Somme théologique

Somme théologique — La secunda secundae

89. LE SERMENT

  1. Qu'est-ce que le serment ?
  2. Est-il licite ?
  3. Quelles qualités l'accompagnent ?
  4. De quelle vertu est-il l'acte ?
  5. Faut-il le rechercher et le pratiquer comme utile et bon ?
  6. Est-il permis de jurer par une créature ?
  7. Le serment oblige-t-il ?
  8. Lequel oblige davantage : le serment ou le vœu ?
  9. Peut-on dispenser d'un serment ?
  10. Quand et à qui est-il permis de jurer ?

1. Qu'est-ce que le serment ?

Objections

1. Il semble que jurer ne soit pas prendre Dieu à témoin. Car lorsqu'on tire argument de la Sainte Écriture, on prend Dieu à témoin, lui dont l'Écriture nous propose les paroles. Donc, si jurer est prendre Dieu à témoin, quiconque citerait la Sainte Écriture jurerait; ce qui est faux, et suppose donc une prémisse fausse.

2. Produire un témoin, ce n'est pas lui rendre quelque chose. Or jurer c'est rendre quelque chose Dieu; car on lit en Matthieu (Matthieu 5.33) : « Tu rendras tes serments au Seigneur. » Et S. Augustin dit que jurer c'est « rendre à Dieu droit à la vérité ». jurer n'est donc pas prendre Dieu à témoin.

3. L'office du juge diffère de celui du témoin. Mais il arrive que le serment consiste à implorer le jugement de Dieu, selon le Psaume (Psaumes 7.5) : « Si j'ai rendu le mal à ceux qui m'ont fait du bien, que je sois renversé par mes ennemis. » jurer n'est donc pas prendre Dieu à témoin.

En sens contraire, S. Augustin dit, dans un sermon sur le parjure : « Que signifie : ‘Jurer par Dieu’, sinon : Dieu est témoin ? »

Réponse

Selon l'épître aux Hébreux (Hébreux 6.16), le but du serment est de confirmer quelque chose. En matière de science, c'est à la raison qu'il appartient de confirmer une assertion, en partant de principes naturellement connus et infailliblement vrais. Mais s'il s'agit de faits humains, particuliers et contingents, on ne peut les confirmer par une raison nécessaire. Aussi confirme-t-on ses dires, en pareil cas, par des témoins. Mais le témoignage des hommes n'est pas suffisant ici, et pour deux motifs. D'abord les défaillances humaines envers la vérité, parce que le plus grand nombre se laissent aller à mentir. « Leur bouche a prononcé le mensonge », dit le Psaume (Psaumes 17.10). Puis le défaut de connaissance : les hommes ne peuvent connaître ni l'avenir, ni les secrets des cœurs, ni même les réalités absentes. Toutes choses dont ils parlent, et il faut pour la bonne marche des affaires humaines qu'on ait là-dessus quelque certitude. D'où la nécessité de recourir au témoignage divin, parce que Dieu ne peut mentir, et rien ne lui est caché. Or, prendre Dieu à témoin, c'est ce qu'on appelle « jurer » car il est reçu comme un droit (pro jure) que ce qu'on affirme en invoquant le témoignage de Dieu doit être tenu pour vrai.

On fait appel au témoignage divin tantôt pour affirmer une chose passée ou présente : c'est alors le serment affirmatif ; tantôt pour confirmer un fait à venir : c'est alors le serment de promesse. Mais dans le domaine du nécessaire et des problèmes que la raison peut résoudre, on n'emploie pas de serment. Il serait ridicule, dans une discussion scientifique, de vouloir prouver sa thèse par un serment.

Solutions

1. Se servir du témoignage de Dieu déjà donné, en recourant à l'autorité de l'Écriture est une chose ; et c'est autre chose qu'implorer Dieu de donner son témoignage lorsqu'on fait un serment.

2. « Rendre à Dieu ses serments », cela veut dire acquitter ce qu'on a juré ; ou encore, reconnaître, du fait qu'on l'invoque en témoignage, que Dieu possède la connaissance universelle et l'infaillible vérité.

3. On appelle quelqu'un à témoigner pour qu'il manifeste la vérité sur ce qu'on dit. Dieu le fait de deux façons : 1° En révélant directement la vérité : par inspiration intérieure, ou encore en dévoilant le fait, par la divulgation de ce qui était caché.— 2° En punissant le menteur. Dieu est alors à la fois juge et témoin, puisqu'il manifeste le mensonge par la punition du menteur.

Il y a par suite deux manières de jurer : 1° Par simple appel au témoignage divin, lorsqu'on dit par exemple : « Dieu m'est témoin », ou « Je parle devant Dieu », ou bien « Par Dieu », ce qui selon S. Augustin est la même chose. — 2° Par exécration lorsqu'on se voue, soi-même ou quelque chose qui vous touche, à un châtiment, si l'on ne dit pas la vérité.


2. Le serment est-il licite ?

Objections

1. Apparemment non. Car rien n'est permis de ce qu'interdit la loi divine, et elle interdit le serment : « je vous le dis, ne jurez aucunement » (Matthieu 5.34). « Avant toutes choses, mes frères, ne jurez pas » (Jacques 5.12).

