Amos est le plus ancien des prophètes dont les actes et les paroles font l'objet d'un livre particulier. Antérieur à Esaïe et même à Osée — qui pourtant le précède dans la liste traditionnelle des Douze « petits prophètes » — , il intervient peu avant le milieu du VIIIe siècle, sous le règne illustre de Jéroboam II en Israël du Nord (787-747), qui correspond au règne d'Ozias en Juda (781-740), ainsi que l'indique la suscription du recueil (Am 1.1 ; voir 7.10). C'est une période florissante pour le royaume des dix tribus, la dernière avant que l'empire assyrien impose sa domination sur toute la région. Profitant du déclin de la Syrie voisine, le roi Jéroboam a récupéré au-delà du Jourdain les territoires habités jadis par les Israélites (2R 14.25), et ces victoires éveillent des rêves de grandeur (voir Am 6. 13-14). Les échanges commerciaux avec l'étranger amènent une certaine prospérité dans le pays, mais accentuent les déséquilibres sociaux. La solidarité qui devrait lier entre eux les membres du peuple de l'alliance a fait place à l'exploitation des indigents par les puissants, couverte par les jugements iniques de certains tribunaux (Am 2.6-7 ; 5.7). Le culte se déploie en cérémonies splendides, fierté de la nation (Am 4.4-5).
Amos se présente lui-même comme un éleveur de bétail (Am 7.14), et les nombreuses images de la vie du berger qui illustrent son message confirment cette indication. C'est un Judéen, ressortissant de Teqoa, bourgade proche de Bethléem. S'il vient prophétiser dans le royaume du Nord, au sanctuaire de Béthel et probablement aussi à Samarie, la capitale, c'est pour obéir à une mission divine spéciale (Am 7.15). Sa venue est un signe que le peuple élu, même divisé au plan politique et religieux, reste un seul peuple aux yeux du Seigneur. Mais son ministère fut de courte durée, quelques mois au plus. Le prêtre de Béthel le dénonça au roi et l'expulsa comme perturbateur de l'ordre public (Am 7.10-17). Peut-être est-ce pour prolonger son action qu'Amos lui-même — ou un groupe de disciples — commença de mettre par écrit ses visions et ses oracles, pour les faire circuler dans le peuple. Ainsi débuta la formation d'un recueil des paroles du prophète, complété par des disciples soucieux de maintenir vivante la parole prophétique.
Dans un style sobre, aux expressions frappantes, Amos apporte un message violent, à l'image du tremblement de terre qui suivit de peu son intervention (voir Am 1.1).
Cinq visions, racontées dans les chapitres 7 à 9, sont pour le prophète le signal de l'imminence du jugement de Dieu contre son peuple infidèle. Devant le malheur qui vient, par deux fois, Amos a intercédé pour le peuple, et Dieu a écarté la menace (Am 7.3 et 6). Mais maintenant la fin vient (Am 8.2), et personne ne pourra y échapper (Am 9.1-4). Telle est la révélation qui contraint le prophète à parler (Am 3.8). Il évoque ce jugement par une série impressionnante d'images de catastrophes (Am 3.15 ; 5.1,6,11,16).
Pour motiver ce jugement, Dieu a montré à son prophète tout ce qui, dans la vie de son peuple, suscite sa colère : la solidarité entre riches et pauvres est piétinée (Am 5.7 ; 6.12) ; les puissants exploitent les faibles à leur profit (Am 3.9-11 ; 4.1-3 ; 6.4-7) et légalisent leurs exactions en faisant pression sur les tribunaux (Am 2.6-7 ; 5.10-11). Le commerce lui-même est faussé (Am 8.5b). D'autre part, le culte, en particulier les sacrifices, qui fait l'orgueil d'Israël, est devenu une sorte d'alibi: on croit se mettre ainsi en règle avec Dieu, alors qu'on accumule en fait le péché contre lui (Am 4.4-5 ; 5.4-5,21-27). Enfin, Israël se croit en sécurité à cause de son élection (Am 3.2), oubliant que son Dieu est aussi celui des autres nations (Am 9.7) et que la violation des droits de l'homme est encore plus grave dans le peuple élu que chez ses voisins (Am 1.3 — 2.16; 3.9).
