection de l’intelligence et de la science dépasse la connaissance de foi par une plus grande évidence, non par une adhésion plus certaine. Parce que toute la certitude de l’intelligence ou de la science, en tant que ce sont des dons, procède de la certitude de la foi, de même que la certitude dans la connaissance des conclusions procède de la certitude des principes. Mais, selon que science, sagesse et intelligence sont des vertus intellectuelles, elles se fondent sur la lumière naturelle de la raison, bien inférieure à la certitude provenant de la parole de Dieu, sur laquelle se fonde la foi.

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