2. Ce qui vient du mauvais paraît illicite car « un arbre mauvais ne peut porter de bons fruits », selon S. Matthieu (Matthieu 7.18). Or le serment vient du mauvais, car nous lisons dans S. Matthieu (Matthieu 5.37) : « Que votre parole soit : cela est, cela n'est pas. Ce qu'on dit de plus vient du mauvais. » Le serment est donc illicite.

3. Demander un signe à la divine Providence c'est tenter Dieu, ce qui est absolument illicite, selon ce précepte du Deutéronome (Deutéronome 6.16) : « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. » Mais celui qui jure semble bien demander un signe de la Providence, puisqu'il demande à Dieu de témoigner et donc de produire quelque effet évident. Il paraît donc que le serment est tout à fait illicite.

En sens contraire, on lit au Deutéronome (Deutéronome 6.13) : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu et tu jureras par son nom. »

Réponse

Rien n'empêche qu'une chose soit bonne en elle-même et pourtant tourne au détriment de celui qui n'en use pas comme il faut. Recevoir l'eucharistie est bien, et cependant celui qui la reçoit indignement mange et boit sa propre condamnation, dit S. Paul (1 Corinthiens 11.29). Sur notre sujet nous dirons que de soi le serment est chose licite et honorable. Cela se voit à son origine et à sa fin. A son origine, parce que le serment vient de la foi, qui nous fait croire que Dieu possède l'infaillible vérité et l'universelle connaissance et prévision de tout. À sa fin, parce que l'on fait appel au serment pour se justifier et mettre un terme aux controverses, dit l'épître aux Hébreux (Hébreux 6.16).

Mais le serment devient mauvais si l'on en use mal, c'est-à-dire sans nécessité et sans les précautions requises. C'est faire preuve, en effet, de peu de respect envers Dieu que de le prendre à témoin pour un léger motif, ce qu'on n'oserait même pas faire à l'égard d'un personnage honorable. C'est aussi s'exposer au danger de parjure, car l'homme pèche facilement en paroles selon S. Jacques (Jacques 3.2) : « Si quelqu'un ne pèche pas en paroles, c'est un homme parfait. » De là ce conseil de l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 23.9) : « Que ta bouche ne s'accoutume pas au serment ; il y a là bien des occasions de chute. »

Solutions

1. Voici l'interprétation de S. Jérôme : « Remarquez que le Seigneur n'a pas défendu de jurer par Dieu, mais par le ciel et la terre. On sait en effet que les Juifs ont cette très fâcheuse habitude de jurer sur les éléments. » Mais ceci ne répond pas suffisamment à notre difficulté, car S. Jacques précise : « Ni par quelque autre serment que ce soit. » Il faut donc dire avec S. Augustin : « L'Apôtre lui-même, en employant le serment dans ses épîtres, nous montre en quel sens il faut prendre cette parole : ‘je vous dis de ne pas jurer du tout.’ Entendez qu'il faut éviter d'en arriver à le faire facilement, passant de la facilité à l'habitude, et de l'habitude au parjure. C'est pourquoi on ne voit pas qu'il ait juré ailleurs qu'en écrivant, car le soin plus grand qu'on prend alors empêche qu'on soit emporté par sa langue. ».

Comme dit S. Augustin : « Si tu es obligé de jurer, sache que cette nécessité vient de la faiblesse de ceux que tu veux persuader, faiblesse qui est assurément un mal. C'est pourquoi l’Évangile ne dit pas : ‘Ce qu'on dit de plus est un mal.’ Car tu ne fais rien de mal en usant à bon droit du serment pour persuader quelqu'un utilement. Le texte porte : ‘vient du mal’, le mal de celui dont la faiblesse t'oblige à jurer. »

3. Celui qui jure ne tente pas Dieu, car il n'invoque pas le secours de Dieu sans utilité et sans nécessité. De plus il ne s'expose à aucun péril si Dieu ne veut pas lui rendre témoignage sur-le-champ. Car il est certain qu'il le fera plus tard, quand « il projettera la lumière sur les secrets des ténèbres, et manifestera les desseins des cœurs » (1 Corinthiens 4.5). Ce témoignage rendu au serment ne manquera à personne, soit pour lui, soit contre lui.


3. Quelles qualités accompagnent le serment ?

Objections

1. Il paraît malheureux de donner trois compagnons au serment : la justice, le jugement et la vérité. Car on ne doit pas énumérer comme distinctes des qualités dont l'une est incluse dans l'autre, parce que la vérité fait partie de la justice, selon Cicéron ; et nous avons dit jadis que le jugement est l'acte de cette vertu. Il n'y a donc pas lieu de donner ces trois compagnons au serment.

2. Le serment requiert bien d'autres conditions : la dévotion, la foi qui nous fait croire que Dieu sait tout et ne peut mentir. Cette énumération est donc insuffisante.

3. Toute action humaine requiert ces trois qualités, car on ne doit rien faire contre la justice ou la vérité, ni sans jugement selon S. Paul (1 Timothée 5.4) : « Ne fais rien sans jugement préalable. » Donc ces trois qualités ne doivent pas s'associer au serment plutôt qu'aux autres actes humains.