Le Dieu d'Amos est-il sans pitié ? Le prophète sait que le Dieu vivant est libre de changer son jugement en grâce (Am 7.3,6). Mais tant de fois ses avertissements, sous forme d'épreuves, sont restés sans réponse (Am 4.6-13) ! Aussi le grand jour est-il arrivé: jour de ténèbres (Am 5.18-20), où il sera trop tard pour chercher la parole de Dieu (Am 8.11-14). Pourtant en annonçant la venue inéluctable de ce jour, Amos appelle encore le peuple à se préparer à cette rencontre (Am 4.12) où, mis à nu (Am 2.16), celui qui cherche vraiment Dieu et sa justice (Am 5.4) se verra accorder « peut-être » la pitié du Seigneur (Am 5.15), car le pouvoir de Dieu est à la dimension de l'univers (Am 4.13 ; 5.8 ; 9.6).
Le message d'Amos, notamment l'insistance sur la pratique de la solidarité avec les pauvres ainsi que la dénonciation de l'orgueil qui menace les élus, illustre par avance des thèmes de l'Evangile qui gardent toute leur actualité.
Première partie (ch. 1 et 2): après le titre (Am 1.1) et un prologue menaçant (Am 1.2), suite de huit oracles parallèles contre les peuples voisins puis contre Israël lui-même.
Deuxième partie (ch. 3 à 6) : collection de paroles, souvent très brèves, pour motiver l'annonce du jugement d'Israël.
Troisième partie (ch. 7 à 9) : récit de cinq visions, entrecoupé de quelques oracles de condamnation et du récit de l'expulsion du prophète (Am 7.10-17). Pour finir, une parole d'espérance (Am 9.8) et deux oracles que quelques-uns hésitent à attribuer à Amos lui-même.
1 Paroles d'Amos, qui fut l'un des éleveurs de Teqoa, paroles dont il eut la vision, contre Israël, aux jours d'Ozias, roi de Juda, et aux jours de Jéroboam, fils de Joas, roi d'Israël, deux ans avant le tremblement de terre. [Teqoa. bourgade située à 17 km au sud de Jérusalem, dans le royaume de Juda ; 2 S 14.2 ; Jr 6.1 ; 2 Ch 11.6.
— vision prophétique Am 7.1,4,7 ; 8.1 ; 9.1.
— Israël. à l'époque d'Amos, c'est le nom du royaume des 10 tribus du nord. Amos le nomme aussi maison de Jacob (Am 3.13), maison de Joseph (5.6), maison d'Isaac (Am 7.16) ou plus simplement Jacob (Am 6.8), Joseph (Am 5.15) ou Isaac (Am 7.9).
— Ozias 2 R 15.1-7.
— Jéroboam II. 2 R 14.23-29 ; Am 7.9-11.
— tremblement de terre : probablement vers 750 av. J. C. ; Am 6.11 ; 8.8 ; Za 14.5.]
2 Il disait :
De Sion, le Seigneur rugit
et de Jérusalem, il donne de la voix,
les pâturages des bergers sont désolés,
et la crête du Carmel desséchée. [rugissement Am 3.8 ; Es 5.29 ; Jr 25.30 ; Os 11.10 ; Jl 3.16.
— Le Carmel. montagne fertile située dans la partie nord-ouest de la Palestine.]
3 Ainsi parle le Seigneur :
A cause des trois et à cause des quatre rébellions de Damas,
je ne révoquerai pas mon arrêt :
parce qu'ils ont haché le Galaad sous des herses de fer, [trois... quatre Os 6.2.
— Damas. capitale d'un royaume araméen, qui fut longtemps en guerre contre Israël ; Es 17.1-3 ; Jr 49.23-27.
— le Galaad conquis par les Araméens 2 R 10.32-33 ; 13.3.
— herses de fer : traîneaux munis de pointes servant normalement à détacher les grains des épis après la moisson ; Es 28.27-28 ; 41.15.]
4 je mettrai le feu à la maison d'Hazaël
et il dévorera les palais de Ben-Hadad ; [Hazaël, Ben-Hadad. noms de plusieurs rois de Damas.
