Les liens très étroits qui unissent les deux épîtres, malgré des différences notables, nous conduisent à les présenter ensemble.
Après Philippes, Thessalonique a été la deuxième ville d’Europe dans laquelle Paul et ses compagnons ont séjourné (Ac 17.1-9 et 1Th 2.1ss).
Paul est resté à Thessalonique au maximum deux ou trois mois. Dans le livre des Actes, Luc mentionne des discussions avec les Juifs, dans la synagogue, pendant trois sabbats. Cela n’implique pas que la persécution qui a chassé Paul ait immédiatement suivi ces entretiens. L’apôtre et ses compagnons ont probablement continué de proclamer la bonne nouvelle et d’enseigner un certain temps avant que les menées de leurs adversaires n’obligent Paul à prendre la fuite (cf. Ac 17.5-10).
Si elle a été écrite vers 50/51, ce qui est probable, la première aux Thessaloniciens pourrait bien être le plus ancien des écrits du Nouveau Testament. Il se peut que la seconde l’ait suivie de peu, quoique certains l’estiment beaucoup plus tardive, au point de l’attribuer à un disciple de l’apôtre qui se serait inspiré de la première.
La première épître, comme la seconde, est une véritable lettre et non un texte didactique sous forme épistolaire. Certes, l’apôtre emploie les formules de salutation et d’introduction communément utilisées à l’époque, mais aussitôt après, il évoque des souvenirs communs et exprime les sentiments qui l’unissent à cette Eglise « modèle ».
Ainsi il rappelle les relations qui se sont nouées entre lui et ses correspondants : il a eu à leur égard l’amour d’une mère (1Th 2.7), d’un frère (1Th 2.9) et d’un père (1Th 2.11) plus que l’autorité d’un apôtre (1Th 2.6).
Le mélange d’enseignements et d’exhortations caractérise presque tous les grands textes du Nouveau Testament relatifs à la fin des temps, textes parmi lesquels ces deux épîtres figurent en bonne place (c’est aussi le cas du discours de Jésus en Mc 13//).
Ainsi les épîtres aux Thessaloniciens mettent-elles en œuvre des matériaux provenant de l’Ancien Testament, du judaïsme contemporain et de l’enseignement de Jésus. Elles utilisent des termes et des idées provenant de l’apocalyptique, fréquents dans diverses écoles du judaïsme du Ier siècle apr. J.-C. (voir les introductions à Daniel et à l’Apocalypse de Jean). Ce langage typique est fortement imagé : voix d’un archange, son de la trompette de Dieu, nuées (1Th 4.16s), fils de la lumière et fils du jour (1Th 5.5 ; l’expression fils de la lumière revient souvent à Qumrân), feu flamboyant (2Th 1.8), signes, prodiges (2Th 2.9), etc. D’autres traits de l’apocalyptique apparaissent également, comme la distinction de l’âge présent et de l’âge à venir, sous-jacente à l’espérance du royaume de Dieu (voir 1Th 2.12 ; 2Th 1.5) et surtout l’idée d’une détermination rigoureuse des temps (voir spécialement ce qui retient, pour qu’il [le Sans-loi] ne se révèle qu’en son temps, 2Th 2.6).
L’espérance chrétienne, c’est l’attente de l’avènement (venue ou présence, en grec parousia) du Christ. L’enseignement de Paul à ce sujet était un élément essentiel de la foi, mais il demeurait sans doute des zones d’ombre. Chez les Thessaloniciens, l’attente du Seigneur était vive : ils croyaient sa venue imminente. Les deux lettres avaient précisément pour but de mettre les choses au point : l’avènement du Christ est aussi imprévisible que l’irruption d’un voleur (5.2) et aussi soudain qu’une naissance au terme d’une grossesse (5.3) ; la seconde épître, en revanche, soulignera les préalables nécessaires (2Th 2.1-12).
