Cette épître a été écrite à l'occasion d'une crise. Les Galates subissaient une influence extérieure et se trouvaient placés devant un choix. Paul en saisit tout l'enjeu; il perçoit qu'il ne s'agit pas d'une affaire marginale, mais bien de l'Evangile lui-même, de sa vérité.
Qui sont ces Galates ? Quel danger courent-ils ? Quels sont les responsables de la crise?
Au XIXe siècle on a proposé de voir dans les Galates les habitants de la Galatie du Sud. Les anciens pensaient au contraire aux habitants de la Galatie du Nord, et leur opinion semble la mieux fondée. Si on l'admet, on est conduit à dater l'épître de l'hiver 56-57, peu avant l'épître aux Romains. Elle se situe en effet après le second passage de l'apôtre chez les Galates (Ga 4.13), mentionné par les Actes (Ac 18.23).
Quant au danger couru par les Galates, c'est celui d'un retour à l'asservissement dont le Christ Jésus les avait délivrés.
Cet asservissement peut prendre deux formes qui correspondent peut-être à deux influences différentes, toutes deux combattues par l'apôtre. Les principaux responsables de la crise sont assurément les « judaïsants », chrétiens d'origine juive qui veulent imposer le joug de la loi mosaïque aux païens convertis. Luc résume ainsi leur thèse: « Si vous ne vous faites pas circoncire selon la coutume de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés » (Ac 15.1). Thèse que Pierre, d'après les Actes, n'a pas faite sienne (Ac 11.17; 15.7-11). Contre ces adversaires de la « vérité de l'Evangile », Paul maintient cette vérité et reproche à Pierre de ne pas se conformer à elle dans son comportement pratique (Ga 2.11-16). « L'homme, proclame l'apôtre, n'est pas justifié par les œuvres de la Loi, mais seulement par la foi au Christ. »
Reste l'autre asservissement qui menace aussi les Galates : celui de la « chair ». Il résulterait d'une fausse idée de la liberté, confondue avec la licence morale (Ga 5.13). Faut-il chercher des responsables de cette confusion, autres que les Galates eux-mêmes, chez qui les païens convertis, sans doute nombreux, avaient pu mal interpréter l'enseignement de l'apôtre ? Ce n'est peut-être pas nécessaire.
Tels sont les faits. Pour l'apôtre, le salut de ceux qu'il appelle ses enfants est en cause. Aussi met-il en relief le danger grave qu'ils courent. Du même coup, il conduit l'Eglise naissante à prendre conscience de la nouveauté de l'Evangile et à faire en conséquence un choix décisif.
Ce qui est en cause, c'est l'unique Evangile, la liberté dont il est la proclamation, la croix du Christ qui est la source de cette liberté, et la vie nouvelle des enfants de Dieu que cette liberté caractérise.
L'Evangile est l'annonce d'un salut gratuit et universel qui instaure un monde nouveau. Les judaïsants vivent toujours dans le monde ancien et veulent y ramener les Galates ; ils ruinent ainsi l'Evangile, en se réclamant de l'Ancien Testament. Paul montre au contraire que l'Ancien Testament ne trouve son véritable sens que lorsque le Christ en accomplit les promesses. Son argumentation, dont la marche est parfois difficile à suivre pour nous, met en lumière l'opposition du monde ancien et du monde nouveau à trois points de vue.
Le premier point de vue est celui de la source du salut. Il faut choisir entre la chair et l'Esprit. Dans le monde ancien, l'homme prétend se suffire et se sauver par ses œuvres; c'est cette attitude que Paul appelle « chair ». Entrer dans le monde nouveau, c'est attendre le salut de l'Esprit, l'accueillir comme une grâce que le Père accorde par le Christ.
Le deuxième point de vue est celui de l'histoire du salut. Il faut choisir entre la loi et la foi. La loi est une étape qui prépare la venue du Sauveur; elle sépare le peuple qui l'a reçue, dans un but pédagogique, pour qu'il soit le témoin du salut promis par Dieu à tous les croyants. C'est la foi qui donne accès au monde nouveau, en ouvrant l'homme au salut accompli par Jésus et offert gratuitement à tous les hommes.
Enfin, troisième point de vue, dans le monde ancien, les hommes sont asservis au péché dont la source est la chair; dans le monde nouveau, ils sont libérés par l'Esprit qui leur donne d'accomplir avec amour la volonté du Père. Ils sont libres parce qu'ils sont enfants de Dieu et vivent de la vie du Fils de Dieu. Cette liberté, fruit de l'unique Evangile, serait ruinée par les judaïsants.
