Le Nouveau Testament signifie proprement la nouvelle alliance que Dieu a faite avec les hommes par la médiation de Jésus-Christ mort sur la croix, mais ici il se prend pour les monuments ou les livres sacrés, qui nous font connaître, sous divers rapports, cette divine alliance ; c’est-à-dire les Evangiles, les Actes des Apôtres, les Epîtres de saint Paul, de saint Jacques, de saint Pierre, de saint Jean, de saint Jude et l’Apocalypse.
Le nom d’Evangile, qui est grec, et qui veut dire bonne, heureuse nouvelle, a été donné à l’histoire de l’avènement de la doctrine, des actions, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, le Messie promis de Dieu, et annoncé par les prophètes. Les seuls Evangiles que l’Eglise chrétienne ait reconnus comme authentiques sont ceux qui ont été composés par saint Matthieu, saint Marc, saint Luc et saint Jean. Or, en écrivant son Evangile, saint Matthieu a eu principalement en vue de prouver aux Juifs que Jésus-Christ était le vrai Messie, fils de David, né d’une vierge, annoncé par les prophètes ; aussi a-t-il cité plus de passages de l’Ancien Testament que les autres évangélistes. Saint Marc, en s’attachant, dans presque tous les chapitres de son livre, à faire ressortir la puissance divine de Jésus de Nazareth, indique suffisamment que dans la composition de son Evangile, son but a été de prouver que ce même Jésus était le maître souverain de toutes choses. Quant à saint Luc, il résulte bien de la lecture de son prologue, qu’il a voulu opposer à des histoires sans autorité ou peu exactes, son Evangile qu’il tenait de saint Paul et des Apôtres, témoins fidèles et sûrs des faits qu’il raconte ; mais si on examine son livre sous un point de vue général, on aperçoit que son dessein est de montrer, par l’ensemble des faits et toutes les circonstances de la vie de Jésus de Nazareth, que ce même Jésus est le véritable Sauveur de tous les hommes. Enfin saint Jean a eu plusieurs motifs d’écrire son Evangile. D’abord il ne pouvait résister au désir ardent des fidèles d’Asie, qui voulaient avoir par écrit ce qu’il leur avait dit de vive voix. En second lieu, il était tout naturel qu’il cherchât à réfuter les erreurs de Cérinthe et d’Ebion, qui niaient la divinité du Verbe. Troisièmement, il voulait laisser à l’Eglise un corps plus complet de l’histoire et de la doctrine du Sauveur, et qui fût le supplément des autres Evangiles.
Le livre des Actes des Apôtres, écrit par saint Luc, est ainsi nommé, parce qu’il contient le récit de ce que firent les Apôtres à Jérusalem, dans la Judée et dans les autres parties de l’univers, après l’ascension de Jésus-Christ. Ainsi il forme comme le complément des Evangiles, qui contiennent en effet des promesses et des prédictions, dont il présente lui-même l’accomplissement et la réalisation. Ajoutons qu’il est très utile pour faire comprendre les Epîtres des Apôtres et surtout celles de saint Paul, lesquelles, sans les lumières qu’il nous fournit, resteraient dans bien des passages entièrement inintelligibles.
Les Epîtres de saint Paul sont au nombre de quatorze, à savoir&nbso,: une aux Romains, deux aux Corinthiens, une aux Galates, une aux Ephésiens, une aux Philippiens, une aux Colossiens, deux aux Thessaloniciens, deux à Timothée, une à Tite, une à Philémon et une aux Hébreux.
Les autres Epîtres sont au nombre de sept, savoir : une de saint Jacques, deux de saint Pierre, trois de saint Jean et une de saint Jude. On les appelle catholiques, ou universelles, parce qu’elles contiennent des choses communes à toutes les Eglises. On les nomme aussi canoniques, parce qu’elles renferment des règles ou canons importants pour les mœurs et les instructions sur les matières de la foi, ou plutôt parce qu’elles font partie du canon ou catalogue des livres sacrés. Le but général des Epîtres catholiques est, selon saint Augustin (De fide et operib., c. XIV), de réfuter les hérésies naissantes de Simon le Magicien, celles des Nicolaïtes, des Ebionites et autres hérétiques qui, abusant de la liberté évangélique, et prenant à contresens les paroles de saint Paul, enseignaient que la foi sans les œuvres suffisait pour le salut, et introduisaient ainsi une morale très corrompue.
