Vigouroux – 1 Pierre 1
1re Lettre de saint Pierre
Introduction
On n’a jamais contesté l’authenticité de cette Epître. Eusèbe la met immédiatement après les Epîtres de saint Paul, dans la liste des homologoumènes avec la première de saint Jean. Elle a été citée dès le premier siècle par saint Clément. Saint Pierre lui-même en fait mention dans sa seconde Lettre ; et tous les caractères de cet écrit, sa forme, sa destination, son objet, confirment le témoignage de la tradition. S’il convenait à l’apôtre des nations d’instruire et de diriger par les Epîtres les Eglises qu’il avait fondées parmi les Gentils, n’appartenait-il pas à saint Pierre, l’apôtre des circoncis, de veiller sur ses compatriotes, de pourvoir à leurs besoins spirituels, et d’envoyer à ceux qu’il avait évangélisés les instructions et les avis que rendaient nécessaires leurs dispositions, leurs habitudes et les épreuves par lesquelles ils devaient bientôt passer ? C’est ce qu’il fait dans cette Lettre, avec un dignité, une élévation de sentiments, une étendue de vue, une solidité et une plénitude de doctrine qui répondent à la hauteur de sa position, et qui font de son écrit un monument de sagesse et une source d’édification pour les fidèles de tous les temps et de tous les lieux.
Elle est datée de Rome ; car le nom de Babylone désigne Rome, ici comme dans l’Apocalypse.
Plusieurs croient qu’elle fut écrite peu d’années après l’arrivée de saint Pierre dans cette ville, vers 45, parce qu’il y parle de saint Marc comme étant encore auprès de lui. Mais cette raison n’est pas décisive ; car si ce disciple quitta Rome de bonne heure pour aller fonder l’Eglise d’Alexandrie, nous voyons par l’Epître aux Colossiens qu’il y est revenu au temps de la captivité de saint Paul ; et c’est à ce moment que le plus grand nombre de commentateurs renvoient la composition de cette première Epître.
Saint Pierre, aussi bien que saint Jacques, écrit aux tribus dispersées ; mais il adresse son Epître aux Israélites convertis du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l’Asie, et de la Bythinie, en leur associant dans sa pensée ceux des Gentils qui professent la même foi dans les mêmes contrées. Les uns et les autres se mêlaient, dit Origène, dans ces pays, où saint Paul avait prêché aussi bien que saint Pierre. Cette Lettre fut confiée aux mains de Sylvanus.
Le but de cette Epître est d’affermir les chrétiens dans la foi et dans la vertu, de les soutenir contre les épreuves, de les préparer à la persécution et de les animer à se rendre dignes du ciel par une vie parfaite. Le Sauveur avait recommandé particulièrement ce soin à son Vicaire.
Dans ce dessein, saint Pierre leur atteste la vérité de la doctrine qui leur a été prêchée. Il exalte la grandeur du chrétien et la sublimité de sa vocation en ce monde et en l’autre ; puis il anime à la perfection les fidèles et les pasteurs. En même temps qu’il signale les obligations des divers états, il exhorte au courage et à la constance ; il rappelle la passion du Sauveur, et il assure que s’associer généreusement à ses souffrances, c’est mériter d’avoir part à sa gloire.
La doctrine de cette Epître est simple et pratique, mais non moins énergique et surnaturelle. Comme saint Paul, saint Pierre fait reposer toute sa morale sur la dignité du chrétien, sur l’union que cette qualité lui donne avec Jésus-Christ, sur les souffrances que le Sauveur a endurées pour le racheter. C’est pour nous tirer de l’esclavage et de la mort qu’il a répandu son sang. Ceux dont il a brisé les fers doivent être, au milieu du monde, comme un peuple à part, comme une nation sainte, comme la famille des enfants de Dieu.
Quand à la forme, on peut remarquer dans cette Epître, comme dans tous les discours de saint Pierre, un style ferme et digne, de la concision, de l’élévation, un ton d’autorité doux et paternel qui répond à la position de l’auteur, une humilité profonde, un zèle sincère et une émotion qui se font sentir chaque fois que sa pensée se reporte vers son Maître, qu’il rappelle sa Passion ou la gloire du ciel, prix de ses souffrances. Cet écrit se distingue encore par un grand nombre d’allusions à l’Ancien Testament, et par de fréquents hébraïsmes. (L. BACUEZ.)
Saint Pierre rend grâces à Dieu de la vocation des fidèles. Afflictions, épreuves de la foi. Salut annoncé par les prophètes. Sainteté de conduite. Estime du prix de nos âmes. Charité pure et sincère. Régénération par la parole de l’Evangile.
