Histoire de l'Église - Théodoret de Cyr

LIVRE I

CHAPITRE IX
LETTRE CONTRE MÉLÉCE

LE Concile écrivit aussi à l'Église d'Alexandrie touchant ce qu'il avait ordonné contre Méléce, qui ayant été ordonné Évêque un peu avant qu'Arius commençât à publier ses erreurs, et qui ayant depuis été convaincu de quelques crimes, avait été déposé par Pierre, très saint Évêque d'Alexandrie, et très illustre Martyr de Jésus Christ. Mais bien loin de déférer à la sentence de sa déposition, il avait excité des troubles dans la Thébaïde, et dans l'Égypte, et entrepris d'usurper les droits de l'Évêque d'Alexandrie. Voici sa Lettre.

Lettre Synodique.

« Les Évêques assemblés dans le grand et saint Concile de Nicée, à l'Église d'Alexandrie, qui est grande et sainte par la grâce de Dieu, et aux frères qui sont en Égypte, en Libye, et a Pentapoli ; Salut en notre Seigneur.

Le grand saint Concile ayant été assemblé dans la Ville de Nicée par la grâce de Dieu, et par les soins du très-Religieux Empereur Constantin qui nous a convoqués de diverses Villes, et de diverses Provinces, nous avons cru qu'il était nécessaire de vous informer par notre Lettre de ce qui y a été agité et examiné, et de ce qui y a été résolu et décidé.

On a d'abord examiné en présence de Constantin Prince très-chéri de Dieu, l'impiété et la perversité de la doctrine d'Arius, et on à condamné d'un commun consentement ses pensées et ses expressions remplies de blasphèmes contre le Fils de Dieu, quand il dit qu'il a été fait de ce qui n'était point auparavant, qu'il n'était point avant que d'avoir été fait, qu'il y a eu un temps auquel il n'était point, et qu'il pouvait se porter au vice ou à la vertu par la liberté de sa volonté. Le saint Concile a condamné ces sentiments et ces termes remplis d'impiété et de blasphèmes. Vous avez déjà appris, ou vous apprendrez bientôt ce qui lui est arrivé. Nous ne l'expliquerons point ici, de peur qu'il ne semble que nous ayons dessein d'insulter au malheur d'un homme, qui a été puni comme il méritait. Au reste son impiété a eu assez de force pour corrompre Théonas Évêque de Marmarique, et Second Évêque de Ptolémaïde. On a prononcé contre eux la même sentence que contre lui.

Mais puisque par la grâce de Dieu vous êtes délivrés de l'impiété de cette doctrine, et de la malice de ces personnes, qui ont été si hardies que de troubler la paix, dont le peuple jouissait, et que la désobéissance de Mêlée et de ceux de son parti, n'était pas encore réprimée, nous sommes obligés de vous dire ce que le Concile a jugé à propos d'ordonner à cet égard. Il a bien voulu traiter Méléce, avec douceur. Car à la rigueur, il ne méritait aucun pardon. Il lui a donc permis de demeurer dans sa Ville, sans y exercer aucun pouvoir ni d'élire, ni d'ordonner, et sans aller dans aucune Ville, ou dans aucun Bourg pour cet effet, mais de retenir seulement le nom et la dignité d'Évêque, sans aucune fonction. Pour ce qui est de ceux qu'il a établis, le Concile a ordonné qu'ils y recevraient une plus sainte imposition de mains, qu'ils seraient admis à la communion, qu'ils conserveraient l'honneur de leur ministère, mais qu'ils ne seraient jamais qu'après ceux qui ont été ordonnés avant eux dans chaque paroisse et dans chaque Église par Alexandre notre très-cher Collègue. Cette sainte assemblée a aussi jugé qu'ils ne devaient avoir aucun droit d'élire, ni de proposer qui que ce soit, ni enfin de faire aucune chose, sans le consentement de l'Évêque de l'Église Catholique, qui est dans la subordination d'Alexandre. Quant à ceux qui par la grâce de Dieu, et par un effet de vos prières, n'ont jamais eu de part à aucun schisme, mais qui sont demeurés d'une manière irrépréhensible dans la communion de l'Église Catholique et Apostolique, ils jouiront du pouvoir d'élire, et de proposer les noms qui mériteront d'être reçus dans le Clergé, et de faire toutes les fonctions selon les Lois et les Ordonnances de l'Église. Que s'il arrive que quelqu'un de ceux qui sont dans les Ordres, meure, un de ceux qui viennent d'être admis, pourra être choisi pour remplir sa place, pourvu qu'il en soit jugé digne, et que le choix du peuple soit confirmé par le suffrage de l'Évêque d'Alexandrie. C'est une grâce, qui est accordée à tous les autres. Mais elle a été refusée à Méléce, de peur qu'un homme aussi fâcheux, et aussi emporté que lui, n'abusât de son autorité, pour exciter de nouveaux troubles. Voilà ce qui regarde l'Égypte, en particulier, et la sainte Église d'Alexandrie. Que s'il y a eu outre cela quelque chose de décidé, en présence d'Alexandre notre très-cher frère et Collègue, il vous en informera plus particulièrement, puisqu'il y a eu la principale part. Nous vous avertirons encore que par un effet de vos prières nous sommes demeurés d'accord touchant la célébration de la Fête de Pâques, et que tous nos frères qui sont en Orient, et qui ne célébraient point cette Fête-là, comme les Romains la célèbrent, et comme vous la célébrez de tout temps, la célébreront à l'avenir avec vous. Réjouissez-vous donc de l'heureux succès de nos entreprises, du rétablissement de la paix entre les Fidèles, de l'extirpation des erreurs, et recevez avec un profond respect et une profonde charité. Alexandre votre Évêque et notre Collègue, qui dans un âge fort avancé a supporté de grandes fatigues pour rétablir parmi vous une parfaite intelligence, et qui nous a donné une très-grande joie par sa présence. Priez pour nous tous, afin que ce que nous croyons avoir décidé très-équitablement, demeure stable et inviolable, par la puissance.de Jésus Christ notre Seigneur, selon la volonté du Père, dans l'esprit, auquel gloire soit rendue durant tous les siècles. Ainsi soit-il. »

La Trinité est Consubstantielle et éternelle. Quelque soin que cette sainte Assemblée eût pris d'apporter des remèdes convenables aux maladies spirituelles de Méléce, il y a encore aujourd'hui des restes de son extravagance ; et il se trouve des Congrégations de Moines, qui ne tiennent point une sainte doctrine, et qui observent une discipline, qui a grand rapport avec les folles coutumes des Samaritains et des Juifs. L'Empereur écrivit aussi aux Évêques, qui n'avaient pu assister au Concile, pour les informer de ce qui s'y était passé. Je crois devoir insérer sa Lettre dans mon Ouvrage, comme une preuve manifeste de sa piété.

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