Le mot grec Apocalypse, qui signifie révélation en général, désigne ici la révélation particulière qu’eut saint Jean l’Evangéliste dans l’île de Patmos, et qu’il a décrite lui-même dans un livre qui, pour ce motif, a été aussi nommé Apocalypse.
Nous rappellerons ici que l’Ecriture sainte est la parole même de Dieu, son divin Testament, le dépôt de ses secrets et de ses divines volontés, et qu’elle ne saurait être profitable, qu’autant qu’on la lira avec une foi vive, une humilité profonde, une soumission parfaite et une entière pureté d’intention.
J.-B. GLAIRE.
De tous les livres de l’Ecriture, l’Evangile est le plus divin. « La sagesse éternelle, qui est engendrée dans le sein du Père…, se rend [particulièrement] sensible par la parole de l’Evangile… C’est là, en effet, que nous la voyons, dit Bossuet. Ce Jésus qui a conversé avec les Apôtres, vit encore pour nous dans son Evangile, et il y répand encore, pour notre salut, la parole de vie éternelle. Comme il était le Sauveur de tous, il devait se montrer à tous. Par conséquent il ne suffisait pas qu’il parût en un coin du monde, il fallait qu’il se montrât par tous les endroits où la volonté de son Père lui avait préparé des fidèles. Il a paru dans la Judée par la vérité de sa chair, il est porté par toute la terre par la vérité de sa parole. »
« Jésus-Christ, maître de sa doctrine, la distribue tranquillement, remarque Fénelon ; il dit ce qu’il lui plaît, et il le dit sans aucun effort ; il parle du royaume et de la gloire céleste comme de la maison de son Père. Toutes ces grandeurs qui nous étonnent lui sont naturelles ; il y est né, et il ne dit que ce qu’il voit, comme il nous l’assure lui-même. »
« Une parole de l’Evangile, dit encore Fénelon, est plus précieuse que tous les autres livres du monde ensemble ; c’est la source de toute vérité. »
L’auteur du premier évangile est l’apôtre saint Matthieu. Il n’y a qu’une voix à cet égard dans la tradition. Les Pères s’accordent également à dire que cet évangile a paru avant tous les autres, que saint Matthieu l’a écrit en hébreu pour l’usage des chrétiens de Judée, avant de quitter ce pays pour aller prêcher la foi parmi les Gentils, entre l’an 45 et l’an 48, un peu avant que saint Paul écrivît ses premières Epîtres. Quant à la version grecque du texte hébreu de saint Matthieu, il est certain que, si l’auteur ne l’a pas faite lui-même, comme Josèphe a fait la traduction de sa Guerre des Juifs, elle date du moins du temps des apôtres et a dû être approuvée par eux ; car dès le premier siècle, et avant la mort de saint Jean, elle était citée et reçue par toute l’Eglise avec l’autorité des textes inspirés ; et s’il en avait été autrement, on aurait peine à s’expliquer la disparition du texte hébreu.
L’évangile de saint Matthieu n’est pas proprement une histoire, une biographie. On y trouve bien une esquisse de la vie du Sauveur et un sommaire de sa prédication. Mais les faits n’y tiennent pas une grande place ; ils sont peu circonstanciés et souvent groupés, comme les discours, suivant leurs analogies. L’ordre chronologique fait défaut, aussi bien que les dates. Le dessein de l’auteur est donc, avant tout, dogmatique et moral. Ce qu’il se propose, c’est de montrer à ses lecteurs, ce qu’il a prêché jusque là de vive voix, que Jésus est le Messie promis au peuple Juif, qu’il faut croire à sa parole, accepter ses maximes, entrer dans son Eglise, et se conformer à ses lois. Aussi s’attache-t-il à signaler dans sa personne toutes les prérogatives que les prophètes ont attribuées au Messie, celles de roi, de législateur, de thaumaturge, de prophète, de souverain prêtre. A tous ces points de vue, il a soin de faire remarquer l’accord des prophéties avec les faits qu’il décrit.
Cet évangile a été appelé quelquefois l’évangile du royaume des cieux, parce qu’on y voit annoncée et souvent désignée sous ce nom l’œuvre que le Fils de Dieu venait accomplir en ce monde ; mais l’auteur a soin de faire sentir que sa royauté est spirituelle, qu’elle a pour fin le salut des âmes.