1 Pierre, apôtre de Jésus-Christ, aux élus étrangers et dispersés (de la dispersion) dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie, élus [1.1 De la dispersion. Voir à Jacques, 1, 1, la note relative à ce mot. ― Le Pont. Voir Actes des Apôtres, 2, 9 ― La Galatie, province de l’Asie Mineure bornée au nord par la Paphlagonie et la Bythinie, à l’ouest par la Phrygie, au sud par la Lycaonie et la Cappadoce, à l’est par le Pont. ― La Cappadoce. Voir Actes des Apôtres, 2, 9. ― L’Asie, la province proconsulaire de ce nom. Voir Actes des Apôtres, 2, 9. ― La Bythinie. Voir Actes des Apôtres, 16, 7.]2 selon la prescience de Dieu le Père, pour recevoir la sanctification de l’Esprit, pour obéir à la foi et avoir part à l’aspersion du sang de Jésus-Christ. Que la grâce et la paix vous soient multipliées. 3 Béni soit le Dieu et le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, selon sa grande miséricorde, nous a régénérés pour une espérance vivante par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, [1.3 Voir 2 Corinthiens, 1, 3 ; Ephésiens, 1, 3.]4 pour un héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir, qui est réservé dans les cieux pour vous, 5 qui êtes gardés par la puissance (vertu) de Dieu, par la foi, pour le salut qui est prêt à être manifesté dans le dernier temps. 6 Vous devez en être (Où vous serez) transportés de joie, supposé même qu’il faille que, pour un peu de temps, vous soyez attristés par diverses épreuves (tentations), 7 afin que votre foi ainsi éprouvée, plus précieuse que l’or qu’on éprouve par le feu, tourne à votre louange, votre gloire et votre honneur, lorsque paraîtra Jésus-Christ, [1.7 A la révélation ; c’est-à-dire à l’avènement au jour du jugement.]8 lui que vous aimez sans l’avoir vu, en qui maintenant encore vous croyez sans le voir ; ce qui vous fait tressaillir (or croyant ainsi vous tressaillirez) d’une joie ineffable et glorieuse, 9 parce que vous remporterez la fin de votre foi, le salut de vos âmes. 10 Ce salut a été l’objet des recherches et des investigations des prophètes, qui ont prédit la grâce qui vous était destinée ; 11 (et comme) ils cherchaient à découvrir quel temps et quelles conjonctures leur indiquait l’Esprit du Christ (qui était en eux), qui annonçait d’avance les souffrances réservées à Jésus-Christ, et la gloire qui devait les suivre. [1.11-12 « Les chrétiens sont élus et choisis par un décret éternel ; ils sont comme des étrangers sur la terre, regardant le ciel comme leur véritable patrie. (…) L’élection a sa raison dernière dans la prescience éternelle de Dieu, c’est-à-dire ici sa volonté déterminée et son amour ; elle s’exécute dans le temps par l’action du Saint-Esprit, qui nous justifie intérieurement et crée en nous l’homme nouveau ; sa fin prochaine est de nous amener à la foi et de nous faire entrer, par les mérites du sang de Jésus-Christ, dans la nouvelle alliance, qui est l’Eglise chrétienne, comme les Israélites avait été reçus dans l’ancienne alliance par l’aspersion du sang des victimes (voir Exode, 24, 8). » (CRAMPON, 1885)]12 Il leur fut révélé que ce n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous qu’ils étaient dispensateurs de ces choses, que vous ont maintenant annoncées ceux qui vous ont prêché l’Evangile par l’Esprit-Saint, envoyé du ciel, et que les anges désirent contempler à fond. 13 C’est pourquoi ayant ceint les reins de votre esprit (âme), étant sobres, placez votre espérance entière dans la grâce qui vous sera donnée lorsque paraîtra Jésus-Christ. [1.13 Qui vous est offerte, etc. ; qui vous sera donnée à l’avènement de Jésus-Christ.]14 Comme des enfants obéissants, ne vous conformez pas à vos convoitises d’autrefois, quand vous étiez dans l’ignorance ; [1.14 Aux anciens désirs de votre ignorance ; aux passions auxquelles vous vous abandonniez autrefois, quand vous viviez dans l’ignorance.]15 mais, à l’image du Saint qui vous a appelés, soyez saints vous aussi dans toute votre conduite, 16 car il est écrit : Vous serez saints parce que (moi) je suis saint. [1.16 Voir Lévitique, 11, 44 ; 19, 2 ; 20, 7.]17 Et si (puisque) vous invoquez comme votre Père celui qui, sans faire acception des personnes, juge chacun selon ses œuvres, conduisez-vous avec crainte durant le temps de votre pèlerinage ; [1.17 Voir Deutéronome, 10, 17 ; Romains, 2, 11 ; Galates, 2, 6.]18 sachant que ce n’est pas par des choses périssables, par l’or ou l’argent, que vous avez été rachetés de la vaine manière de vivre que vous teniez de vos pères, 19 mais par le précieux sang du Christ, comme de l’Agneau (d’un agneau) sans tache et sans défaut, [1.19 Voir 1 Corinthiens, 6, 20 ; 7, 23 ; Hébreux, 9, 14 ; 1 Jean, 1, 7 ; Apocalypse, 1, 5.]20 prédestiné avant la création du monde, et manifesté dans les derniers temps à cause de vous, 21 qui par lui croyez en Dieu, lequel l’a ressuscité d’entre les morts, et lui a donné la gloire, afin que votre foi et votre espérance fussent en Dieu. 22 Rendez vos âmes pures (chastes) par une obéissance d’amour (de charité), par la charité (une dilection) fraternelle ; portez une attention continuelle à vous aimer les uns les autres du fond du cœur ; 23 ayant été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole de Dieu, qui vit et demeure éternellement. 24 Car toute chair est comme l’herbe, et toute sa gloire comme la fleur de l’herbe. L’herbe se dessèche, et sa fleur tombe ; [1.24 Voir Ecclésiastique, 14, 18 ; Isaïe, 40, 6 ; Jacques, 1, 10.]25 mais la parole du Seigneur demeure éternellement. Et cette parole est celle dont la bonne nouvelle a été annoncée.