— Hazaël 1 R 19.15,17 ; 2 R 8.12 ; 10.32.
— Ben-Hadad 1 R 15.20 ; 20.1 ; 2 R 8.7.]
5 je ferai sauter le verrou de Damas ;
de Biqéath-Awèn, j'extirperai le monarque ;
de Beth-Eden, celui qui tient le sceptre ;
et alors le peuple d'Aram sera déporté à Qir
- dit le Seigneur. [Biqéath-Awèn, Beth-Eden, Qir : localités non identifiées. Sur Qir, voir Es 22.6 et la note.
— Chute de Damas, déportation à Qir 2 R 16.9 ; voir Am 9.7.]
6 Ainsi parle le Seigneur :
A cause des trois et à cause des quatre rébellions de Gaza,
je ne révoquerai pas mon arrêt :
parce qu'ils ont déporté en masse des déportés,
pour les livrer à Edom, [Gaza (v. 6-7), Ashdod, Ashqelôn et Eqrôn (v.8) sont, avec Gath (Am 6.2), les cinq principales villes de Philistie.
— Contre les Philistins Jr 47 ; Ez 25.15-17 ; So 2.4-7.
— Prisonniers de guerre vendus comme esclaves 2 R 5.2.
— Edom. voir v.11 et la note.]
7 je mettrai le feu aux murs de Gaza
et il dévorera ses palais ;
8 d'Ashdod, j'extirperai le monarque,
et d'Ashqelôn, celui qui tient le sceptre ;
je tournerai la main contre Eqrôn,
et le reste des Philistins périra
- dit le Seigneur DIEU.
9 Ainsi parle le Seigneur :
A cause des trois et à cause des quatre rébellions de Tyr,
je ne révoquerai pas mon arrêt :
parce qu'ils ont livré des déportés en masse à Edom,
sans avoir gardé la mémoire de l'alliance entre frères, [Tyr. ville principale du royaume phénicien (voir Os 9.13 et la note).
— Contre Tyr Es 23 ; Eze 26- 28.
— Alliance Phéniciens
— Israélites 1 R 9.10-14.]
10 je mettrai le feu aux murs de Tyr,
et il dévorera ses palais.
11 Ainsi parle le Seigneur :
A cause des trois et à cause des quatre rébellions d'Edom,
je ne révoquerai pas mon arrêt :
parce qu'il a poursuivi de l'épée son frère,
et qu'il avait étouffé sa pitié ;
parce que sa colère n'a cessé de déchirer
et que sa rancune, il l'avait obstinément gardée, [Edom. peuple fixé au sud-est de la mer Morte et considéré comme le descendant d'Esaü, frère de Jacob-Israël (Gn 36).
— Contre les Edomites Es 34 ; Jr 49.7-22 ; Ez 25.12-14 ; Ab 1.1 ; Ml 1.2-4.
— Hostilité d'Edom contre Israël Nb 20.14-21 ; Jl 3.19.]
12 je mettrai le feu à Témân,
et il dévorera les palais de Boçra. [Témân et Boçra. deux villes où résidaient les chefs d'Edom.
— Témân Gn 36.15 ; Jr 49.7 ; Ab 1.9 ; Jb 4.1.
— Boçra Jr 49.13.]
13 Ainsi parle le Seigneur :
A cause des trois et à cause des quatre rébellions des fils d'Ammon,
je ne révoquerai pas mon arrêt :
parce qu'ils ont éventré les femmes enceintes du Galaad,
afin de pouvoir élargir leur territoire, [Les fils d'Ammon : population formant un petit royaume situé à l'est de la Transjordanie, autour de sa capitale Rabba (v. 14), aujourd'hui Amman.
— Contre les fils d'Ammon Jr 49.1-6 ; Ez 25.1-7 ; So 2.8-11.
— Galaad. région montagneuse (ou ville. voir Os 6.8 et la note) située au centre de la Transjordanie.]
14 je bouterai le feu aux murs de Rabba
et il dévorera ses palais,
au cri de guerre d'un jour de bataille,
dans la tempête d'un jour d'ouragan ;
15 leur roi s'en ira en déportation,
lui avec ses officiers en même temps
- dit le Seigneur.