Le livre de Baruch, transmis par la version grecque des Septante, est un écrit pseudonyme: il se présente comme ayant été rédigé par Baruch, le « secrétaire » de Jérémie, pendant l'exil à Babylone, à l'intention de la communauté restée à Jérusalem; mais les nombreux écarts entre les informations des écrits contemporains de la prise de Jérusalem en 587 et de l'exil, et les données de Baruch rendent impossible l'attribution de cet ouvrage au « secrétaire » de Jérémie. Ces écarts sont autant de marques d'actualisation.
Ce livre est constitué de quatre parties hétérogènes, qui ne peuvent être ni du même auteur ni de la même époque: une introduction historique, une prière de confession des péchés, une méditation sur la Sagesse, enfin une exhortation à Jérusalem. Ces morceaux diffèrent tant par la langue originale qu'ils supposent (ont-ils été rédigés en grec, ou sont-ils la traduction d'un original sémitique? Pour chaque partie les avis sont partagés), que par leur genre littéraire et leur doctrine.
L'introduction historique (Ba 1.1-14), qui décrit les circonstances et l'intention de la composition du livre, sert de préface aux prières qui suivent.
La prière de confession des péchés (Ba 1.15 à 3.8), mosaïque de citations bibliques, comporte deux parties: une confession proprement dite (Ba 1.15 à 2.10) puis une supplication (Ba 2.11 à 3.10). Elle relève d'un genre littéraire bien attesté, celui de la confession nationale (ainsi Esd 9.6-15 ; Ne 9 ; Ps 106 ; Dn 9.4-19 et à Qumrân le recueil liturgique intitulé « Paroles des Luminaires » de la grotte IV). Le début de la prière (Ba 1.15 — 2.19) dépend de celle de Daniel, mais y apporte quelques modifications. En particulier Baruch omet les passages de Daniel relatifs à Jérusalem et au sanctuaire désolé (Dn 9.16,17b,18b,19) ; mais Baruch ajoute des développements sur la situation du peuple en exil (Ba 2.3-5,13,14b). Ces transformations suggèrent que la prière de Baruch émane d'une communauté juive de la diaspora, pour laquelle la situation du Temple ne se présentait pas, ou plus, d'une façon aussi dramatique que celle évoquée par Daniel.
Le jeûne et les lamentations, les sacrifices offerts au sanctuaire, la confession nationale, tout cela indique que le cadre liturgique de ces deux parties de Baruch est celui d'une liturgie pénitentielle célébrée en vue de réconcilier Dieu et son peuple à la suite d'une période particulièrement troublée de son histoire. On peut penser à la prise de Jérusalem par Pompée en 63 avant notre ère, ou à celle par Titus en 70 après l'ère chrétienne. Mais c'est le pillage du Temple par Antiochus IV en 169 et la restauration du culte par Judas Maccabée en 164 (donc cinq ans plus tard, voir Ba 1.2,8) qui paraissent rendre le mieux compte des écarts significatifs de la typologie mise en œuvre dans cet écrit. Quant au milieu d'origine de ces deux premières parties, c'est sans doute une communauté juive de la diaspora, profondément attachée à la tradition des ancêtres — à la différence des Juifs hellénisés, comparer 1 M 1.11-15 — mais politiquement hostile à une résistance armée aux Séleucides (Ba 1.11-12; 2.21,24).