En sens contraire, on lit dans Jérémie (Jérémie 4.2) : « Tu jureras : ‘le Seigneur est vivant !’ dans la vérité, le jugement et la justice. » Ce que S. Jérôme, commente ainsi « Remarquez que le serment a trois compagnons la vérité, le jugement et la justice. »

Réponse

Nous avons dit que le serment n'est bon que pour ceux qui en usent bien. Ce bon usage requiert deux choses : 1° Qu'on ne jure pas à la légère, mais pour un motif nécessaire, et avec discernement. De ce chef on exigera le jugement, celui de discernement, chez celui qui jure. 2° Relativement à ce qu'on veut confirmer : il faut que ce ne soit ni faux ni défendu. D'où les deux conditions de vérité, impliquant que ce qu'on affirme par serment est vrai, et de justice, impliquant que c'est chose permise : Le défaut de jugement donne lieu au serment imprudent ; le défaut de vérité au serment trompeur ; le défaut de justice au serment indigne ou illicite.

Solutions

1. Le jugement dont il est question ici n'est pas, comme nous venons de le dire, celui qui consiste à faire la justice, mais celui qui fait discerner comme il faut. De même, on parle ici de la vérité, non comme partie de la justice, mais comme condition du langage.

2. La dévotion, la foi, et toutes les conditions analogues que requiert le serment pour être bien fait, sont comprises dans ce que nous entendons par jugement. Les deux autres qualités exigées se rapportent en effet à son objet. Toutefois on pourrait dire aussi que la justice se rapporte à la cause pour laquelle on fait le serment.

3. Le serment comporte un grand danger, tant à cause de la grandeur de Dieu dont on invoque le témoignage, que de la fragilité de la parole humaine dont le serment doit confirmer les dires. C'est pourquoi ces exigences sont plus fortes pour les serments que pour les autres actes humains.


4. De quelle vertu le serment est-il l'acte ?

Objections

1. Il ne semble pas que le serment soit un acte de religion ou latrie. Car de tels actes portent sur des réalités saintes et divines. Le serment, lui, intervient dans les controverses humaines, selon l'épître aux Hébreux (Hébreux 6.16). Le serment n'est donc pas un acte de la vertu de religion ou latrie.

2. Il appartient à la religion d'offrir un culte à Dieu, dit Cicéron. Or, celui qui jure n'offre rien à Dieu mais le prend à témoin. Jurer n'est donc pas un acte de religion.

3. La religion ou latrie a pour fin de rendre honneur à Dieu. Or, ce n'est pas là le but du serment, qui tend plutôt à confirmer quelque assertion. jurer n'est donc pas faire acte de religion.

En sens contraire, on lit dans le Deutéronome (Deutéronome 6.13) : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu, tu ne serviras que lui et tu jureras par son nom. » Or il s'agit là du service de latrie. Le serment est donc un acte de latrie.

Réponse

Jurer c'est, nous le savons faire appel au témoignage divin pour confirmer ce qu'on dit. Or, on ne confirme quelque chose que par ce qui a plus de certitude et de poids. On comprend alors que jurer par Dieu c'est, par le fait même, confesser que Dieu l'emporte sur nous par son indéfectible vérité et sa connaissance universelle, ce qui est une manière de lui rendre hommage. L'Apôtre nous dit (Hébreux 6.16) que « les hommes jurent par de plus grands qu'eux-mêmes ». S. Jérôme écrit : « Celui qui jure fait preuve de vénération ou d'amour envers celui par qui il jure. » Et le Philosophe enseigne aussi que « le serment honore au plus haut point ». Rendre hommage à Dieu, c'est l'objet de la religion. Il est donc manifeste que le serment est un acte de cette vertu.

Solutions

1. On considère deux points dans le serment : le témoignage invoqué, qui est divin. Ce qu'il vient attester, ou ce qui le rend nécessaire, et cela est humain. Le serment appartient à la religion en raison du premier point, non du second.

2. Par le fait même qu'on prend Dieu à témoin par mode de serment, on confesse que sa grandeur nous dépasse, ce qui revient à le révérer. Et ainsi on offre à Dieu quelque chose : révérence et honneur.

3. Nous devons faire à l'honneur de Dieu tout ce que nous faisons. C'est pourquoi, si nous nous proposons de fournir à un homme les certitudes qu'il réclame, rien n'empêche que par le fait même nous rendions honneur à Dieu. Car ainsi nous devons rendre hommage à Dieu de telle manière que notre prochain en retire avantage. Parce que Dieu, lui aussi, agit à la fois pour sa gloire et pour notre intérêt.


5. Faut-il rechercher et pratiquer le serment comme utile et bon ?

Objections

1. Il paraît bien que oui, car le serment est un acte de religion comme le vœu. Mais faire quelque chose par vœu rend cet acte plus louable et plus méritoire, on l'a dit. Donc au même titre il est plus louable d'agir et de parler avec serment. Il faut donc rechercher le serment comme étant un bien par lui-même.

2. S. Jérôme commentant S. Matthieu écrit que « celui qui fait serment vénère ou aime celui par qui il jure ». Mais vénérer Dieu ou l'aimer est un bien qu'on doit rechercher comme bon en lui-même. Donc aussi le serment.

3. Le but du serment c'est de confirmer, de certifier. Mais il est bien de confirmer ses dires. Le serment doit donc être recherché comme une bonne chose.

