Histoire de l'Église - Théodoret de Cyr

LIVRE III

CHAPITRE XIX
LIBERTÉ DE PUBLIA CONTRE JULIEN

IL y avait en ce temps-là une Dame nommée Publia, qui avait acquis par sa vertu une grande réputation. Elle avait été mariée quelque temps, et avait eu un fils qu'elle avait offert a Dieu. Il se nommait Jean. Il devint par le temps le plus ancien des Prêtres de l'Église d'Antioche, fut élu plusieurs fois Évêque de cette Église, mais il refusa par modestie cette dignité. Elle avait chez elle une compagnie de filles qui avaient consacré à Dieu leur virginité, et qui publiaient continuellement les louanges de leur Créateur, et de leur Sauveur. Quand l'Empereur passait elles chantaient plus haut que de coutume, pour lui témoigner le mépris qu'elles faisaient de son impiété, et chantaient le plus souvent les Psaumes où David se moque de la vanité, et de la faiblesse des Idoles, et surtout ce verset : Les Idoles des Nations ne sont que de l'or, et de l'argent, et l'ouvrage des mains des hommes. Et après avoir chanté les paroles qui font voir la stupidité de ces Idoles, elles ajoutaient que ceux qui les font deviennent semblables à elles, et que tous ceux qui espèrent en elles leur ressemblent. Julien ayant ouï leur chant, et en ayant été vivement piqué, leur commanda de se taire toutes les fois qu'il passerait. Publia bien loin de déférer à ce commandement, exhorta ses filles à chanter encore plus haut, et à chanter principalement ce verset : Que Dieu se lève, et que ses ennemis soient dissipés. Julien plus ému que jamais envoya quérir Publia, et sans respecter ni son âge, ni sa vertu, commanda à un de ses Gardes de lui donner deux soufflets. Elle tint cet outrage à grand honneur, et continua toujours à tourmenter l'Empereur par le chant des Psaumes, comme l'auteur des Psaumes mêmes tourmentait le méchant esprit dont Saül était possédé.

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