La méditation sur la Sagesse (Ba 3.9 — 4.4) reprend l'interrogation sur la cause des malheurs du peuple en exil. Cette méditation se situe à un tournant de l'histoire des doctrines sapientielles juives. L'idée d'une Sagesse universellement dispensée (Pr 8.17,31), définie comme la crainte de Dieu (Pr 1.7 ; 9.10 ; 15.33 ; Ps 111.10 ; Jb 28.28) se précise : tantôt elle est identifiée à la Loi, dont le peuple élu est le seul dépositaire (Si 24.8-12; Ba 4.1) ; tantôt elle est montrée comme participant à l'œuvre créatrice de Dieu (Pr 8.22-31 ; Si 24.9 ; et peut-être Ba 3.32-35), puis habitant parmi les hommes. Cette seconde conception annonce les développements théologiques ultérieurs identifiant la Sagesse au Messie (1Co 1.24; 2.6-9 ; Jn 1.14). Il y a convergence de ces deux courants dans Baruch (comparer Ba 4.1 et 3.38). Sans doute l'identification de la Sagesse à la Loi est-elle plus nettement marquée dans le texte grec ; néanmoins le courant messianique y est également présent comme le mettra en évidence la traduction latine de Ba 3.38 ; en effet, pour la Vetus Latina, après que Dieu a transmis la Sagesse à Jacob, « Il a été vu sur la terre et Il a conversé parmi les hommes ». Aussi les Pères de l'Eglise ont-ils interprété ce verset comme faisant allusion à l'incarnation du Christ. Cette méditation sur la Sagesse, en raison des affinités doctrinales qu'elle présente avec le Siracide, peut sans doute être datée de la première moitié du second siècle avant notre ère.
L'Exhortation et la consolation de Jérusalem (Ba 4.5 — 5.9) est un poème d'encouragement et de réconfort dans le style du Deutéro-Esaïe. Le onzième Psaume de Salomon, rédigé peu après la prise de Jérusalem par Pompée en 63 avant notre ère, est très proche de cette section de Baruch. La comparaison permet de conclure à l'antériorité de cette dernière. Contrairement à l'introduction historique et à la prière de confession des péchés, qui se situent au début de l'exil et prônent une politique de conciliation avec les nations, le texte leur est ici franchement hostile et suppose le retour imminent des dispersés. Il appartient donc à une époque et à un milieu sensiblement différents de ceux des deux premières parties. Antérieur à 63, il peut être daté de la seconde moitié du second siècle, et attribué à une communauté de la diaspora pour laquelle il n'est plus question de composer avec les Séleucides. Il semble enfin que cette exhortation à Jérusalem s'inscrive sans difficulté dans le cadre de la liturgie pénitentielle (voir Ba 4.20) : c'est la réponse de Dieu, sous forme d'oracle, à la supplication du peuple.
Baruch est donc un écrit de la diaspora juive invitant ses coreligionnaires de Jérusalem à célébrer une liturgie pénitentielle. Les deux premières parties, les plus anciennes, doivent être contemporaines ou de peu postérieures aux événements de 164 et semblent émaner d'une communauté de la dispersion que ses choix politiques et religieux situent à mi-distance entre les juifs hellénisés de Judée et les partisans des Maccabées. La quatrième partie, ajoutée par la suite, provient sans doute d'un milieu acquis à la cause de l'indépendance juive et animé des espérances apocalyptiques. Quant au développement sur la Sagesse, il est difficile d'en préciser la provenance; pour des raisons de style, tenant en particulier à l'unité du locuteur, on le rattacherait volontiers à l'exhortation à Jérusalem. Le livre a vraisemblablement pris sa forme définitive au cours de la deuxième moitié du second siècle.
Dans sa forme actuelle, le texte débute par un constat de rupture entre Dieu et son peuple, et s'achève sur leur réconciliation. Ce passage de la rupture à la réconciliation s'opère par la médiation d'une réflexion sur le péché, puis sur la Sagesse identifiée à la Loi : tel est le mouvement d'ensemble. Mais son unité réside aussi dans sa fonction liturgique : Baruch peut être lu comme le livret d'un jour de jeûne pénitentiel. Il est vraisemblable qu'après le second siècle, on en a donné une lecture réactualisante, notamment au jour de jeûne commémorant la destruction du Temple en 70 après J.C. : la coïncidence soulignée par la tradition juive, en particulier par Flavius Josèphe et la Mishna, entre la date des destructions de 587 avant J.C. et 70 après J.C. au cinquième mois ; la mention dans les sources rabbiniques de jeûnes pénitentiels célébrés après 70 sur le modèle de ceux auxquels font allusion Za 7.3 et 8.19; le témoignage enfin des Constitutions apostoliques (v. 20.3), d'après lequel les Juifs lisaient Baruch le jour anniversaire de la destruction de Jérusalem, sont autant d'indices en faveur de cette hypothèse. De nos jours, dans la liturgie de l'Eglise catholique, Ba 3.9-15 et 3.32 — 4.4 font partie des lectures possibles de la Veillée Pascale.