En sens contraire, on lit dans l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 23.12) : « L'homme qui jure sera rempli d'iniquité. » Et S. Augustin écrit : « Le Seigneur a interdit le serment afin que tu fasses ton possible pour ne pas t'y attacher, que tu ne prennes pas plaisir à le rechercher, comme si c'était un bien. »

Réponse

Ce qu'on recherche uniquement pour subvenir à quelque déficience n'est pas à ranger parmi les choses désirables en elles-mêmes, mais parmi celles que la nécessité rend bonnes, comme la médecine, à qui l'on demande de soulager le malade. Or, on a recours au serment pour subvenir à cette déficience humaine qu'est le refus d'accorder foi aux paroles d'autrui. C'est pourquoi il ne faut pas ranger le serment parmi les biens désirables en soi, mais parmi ceux dont on fait un usage indu lorsque l'on dépasse les limites du nécessaire. Aussi S. Augustin dit-il : « Celui qui comprend que le serment doit être considéré non point comme un bien, c'est-à-dire comme recherché pour lui-même, mais comme une nécessité, celui-là se retient autant qu'il le peut d'en user, si la nécessité ne l'y contraint ».

Solutions

1. La raison de vœu et la raison de serment sont différentes. Par le vœu nous ordonnons à l'honneur de Dieu une œuvre qui de ce fait devient un acte de religion. Dans le serment, au contraire, c'est pour confirmer notre promesse que nous avons recours au respect dû au nom de Dieu. Aussi ce que nous confirmons par serment ne devient pas de ce fait acte de religion, car nos actes moraux tirent leur espèce de leur fin.

2. En faisant serment on use de vénération et d'amour envers celui dont on invoque le témoignage. Mais ce n'est pas le but direct du serment. Celui-ci ne tend qu'à remédier à une nécessité de la vie présente.

3. Les remèdes sont utiles à la guérison. Mais plus grande est leur vertu, plus nuisible aussi leur emploi s'il n'est pas convenablement réglé.

De même le serment : utile pour confirmer nos assertions, du fait qu'il mérite plus de respect, il présente plus de danger si on l'emploie de façon indue. Comme dit l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 23.11) : « Celui qui trompe son frère, son péché sera sur lui ; et s'il dissimule » par un faux serment, « il pèche doublement » parce que l'équité simulée est une double injustice ; « et s'il jure en vain », c'est-à-dire sans motif suffisant et sans nécessité, « il ne sera pas justifié ».


6. Est-il permis de jurer par une créature ?

Objections

1. Il semble que non, car nous lisons en S. Matthieu (Matthieu 5.34) : « je vous dis de ne pas jurer du tout, ni par le ciel ni par la terre, ni par Jérusalem, ni par votre tête », ce que S. Jérôme, commente en ces termes : « Remarquez que le Sauveur n'a pas défendu de jurer par Dieu, mais par le ciel et la terre. »

2. Seule une faute mérite une peine. Or, on punit ceux qui jurent par les créatures. Nous lisons en effet dans les Décrets de Gratien : « Le clerc qui jure par les créatures doit être sévèrement repris. S'il persiste dans son péché il doit être excommunié. » Il n'est donc pas permis de jurer par les créatures.

3. Le serment est un acte de latrie, nous l'avons dit. Mais le culte de latrie n'est dû à aucune créature. Il n'est donc pas permis de jurer par une créature. Il n’est donc pas permis de jurer par les créatures.

En sens contraire, nous lisons dans le Genèse (Genèse 42.15) que Joseph a juré « par le salut de Pharaon ». Et l'on a coutume de jurer par l'Évangile, par les reliques et par les saints.

Réponse

Il y a, avons-nous dit, deux types de serments. On peut tout d'abord jurer par mode de simple attestation, c'est-à-dire en faisant appel au témoignage de Dieu. Ce serment s'appuie sur la vérité divine, comme la foi elle-même. Or la foi porte, de soi, principalement sur Dieu qui est la vérité même, mais secondairement sur les créatures, dans lesquelles brille la vérité de Dieu, nous l'avons montré. De même, le serment se réfère principalement à Dieu lui-même, dont on invoque le témoignage ; mais secondairement on y fait appel aux créatures ; non point pour elles-mêmes, mais pour la vérité divine qu'elles manifestent. Ainsi jurons-nous par l'Évangile, et par les saints qui ont cru à cette vérité et l'ont mise en pratique.

L'autre manière de jurer c'est l'exécration. Dans ce serment-là, on fait entrer la créature en tant que le jugement de Dieu s'exercera contre elle. C'est ainsi que les hommes ont coutume de jurer par leur tête, par leur fils, ou par quelque autre objet de leur amour. Ainsi fit l'Apôtre lorsqu'il exprima ce serment (2 Corinthiens 1.23) : « J'en prends Dieu à témoin sur mon âme. »

Pour ce qui est de Joseph jurant « par le salut de Pharaon » on peut l'entendre de deux manières : Soit comme un cas d'exécration, la vie de Pharaon étant prise comme gage devant Dieu. Soit comme simple attestation, par un appel à la vérité de la justice divine, que les princes de la terre sont chargés d'exécuter.

