Contre Marcion

LIVRE II

Chapitre VIII

En effet, il n’avait pas tiré l’homme du néant uniquement pour qu’il eût à vivre de la vie matérielle, mais encore de la vie de la justice, conformément à Dieu et à sa loi. La vie animale, il la lui avait communiquée lui-même, en lui soufflant, selon le langage sacré, « une âme vivante. » Quant à la vie dans le bien, il la lui avait recommandée en l’avertissant de respecter la loi. Celui-là prouve donc que l’homme n’a pas été créé pour la mort, qui désire aujourd’hui le rétablir dans la vie, « aimant mieux le repentir du pécheur que sa mort. » Par conséquent, de même que Dieu avait voulu pour l’homme un état de vie, de même l’homme se précipita dans un état de mort, et cela non point par infirmité, non point par ignorance, en sorte que rien ne peut être imputé au Créateur. Quoique le séducteur fût un ange, celui qui a été séduit était libre et maître de lui-même ; il était « l’image et la ressemblance du Très-Haut, » plus fort que l’ange ; souffle émané de Dieu, il était de plus noble origine que l’esprit matériel, dont se composait la substance angélique. « Les esprits sont tes messagers, s’écrie le Psalmiste, et la flamme est ton ministre. » Dieu aurait-il soumis l’universalité des êtres à l’empire de l’homme, si l’homme eût été incapable de domination ; s’il n’eût possédé une nature « plus relevée que celle des anges, » que Dieu n’a pas investis d’un semblable pouvoir ? Par conséquent, il n’aurait pas imposé le fardeau de la loi à qui était trop faible pour le porter. Contre celui qui pouvait alléguer l’excuse de son impuissance, il n’aurait pas promulgué un décret de mort ; enfin, au lieu de mettre en possession de la liberté et de l’indépendance un être fragile, il lui eût plutôt refusé cette faveur. D’ailleurs rien n’est changé aujourd’hui. Ce même homme, cette même substance intelligente, ce même Adam avec ses conditions primitives, ne le voyons-nous pas, en vertu de son même libre arbitre et de sa même indépendance, triompher encore tous les jours des assauts du même démon, lorsqu’il se conduit d’après la soumission aux préceptes de Dieu ?

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