1 Voici le contenu du livre que Baruch, fils de Nérias, fils de Maaséas, fils de Sédécias, fils de Hasadias, fils de Helkias, écrivit à Babylone, [Le livre est attribué à Baruch, ami et secrétaire du prophète Jérémie (voir Jr 32.12+ ; 36.4 ; 45.1).]
— le septième jour du mois : probablement du cinquième mois (voir 2 R 25.8) ; c'est la date anniversaire du pillage de Jérusalem.
— les Chaldéens : voir Jr 21.4 et la note.
— Prise et incendie de Jérusalem 2 R 25.3-12.]
3 Baruch donna lecture du contenu de ce livre en présence de Jékhonias, fils de Joakim, roi de Juda, et de tout le peuple qui était venu pour entendre le livre, [lecture publique Ex 24.7 ; Dt 31.30 ; 32.44 ; 2 R 23.2-3 ; Jr 36.6 ; Ne 8.1-8.
— Jékhonias : forme grecque de Yekonya, autre nom de Yoyakîn (voir Jr 22.24+ ; 27.20 et les notes).]
— le fleuve Soud, inconnu par ailleurs, est probablement un des canaux passant à Babylone.]
— Restitution des objets emportés par Nabuchodonosor Esd 1.7-11.
— Sur le pillage du temple par les Babyloniens, voir 2 R 25.13-15 (et comparer 2 R 24.13).
— Siwân : voir au glossaire CALENDRIER.
— Sur Sédécias, dernier roi de Juda, voir 2 R 24.18-25.7.]
10 Et ils dirent : Voici, nous vous avons envoyé de l'argent ; avec cette somme, achetez des victimes en vue des holocaustes et des sacrifices pour les péchés, achetez de l'encens ; faites des offrandes, présentez des sacrifices sur l'autel du Seigneur notre Dieu,
— Baltasar : forme grecque de Belshassar, nom du souverain mentionné en Dn 5.1.
— que leurs jours soient... : tournure empruntée à l'hébreu et signifiant que leur vie dure autant que le ciel au-dessus de la terre (voir Dt 11.21).]
— à l'ombre des puissants (image de la tranquillité) Jg 9.15 ; Es 30.3 ; Ez 31.6 ; Dn 4.18 ; Mc 4.32 ; voir Ps 91.1 ; Lm 4.20.]
— la Fête (sans autre précision) désigne habituellement la fête des Tentes (1 R 8.2,65) ; voir au glossaire CALENDRIER.]
Au Seigneur notre Dieu appartient la justice, mais à nous la honte au visage, comme on le voit aujourd'hui ! La honte pour l'homme de Juda et les habitants de Jérusalem, [Ba 2.6 ; Dn 9.7 ; voir Jr 7.19 ; Ps 44.16 ; Esd 9.7.]
16 pour nos rois, nos chefs, nos prêtres, nos prophètes et nos pères. [Dn 9.8 ; voir Jr 32.32 ; Ne 9.32.]
— marcher selon ses commandements voir Lv 26.3 ; Jr 26.4 ; 32.23 ; 44.10,23.
— qu'il a placés devant nous Dt 4.8 ; 11.32.]
— sortie d'Egypte Jr 7.22+.
— Israël infidèle dès la sortie d'Egypte Es 48.8 ; Ez 20.8 ; 23.5 ; Ps 106.7 ; Esd 9.7 ; voir Jr 22.21.]
— pays ruisselant de lait et de miel Jr 11.5+.]