Le livre d'Osée est placé en tête du recueil des douze prophètes, aussi bien selon l'ordre des livres hébreux que selon l'ordre des livres dans la version grecque. Osée est assurément l'un des plus anciens parmi les prophètes « écrivains » — c'est-à-dire de ceux dont le nom est attaché à un livre particulier. Il est de peu postérieur au prophète Amos.
Osée a vécu et parlé dans le royaume du Nord, Israël, qu'on appelle aussi Jacob (Os 12.3) ou Ephraïm (Os 4.17), durant le troisième quart du VIIIe siècle. C'est sous le règne long et prospère de Jéroboam II, auquel succèdent des règnes plus courts et plus troublés, qui aboutirent à la chute du royaume en 722 (chute de Samarie après un siège de trois ans). L'Assyrie est en train de devenir la première puissance du Proche-Orient et multiplie les campagnes militaires à l'ouest, dont les royaumes araméens de Syrie, les villes phéniciennes et les cités philistines subissent, avec Israël et Juda, les funestes conséquences. A ce moment, l'autre grande puissance, l'Egypte, est affaiblie, mais fomente des troubles dans les régions que l'Assyrie est en train de se soumettre. Le livre d'Osée montre Israël en perpétuelle balance entre les deux grands (Os 7.11) se livrant ainsi à un jeu dont l'issue tragique n'échappe pas au regard lucide du prophète.
Nous ne savons pas grand-chose sur les origines du prophète ; le seul événement qui concerne sa personne est l'épisode de son mariage. Osée doit, sur l'ordre du Seigneur, épouser une femme se livrant à la prostitution, et engendrer avec elle des enfants qui seront de ce fait « des enfants de prostitution » (Os 1.2-3). Il s'agit, selon toute probabilité, d'une prostituée sacrée. La prostitution sacrée, coutume largement attestée dans le monde oriental d'alors, était, selon Osée, l'une des plus grandes déviations religieuses et morales. Nous sommes en présence d'une histoire réellement vécue, mais ayant dès l'origine une portée symbolique. Par son mariage, conclu, rompu et repris (comparer les chapitres 1 et 3) avec Gomer, le prophète doit illustrer publiquement à la fois l'étendue de la corruption du peuple et l'amour de Dieu qui reste fidèle à son peuple malgré le refus obstiné que celui-ci lui oppose. Cette histoire du mariage, qui occupe les chapitres 1 — 3, donne le ton du reste du livre qui peut être considéré comme un commentaire de cette action prophétique. Osée, tout en stigmatisant sévèrement la politique des rois et des chefs du peuple, s'attaque surtout à la corruption religieuse et morale qui est une véritable gangrène, dont l'issue ne peut être que fatale. Le baalisme, survivance de la religion cananéenne, a connu au temps d'Osée une résurgence, comme il en avait connu une au temps d'Elie un siècle plus tôt. La raison profonde en est que les Israélites estimaient que Baal, dieu de la nature, de la végétation et de la pluie fécondante, convenait mieux au genre de vie agricole qui était désormais le leur. Ce culte faisait appel à toutes les forces de la nature, en particulier à celles de la reproduction favorisées par des pratiques d'ordre sexuel, telles que la prostitution sacrée. Contre ces tentations Osée montre les faiblesses du culte de Baal: les taureaux, sous les traits desquels ce dieu était représenté, ne sont rien d'autre que des animaux; quant à la nature et ses produits, blé, vin, huile, elle est sous la seule dépendance du dieu d'Israël, YHWH (Os 2.10-12), qui exerce sur elle sa souveraineté autant que sur l'histoire. Le culte de Baal avait fait glisser la religion sur la voie de la facilité, de la jouissance et du formalisme. Aussi le prophète polémique-t-il sûrement contre la religion extérieure, les sacrifices et les rites. Ce qu'il dénonce, ce n'est pas le rite et le sacrifice comme tels, mais l'assurance illusoire que la pratique exacte des rites suffit à se concilier automatiquement les faveurs de Dieu (Os 6.1-8 ; 14.2-4).
Ce que le Seigneur demande, c'est une piété et un amour véritables, qui engagent la vie tout entière ; pour que cette réponse de l'homme soit possible, le Seigneur va lui-même donner l'exemple et se convertir à l'amour et à la tendresse (Os 2.20-22 ; 9.10 ; 11.8-9). Ce sera difficile, comme le mariage d'Osée, qui a été un échec. Mais Dieu n'abandonne jamais l'espérance, et le dernier mot du livre sera le triomphe de l'amour sur la colère et le pardon du péché (Os 14.5).
Il n'est pas facile de retrouver dans le livre un véritable plan ; il s'agit plutôt de la réunion d'oracles et de paroles prononcées dans des circonstances diverses, dont nous pouvons préciser quelques-unes seulement, situées entre la guerre syro-éphraïmite (734) et la chute de Samarie (722). L'impression d'ensemble qui se dégage du livre est celle de la reprise constante des mêmes thèmes plutôt que d'une composition linéaire, même si le dernier chapitre peut être considéré comme un sommet. La part personnelle d'Osée à la composition du livre est difficile à déterminer, mais elle se situe vraisemblablement aux chapitres 1 et 3, où se rencontre à l'occasion le style autobiographique.