Solutions

1. Notre Seigneur a interdit le serment où des créatures seraient l'objet d'un honneur divin. Aussi S. Jérôme ajoute-t-il que les Juifs en jurant par les anges et d'autres créatures leur rendaient un honneur qui n'était dû qu'à Dieu.

C'est le motif également des peines canoniques qui atteignent le clerc, coupable, en jurant de la sorte, du blasphème d'infidélité. Voici en effet les termes du chapitre suivant : « Si quelqu'un jure par les cheveux de Dieu, ou s'il blasphème contre lui de quelque autre façon, on doit le déposer, si c'est un clerc. »

2. Par là se trouve résolue la deuxième objection.

3. On rend un culte de latrie à celui dont on invoque le témoignage en prêtant serment. De là cette défense, au livre de l'Exode (Exode 23.18) : « Vous ne jurerez point par le nom des dieux étrangers. » Mais aucun honneur latreutique n'est rendu aux créatures que l'on fait entrer dans le serment de la manière que nous avons dite.


7. Le serment oblige-t-il ?

Objections

1. Il semble que non, car on prête serment pour confirmer la vérité de ce qu'on dit. Mais lorsqu'on parle de l'avenir on dit la vérité, même si ce qu'on avait dit n'arrive pas. S. Paul, qui n'alla pas à Corinthe comme il l'avait dit, n'a pas menti comme il le fait voir (2 Corinthiens 1.15). Il semble donc que le serment n'oblige pas.

2. La vertu n'est pas contraire à la vertu, dit Aristote. Mais nous savons que le serment est un acte de vertu. Or il serait parfois contraire à la vertu, ou ce serait y faire obstacle, que de s'en tenir à ce qu'on a juré, par exemple si l'on jurait de commettre un péché ou de cesser une bonne œuvre. Le serment n'oblige donc pas toujours.

3. Il arrive qu'une personne soit forcée contre son gré de promettre quelque chose sous serment. Mais « ces personnes sont déliées de leurs serments par les pontifes romains », d'après les Décrétales . Donc le serment n'a pas toujours force obligatoire.

4. Personne ne peut être obligé à deux choses opposées. Or il arrive que celui qui jure veuille tout l'opposé de ce que veut celui à qui il prête serment. Le serment ne peut donc pas avoir toujours force obligatoire.

En sens contraire, on lit en S. Matthieu (Matthieu 5.33) : « Tu t'acquitteras de tes serments envers le Seigneur. »

Réponse

Toute obligation est relative à une chose qu'on doit accomplir ou omettre. Le serment affirmatif, portant sur le présent ou le passé, n'en comporte donc pas ; ni le serment dont l'objet dépendrait, en sa réalisation, de causes étrangères : si l'on affirmait par exemple, avec serment, qu'il pleuvra demain. L'obligation ne peut regarder que les choses qu'accomplira lui-même celui qui en fait le serment.

Mais, de même que le serment affirmatif portant sur le présent ou le passé doit être vrai, de même le serment sur ce que nous ferons plus tard. L'un et l'autre comportent donc une obligation, mais de façon différente. Dans le serment relatif au présent ou au passé, l'obligation regarde non cette chose passée ou présente, mais l'acte même du serment : on doit jurer ce qui est ou ce qui fut vraiment. Mais quand nous jurons quelque chose que nous devons faire, l'obligation porte sur ce que le serment a confirmé. Car on est tenu de réaliser vraiment ce qu'on a juré, sinon le serment manque à la vérité.

Mais il peut s'agir d'une chose qui n'était pas au pouvoir de celui qui a juré de l'accomplir. C'est alors un serment où manque le jugement de discernement ; à moins que la chose, possible au moment du serment, soit par la suite devenue impossible, par exemple vous aviez juré de payer une somme d'argent, et on vous l'a arrachée par violence, ou volée. En pareil cas on voit bien que l'on est dispensé de faire ce que l'on a juré. Mais on est tenu de faire ce qu'on peut comme nous l'avons dit au sujet de l'obligation du vœu.

Mais s'il s'agit d'une chose qu'on pourrait faire mais qu'on ne doit pas faire, parce que c'est mauvais en soi, ou que cela s'oppose au bien, c'est un serment où fait défaut la justice. Il n'y a donc pas à tenir son serment quand il y a péché ou obstacle à un bien, car selon S. Augustin ces deux serments aboutissent à une issue plus malheureuse.

Nous conclurons donc que jurer de faire quoi que ce soit, c'est s'obliger à le faire, pour que la vérité soit accomplie, si du moins le serment a ses deux autres compagnons : le jugement et la justice.

Solutions

1. Autre chose est une simple parole, autre chose un serment où l'on invoque le témoignage divin. Pour qu'une parole soit vraie il suffit qu'on dise ce qu'on propose de faire, la chose étant déjà vraie dans sa cause, par le fait qu'on a dessein de l'accomplir. Mais le serment ne doit intervenir qu'à propos de ce dont on a une certitude solide. Donc, si l'on en vient à jurer, on est obligé, par révérence envers le témoignage de Dieu à quoi l'on fait appel, de faire en sorte que ce qu'on a juré soit vrai, et cela autant qu'il est en notre pouvoir, à moins qu'on aboutisse à une issue fâcheuse, comme on vient de le dire.