Paul rend aux Thessaloniciens un témoignage sans réserve. Ils ont reçu la bonne nouvelle avec l’Esprit saint et une pleine conviction (1Th 1.5). Ils ont imité le Seigneur et l’apôtre (1.6), ils sont devenus un modèle pour d’autres (1.7). S’il semble présenter une apologie de son ministère (2.1-12), c’est surtout pour préparer l’évocation de ses inquiétudes à leur sujet (2.17ss). Amené à quitter précipitamment ces nouveaux convertis, quelques semaines peut-être après les avoir évangélisés, Paul est en souci pour leur foi, déjà soumise à la persécution (2.14ss). Au retour de la mission de Timothée à Thessalonique, il a été pleinement rassuré (3.1-6). Le rappel des exigences éthiques (4.1-12) répond peut-être à des préoccupations dont Timothée s’était fait l’écho, mais l’apôtre ne formule aucune espèce de soupçon ni de reproche.
Le passage de 1 Thessaloniciens 4.13–5.11 est la pointe de la lettre. Les rappels de l’activité de Paul à Thessalonique et des expériences des destinataires avaient manifestement un caractère préparatoire. Paul répond à la question brûlante qui troublait le plus les Thessaloniciens.
Des tensions s’étaient manifestées au sein de l’Eglise (4.13ss). On craignait que les croyants morts ne puissent bénéficier de l’avènement du Seigneur et en particulier de la résurrection finale. Il est donc établi que les chrétiens déjà décédés participeront pleinement à l’avènement du Christ et à ses bienfaits.
La Seconde aux Thessaloniciens est à lire en fonction de la première. L’enseignement relatif à la fin des temps, qui était au cœur de celle-ci, n’avait pas été bien compris. Une effervescence malsaine et des idées fausses appelaient, semble-t-il, certaines mises au point. Elles étaient d’autant plus urgentes que des perturbateurs attribuaient à l’apôtre des paroles ou des lettres qui n’étaient pas de son fait (2Th 2.2). L’auteur (Paul lui-même, ou l’un de ses disciples, pour ceux qui pensent que l’épître a été écrite nettement plus tard) s’empresse donc d’apporter les éclaircissements nécessaires.
Néanmoins il se consacre d’abord (chap. 1) à encourager les chrétiens de Thessalonique. En effet, la persécution se prolongeait ; si elle n’était que larvée, peu violente, elle n’en était pas moins éprouvante. A l’approfondissement de la foi chez beaucoup (v. 3ss) s’opposait, chez d’autres, une inquiétante dérive (2.2).
L’épître souligne que Dieu est le juste juge, et elle évoque le châtiment des impies. Est-ce à dire que le chrétien ne puiserait son courage ici-bas que dans l’attente de l’au-delà ou d’un retournement futur des situations ? L’auteur évoque le sort des impies dans un langage commun à la plupart des milieux juifs de l’époque. Il fait ainsi mieux ressortir la grandeur des privilèges promis aux croyants. Il poursuit en les assurant de son intercession (v. 11, où l’on retrouve les deux aspects de la piété mentionnés au v. 3, la foi et l’amour concrétisés dans des œuvres bonnes).
La première partie du chapitre 2 n’est pas d’un abord facile, même si le sens général est clair : l’auteur entend calmer l’impatience de certains croyants qui pouvaient se laisser persuader que le jour du Seigneur était déjà là (v. 2). Pour cela, il souligne qu’auparavant doivent se manifester l’apostasie et le Sans-loi (ou « l’Impie »). L’apostasie agit déjà, mais non pas d’une manière pleine et évidente (v. 3,7). L’avènement du Sans-loi (v. 3ss) est empêché par une réalité énigmatique, présentée à la fois comme quelque chose et comme quelqu’un (v. 6s).
