Amiot-Tamisier – Actes 1
ACTES DES APÔTRES
Dans la dédicace à Théophile, le livre des Actes se donne comme étant de la même main que le troisième Évangile ; cette attribution est confirmée, tant par les témoignages de l'antiquité chrétienne que par l'examen interne, d'où il ressort que l'auteur est un Grec cultivé, disciple de saint Paul et son compagnon dans plusieurs de ses voyages ; l'examen de ces diverses considérations permet d'éliminer les autres disciples de l'apôtre au profit de Luc. Son œuvre est en partie un journal de voyage, où il s'exprime à la première personne ; c'est ce que l'on a appelé les « morceaux-nous » : XVI, 10-17 ; XX, 5-15 ; XXI, 1-18 ; XXVII – XXVIII, 16. Ces fragments sont étroitement apparentés au reste de l'œuvre ; de part et d'autre, même esprit général et, dans l'ensemble, même vocabulaire et même style. ♦ Le livre des Actes se divise en deux parties. La première : I – XII, raconte l'Ascension, la Pentecôte, les débuts de l'Église à Jérusalem, en Palestine et dans les pays voisins ; elle est dominée par la figure de saint Pierre. La seconde : XIII – XXVIII est presque exclusivement consacrée à saint Paul, dont elle relate les trois grands voyages missionnaires, la captivité à Césarée et le voyage de Césarée à Rome, après que l'apôtre eut fait appel à l'empereur. Le récit s'interrompt brusquement au moment où Paul prêche l'Évangile à Rome, en attendant de comparaître devant Néron. ♦ Cette particularité permet de dater le livre des Actes ; saint Luc ne pouvait passer sous silence la libération de l'apôtre et moins encore son martyre ; on en conclut qu'il a écrit avant ces événements, peu de temps après la rédaction du troisième Évangile, en 63 ou au plus tard en 64. Cette conclusion est corroborée par la constatation que rien ne laisse encore prévoir dans son œuvre l'hostilité de l'Empire contre l'Église, qui se manifesta pour la première fois en 64, par la persécution de Néron, durant laquelle saint Pierre fut crucifié. ♦ Le livre des Actes n'est pas un récit complet ; la comparaison avec les Épîtres pauliniennes montre que saint Luc a fait un choix dans les événements qu'il connaissait ou dont il avait été témoin. Malgré ces lacunes, il nous à laissé un document inappréciable et dont la valeur historique certaine ressort, tant de l'évidente sincérité de l'écrivain que du contrôle des Épîtres, de l'histoire profane et de l'archéologie. ♦ On y retrouve le charme extraordinaire, la délicatesse spirituelle que tous admirent dans le troisième Évangile. La richesse doctrinale est grande, non seulement dans les discours des Apôtres, mais dans de nombreuses notations qui parsèment les récits. L'action du Saint-Esprit dans l'Église naissante est particulièrement marquée. L'ensemble, empreint de fraîcheur et d'optimisme et passant un peu sur les ombres, constitue un tableau inoubliable des premières années de l'Église et un portrait très attachant des apôtres Pierre et Paul, qui permettent à la chrétienté de tous les temps de se retremper dans le récit de ses origines.
