Dès la première phrase de son livre l'auteur se présente comme un sage. Mais, contrairement aux sages du livre des Proverbes, celui-ci nous transmet une sagesse non-traditionnelle. A travers les nombreuses expériences qu'il a pu faire dans la vie, il a découvert en effet que le bonheur est fragile et que les efforts humains pour l'obtenir sont le plus souvent inutiles. Il se demande alors si la vie vaut la peine d'être vécue. Il oblige le lecteur à se poser les mêmes questions que lui. Comme dans le livre de Job, les réponses trop faciles sont remises en cause, mais avec une différence d'accent. Alors que Job proteste contre l'absurdité de la souffrance humaine, le Sage du livre de l'Ecclésiaste exprime sa perplexité sur le sens du bonheur humain.
L'exposé du Sage se présente comme une sorte d'enquête sur ce qui se passe ici-bas. L'affirmation du caractère ephémère et incertain des joies et des efforts de l'être humain (jeunesse, richesse, gloire, travail, sagesse, justice) y court comme un refrain. L'insécurité causée par la menace constante de la mort et par l'injustice régnant parmi les hommes, l'impossibilité de connaître les plans de Dieu pour le monde, rendent le destin de l'homme fragile et insaisissable. Ce bilan négatif entraîne un certain nombre de réflexions sur le type de conduite qu'il est possible d'adopter dans la vie.
Ailleurs les textes bibliques donnent d'autres réponses aux questions que le Sage aborde. Il est bon cependant de trouver parmi eux l'écho de nos propres découragements et de nos doutes. Il est bon aussi qu'un auteur biblique nous rappelle qu'il n'y a pas de vraie foi en Dieu sans un regard lucide sur la condition humaine.
1 Voici les paroles du Sage, fils de David et roi à Jérusalema. [a Sage traduit ici un terme hébreu dont la transcription française est Qohéleth. Le sens de ce nom est incertain. La traduction grecque de l'AT l'a rendu par Ecclésiaste, ce qui signifie membre ou orateur de l'assemblée du peuple. Le livre l'Ecclésiaste est placé sous l'autorité du fils de David, c'est-à-dire de Salomon, réputé pour sa sagesse, voir 1 Rois 5.9-14.]
2 De la fumée, dit le Sage,
tout n'est que fumée,
tout part en fumée.
3 Les humains travaillent durement ici-bas
mais quel profit en tirent-ils ?
4 Une génération passe,
une nouvelle génération lui succède,
mais le monde demeure indéfiniment.
5 Le soleil se lève, le soleil se couche,
puis il se hâte de retourner à son point de départ.
6 Le vent souffle tantôt vers le sud, tantôt vers le nord.
Le vent souffle, le vent tourne,
puis il reprend sa première direction.
7 Tous les fleuves se jettent dans la mer,
mais la mer n'est jamais remplie.
Sans arrêt pourtant, les fleuves se déversent à ce même endroit.
8 On ne pourra jamais assez dire combien tout cela est lassantb :
[b Autre traduction L'homme ne peut pas exprimer à quel point la nature est en travail.]l'œil n'a jamais fini de voir
ni l'oreille d'entendre.
9 Ce qui est arrivé arrivera encore.
Ce qui a été fait se fera encore.
Rien de nouveau ne se produit ici-bas.
10 S'il y a quelque chose dont nous disons :
« Voilà du neuf ! »,
en réalité cela avait déjà existé bien longtemps avant nous.
11 Mais nous oublions ce qui est arrivé à nos ancêtres.
Les hommes qui viendront après nous
ne laisseront pas non plus de souvenir
à ceux qui leur succéderont.
12 Moi, le Sage, j'ai régné sur le peuple d'Israël à Jérusalem.
15 Ce qui est tordu
ne peut pas être redressé,
ce qui n'existe pas
ne peut pas être compté.
16 Je me suis dit : « J'ai accumulé bien plus de sagesse que tous ceux qui ont régné à Jérusalem avant moi. » J'ai beaucoup enrichi mon expérience et ma compréhension de la vie.
18 Beaucoup de sagesse,
c'est beaucoup de tracas ;
qui augmente son savoir
augmente sa douleur.