Ses vingt-huit chapitres se divisent en trois parties : les premières années du Sauveur, sa prédication, ses derniers jours. Les premières années du Sauveur remplissent trois chapitres, dans lesquels il est surtout représenté comme roi, du chapitre 1 au chapitre 3. Ses derniers jours, depuis le commencement de sa Passion jusqu’à son retour au ciel, en occupent trois également, du chapitre 26 au chapitre 28 : Notre-Seigneur y paraît comme prêtre et victime. La partie intermédiaire, la seconde, est de beaucoup plus considérable, du chapitre 4 au chapitre 25. Si l’on en fait deux sections, on aura d’abord sa prédication dans la Galilée, du chapitre 4 au chapitre 18, puis son ministère, si laborieux et si combattu, dans la Judée, du chapitre 19 au chapitre 25. La première fait voir en lui le législateur, du chapitre 4 au chapitre 7, et le thaumaturge, du chapitre 8 au chapitre 18. Dans la seconde, du chapitre 19 au chapitre 25, il agit en prophète : il enseigne, il reprend, il prédit. Mais ces points de vue s’entremêlent, et il paraît plusieurs fois sous le même aspect.
Les caractères de cet évangile s’accordent sur tous les points avec le témoignage de la tradition. On ne peut s’empêcher de reconnaître, en le lisant, que l’auteur était juif, qu’il avait été témoin des faits, qu’il écrivait pour les Juifs de Palestine, à une époque peu éloignée de la mort du Sauveur, enfin qu’il avait bien le caractère et les dispositions que devait avoir saint Matthieu.
1° L’auteur était juif de naissance. ― Ses citations indiquent un homme versé dans l’étude de l’Ancien Testament et dans la méditation des prophètes. Son langage dénote un habitant de la Palestine qui a reçu une éducation juive et qui est habitué à parler l’idiome de son pays. A ses yeux, la maison d’Israël est toujours la maison de Dieu ; tous ceux qui en font partie ont le Seigneur pour père. Jérusalem est encore la cité sainte, malgré son déicide ; le temple est encore le lieu saint. Les hébraïsmes et les répétitions ou oppositions paralléliques surabondent dans son style. Enfin l’aspect de la Galilée, son ciel, ses campagnes, son sol, ses troupeaux, ses figuiers, ses montagnes, ses torrents, son lac, s’y reflètent comme ils durent se refléter dans les discours de notre Sauveur, dans ses paraboles, ses comparaisons et ses images.
2° Il a été témoin des faits qu’il rapporte. ― C’est ce qu’il suppose évidemment, en retraçant en détail les actions du divin Maître, et surtout en reproduisant ses discours avec tant d’étendue, sans jamais indiquer aucune source, ni donner d’autre garantie que son témoignage. A la vérité, ses récits sont moins circonstanciés que ceux de saint Marc, et il ne suit pas l’ordre des temps aussi fidèlement que saint Luc ; mais cette particularité s’explique par le but spécialement dogmatique de sa composition. Quant aux discours, qui tiennent la plus grande partie de son ouvrage, si l’auteur ne les avait pas recueillis de la bouche du Sauveur, il faudrait dire qu’il les a inventés ou qu’il les a rédigés d’après la tradition ; mais, dans ce cas, ces discours conviendraient-ils si bien au caractère du Fils de Dieu, à sa dignité, à ses lumières, à sa sainteté ? Y trouverait-on ce naturel, cette élévation, cette placidité, ce charme ? Il nous semble voir trop d’unité dans le fond et dans la forme, trop de pureté dans la doctrine, trop de noblesse et de simplicité dans le langage, pour n’y pas reconnaître une reproduction directe de l’enseignement du divin Maître. C’est un assez grand honneur pour l’évangéliste d’avoir reproduit sans altération cette morale et ce style.
3° Il écrivait pour ses compatriotes, c’est-à-dire pour les Juifs de Palestine convertis au christianisme. ― S’il avait destiné son évangile aux Gentils, il se proposerait un autre but, il suivrait une autre marche ; il insisterait sur d’autre points ; il ferait moins d’emprunts à l’Ancien Testament ; il parlerait un autre langage. A qui peut-il s’adresser, sinon à des Juifs, quand il annonce la venu du royaume de Dieu, quand il établit l’autorité du Sauveur sur sa qualité de Messie, quand il lui applique les prédictions des prophètes, quand il commence par décrire sa généalogie, quand il l’appelle le fils de David, quand il parle du lieu saint et de la sainte cité, quand il mentionne sans nulle explication les localités, les lois et les usages du pays, quand il met les Gentils sur la même ligne que les publicains, quand il rapporte avec tant de détails les invectives du Sauveur contre les Pharisiens, quand il fait entendre que le règne de la Synagogue est fini et qu’une autre Eglise, une Eglise universelle, va s’élever sur ses ruines, etc. ? Mais si c’est à des Juifs convertis qu’il destine son évangile, ce ne peut être qu’à ceux de la Palestine, car ils ne formaient une église particulière qu’en Judée, et partout ailleurs ils étaient mêlés avec les Gentils.
