Somme théologique

Somme théologique — La tertia

40. LE GENRE DE VIE DU CHRIST

  1. Devait-il mener la vie solitaire, ou bien vivre parmi les hommes ?
  2. Devait-il mener une vie austère en matière de nourriture, de boisson et de vêtements, ou bien vivre comme tout le monde ?
  3. Devait-il vivre en ce monde en étant méprisé, ou bien riche et honoré ?
  4. Devait-il vivre selon la loi.

1. Le Christ devait-il mener la vie solitaire, ou bien vivre parmi les hommes ?

Objections

1. La vie du Christ ne devait pas seulement montrer qu'il était homme, mais aussi qu'il est Dieu. Mais il ne convient pas que Dieu vive avec les hommes, comme il est écrit (Daniel 2.11) : « Les dieux ne demeurent pas parmi les mortels » et Aristote écrit : « Celui qui mène la vie solitaire, ou bien est une brute », s'il le fait par sauvagerie, « ou bien est un dieu », s'il le fait pour contempler la vérité. Donc il apparaît qu'il ne convenait pas au Christ de vivre parmi les hommes.

2. Tant qu'il vivait dans une chair mortelle, le Christ devait mener la vie la plus parfaite, qui est la vie contemplative, comme on l'a montré dans la deuxième Partie. Or la solitude convient souverainement à la vie contemplative selon Osée (Osée 2.4) : « je la conduirai au désert, et je parlerai à son cœur. »

3. La vie du Christ devait être constante, car il devait toujours montrer ce qui est le meilleur. Or parfois il cherchait la solitude en s'éloignant de la foule, ce qui fait dire à Rémi d'Auxerre : « Le Seigneur avait trois refuges : la barque, la montagne et le désert ; il recourait à l'un d'eux chaque fois qu'il était pressé par la foule. » Donc il aurait dû mener constamment la vie solitaire.

En sens contraire, il y a le texte de Baruch (Baruch 3.38 Vg) : « Après cela Dieu se fit voir sur la terre et vécut parmi les hommes. »

Réponse

Le genre de vie du Christ devait s'accorder avec la fin de l'Incarnation, selon laquelle il est venu dans le monde.

1° Il est venu d'abord pour manifester la vérité, comme il l'a dit lui-même (Jean 18.37) : « je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. » C'est pourquoi il ne devait pas se cacher en menant la vie solitaire, mais se montrer en public en prêchant ouvertement. À ceux qui voulaient le retenir il a dit (Luc 4.42) : « Il faut aussi que j'aille annoncer le règne de Dieu aux autres cités, car c'est pour cela que j'ai été envoyé. »

2° Il est venu pour délivrer les hommes de leurs péchés : « Le Christ Jésus est venu en ce monde pour sauver les pécheurs » (1 Timothée 1.15). Et c'est pourquoi, dit S. Jean Chrysostome « le Christ aurait pu en demeurant au même endroit attirer à lui tous les auditeurs de sa prédication, mais il ne l'a pas fait ; il nous a donné l'exemple pour que nous allions à la recherche de ceux qui se perdent, comme le pasteur cherche la brebis perdue et le médecin vient auprès du malade ».

3° Il est venu afin que « par lui nous ayons accès à Dieu » (Romains 5.2). Et ainsi convenait-il que, vivant familièrement avec les hommes, il inspire à tous la confiance d'aller vers lui. On lit en S. Matthieu (Matthieu 9.10) « Il arriva, comme il était à table dans la maison, que beaucoup de publicains et de pécheurs vinrent s'attabler avec lui et ses disciples. » Ce que S. Jérôme commente ainsi : « Ils avaient vu un publicain converti de ses péchés à une vie meilleure, admis à la pénitence. Aussi eux-mêmes ne désespéraient-ils pas de leur salut. »

Solutions

1. C'est par son humanité que le Christ a voulu manifester sa divinité. Par suite, c'est en vivant avec les hommes, (ce qui est le propre de l'homme), qu'il a manifesté à tous sa divinité, en prêchant, en faisant des miracles, et en menant parmi les hommes une vie innocente et juste.

2. Comme on l'a vu dans la deuxième Partie, la vie contemplative est meilleure absolument que la vie active qui ne comporte que des activités corporelles. Mais la vie a trois motifs. Parfois pour obtenir un repos physique.

