Somme théologique

Somme théologique — La secunda secundae

108. LA VENGEANCE

  1. La vengeance est-elle licite ?
  2. Est-elle une vertu spéciale ?
  3. Comment exercer la vengeance ?
  4. Envers qui doit-on l'exercer ?

1. La vengeance est-elle licite ?

Objections

1. Il semble que non, car on pèche en usurpant ce qui appartient à Dieu. Or la vengeance lui appartient, car il est dit dans le Deutéronome (Deutéronome 32.35) : « À moi la vengeance et la rétribution. » Donc toute vengeance est illicite.

2. Ce dont on tire vengeance n'est pas tolérable. Or on doit tolérer les méchants. Car sur la parole du Cantique (Cantique 2.2) : « Comme un lis parmi les épines », la Glose commente : « Il n'est pas bon, celui qui ne peut tolérer les méchants. » Donc on ne doit pas tirer vengeance des méchants.

3. La vengeance s'accomplit par des châtiments, qui inspirent la crainte servile. Mais, dit S. Augustin « la loi nouvelle n'est pas une loi de crainte, mais d'amour. » Donc, au moins sous la nouvelle alliance, on ne doit exercer aucune vengeance.

4. On dit qu'un homme se venge quand il punit les offenses qu'il a subies. Mais le juge lui-même n'a pas le droit de punir ceux qui pèchent contre lui. S. Jean Chrysostome dit en effet : « Apprenons par l'exemple du Christ à supporter avec magnanimité les offenses qui nous sont faites. Mais celles qui atteignent Dieu, nous ne devons pas même les entendre. »

5. Le péché de la multitude est plus nuisible que le péché d'un seul. Or on lit dans l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 26.5) : « Trois choses me font peur : une calomnie qui court la ville, une émeute populaire, une fausse accusation. » Or on ne doit pas tirer vengeance du péché de la multitude, car sur Matthieu (Matthieu 13.29, 30) : « Laissez-les pousser ensemble, pour ne pas arracher le froment », la Glose explique : « Il ne faut retrancher de la communauté ni la multitude ni le prince. » Donc aucune autre vengeance n'est licite.

En sens contraire, on ne doit attendre de Dieu rien que de bon et de licite. Mais on doit attendre de lui la vengeance sur nos ennemis, car il est dit en Luc (Luc 18.7) : « Et Dieu ne vengerait pas ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? » ce qui revient à dire : « Au contraire, il le fera » Donc la vengeance n'est pas par elle-même mauvaise et illicite.

Réponse

La vengeance se réalise par un mal de peine infligé au pécheur. Il faut donc considérer l'intention de celui qui l'exerce. Car si son intention se porte principalement sur le mal de celui dont il se venge, et s'attarde sur ce mal, c'est absolument illicite, parce que se réjouir du mal d'autrui relève de la haine, opposée à la charité dont nous devons chérir tous les hommes. Et ce n'est pas une excuse que de vouloir du mal à celui qui nous en a causé injustement, de même qu'on n'est pas excusé de haïr ceux qui nous haïssent. Un homme ne doit jamais pécher contre un autre sous prétexte que celui-ci a commencé de pécher contre lui, car c'est là se laisser vaincre par le mal, ce que l'Apôtre nous interdit (Romains 12.21) : « Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal en faisant le bien. » Mais si l'intention, dans la vengeance, se porte principalement sur un bien que doit procurer le châtiment du pécheur, par exemple son amendement, ou du moins sa répression, le repos des autres, le maintien de la justice et l'honneur de Dieu, la vengeance peut être licite, en observant les autres circonstances requises.

Solutions

1. Celui qui, selon sa condition et son rang, exerce la vengeance contre les méchants, n'usurpe pas ce que Dieu s'est réservé, mais use d'un pouvoir que Dieu lui a concédé, comme il est dit du prince, dans l'épître aux Romains (Romains 1.3, 4), « qu'il est le ministre de Dieu pour tirer vengeance de celui qui fait le mal. » Mais exercer la vengeance en dehors de l'ordre établi par Dieu serait usurpation sur ses droits, et donc péché.