La notion d’apostasie provient du tableau des événements de la fin, tel que le christianisme l’avait reçu du judaïsme. Un temps d’épreuve pour les croyants était attendu avant la venue du Messie et du royaume. Pour Jésus également, selon les évangiles synoptiques, les temps de la fin étaient des temps de détresse et d’impiété. La mention explicite d’une apostasie finale (v. 3) n’apparaît toutefois que rarement. Cette apostasie doit être distinguée de l’influence de Satan, décrite comme le mystère du mal (v. 7), bien que les deux soient liées.
La description du Sans-loi (v. 8s) s’inspire de l’Ancien Testament (cf. Es 14.13ss ; Ez 28.2 ; Dn 11.36 ; Ps 89). La perspective du passage ressemble aussi à celle du discours de Jésus sur la fin des temps. On trouve quelques expressions voisines (cf. Mc 13.5ss,26//). Les exhortations montrent la même intention : tempérer l’impatience et le sentiment de l’imminence de la fin. Enfin l’idée de signe attachée à la notion d’une manifestation finale de l’impiété rapproche les deux textes. La présentation du Sans-loi rappelle le sacrilège mentionné en Mc 13.14//, mais tout porte à croire qu’il ne s’agit pas d’un simple emprunt. L’auteur livre sans doute le fruit d’une réflexion portant sur les prophéties de l’Ancien Testament comme sur les paroles de Jésus, ainsi que des révélations qu’il a personnellement reçues.
Le texte présente un individu qui doit en quelque sorte personnifier les forces du mal, mais il ne nous dit rien de plus, ni sur ses origines ni sur la nature de son entreprise ; le contexte suggère sans doute une action plus religieuse que politique. Plusieurs rapprochent le Sans-loi de la figure de l’Antichrist, telle qu’elle apparaît dans les épîtres de Jean.
Comment comprendre ce (ou celui) qui retient (v. 6s) ? L’allusion est obscure. On rejoint volontiers Augustin (354-430) s’exclamant : « Qu’a voulu dire l’apôtre ? J’avoue que je n’en sais rien. » (La Cité de Dieu, 20.19.) En se souvenant de la parenté évidente entre 2 Thessaloniciens 2 et le discours de Jésus relatif à la fin des temps, certains y recherchent l’explication de l’énigme. Une promesse de Jésus peut éclairer en effet les formules de l’épître : la bonne nouvelle doit être proclamée à toutes les nations avant la fin, donc avant l’ultime manifestation de l’impiété (Mc 13.10// ; cf. Rm 11.25).
Sous l’apparence un peu décousue du chapitre 3, on découvre une ligne directrice. L’apôtre demande la prière pour son activité missionnaire et développe les conséquences éthiques des enseignements précédents. L’accent est mis sur la fidélité aux instructions reçues (v. 4,6,14 ; cf. déjà 2.15), sur la nécessité de mener une vie bien réglée (v. 6,7,11) et de travailler paisiblement (v. 8-10), bref de poursuivre en tout le bien (v. 13).
Déjà la première lettre aux Thessaloniciens avait parlé de la nécessité de travailler de ses mains, avec la même finalité qu’ici : vivre d’une manière honorable et n’avoir besoin de personne (1Th 4.9-12). Sans doute cet appel n’avait-il pas été pleinement entendu. Il est même possible que la situation se soit dégradée. Tout se tient en effet dans les directives de l’épître : la conviction de l’imminence de l’avènement du Christ avait probablement conduit certains exaltés à délaisser leur gagne-pain. Ils se livraient à des occupations qu’ils jugeaient plus « spirituelles », attitude que l’auteur qualifie d’indiscipline (2Th 3.11). La communauté elle-même est invitée à veiller à l’application de ses directives (v. 14s). La discipline est nécessaire, mais elle doit s’exercer dans un esprit fraternel et avec mesure.
En définitive, nous avons ici la vision d’une jeune Eglise remplie de zèle, d’amour et de foi après avoir reçu la bonne nouvelle, annoncée non pas en parole seulement, mais aussi avec puissance, avec l’Esprit saint et avec une pleine conviction (1Th 1.5).