D'après S. Marc (Marc 6.31), « il disait à ses disciples : “Venez à l'écart dans un désert et reposez-vous un peu.” Car les gens ne cessaient d'aller et venir, et on n'avait plus le temps de manger ». Parfois, c'était pour prier. S. Luc nous dit (Luc 6.12) : « En ces jours-là, il se retira dans la montagne pour prier, et il passait la nuit à prier Dieu. » Sur quoi S. Ambroise dit : « Le maître nous façonne par son exemple aux préceptes de la vertu. » Parfois il le faisait pour enseigner à éviter la faveur humaine. Aussi, sur S. Matthieu (Matthieu 5.1) : « Voyant les foules, Jésus gravit la montagne », S. Jean Chrysostome nous dit : « En siégeant non pas dans la ville et sur le forum, mais dans la montagne et la solitude, il nous a enseigné à ne jamais agir par ostentation et à nous éloigner de l'agitation, surtout lorsqu'il faut discuter de ce qui est nécessaire au salut. »


2. Le Christ devait-il mener une vie austère ?

Objections

1. Le Christ a prêché la perfection beaucoup plus que Jean Baptiste. Mais celui-ci a mené une vie austère afin de provoquer les hommes par son exemple à la vie parfaite. S. Matthieu (Matthieu 3.4) nous dit « Il portait un vêtement de poils de chameau et une ceinture de cuir autour des reins ; et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. » S. Jean Chrysostome commente ainsi ce verset : « Il était étonnant de voir une telle endurance dans un corps humain, c'est ce qui attirait le plus les Juifs. » Il semble donc que cette austérité aurait convenu bien davantage au Christ.

2. L'abstinence est ordonnée à la continence, selon Osée (Osée 4.10) : « Ils mangeront et ne seront pas rassasiés ; ils se prostitueront, mais sans s'accroître. » Or le Christ a gardé lui-même la continence et a proposé aux autres de l'observer, lorsqu'il dit (Matthieu 19.12) : « Il y a des eunuques qui le sont volontairement en vue du Royaume des cieux ; qui peut comprendre, qu'il comprenne ! » Il semble donc que le Christ aurait dû lui-même, avec ses disciples, mener une vie austère.

3. Il semble ridicule de commencer par mener une vie sévère pour en revenir vers lus de relâchement ; car en peut dire alors (Luc 14.30) : « Cet homme a commencé par bâtir et n'a pas pu achever. » Or le Christ a mené une vie très sévère après son baptême, demeurant au désert et jeûnant quarante jours et quarante nuits. Il ne semble pas normal qu'après une si grande rigueur, il soit revenu à la vie de tout le monde.

En sens contraire, il y a cette affirmation (Matthieu 11.19) : « Le Fils de l'homme est venu, mangeant et buvant... »

Réponse

On l'a dit à l'article précédent, il était conforme au but de l'Incarnation que le Christ ne mène pas la vie solitaire, mais vive parmi les hommes. Or il convient souverainement que celui qui vit parmi d'autres se conforme à leur genre de vie, selon l'Apôtre (1 Corinthiens 9.22) : « je me suis fait tout à tous. » C'est pourquoi il était souverainement convenable que le Christ fasse comme tout le monde en matière de nourriture et de boisson. Aussi S. Augustin écrit-il : « On disait que Jean ne mangeait pas, ne buvait pas, parce qu'il ne se nourrissait pas comme les Juifs. Donc, si le Seigneur n'avait pas fait comme eux, on n'aurait pas dit de lui, par comparaison, qu'il était mangeur et buveur. »

Solutions

1. Dans son genre de vie, le Seigneur a donné l'exemple de la perfection en tout ce qui se rapporte essentiellement au salut. Ce n'est pas le cas de l'abstinence dans la nourriture et la boisson, selon S. Paul (Romains 14.17) : « Le règne de Dieu n'est pas dans le manger et le boire. » Et sur la parole (Matthieu 11.19) : « La sagesse de Dieu a été justifiée par ses enfants », S. Augustin donne ce commentaire : « Parce que les saints Apôtres ont compris que le règne de Dieu ne consiste pas dans le manger et le boire mais dans une parfaite égalité d'âme », eux que l'abondance n'enfle pas et que la disette ne déprime pas. Et il dit encore : « En tout cela ce n'est pas l'usage des biens qui est coupable, mais la sensualité de celui qui en use. » Les deux façons de vivre sont licites et louables : qu'on observe l'abstinence en se séparant de la compagnie des hommes, ou que, dans leur société, on vive comme tout le monde. Et c'est pourquoi le Seigneur a voulu donner aux hommes l'exemple de ces deux genres de vie.

Quant au Baptiste, dit Chrysostome, « il ne pouvait montrer autre chose que sa vie et sa justice ; tandis que le Christ avait en outre le témoignage de ses miracles. Laissant donc à Jean le prestige de son jeûne, il a suivi un chemin contraire : il a pris place à la table des publicains, il y a mangé et il y a bu ».