2. Les bons tolèrent les méchants en ce sens qu'ils supportent patiemment les offenses qui les atteignent personnellement, autant qu'il le faut ; mais cela ne signifie pas qu'ils doivent agir de même pour celles qui sont faites à Dieu ou au prochain. « La patience à supporter les offenses qui s'adressent à nous, dit S. Chrysostome, c'est de la vertu ; mais rester insensible à celles qui s'adressent à Dieu, c'est le comble de l’impiété. »

3. La loi évangélique est une loi d'amour. C'est pourquoi ceux qui font le bien par amour, les seuls d'ailleurs qui appartiennent vraiment à l’Évangile, ne doivent pas être terrorisés par des menaces qu'il faut réserver à ceux que l'amour ne pousse pas à bien agir. Ceux-ci ont beau être comptés parmi les fidèles, ils n'en sont pas par le mérite.

4. Il peut arriver que l'offense faite à une personne rejaillisse sur Dieu et l'Église ; cette personne doit alors venger l'injure qui lui est faite. C'est ainsi qu'Élie fit descendre le feu du ciel sur ceux qui venaient l'arrêter (2 Rois 1.9), qu'Élisée maudit les enfants qui se moquaient de lui (2 Rois 2.23), et que le pape Silvestre excommunia ceux qui l'avaient condamné à l'exil. Mais dans la mesure où l'offense est purement personnelle, il faut la supporter avec patience, à moins d'avoir des raisons d'agir différemment. Car ces préceptes de patience doivent s'entendre en ce sens qu'il faut avoir l'âme prête à les observer quand les circonstances l'exigent, comme l'explique S. Augustin.

5. Quand la multitude tout entière a péché, la vengeance doit s'exercer, soit sur la totalité, comme il advint à l'armée de Pharaon engloutie dans la mer Rouge (Exode 14.22), et de tous les habitants de Sodome, soit sur une partie notable, ainsi que fut punie l'adoration du veau d'or (Exode 32.27). — D'autres fois, lorsqu'on peut espérer qu'un grand nombre viendront à résipiscence, la vengeance tombera sur quelques-uns des principaux coupables dont le châtiment effraiera les autres, comme nous le lisons dans les Nombres (Nombres 25.4) où Dieu ordonne de pendre les chefs pour le péché de la foule.

Si le péché n'a pas été commis par tous et s'il est possible de connaître les coupables, c'est sur eux que tombera la vengeance, à moins que cette rigueur ne risque de scandaliser les autres; car alors, mieux vaudrait renoncer à punir et accorder un pardon général.

Il en va de même pour le prince : il faut fermer les yeux si le châtiment de sa faute doit causer du trouble parmi le peuple ; à moins que cette faute elle-même n'ait des effets spirituels ou temporels pires encore que le scandale à redresser.


2. La vengeance est-elle une vertu spéciale ?

Objections

1. Il apparaît que non, car de même qu'on récompense les bons d'avoir bien agi, on punit les mauvais pour leurs mauvaises actions. Mais la rétribution des bons ne relève pas d'une vertu spéciale, car elle est un acte de la justice commutative. Donc, au même titre, la vengeance ne doit pas être considérée comme une vertu spéciale.

2. Il n'y a pas lieu d'ordonner une vertu spéciale à un acte auquel l'homme est suffisamment disposé par d'autres vertus. Or pour venger le mal, l'homme est suffisamment disposé par les vertus de force et de zèle.

3. À toute vertu spéciale s'oppose un vice spécial. Mais on ne voit pas de vice qui s'oppose à la vengeance.

En sens contraire, Cicéron en fait une partie de la justice.

Réponse

Selon Aristote la nature nous donne des aptitudes pour la vertu qui reçoivent leur complément de l'habitude ou de toute autre cause. Les vertus viennent donc nous parfaire et nous permettre de suivre, d'une manière convenable, les penchants innés qui sont de droit naturel. À tout instinct nettement défini correspond donc une vertu spéciale. Or, nous sommes naturellement portés à repousser les choses nuisibles ; c'est pour cela que les animaux sont doués de l'appétit irascible, distinct de l'appétit concupiscible. L'homme suit ce penchant en repoussant les offenses pour ne pas en être atteint, ou en les punissant s'il en a été atteint déjà, non pas dans l'intention de nuire, mais pour éviter d'en être victime. Cette manière d'agir constitue la vengeance qui, dit Cicéron, « repousse et punit la violence, l'injustice et tout ce qui peut nuire ». Elle est donc bien une vertu spéciale.

