Il y a entre la première épître de saint Jean et le quatrième Évangile une ressemblance si étroite de doctrine, de style, de langue, que malgré de menues différences imputables aux genres littéraires, les deux écrits doivent être sans aucun doute attribués au même auteur. L'épître est moins vigoureuse et plus traînante ; elle offre davantage de répétitions ; mais elle n'est pleinement intelligible que pour un lecteur familier avec l'Évangile, auquel elle fait constamment allusion. On en conclut généralement qu'elle est un peu postérieure et a été écrite dans les dernières années du Ier siècle. La tradition ancienne est formelle sur l'auteur, et il paraît probable que les destinataires sont les mêmes que ceux de l'Évangile, à savoir les Églises d'Asie sur lesquelles saint Jean a exercé son autorité durant son séjour à Éphèse, depuis la fin de l'exil à Patmos jusqu'à sa mort, survenue aux environs de l'an 100. ♦ Le but de l'apôtre est d'affermir les fidèles dans la foi en Jésus (II, 1 ; V, 6 suiv.), dans l'union intime avec lui et avec Dieu (I, 3-4 ; V, 13), dans la voie de la vie éternelle (II, 25). Il veut en même temps les mettre en garde contre les antéchrists (II, 19 suiv.), faux prophètes qui renient le Sauveur (II, 22 ; IV, 15-16) et par là même se séparent du Père (II, 22-23 ; V, 10-20). Ils rejetaient en outre la réalité de l'Incarnation (IV, 2, 9) ; certains prétendaient être sans péché, n'avoir pas besoin de rédemption (I, 7-10) et connaître Dieu par des voies particulières qui les dispensaient de pratiquer les vertus essentielles du chrétien, en particulier la charité (III, 12-18). Il s'agit donc d'erreurs assez complexes qui font présager la gnose hérétique du IIe siècle. Il est probable que l'apôtre a en vue Cérinthe (selon qui le Christ était descendu en Jésus lors du baptême, pour le quitter avant la Passion), les Nicolaïtes mentionnés dans l'Apocalypse, II, 6, 15, et les docètes qui ne reconnaissaient au Christ qu'une humanité apparente. On devine que l'auteur est un contemplatif insigne. Il est pénétré des grands thèmes johanniques qu'il reprend plusieurs fois sans parvenir à en épuiser la richesse, avec une autorité, une dignité paisible et une force de suggestion qui laissent une impression inoubliable. Il aboutit ainsi à une affirmation décisive, singulièrement éclairante, et comparable en importance à la révélation du Fils de Dieu comme Verbe : Dieu est amour ! (IV, 8, 16).
BOTTICELLI — Saint Jean
1 Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et touché de nos mains concernant le Verbe de vie — [1-2. L'Apôtre apparaît dès les premiers mots comme un grand contemplatif. La parenté avec le prologue du 4e Évangile (I, suiv. ; 14) est évidente. Saint Jean insiste d'une manière significative sur sa qualité de témoin oculaire privilégié (comparer Jean XIX, 35 ; XXI, 24) ; à la suite de Jean-Baptiste et des autres apôtres, il rend lui aussi témoignage. L'objet de son témoignage est la manifestation aux hommes du Verbe de Dieu, principe de vie éternelle (comparer Jean I, 4 ; XI, 25 ; XIV, 6, etc.).]
5 Or, voici le message que nous avons entendu de Lui et que nous vous annonçons : c'est que Dieu est lumière et qu'il n'y a en lui de ténèbres d'aucune sorte. [5-7. Dieu est la pure et parfaite lumière, en d'autres termes, l'absolue sainteté. Pour entrer en communion avec lui, il faut rejeter les ténèbres, pratiquer la vérité (comparer Jean III, 21), c'est-à-dire vivre saintement. La docilité à la lumière établit les fidèles en communion les uns avec les autres, conséquence de la participation de chacun à la vie divine (comparer III, 1, 9 ; IV, 12 et Jean XVII, 21-23). En outre, les mérites du sang rédempteur les purifient de plus en plus parfaitement du péché ; comparer Apocalypse I, 5 ; V, 9 ; VII, 14. Cette affirmation, qui rejoint l'enseignement constant de saint Paul, est peut-être dirigée contre l'erreur de Cérinthe qui mettait en doute l'efficacité de la Passion.]