Cette Eglise est en butte à l’hostilité conservatrice de la communauté plus vaste et plus ancienne dont elle est issue et cependant se distingue (1Th 2.13-16). Elle est aussi troublée par les excès de ceux de ses membres qui, mal affermis encore ou peu éclairés (1Th 5.14), vont au-delà de ce qui leur a été révélé (2Th 2.1s). Dans l’exaltation de leur piété (2Th 2.1ss), ils en viennent à oublier les devoirs élémentaires de la vie quotidienne (2Th 3.6-12).
Cependant, l’auteur garde toute sa confiance en l’action du Seigneur qui les affermira à tous égards (2Th 3.1-5).
1 Paul, Silvain et Timothée, à l'Eglise des Thessaloniciens qui est en Dieu, le Père, et dans le Seigneur Jésus-Christ : Grâce et paix à vous ! [Paul (2.18 ; cf. les expressions à la première personne, p. ex. 3.5 ; 5.27) / Silvain (2Co 1.19 ; cf. Ac 15.22n ; 1P 5.12) / Timothée (3.1ss ; cf. Ac 16.1+ss ; 1Co 4.17 ; 16.10 ; Ph 1.1 ; 2.19ss ; Col 1.1 ; Phm 1 ; Hé 13.23) : voir aussi 1Co 1.1 ; 1Th 2.7 ; 2Th 1.1. – l'Eglise, au sens d'assemblée ou de communauté locale 2.14 ; Ac 5.11n ; 1Co 1.2 ; 2Co 1.1 ; 8.1 ; Ga 1.2 ; Col 4.16. – Thessaloniciens v. 7n ; 2.1s ; Ac 17.1n,11,13 ; 20.4 ; 27.2 ; Ph 4.16 ; 2Tm 4.10. – qui est en Dieu... : autre traduction qui est par Dieu... et par le Seigneur... ; cf. 2.14 ; 1Co 1.2 ; Ga 1.13 ; voir aussi Rm 6.11. – Christ : voir onction. – grâce et paix... Rm 1.7+ ; certains mss ajoutent de la part de Dieu, notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ, cf. 2Th 1.2.]
2 Nous rendons toujours grâce à Dieu pour vous tous, et nous faisons mention de vous dans nos prières. Continuellement, [Cf. 2.13 ; 3.9s ; 5.17s ; Rm 1.9 ; 1Co 1.4+ ; Ph 1.3s ; 2Th 1.3,11. – Nous rendons... grâce : cf. Mt 26.27n. – Continuellement... : certains rattachent le terme correspondant à la phrase précédente et traduisent nous faisons continuellement mention de vous dans nos prières (cf. 2.13 ; 5.17 ; Rm 1.9s).]
6 Et vous-mêmes, vous nous avez imités, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole, au milieu de beaucoup de détresse, avec la joie de l'Esprit saint. [vous nous avez imités : litt. vous êtes devenus nos imitateurs 2.14s ; 1Co 4.16 ; 11.1 ; Ph 3.17 ; 2Th 3.9. – le Seigneur : cf. Mt 10.18// ; Jn 15.20. – en accueillant ou quand vous avez accueilli la Parole : cf. v. 8 ; 2.13 ; Mc 4.14,20,33// ; Ac 8.14+ ; voir aussi Ga 6.6 ; Ph 1.14 ; Col 4.3 ; 2Tm 4.2. – détresse 3.3nss ; cf. 2.14 ; Ac 17.4ss ; voir aussi Rm 5.3 ; 2Co 1.8 ; 6.4 ; 12.10 ; 1P 2.20s. – la joie de l'Esprit saint v. 5n ; cf. Ac 13.52+ ; voir aussi Mt 5.11s ; Lc 8.13 ; 1P 1.6s.]