Solutions

1. Le paiement d'une dette légale appartient à la justice commutative ; celui d'une dette morale, en réponse à un bienfait personnel, appartient à la reconnaissance. De même, le châtiment des fautes, quand il est infligé par le pouvoir social, est un acte de justice commutative ; quand il est le fait d'une personne privée qui se protège contre l'offense, c'est un acte de la vertu de vengeance.

2. La vertu de force est l'auxiliaire de la vengeance en dominant la crainte du danger à braver. Le zèle, à entendre par là un amour brûlant, est la racine première de la vengeance; on venge les injures faites à Dieu et au prochain, parce que la charité les considère comme nôtres. Or, tout acte de vertu a pour racine la charité, dit S. Grégoire : « La bonne œuvre est un rameau sans verdure, si elle n'a pas la charité pour racine. »

3. À la vengeance s'opposent deux vices. L'un par excès, qui est la cruauté ou sévérité, qui dépasse la mesure dans les châtiments. L'autre par défaut consiste à punir trop mollement, selon les Proverbes (Proverbes 13.24) : « Celui qui ménage la baguette hait son fils. » La vertu de vengeance consiste en ce que, compte tenu de toutes les circonstances, on garde une juste mesure en exerçant la vengeance.


3. Comment exercer la vengeance ?

Objections

1. La vertu de vengeance ne doit pas imiter les châtiments habituels chez les hommes. Mettre à mort un homme c'est comme l'arracher. Or le Seigneur a interdit d'arracher l'ivraie, qui représente « les fils du Mauvais » (Matthieu 13.29 s.). Donc on ne doit pas mettre à mort les pécheurs.

2. Tous ceux qui pèchent mortellement paraissent mériter le même châtiment. Donc, si quelques-uns de ceux qui pèchent mortellement sont punis de mort, il semble que la mort doit les punir tous. Ce qui est évidemment faux.

3. Lorsqu'on punit publiquement d'un péché, on met ce péché en évidence. Ce qui semble dangereux pour la multitude à qui cet exemple offre une occasion d'imiter le péché. Il apparaît donc qu'on ne doit infliger la peine de mort pour aucun péché.

En sens contraire, les mêmes châtiments sont édictés dans la loi divine, comme nous l'avons montré précédemment.

Réponse

La vengeance est licite et vertueuse dans la mesure où elle tend à réprimer le mal. Or certains, qui n'ont pas l'amour de la vertu, sont retenus de pécher par la crainte de perdre des biens qu'ils préfèrent à ceux qu'ils obtiennent par le péché ; autrement la crainte ne réprimerait pas le péché. C'est pourquoi la vengeance sur le péché doit s'exercer par la suppression de tout ce que l'on aime davantage. Or ce sont la vie, l'intégrité corporelle, la liberté et les biens extérieurs : richesse, patrie, réputation. À ce sujet S. Augustin cite Cicéron : « Il y a dans les lois huit catégories de châtiments : la ‘mort’ qui enlève la vie ; ‘les fouets’ et ‘le talion’ (qui fait perdre ‘œil pour œil’), qui enlèvent l'intégrité corporelle; ‘l'esclavage et la captivité’, qui enlèvent la liberté ; ‘l'exil’, qui éloigne de la patrie ; ‘la confiscation’, qui enlève les richesses; ‘le déshonneur’, qui fait perdre la réputation. »

Solutions

1. Le Seigneur défend d'arracher l'ivraie quand on risque « d'arracher aussi le froment ». Mais il est parfois possible de supprimer les méchants par la mort, non seulement sans danger, mais avec grande utilité pour les bons. En pareil cas, on peut infliger la peine de mort.

2. Tous ceux qui pèchent mortellement sont dignes de la mort éternelle, à laquelle les condamnera, dans l'autre vie, « le jugement de Dieu qui est selon la vérité » (Romains 2.2). Mais, en cette vie, les peines sont surtout médicinales. La peine de mort doit donc être réservée aux fautes qui nuisent gravement au prochain.