Pour rappeler la vérité de l'Evangile aux Galates et à tous ceux qui, dans l'Eglise, n'ont pas encore pris conscience de la nouveauté de cet Evangile et de ses exigences, Paul écrit une lettre qui n'est pas une thèse, mais la proclamation d'un événement. Celui-ci constitue un mystère et un scandale : c'est l'événement de Jésus crucifié par qui Dieu intervient pour sauver les pécheurs. Aussi Paul n'hésite-t-il pas devant des formules qui nous paraissent des excès de langage, mais qui expriment les intuitions dont l'origine est l'Esprit ; grâce à ces intuitions, Paul peut connaître et annoncer le mystère du Christ.
L'épître est animée par un mouvement qui fait son unité. Elle comporte deux étapes. Dans la première (ch. 1 et 2), l'apôtre rappelle que Jésus Christ est à l'origine de sa mission (Ga 1.11 — 2.10) et au centre de son message (Ga 2.11-21). Dans la deuxième étape, Paul montre que Jésus Christ, en accomplissant le salut, donne son sens à l'histoire. Par lui et en lui, les hommes régénérés trouvent leur unité (ch. 3 à 6). Pour cela, il met en lumière comment, dans l'histoire du salut, le régime de la loi prépare celui de la foi (Ga 3.1 — 4.7); puis il rappelle que l'Evangile est la source de la vraie liberté (Ga 4.8 — 6.10).
L'ensemble est ouvert par une introduction où l'apôtre condense tout son Evangile et dénonce la perversion dont celui-ci est l'objet, Evangile pourtant unique, puisque c'est celui du Christ (Ga 1.1-10).
A cette introduction répond une conclusion où se dresse la croix du Christ ; le Christ crucifié a mis fin au monde mauvais évoqué dans l'introduction, et il a inauguré la nouvelle création, celle où l'homme vit de l'Esprit (Ga 6.11-18).
L'épître aux Galates interpelle les chrétiens de tous les temps ; elle interpelle aussi l'Eglise.
Le chrétien est-il un vrai croyant, un homme que sa foi libère de toute peur? L'Eglise n'est-elle pas encore dans la situation historique des Galates ?
Certes, il n'y a plus de judaïsants, et les chrétiens n'ont plus peur de partager la vie et la table des païens. Mais les institutions de l'Eglise n'enferment-elles pas trop souvent les chrétiens dans des frontières où ils se sentent sûrs de leur salut, où ils sont fiers de pratiquer la loi du Christ, réduite à un moyen d'être en règle avec Dieu ?
L'Eglise qui a commencé à la Pentecôte par l'Esprit ne peut pas prétendre trouver sa perfection grâce à des œuvres et à des structures humaines, « charnelles »; autrement, elle asservirait les hommes, au lieu d'être l'éducatrice de leur foi et de leur liberté de fils de Dieu.
L'Eglise est donc invitée à se demander si ses institutions ont pour but la formation d'une communauté dont l'unité s'enracine dans l'unique Evangile, d'une communauté que l'Esprit ouvre à tous et met au service de tous, d'une communauté de frères universels.
Question toujours actuelle. Appel à une réforme toujours renouvelée par la puissance de l'Evangile, sans cesse redécouvert. Appel à une réforme qui est la condition de la véritable universalité de l'Eglise.
1 Paul, apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus Christ et Dieu le Père qui l'a ressuscité d'entre les morts, [Paul, apôtre Rm 1.1 ; Ga 1.11-12,17 ; Ac 20.24]
— nous arracher à ce monde du mal Ac 2.40 ; 1 Jn 5.19]
6 J'admire avec quelle rapidité vous vous détournez de celui qui vous a appelés par la grâce du Christ, pour passer à un autre évangile. [appelés Rm 1.6 ; Ga 1.15 ; 5.8
— un autre évangile : voir Ac 2.3-5,12-14 selon les propagateurs de cet autre évangile, l'accès au salut exigeait, outre la foi en Jésus Christ, qu'on se soumît aux prescriptions de la loi juive, notamment la circoncision et la séparation d'avec les non-Juifs.]
— anathème Rm 9.3 ; voir 1 Co 16.22 et la note :]
11 Car, je vous le déclare, frères : cet Evangile que je vous ai annoncé n'est pas de l'homme ; [Evangile-parole de Dieu 1 Th 2.13]
13 Car vous avez entendu parler de mon comportement naguère dans le judaïsme : avec quelle frénésie je persécutais l'Eglise de Dieu et je cherchais à la détruire ; [Ac 8.3 ; 22.4-5 ; 26.9-11 ; 1 Co 15.9 ; Ph 3.6]
— les traditions de mes pères : les doctrines du judaïsme.]
— appelé par grâce Ga 1.6 ; 1 Co 15.10]
(aux chrétiens 2 Co 4.6)
— A l'intention des païens Ac 22.21 ; Ga 2.7]
— Céphas : Pierre (Jn 1.42) :]