2. Comme les autres hommes obtiennent par l'abstinence le pouvoir de garder la continence, de même le Christ, en lui-même et en ses disciples, dominait la chair par la vertu de sa divinité. Aussi comme il est écrit (Matthieu 9.4) : « Les pharisiens et les disciples de Jean jeûnaient, mais non les disciples du Christ » ; S. Bède dit à ce propos : « Jean ne buvait ni vin ni boisson fermentée, parce que l'abstinence augmente le mérite de celui qui ne trouvait aucune aide dans sa nature. Mais le Seigneur, qui possédait par nature le pouvoir de remettre les péchés, pourquoi aurait-il éloigné ceux qu'il était capable de rendre plus purs que les abstinents ? »

3. Selon S. Jean Chrysostome, « pour que tu apprennes comme est grand le bienfait du jeûne, comment il est un bouclier contre le diable, et combien après le baptême il faut s'adonner non à l'intempérance mais au jeûne, lui-même a jeûné, non qu'il en eût besoin, mais pour nous former. Mais il n'a pas poussé son jeûne plus loin que Moïse et Élie, afin que son incarnation ne parût pas incroyable ».

S. Grégoire donne cette explication mystique : « On observe le chiffre quarante dans le jeûne à l'exemple du Christ, parce que la vertu du décalogue atteint sa plénitude dans les quatre évangiles, car quatre fois dix donne quarante. Ou bien, c'est parce que nous subsistons grâce aux quatre éléments dans ce corps mortel, dont la volonté s'oppose aux préceptes du Seigneur que nous recevons du décalogue. » Selon S. Augustin, « toute l'initiation à la sagesse, qui a pour but l'instruction de l'homme, consiste à distinguer le Créateur et la créature. Le Créateur, c'est la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit. Quant aux créatures, il en est d'invisibles, comme l'âme. À l'invisible convient le chiffre trois, car il nous est prescrit d'aimer Dieu triplement : de tout notre cœur, de toute notre âme, et de tout notre esprit ». Au visible, comme le corps, convient le chiffre quatre, à cause du chaud, du froid, de l'humide et du sec. « Et le chiffre dix, qui suggère toute la connaissance, multiplié par quatre, chiffre de la complexion corporelle, donne le chiffre quarante. Voilà pourquoi l'on célèbre quarante jours le temps que nous passons dans les gémissements et l'affliction. »

Et pourtant il n'a pas été anormal qu'après avoir jeûné au désert, le Christ soit revenu à la vie ordinaire. Car cela convenait au genre de vie selon laquelle on transmet le fruit de sa contemplation, genre de vie qu'il a adopté pour vaquer d'abord à la contemplation et ensuite descendre à l'action publique en vivant avec les autres hommes. C’est ce qui fait dire à S. Bède : « Le Christ a jeûné pour que tu ne te détournes pas du précepte. Il a mangé avec les pécheurs pour qu'en voyant sa miséricorde tu reconnaisses son pouvoir. »


3. Le Christ devait-il vivre en ce monde en étant méprisé, ou bien riche et honoré ?

Objections

1. Le Christ aurait dû adopter la vie la plus souhaitable. Mais la plus souhaitable est celle qui tient le milieu entre la richesse et la pauvreté. Car il est écrit (Proverbes 30.8) : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse, mais seulement ce qui est nécessaire pour vivre. » Donc le Christ n'aurait pas dû mener une vie pauvre, mais une vie modeste.

2. Les richesses extérieures sont au service du corps, pour le nourrir et le vêtir. Mais le Christ, sur ce point, a mené la vie ordinaire des gens qu'il fréquentait. Il semble donc que même sur le chapitre des richesses et de la pauvreté, il aurait dû mener la vie de tout le monde, et non pratiquer une pauvreté extrême.

3. Le Christ a proposé aux hommes avant tout un exemple d'humilité, lui qui a dit (Matthieu 11.9) : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Mais c'est surtout en matière de richesses que l'humilité est recommandée, aussi S. Paul écrit-il (1 Timothée 6.17) : « Prescris aux riches de ce monde de ne pas juger de haut. »

En sens contraire, on trouve en S. Matthieu (Matthieu 8.20) : « Le Fils de l'homme n'a pas de lieu où reposer la tête. » Comme s'il disait, selon S. Jérôme : « Pourquoi veux-tu me suivre pour les richesses et les profits du siècle, quand ma pauvreté est si grande que je n'ai pas le moindre petit asile, et que le toit qui m'abrite n'est pas à moi ? » Et sur cette parole (Matthieu 17.26) : « Pour éviter de les scandaliser, va à la mer jeter l'hameçon », S. Jérôme écrit « Même dans son sens littéral, l'épisode édifie le lecteur : il découvre que la pauvreté du Seigneur était si grande qu'il n'a pas de quoi payer le tribut pour lui-même et son Apôtre. »

Réponse

Il convenait au Christ de mener une vie pauvre en ce monde.