L'ASCENSION ♦ LES APÔTRES AU CÉNACLE ♦ ÉLECTION DE MATTHIAS
1 J'ai raconté dans mon premier livre, ô Théophile, tout ce que Jésus a fait et enseigné, [1-5. La dédicace à Théophile indique que les Actes font suite au troisième Évangile. L'intervalle de quarante jours, mentionné entre la résurrection et l'ascension, complète et éclaire le récit qui conclut le premier écrit de saint Luc (XXIV, 44-53).] 2 depuis le commencement jusqu'au jour où, après avoir donné par l'Esprit-Saint ses instructions aux apôtres qu'il avait choisis, il fut enlevé [au ciel]. 3 C'est à eux qu'après sa passion il s'était montré vivant en maintes occasions manifestes, leur apparaissant au cours de quarante jours et les entretenant du Royaume de Dieu. 4 Et au cours d'un repas il leur ordonna de ne pas quitter Jérusalem, mais d'y attendre l'accomplissement de la promesse du Père, que vous avez [dit-il], apprise de moi : 5 Jean a baptisé dans l'eau, mais vous, c'est dans l'Esprit-Saint que vous serez baptisés sous peu de jours. 6 Ceux qui étaient ainsi rassemblés le questionnaient : Seigneur, disaient-ils, est-ce à ce moment-là que vous allez restaurer le royaume d'Israël ? [6-7. Le temps où le Royaume messianique recevra sa réalisation définitive dépend uniquement du Père, et Jésus le laisse dans un mystère impénétrable et salutaire.] 7 Il leur répondit : Ce n'est pas à vous de connaître les temps ni les moments que le Père a fixés de sa propre autorité, 8 mais vous recevrez la force du Saint-Esprit qui descendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre. 9 A ces mots, il fut élevé en leur présence et une nuée le déroba à leurs yeux. 10 Et comme ils tenaient leurs regards fixés au ciel pendant qu'il s'éloignait, voici que leur apparurent deux hommes vêtus de blanc 11 qui leur dirent : Galiléens, pourquoi restez-vous à regarder le ciel ? Ce Jésus, qui vient d'être enlevé au ciel du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l'avez vu aller au ciel.
12 Ils retournèrent alors à Jérusalem du mont dit des Oliviers, qui est près de Jérusalem, à la distance d'un chemin de sabbat. [12. La distance d'un chemin de sabbat, c'est-à-dire la distance qu'il était permis de parcourir sans violer le repos sabbatique.] 13 Une fois arrivés, ils montèrent dans la chambre haute où ils demeuraient : Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélemy et Matthieu, Jacques, fils d'Alphée, Simon le Zélote et Jude, frère de Jacques. 14 Tous persévéraient unanimement dans la prière, avec les femmes, Marie, la mère de Jésus, et ses frères. [14. Marie commence à exercer auprès de l'Église naissante son rôle maternel.]
15 En ces jours-là, Pierre se leva au milieu des frères — ils étaient réunis au nombre d'environ cent vingt personnes — et leur dit : 16 Mes frères, il fallait que s'accomplit ce que l'Esprit-Saint a prédit dans l'Écriture, au sujet de Judas qui s'est fait le guide de ceux qui ont arrêté Jésus. 17 Il était compté parmi nous et avait reçu part à notre ministère. 18 Cet homme a acquis un champ avec le salaire de son crime, et étant tombé en avant, il s'est déchiré par le milieu du corps, et toutes ses entrailles se sont répandues. 19 Le fait est si connu de tous les habitants de Jérusalem que le champ a été appelé dans leur langue Hakeldama, c'est-à-dire champ du sang. 20 Or, il est écrit au livre des Psaumes : Que sa demeure devienne déserte et que personne ne l'habite ! et : Qu'un autre prenne sa charge ! [20. Citations des Psaumes : LXIX, 26 et CIX, 8.] 21 Il faut donc que parmi ceux qui ont été nos compagnons durant tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu parmi nous, [21-22. Les Apôtres sont essentiellement les témoins de la résurrection du Christ ; mais pour que leur témoignage ait toute sa valeur, il faut qu'ils aient été disciples du Sauveur dès le début de sa vie publique.] 22 à partir du baptême de Jean jusqu'au jour où il a été enlevé du milieu de nous, il y en ait un qui devienne avec nous témoin de sa résurrection. 23 Et ils en présentèrent deux, Joseph, appelé Barsabbas et surnommé Joustos, et Matthias. 24 Et ils firent cette prière : Seigneur, vous qui connaissez tous les cœurs, montrez lequel des deux vous avez choisi 25 pour prendre dans ce ministère de l'apostolat la place d'où Judas s'est retiré pour s'en aller à la sienne. 26 Ils les firent tirer au sort, et le sort tomba sur Matthias, qui fut associé aux onze apôtres.