3. Quand la faute est rendue publique, mais que la peine l'est aussi, peine de mort ou autre châtiment dont les hommes ont horreur, leur volonté est par là même détournée de la faute ; parce que la punition les effraie plus encore que la faute ne les attire.


4. Envers qui doit-on exercer la vengeance ?

Objections

1. Il semble qu'elle doit s'exercer contre ceux qui ont péché involontairement. Car la volonté dé l'un n'épouse pas celle de l'autre, et pourtant l'un est puni pour l'autre, selon l'Exode (Exode 20.5) : « Je suis un Dieu jaloux, qui punit l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et quatrième génération. » Aussi, pour le péché de Cham, Canaan son fils fut-il maudit, d'après la Genèse (Genèse 9.25 s.). Giesi ayant péché, sa lèpre se transmet à ses descendants (2 Rois 5.27). Le sang du Christ expose au châtiment la postérité des Juifs qui avaient dit (Matthieu 27.25) : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants. » On lit encore (Josué 7) que le péché d'Akan livra Israël au pouvoir de ses ennemis. Et pour le péché des fils d'Héli, le même peuple s'effondre devant les Philistins (1 Samuel 4.2-10). Donc la vengeance peut s'exercer sur des actes involontaires.

2. Il n'y a de volontaire que ce qui est au pouvoir de l'homme. Mais parfois on punit quelqu'un pour ce qui n'est pas en son pouvoir, par exemple la lèpre écarte des fonctions ecclésiastiques, une Église perd son siège épiscopal à cause de la pauvreté ou de la méchanceté de ses membres. Donc on n'exerce pas la vengeance uniquement pour un péché volontaire.

3. L'ignorance est cause d'involontaire. Mais la vengeance s'exerce parfois sur des ignorants. Les petits enfants de Sodome, malgré une ignorance invincible, périrent avec leurs parents (Genèse 19.25). De même de tout petits furent engloutis avec Dathan et Abiron pour le péché commis par ceux-ci (Nombres 16.27 s.). Même des bêtes dépourvues de raison furent condamnées à mort pour le péché des Amalécites (1 Samuel 15.3).

4. La contrainte est ce qui s'oppose le plus au volontaire. Mais celui qui a commis un péché en étant contraint par la peur n'en est pas moins passible d'un châtiment. Donc la vengeance s'exerce aussi sur des pécheurs involontaires.

5. S. Ambroise nous dit (Luc 5.3) « La barque où se trouvait Judas était agitée ainsi Pierre, bien appuyé sur ses mérites, était agité par les démérites d'un autre. » Or Pierre ne voulait pas le péché de Judas. Donc on est puni parfois pour ce qu'on a pas voulu.

En sens contraire, la peine est due au péché. Mais tout péché est volontaire, dit S. Augustin. Donc la vengeance ne doit s'exercer que pour des actes volontaires.

Réponse

On peut considérer la peine de deux points de vue. D'abord selon sa racine de peine, et à ce titre la peine n'est due qu'au péché, parce que la peine rétablit l'égalité de la justice, en tant que celui qui par le péché a suivi indûment sa volonté, souffre quelque chose de contraire à celle-ci. Aussi, puisque tout péché est volontaire, même le péché originel, comme nous l'avons établi antérieurement, il s'ensuit que personne n'est puni de cette façon sinon pour un acte volontaire.

Mais on peut considérer la peine autrement : comme un remède destiné non seulement à guérir le péché passé, mais aussi à prévenir le péché futur et à exciter au bien. De ce point de vue, on est parfois puni sans avoir commis de faute, mais non pas sans motif.

Il faut remarquer cependant que jamais un remède n'enlève un bien plus grand pour promouvoir un bien moindre; c'est ainsi que la médecine ne crève pas l'œil pour guérir le talon. Cependant elle sacrifie parfois ce qui a moins de valeur pour venir en aide à ce qui en a davantage. Or les biens spirituels sont les plus grands, et les biens temporels les moindres. Aussi, quand un innocent est puni dans ses biens temporels, ce sont pour la plupart des peines de la vie présente infligées par Dieu pour l'humilier ou l'éprouver ; mais personne n'est puni dans ses biens spirituels s'il n'a commis une faute personnelle, ni ici-bas ni dans l'au-delà, parce que les peines n'y sont plus des remèdes mais la conséquence de la damnation spirituelle.