4° Il a composé son livre de bonne heure, assez peu de temps après l’Ascension du Sauveur. ― Puisque l’auteur est un apôtre, et qu’il destine son livre aux Juifs de la Palestine, il a dû l’écrire lorsqu’il était au milieu d’eux, avant la dispersion du collège apostolique, de l’an 45 à l’an 48 au plus tard. Si l’on compare cet évangile avec les deux autres synoptiques, on est conduit à la même conclusion, car il est visiblement le plus ancien. On conçoit saint Marc, disciple de saint Pierre, abrégeant saint Matthieu et retranchant de l’évangile hébreu ce qui était sans intérêt pour les Romains. On conçoit saint Luc, disciple de saint Paul, complétant les Mémoires des premiers évangélistes, et s’efforçant de mettre dans leurs récits l’ordre et la correction qui y manquent. Mais on ne concevrait pas saint Matthieu, un témoin oculaire, un apôtre, prenant pour guide dans beaucoup d’endroits un simple disciple, paraphrasant saint Marc, traduisant saint Luc dans un langage moins correct et s’écartant à dessein de l’ordre chronologique. Matthieu le publicain a donc été le premier à écrire l’Evangile, comme Madeleine la pécheresse a été la première à annoncer la Résurrection.
5° Les dispositions qu’il manifeste conviennent parfaitement à saint Matthieu. ― Le style de cet écrit est simple, uniforme et peu soigné. C’est partout la même manière de passer des faits aux discours et des discours aux faits. Le mot « alors » se trouve répété près de cent fois. Néanmoins cette rédaction, et surtout les citations de l’Ancien Testament dont elle est semée, supposent une culture d’esprit que la plupart des apôtres n’avaient pas. Or, l’emploi que saint Matthieu remplissait, avant son apostolat, demandait précisément un degré particulier d’instruction. Rien d’étonnant qu’il soit le premier à qui on ait demandé et qui ait entrepris de tracer une esquisse de la prédication du Sauveur. De plus, on fait observer que l’auteur du premier évangile s’exprime avec une précision remarquable, lorsqu’il s’agit de cens et d’impôt. ― 1° Sa modestie n’est pas moins remarquable. Saint Matthieu trouvait, comme saint Paul, un sujet de confusion dans la première partie de sa vie, et il est à croire que lui seul, entre les disciples du Sauveur, pouvait se plaire à rappeler son ancienne profession de publicain. Or c’est précisément ce qui a lieu. Comme il avait changé son nom de Lévi en celui de Matthieu, don de Dieu, au moment où il s’attachait à Notre-Seigneur, lorsque saint Marc et saint Luc rapportent le fait de sa vocation et qu’ils font connaître son premier emploi, ils ont soin de ne le désigner que par son ancien nom, afin de ne pas associer dans l’esprit des fidèles l’idée d’un apôtre avec le souvenir d’une profession odieuse. Mais le premier évangéliste ne songe pas à rien dissimuler : il dit simplement Matthieu, ou le publicain ; et il indique le bureau qu’il occupait à Capharnaüm. Cette observation a été faite de bonne heure : nous la trouvons dans Eusèbe, saint Jérôme et saint Chrysostome. On peut y joindre une autre remarque du même genre. On sait que le Sauveur envoya ses Apôtres prêcher l’Evangile deux à deux. Les trois synoptiques qui rapportent ce fait mettent, comme compagnons d’apostolats, au quatrième rang, saint Matthieu et saint Thomas, mais avec cette différence que le premier évangéliste donne la première place à saint Thomas et que les deux derniers la donnent à saint Matthieu. Quiconque tiendra compte des leçons données par le Sauveur à ses Apôtres et du sentiment qu’on a toujours eu de leur vertu, croira volontiers que c’est saint Matthieu lui-même qui s’est mis ici au second rang, tandis que ses collègues le plaçaient au premier. (M. BACUEZ) (Toutes les citations de M. Bacuez faites dans ce volume sont tirées du Manuel biblique.)
1 Livre de la généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham. [1.1 Voir Luc, 3, 31.]