2. Le serment peut avoir une issue fâcheuse de deux manières : cette issue fâcheuse est impliquée dans le principe : c'est le cas du serment mauvais en soi, si l'on jurait par exemple de commettre l'adultère. Ou bien ce serment met obstacle à un plus grand bien : on jure de ne pas entrer en religion, de ne pas se faire clerc, de ne pas accepter une prélature alors qu'il serait utile de le faire, etc. Ces serments sont illicites dès le principe ; avec une différence cependant. Si l'on jure de commettre un péché, il y a péché à deux reprises : quand on fait le serment, et quand on accomplit. Si l'on jure de ne pas accomplir un bien meilleur auquel toutefois on n'est pas tenu, ce serment est un péché en tant qu'il fait obstacle au Saint-Esprit qui nous inspire ces bons propos ; cependant il n'y a pas péché à tenir son serment, mais on ferait bien mieux de ne pas l'observer.

Le serment peut aussi avoir issue fâcheuse par le fait d'une circonstance imprévue qui surgit soudain. C'est le cas très clair du serment d'Hérode. Il jura de donner à la jeune danseuse ce qu'elle demanderait. C'est là un serment qui dans son principe pouvait être licite, avec cette condition sous-entendue qu'elle ne demanderait rien qu'on ne pût accorder. Mais c'est de l'accomplir qu'Hérode fut coupable. « Il est parfois contraire au devoir, dit S. Ambroise. d'accomplir son serment, comme Hérode qui, pour ne pas renier sa promesse, fit exécuter S. Jean. »

3. Dans le serment qui impose sa contrainte, il y a une double obligation. Il y a d'abord l'obligation contractée envers celui à qui l'on promet. Elle disparaît du fait de la contrainte, car celui qui fait violence mérite qu'on ne tienne pas sa promesse envers lui. Mais le serment nous lie également envers Dieu, exigeant l'accomplissement de ce qui fut promis en son nom. Cette obligation demeure en conscience, car on doit préférer subir un dommage temporel que violer son serment. Mais dans ce cas on peut redemander en justice ce que l'on a acquitté, ou dénoncer la chose au prélat, même si l'on a juré de ne pas le faire ; car en ce cas le serment aurait des conséquences mauvaises, étant contraire à la justice publique. Quant au fait que les pontifes romains aient délié de ces sortes de serment, cela ne signifie pas qu'ils les aient jugé sans force obligatoire ; ils n'ont fait qu'affranchir de ces liens pour un juste motif.

4. Lorsqu'il y a divergence de vues entre celui qui a fait serment et celui envers qui il est engagé, deux cas se présentent. Le jureur est de mauvaise foi; il doit alors tenir le serment conformément à ce qu'entend son partenaire. « Malgré les artifices de paroles, dit S. Isidore Dieu, qui est le témoin des consciences, reçoit le serment dans le sens où l'entend celui à qui il est fait. » Il s'agit bien dans la pensée de cet auteur du serment trompeur, comme le prouve la suite : « C'est être doublement coupable que de prendre en vain le nom de Dieu, et de surprendre le prochain par tromperie. » Mais si le jureur n'emploie pas la tromperie, l'obligation se mesure à ses intentions à lui. C'est l'avis de S. Grégoire : « Les hommes jugent de nos paroles selon ce qui frappe leurs oreilles, mais dans ses jugements Dieu entend ce que nous disons, comme cela sort de notre cœur. »


8. Lequel oblige davantage le serment ou le vœu ?

Objections

1. L'obligation du serment est la plus forte. Le vœu n'est qu'une simple promesse, mais le serment ajoute à la promesse le témoignage de Dieu. Il oblige donc davantage.

2. D'ordinaire on confirme le plus faible par le plus fort. Or le vœu est parfois confirmé par un serment. Donc celui-ci a plus de force que le vœu.

3. La source de l'obligation du vœu est la délibération de l'esprit, avons-nous dit. Le serment tire sa force obligatoire de la vérité divine, dont on invoque le témoignage. Donc, puisque la vérité de Dieu surpasse la délibération de l'homme, le serment comporte une obligation plus forte que le vœu.

En sens contraire, le vœu nous oblige envers Dieu. Le serment nous oblige parfois envers un homme. L'obligation contractée envers Dieu est plus grande que celle qu'on contracte envers un homme. Le lien du vœu est donc plus fort que celui du serment.

Réponse

L'obligation du vœu et celle du serment sont toutes deux fondées sur quelque chose de divin, mais différemment. Le vœu nous oblige en raison de la fidélité que nous devons à Dieu, et qui exige que nous nous acquittions de nos promesses envers lui. L'obligation du serment vient du respect que nous devons à Dieu, et qui nous impose d'accomplir vraiment ce que nous promettons par son nom. Toute infidélité contient une irrévérence ; mais la réciproque n'est pas vraie. L'infidélité du sujet envers son maître apparaît en effet comme la plus grande irrévérence. C'est pourquoi, par sa raison même, le vœu est plus obligatoire que le serment.

Solutions

1. Le vœu n'est pas une promesse quelconque, c'est une promesse faite à Dieu, et lui être infidèle est chose fort grave.

2. Si l'on joint au vœu un serment, ce n'est pas que l'on tienne celui-ci pour plus efficace; on veut simplement par le moyen de deux choses immuables assurer une stabilité plus grande.