Solutions

1. Un homme n'est jamais puni d'une peine spirituelle pour le péché d'un autre, parce que la peine spirituelle atteint l'âme, selon laquelle chacun est libre. Mais parfois on est puni d'une peine temporelle pour le péché d'un autre par trois motifs. 1° Parce qu'un homme, sur le plan temporel, est la propriété d'un autre, et la punition de celui-ci l'atteint lui-même ; c'est ainsi que par leur corps les enfants appartiennent à leur père et les esclaves à leurs maîtres. 2° En tant que le péché de l'un se transmet à l'autre, soit par imitation : ainsi les enfants imitent les péchés de leurs parents, et les esclaves ceux de leurs maîtres pour pécher plus hardiment; soit par mode de mérite : ainsi les péchés des sujets leur méritent un chef pécheur, selon cette parole de Job (Job 34.30 Vg) : « Il fait régner l'hypocrite à cause des péchés du peuple. » C'est ainsi que le peuple d'Israël fut puni à cause du recensement opéré par David (2 Samuel 24) ; soit par une certaine connivence ou lâcheté : parfois les bons partagent la punition temporelle des méchants parce qu'ils n'ont pas condamné leurs péchés, dit S. Augustin. 3° Pour insister sur l'unité de la société humaine, en vertu de laquelle chacun doit veiller à ce que les autres ne pèchent pas ; et aussi pour faire détester le péché, puisque la peine due à l'un rejaillit sur tous, comme ne faisant qu'un seul corps, selon S. Augustin parlant du péché d'Akan.

Quant à la parole du Seigneur : « je punis les péchés des parents sur les enfants jusqu'à la troisième et quatrième génération », elle vient de la miséricorde plutôt que de la sévérité, puisque Dieu diffère la vengeance pour permettre aux descendants de se corriger ; mais si la perversité augmente, il devient nécessaire de punir.

2. Comme dit S. Augustin, le jugement humain devrait imiter le jugement divin lorsqu'il est manifeste et que Dieu inflige une condamnation spirituelle pour le péché personnel. Mais, quand il s'agit de jugements divins qui demeurent secrets, et où Dieu inflige une punition temporelle à des innocents, l'homme ne peut comprendre les raisons de tels jugements, pour savoir ce qui est bon pour chacun. C'est pourquoi le jugement des hommes ne doit jamais condamner un innocent à une peine afflictive, comme la mort, la mutilation ou la flagellation.

Mais les hommes peuvent condamner selon une peine de confiscation, même sans qu'il y ait faute, mais non sans motif. Et cela en trois cas. 1° Lorsque quelqu'un, sans faute de sa part, est rendu inapte à garder ou à obtenir un bien; par exemple la lèpre interdit les fonctions ecclésiastiques, et l'on ne peut accéder aux ordres sacrés si l'on a été marié deux fois ou si l'on a fait verser le sang. 2° Parce que le bien confisqué n'est pas personnel, mais commun : qu'une église soit le siège d'un évêché, cela regarde le bien commun de la cité, non celui du seul clergé. 3° Parce que le bien de l'un dépend du bien de l'autre : par exemple le crime de lèse-majesté commis par les parents prive leur fils de son héritage.

3. Les tout-petits partagent la punition temporelle due à leurs parents non seulement parce qu'ils sont la chose de leurs parents, et que leurs parents sont punis en eux, mais aussi parce que cela est à leur avantage, car s'ils survivaient ils pourraient imiter la malice de leurs parents et mériter ainsi de plus graves châtiments.

Sur les bêtes et toutes les autres créatures sans raison, la vengeance s'exerce pour punir leurs propriétaires, et pour inspirer l'horreur du péché.

4. La crainte ne crée pas une contrainte qui supprime le volontaire, mais nous avons vu qu'elle comporte un mélange de volontaire et d'involontaire.

5. Les autres Apôtres étaient troublés à cause du péché de judas, de même que la multitude est punie pour le péché d'un seul, ce qui met en valeur son unité, comme nous venons de le dire au 2.


Étudions maintenant la vérité et les vices opposés (Q. 110- 113).

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