La suscription, qui mentionne plusieurs rois de Juda ainsi que la mise en avant de Juda (p. ex. en Os 1.7), fait supposer que le recueil d'Osée, né dans le royaume du Nord, a subi une rédaction judéenne. Le sort de Samarie devait servir d'avertissement à Juda et être un appel à revenir à des sentiments plus fidèles envers le Seigneur. Les écrivains bibliques ont ainsi voulu montrer l'actualité toujours vivante de la parole de Dieu, au-delà des circonstances historiques particulières qui en ont provoqué le premier énoncé. On peut supposer que dans l'ensemble les paroles authentiques d'Osée ont été fidèlement rapportées. La langue et le style ont un caractère personnel et unique. Fidèle reflet de sa personnalité, la langue du prophète est forte, sonore et passionnée. Elle est souvent difficile à comprendre ; la critique conjecturale s'est exercée sur le livre sans toutefois arriver à le rendre plus clair, aussi la présente traduction s'est-elle abstenue d'y recourir.
Elle a été considérable et profonde à travers toute la Bible. Jérémie est celui qui l'a subie le plus fortement et qui a précisé en quoi consistait la nouvelle alliance déjà annoncée par Osée (Os 2.17 ; Jr 31.31s). L'image du mariage, pour signifier la relation entre Dieu et le peuple, a été reprise par Jérémie (Jr 2.23 ; 3.1), Ez (16 et 23), l'auteur de la deuxième partie d'Esaïe (Es 50.1 ; 54.4-7 ; 62.4-5) et probablement par le Cantique des Cantiques si ce dernier est une allégorie. Le N.T. la reprend dans Mc 2.19-20 et Ep 5.25 ; il cite Osée dix-sept fois. Mais l'influence du livre d'Osée ne se laisse pas mesurer au nombre des références explicites. La théologie d'Osée est celle de l'amour de Dieu, amour souffrant, exigeant, patient, dont l'expression la plus achevée est donnée par Paul : « En ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous, alors que nous étions encore pécheurs » (Rm 5.6-8). Source de l'amour, Dieu est aussi le seul objet d'amour : c'est la promesse et l'exigence que le livre d'Osée offre à ses lecteurs aujourd'hui.
1 La parole du Seigneur qui fut adressée à Osée fils de Bééri, aux jours d'Ozias, de Yotam, d'Akhaz, d'Ezékias, rois de Juda, et aux jours de Jéroboam, fils de Joas, roi d'Israël. [C'est-à-dire vers l'année 750 av. J. C.
— Ozias, Yotam, Akhaz 2 R 15- 16.
— Jéroboam (II) 2 R 14.23-29.]
2 Début des paroles du Seigneur par Osée.
Le Seigneur dit à Osée :
« Va, prends-toi une femme se livrant à la prostitution
et des enfants de prostitution,
car le pays ne fait que se prostituer
en se détournant du Seigneur. » [Le dieu Baal, adoré par les Cananéens et par beaucoup d'Israélites contemporains d'Osée, était censé favoriser la fertilité des champs et la fécondité des troupeaux ou des familles humaines (2.7). Le culte qu'on lui offrait s'accompagnait d'une prostitution sacrée ; Os 4.12-14 ; 5.4 ; Ex 34.16 ; Dt 31.16 ; Jg 8.33 ; Es 1.21 ; Jr 2.20,23 ; 3.1-2 ; 13.27 ; Ez 6.9 ; 16.15,34 ; 23.3,7,8, etc. ; Nahum 3.4 ; Ps 106.39.]
3 Il alla prendre Gomer, fille de Divlaïm : elle conçut et lui enfanta un fils.
« Donne-lui le nom d'Izréel, car encore un peu de temps et je ferai rendre compte à la maison de Jéhu du sang d'Izréel et je mettrai fin à la royauté de la maison d'Israël. [Allusion à l'extermination de la famille du roi Akhab par Jéhu (voir 2 R 9- 10). Jéroboam II (v.1), roi d'Israël au temps d'Osée, est un descendant de Jéhu.]
5 Il arrivera en ce jour-là
que je briserai l'arc d'Israël
dans la vallée d'Izréel. » [en ce jour-là Es 2.11 ; 27.1-2 ; Jr 39.17 ; Am 8.9 ; Jl 3.2 ; Za 14.9 ; Mt 7.22 ; Lc 6.23 ; Jn 14.20.
— arc (symbole de la force) 1 S 2.4 ; Jb 29.20.]
6 Elle conçut encore et enfanta une fille, et le Seigneur dit à Osée :
« Donne-lui le nom de Lo-Rouhama
- c'est-à-dire : Non-Aimée — ,
car je ne continuerai plus à manifester de l'amour à la maison d'Israël :
je le lui retirerai tout entier. [D'autres traduisent je ne lui pardonnerai plus.]
7 Mais la maison de Juda, je l'aimerai
et je les sauverai par le Seigneur leur Dieu ;
je ne les sauverai ni par l'arc ni par l'épée ni par la guerre,
ni par les chevaux ni par les cavaliers. » [Juda Os 4.15 ; 6.11 ; 8.14 ; 10.11 ; 12.1,3.
— ni par l'arc, ni par l'épée... ni par les chevaux Jos 24.12 ; Es 31.1 ; Za 4.6 ; Ps 20.8 ; Pr 21.31.]
8 Elle sevra Lo-Rouhama, puis elle conçut et enfanta un fils.
« Donne-lui le nom de Lo-Ammi
- c'est-à-dire : Celui qui n'est pas mon peuple — ,
car vous n'êtes pas mon peuple
et moi je n'existe pas pour vous. » [mon peuple Os 2.23 ; Jr 31.33.]