1° Parce que cela s'accordait avec l'office de la prédication pour lequel il dit être venu (Marc 1.38) : « Allons dans les bourgs et les cités voisines pour que j'y prêche, car c'est pour cela que je suis venu. » Or il faut que les prédicateurs de la parole de Dieu, pour se consacrer totalement à la prédication, soient totalement affranchis du souci des affaires séculières. Cela est impossible à ceux qui possèdent des richesses. C'est pourquoi lorsqu'il envoie ses Apôtres prêcher, le Seigneur leur dit (Matthieu 10.9) : « Ne possédez ni or ni argent. » Et les Apôtres disent eux-mêmes (Actes 6.2) : « Il ne faut pas que nous délaissions la parole de Dieu pour servir aux tables. »

2° De même qu'il a assumé la mort corporelle pour nous conférer la vie spirituelle, de même a-t-il supporté la pauvreté corporelle pour nous accorder les richesses spirituelles, comme dit S. Paul (2 Corinthiens 8.9) : « Vous connaissez la libéralité de notre Seigneur Jésus Christ qui pour nous s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin de nous enrichir par sa pauvreté. »

3° Parce que, s'il avait possédé des richesses, on aurait pu attribuer sa prédication à la cupidité. Aussi S. Jérôme écrit-il que, si les disciples avaient eu des richesses « ils auraient semblé prêcher non pour le salut des hommes, mais pour le gain ». Et le même motif aurait valu pour le Christ.

4° Afin que la vertu de sa divinité se montre d'autant mieux que sa pauvreté semblait l'abaisser davantage. Aussi est-il dit dans un sermon du Concile d'Éphèse : « Il a choisi tout ce qu'il y avait de pauvre et de vil, tout ce qu'il y avait de modeste et d'obscur, pour faire reconnaître que sa divinité avait transformé le monde. C'est pourquoi il a choisi une mère pauvre, et une patrie plus pauvre encore. Voilà ce que la crèche te fait comprendre. »

Solutions

1. La surabondance de richesses et la mendicité sont à éviter par ceux qui veulent vivre vertueusement, en tant qu'elles sont des occasions de pécher, car l'abondance de richesses est une occasion d'orgueil, tandis que la mendicité expose à voler, à mentir ou même à se parjurer. Mais parce que le Christ n'était pas capable de péché, il n'a pas évité ces extrêmes pour la même raison qui les faisait éviter à Salomon, auteur des Proverbes. Cependant toute mendicité n'est pas occasion de voler et de se parjurer, comme Salomon semble le sous-entendre dans ce passage, mais seulement celle que l'on subit malgré soi, si bien que l'on vole et que l'on se parjure pour l'éviter. Mais la pauvreté volontaire ne présente pas ce danger, et c'est elle que le Christ a choisie.

2. On peut vivre comme tout le monde en matière de nourriture et de vêtements non seulement en possédant des richesses, mais aussi en recevant des riches le nécessaire. C'est ce qui s'est produit pour le Christ. S. Luc nous dit en effet (Luc 8.2, 3) que des femmes suivaient le Christ « et l'aidaient de leurs ressources ». Ainsi que S. Jérôme l'écrit : « C'était un usage chez les Juifs, et personne n'eût jugé coupable cette ancienne coutume, que des femmes prennent sur leur fortune pour donner à leurs guides spirituels nourriture et vêtement. S. Paul rappelle qu'il a rejeté cet usage parce qu'il aurait pu scandaliser chez les peuples païens. » Ainsi donc on pouvait suivre la manière commune de vivre sans se charger d'un souci qui aurait entravé, comme la possession des richesses, la tâche de la prédication.

3. Chez celui qui est pauvre par nécessité, l'humilité n'est pas d'un grand mérite. Mais chez celui qui pratique la pauvreté volontaire, comme le Christ, la pauvreté est elle-même l'indice de la plus profonde humilité.


4. Le Christ devait-il vivre selon la loi ?

Objections

1. La loi prescrivait de ne faire aucun travail le jour du sabbat, comme « Dieu qui, le septième jour, s'était reposé de tout son travail » (Genèse 2.2). Mais le Christ a guéri un homme le jour du sabbat et lui a ordonné d'emporter son grabat. Il apparaît donc qu'il ne vivait pas conformément à la loi.