3. On peut dire que la délibération fonde la solidité du vœu, en se plaçant du côté de l'auteur du vœu. Mais du côté de Dieu, à qui le vœu est offert, on trouve une cause supérieure de fermeté.


9. Peut-on dispenser d'un serment ?

Objections

1. Nul ne le peut. En effet, de même que la vérité est exigée pour un serment affirmatif concernant le passé ou le présent, de même pour un serment qui promet quelque chose dans l'avenir. Mais nul ne peut accorder dispense à celui qui jure contre la vérité concernant le passé ou le présent. Donc nul ne peut accorder dispense de réaliser vraiment ce qu'il a juré pour l'avenir.

2. Si le serment s'adjoint à la promesse, c'est dans l'intérêt de celui à qui on la fait. Or celui-ci n'en peut délier, car il agirait contre le respect dû à Dieu. À plus forte raison nulle autre personne ne pourra-t-elle dispenser en pareille matière.

3. Tout évêque peut dispenser des vœux, excepté ceux qui sont réservés au pape. Donc si, comme nous l'avons dit. le serment pouvait souffrir dispense, tout évêque, au même titre, pourrait en dispenser. Or le droit s'y oppose. Il n'y a donc pas de dispense possible en cette matière.

En sens contraire, le vœu oblige davantage que le serment, nous venons de le dire. Or le vœu peut subir dispense. Donc le serment aussi.

Réponse

Nous avons vu ci-dessus d'où venait la nécessité d'introduire le régime de la dispense dans la loi et le vœu : de ce qu'une chose, utile et morale en elle-même ou d'une façon générale, peut, dans un cas particulier, devenir immorale et nuisible et ne peut plus être matière à une loi ou à un vœu. Les mêmes caractères d'immoralité ou de nocivité s'opposent aux qualités qu'on doit exiger du serment ; car si la chose est immorale, c'est en opposition avec la justice; si c'est nuisible, c'est en opposition avec le jugement. Il y a donc lieu au même titre d'introduire dans le serment un régime de dispense.

Solutions

1. La dispense appliquée au serment ne va pas jusqu'à permettre d'agir contrairement au serment lui-même. C'est impossible, l'accomplissement des serments relevant d'un principe divin dont on ne peut dispenser. La dispense a cette conséquence que ce qui tombait sous le serment n'en relève plus, la matière apte au serment faisant défaut. Le cas est semblable à celui du vœu, résolu plus haut. Pour le serment affirmatif, qui porte sur un fait passé ou présent, la matière du serment est déjà entrée dans le domaine du nécessaire, et est devenue immuable. Aussi la dispense ne pourrait l'atteindre, et, portant sur l'acte même du serment, serait directement opposée au précepte divin. Mais dans le cas d'un serment de promesse, on a pour matière une chose future, sujette à varier ; si bien qu'elle pourrait par la suite devenir illicite ou nuisible et n'être plus matière légitime d'un serment. Il y a donc possibilité de dispense pour le serment de promesse, et cela parce que la dispense est relative à la matière du serment, sans s'opposer au précepte divin qui impose de tenir la parole jurée.

2. On peut faire avec serment deux sortes de promesses. Premier cas : ce qu'on promet à autrui lui sera utile, on lui rendra un service, ou on lui donnera de l'argent. En pareil cas, celui qui a reçu la promesse peut en délier, car la promesse est censée acquittée quand on se conforme à la volonté de l'intéressé. Deuxième cas : la promesse faite à autrui concerne l'honneur de Dieu, ou les intérêts d'autres gens, par exemple je vous promets avec serment d'entrer en religion ou de faire telle œuvre de miséricorde. Alors celui qui reçoit la promesse ne peut en délier, car ce n'est pas pour lui qu'elle est faite, mais pour Dieu ; excepté le cas où l'on aurait mis une condition comme celle-ci : « Si celui à qui je le promets le juge bon. »

3. Parfois le serment de promesse porte sur une chose en opposition manifeste avec la justice, soit parce que c'est un péché : on jure par exemple de tuer quelqu'un ; ou bien cela empêchera un plus grand bien : on jure de ne pas entrer en religion. Nul besoin de dispense pour des serments de ce genre. On est tenu de ne pas observer les premiers, et quant aux seconds on peut à son gré les observer ou non, comme nous l'avons dit.

Parfois le serment appuie une promesse dont l'objet est douteux : on ne sait si c'est permis ou non, utile ou nuisible, et cela par soi-même ou en tel cas. Tout évêque a le pouvoir d'en dispenser.

Parfois l'objet de la promesse est manifestement licite et utile. Il ne paraît pas en ce cas qu'il reste place pour une dispense. On ne pourra que commuer la promesse, si une œuvre se présente qui assure mieux l'intérêt général ; et le pouvoir en appartient avant tout au pape qui a la charge de l'Église universelle. On pourra même délier complètement du serment, ce qui est encore du ressort du pape, en toute matière touchant d'une façon générale au gouvernement ecclésiastique sur lequel le souverain pontife exerce un pouvoir plénier; de même que n'importe qui peut déclarer nul le serment porté par quelqu'un qui lui est soumis, dans une matière relevant de son autorité. Ainsi le père peut annuler le serment de sa fille, le mari celui de son épouse, selon le texte des Nombres (Nombres 30.6), et selon la doctrine analogue exposée à propos du vœu.


10. Quand et à qui est-il permis de jurer ?

Objections

1. Il semble que le serment ne puisse être empêché par une condition de personne et de temps. Car on fait serment pour confirmer quelque chose, dit l'épître aux Hébreux (Hébreux 6.16). Or n'importe qui peut confirmer ses propres dires, et n'importe quand. Il semble donc que le serment ne puisse être empêché par une condition de personne ou de temps.

2. C'est davantage de jurer par Dieu que par les Évangiles. Chrysostome nous le dit : « Certains pensent, l'occasion s'en présentant, que celui qui jure par Dieu fait peu de chose, bien moins que celui qui jure par l'Évangile. Insensés ! les Écritures ont été faites pour Dieu, et non Dieu pour les Écritures ! » Or des personnes de toute condition, et en tout temps, ont toujours de façon courante juré par Dieu. Il leur est donc bien plus encore permis de jurer par les Évangiles.

3. Un même effet ne peut avoir des causes contraires, car les contraires s'opposent. Or, il est des gens à qui l'on refuse de prêter serment pour un défaut dans la personne : ainsi les enfants de moins de quatorze ans et les parjures. On ne doit donc pas en exclure d'autres à raison de leur dignité, comme les clercs, ou à cause de la solennité du jour.

4. Nul homme vivant en ce monde n'égale en dignité les anges, « car le plus petit dans le royaume de Dieu est plus grand que lui », comme dit le Seigneur (Matthieu 10.11), à propos de S. Jean Baptiste encore vivant. Mais l'ange peut jurer. Car on lit dans l'Apocalypse (Apocalypse 10.6) : « L'ange a juré par celui qui vit dans les siècles des siècles. » La dignité d'une personne ne peut donc l'exempter du serment.

En sens contraire, on lit dans les Décrets « Le prêtre, au lieu de prêter serment, doit être interrogé au nom de son caractère sacré. » Et ailleurs : « Aucun ecclésiastique ne doit jurer quoi que ce soit à un laïc sur les saints Évangiles. »

Réponse

Deux points sont à considérer dans le serment.

1° Par rapport à Dieu, dont on produit le témoignage. À cet égard on doit au serment le plus grand respect. C'est pourquoi on en écarte les enfants qui n'ont pas atteint l'âge de puberté, parce qu'ils n'ont pas encore le parfait usage de la raison, qui leur permettrait de prêter le serment avec la révérence voulue. On exclut en outre les parjures, qui ne sont pas admis à prêter serment parce que leur passé fait présumer qu'ils n'apporteront pas à cet acte la révérence requise. Cette même raison du respect qu'il faut apporter au serment explique ces termes du droit : « Les convenances exigent que celui qui ose jurer sur les choses saintes le fasse à jeun, avec toute la dignité possible et la crainte de Dieu. »

2° Par rapport à l'homme, le serment vient confirmer ce qu'il dit. Si ses paroles ont besoin d'être ainsi confirmées, c'est parce qu'on en doute. Or c'est porter atteinte à la dignité d'une personne que de mettre en doute la vérité de ce qu'elle dit. Il n'est donc pas convenable que les personnes revêtues d'une importante dignité prêtent serment. C'est pourquoi le droit déclare que le prêtres ne doivent pas jurer pour une cause légère. Toutefois, s'il y a nécessité ou grande utilité, il leur est permis de le faire, surtout s'il s'agit de questions spirituelles. En ce dernier cas il convient que le serment soit fait un jour de fête, car ces jours-là sont consacrés aux occupations spirituelles ; mais on ne peut alors prêter serment pour des affaires temporelles, sauf en cas de grave nécessité.

Solutions

1. Il y a des gens qui ne peuvent confirmer leurs paroles par incapacité. Il y en a d'autres dont les dires doivent être certains à tel point qu'ils n'aient pas besoin d'être confirmés.

2. Regardé en lui-même, le serment est d'autant plus sacré et plus obligatoire que ce par quoi l'on jure est plus grand, dit S. Augustin. À ce point de vue, il est plus grave de jurer par Dieu que par les Évangiles. Mais si l'on s'arrête au mode du serment, ce peut être l'inverse, si par exemple le serment qu'on fait sur les Évangiles s'accompagne de délibération et de solennité, tandis qu'un serment prêté au nom de Dieu sera fait à la légère et sans délibération.

3. Rien n'empêche qu'une chose soit également détruite par des causes contraires, agissant par excès et par défaut. C'est ainsi que certains sont empêchés de jurer parce que leur autorité est trop grande pour qu’ils puissent le faire sans manquer aux convenances, et d'autres parce que leur autorité est trop petite pour qu'on puisse faire fond sur leur serment.

4. Si l'ange fait un serment, ce n'est pas qu'il y ait en lui un défaut empêchant de croire à sa seule parole, c'est pour montrer que ce qu'il dit exprime les infaillibles desseins de Dieu. C'est ainsi que nous voyons dans l'Écriture Dieu lui-même jurer, pour montrer l'immutabilité de sa parole, ainsi qu'il est dit dans l'épître aux Hébreux (Hébreux 6.17).

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