2. Selon les Actes (Actes 1.1) « Jésus se mit à agir et à enseigner ». Et lui-même a enseigné (Matthieu 15.11) que « tout ce qui entre dans la bouche ne souille pas l'homme », ce qui est contraire au précepte de la loi qui déclarait impurs ceux qui avaient mangé ou touché certains animaux, comme on le voit au chapitre 11 du Lévitique. Il semble donc que le Christ ne vivait pas conformément à la loi.

3. On porte le même jugement sur celui qui accomplit une action et sur celui qui l'approuve, selon S. Paul (Romains 1.32). Mais le Christ a été d'accord avec ses disciples qui enfreignaient la loi en arrachant des épis le jour du sabbat, car il les excusait, comme on le voit en S. Matthieu (Matthieu 12.1-8).

En sens contraire, Il y a cette parole du Seigneur en S. Matthieu (Matthieu 5.17) : « Ne croyez pas que je sois venu abolir la Loi et les Prophètes », ce que S. Jean Chrysostome commente ainsi : « Le Christ a accompli la loi, d'abord en ne transgressant aucune de ses prescririons, ensuite en justifiant par la foi ce que la lettre de la loi ne pouvait pas faire. »

Réponse

Le Christ a mené une vie entièrement conforme aux préceptes de la loi. En signe de cela, il a voulu être circoncis, car la circoncision équivaut à professer qu'on accomplira la loi, selon S. Paul (Galates 5.3) : « J'atteste à tout homme qui se fait circoncire qu'il est tenu d'accomplir toute la loi. »

Or le Christ a voulu vivre conformément à la loi. 1° Pour approuver la loi ancienne. — 2° Pour, en l'observant, la porter en lui-même à sa consommation et à son terme, et se montrer lui-même comme étant la fin assignée à la loi. — 3° Pour enlever aux Juifs un prétexte à le calomnier. — 4° Afin de libérer les hommes de l'esclavage de la loi, selon cette parole (Galates 4.5) : « Dieu a envoyé son Fils né sous la loi pour qu'il rachète ceux qui étaient sujets de la loi. »

Solutions

1. Sur ce point, le Seigneur s'excuse de trois façons d'avoir transgressé la loi.

1° Le précepte de sanctifier le sabbat n'interdit pas un ouvrage divin, mais un ouvrage humain car, bien que Dieu ait cessé le septième jour de produire des créatures nouvelles, il est toujours à l'œuvre pour la conservation et le gouvernement du monde. Or, faire des miracles était bien, de la part du Christ, une œuvre divine. Aussi dit-il lui-même (Jean 5.17) : « Mon Père est à l'œuvre jusqu'à présent, et moi aussi. »

2° Ce précepte n'interdisait pas les œuvres nécessaires au salut, même à celui du corps. Aussi Jésus demanda-t-il (Luc 13.15) : « Chacun de vous ne détache-t-il pas de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire ? » Et il dit plus loin (Luc 14.5) : « Lequel d'entre vous, si son âne ou son bœuf tombe dans un puits ne l'en retire pas le jour du sabbat ? » Or, il est évident que les miracles du Christ avaient pour but le salut du corps et de l'âme.

3° Ce précepte n'interdisait pas les œuvres qui rassortissaient au culte divin. C'est pourquoi il dit (Matthieu 12.5) : « Ne lisez-vous pas, dans la loi, qu'à chaque sabbat les prêtres, dans le Temple, enfreignent la loi du sabbat sans être coupables ? »

Il est donc évident que le Christ ne violait pas le sabbat, bien que ce fût le reproche que les Juifs lui faisaient faussement, d'après Jean (Jean 9.16) : « Cet homme ne vient pas de Dieu, puisqu'il n'observe pas le sabbat. »

2. Par ces paroles, le Christ a voulu montrer que l'homme n'est pas souillé dans son âme par certains aliments en raison de leur nature, mais en raison de leur symbolisme. S. Augustin écrit à ce sujet : « Si l'on nous demande au sujet du porc ou de l'agneau, s'il est pur par nature, nous répondons que toute créature de Dieu est bonne, mais en raison de leur symbolisme, l'agneau est pur, le porc est impur. »

3. Même les disciples qui, ayant faim, arrachaient des épis, étaient excusés d'enfreindre la loi, à cause de leur faim qui les y contraignait ; de même David n'avait pas transgressé la loi quand, poussé par la faim, il avait mangé les pains sacrés qui étaient interdits.

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