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Nouvelle Bible Segond – Ésaïe 1

Esaïe

Avec ses 66 chapitres, le rouleau d’Esaïe constitue le portail monumental par lequel on accède au grand ensemble des prophètes écrivains, ceux que la tradition hébraïque appelle les « derniers prophètes ». Ceux-ci exerceront une influence déterminante dans l’élaboration de la foi d’Israël et, par voie de conséquence, dans la conception que les chrétiens eux-mêmes pourront se faire de leur situation devant Dieu.

Le nom d’Esaïe (aussi transcrit Isaïe, sous l’influence de la Bible latine ; hébreu Yeshayahou) constitue à lui seul tout un programme : il signifie « YHWH (le SEIGNEUR) sauve (ou libère) ». Il est à lire en filigrane dans toutes les pages de l’œuvre, quels que soient les temps et les circonstances auxquels s’applique la prophétie.

Le rouleau d’Esaïe porte en effet sur trois périodes bien distinctes. La première est celle du prophète, autour de 740-700 av. J.-C. La seconde, deux siècles plus tard, transporte le lecteur à Babylone vers la fin de l’exil. La troisième enfin projette l’espérance vers l’accomplissement dernier évoqué dans la description des cieux nouveaux et de la terre nouvelle (65.17).

La tradition biblique ne s’est pas préoccupée, comme le font sans cesse les modernes, de procéder à une redistribution de ces prophéties dans le temps. Ce fait est déjà clairement attesté par le Siracide, lorsqu’il écrit (vers 180 av. J.-C.) au sujet d’Esaïe : Sous une puissante inspiration il vit la fin des temps et consola les affligés de Sion. Jusqu’à l’éternité il annonça l’avenir et les choses cachées avant qu’elles n’arrivent (48.24s).

De même, le grand rouleau d’Esaïe retrouvé en deux exemplaires (1QIsa et 1QIsb) dans la célèbre bibliothèque de la communauté de Qumrân, au nord-ouest de la mer Morte, ne marque aucune transition entre la partie de l’ouvrage relative à la période jérusalémite (chap. 1–39) et les deux suivantes. La seule césure importante qui ait été relevée (trois lignes réglées, mais laissées en blanc) se trouve, dans le manuscrit « a », entre les chapitres 33 et 34, au bas de la 27e colonne d’un volume qui en compte 54. La raison de ce blanc est sans doute matérielle plutôt que littéraire. Ces manuscrits, qui remontent au IIe siècle av. J.-C., suggèrent que le livre d’Esaïe constituait un recueil unique dès le IIIe siècle au moins. Le quatrième évangile met la même réalité en évidence lorsque, sous la même et unique rubrique de parole du prophète Esaïe (Jn 12.38s), il cite d’affilée le chapitre 53 (le serviteur souffrant) et le chapitre 6 (vocation du prophète).

Le temps d’Esaïe : chapitres 1–39

L’essentiel de ce que nous savons de la personnalité du prophète se trouve dans ses propres écrits. C’est un citadin de Jérusalem qui connaît admirablement sa ville. Tout au long de sa vie, il a été mêlé aux grandes décisions politiques. La tradition des Talmuds en fait d’ailleurs le cousin germain du roi Ozias.

Quatre règnes sont cités au début du livre pour déterminer le cadre chronologique de l’activité du prophète : Ozias (781-740), Jotam (740-736), Achaz (736-716) et Ezéchias (716-687).

Le règne d’Ozias1, roi de Juda, avait été marqué par d’importants succès, aussi bien sur le plan de la prospérité économique que sur ceux de l’organisation administrative et de la politique militaire. Mettant à profit plusieurs décennies de paix, Ozias avait su redonner à Juda une prospérité comparable à celle des jours de Salomon.

1 La Bible l’appelle Azaria en 2R 14.21  ; 15.1,6-8,17,23,27, mais Ozias en 2R15.13,30,32,34  ; Es 1.1  ; 6.1+  ; Os 1.1  ; Am 1.1  ; 2Ch 26. Les annales de Tiglath-Piléser disent Az-ri-ya-a-ou.

Son fils Jotam, qui assura la régence lorsque Ozias fut tombé malade, et qui lui succéda, conduisit une politique analogue. Le cadre de l’action d’Esaïe se situe dans la Jérusalem opulente issue de ces deux règnes : Son pays est rempli d’argent et d’or, infinis sont ses trésors, constate-t-il (2.7).

C’est alors que se déclenche la guerre syro-éphraïmite. Elle avait été fomentée par le roi de Damas, un certain Retsîn, qui avait fait alliance avec le roi d’Israël, Péqah de Samarie, dans l’espoir de secouer le joug de l’empire assyrien, notamment en cessant de payer le tribut. Pour réussir cette entreprise, il était, pensait-on, utile d’obliger Juda à se rallier à la coalition (cf. 2Ch 26). Jotam s’y était refusé, et c’est peut-être au moment de sa mort (ou à la faveur d’une mise à l’écart antérieure) que Retsîn et Péqah tentent un coup de force : ils décident de déposer le roi Achaz, qui avait tout juste vingt ans au moment de son accession au trône, pour placer un de leurs partisans sur le trône de David (voir 7.6n). Retsîn et Péqah mettent donc le siège devant Jérusalem. C’est à ce moment que nous trouvons Esaïe adjurant le jeune roi de faire confiance au SEIGNEUR (YHWH) au lieu de mettre son espérance dans les expéditions militaires et les combinaisons politiques (7.1-9). Les sources ne nous permettent pas de savoir quelle fut l’attitude d’Achaz. En tout cas il ne se rallia pas à la coalition et ne fut pas destitué. On pense parfois que pour contrer la pression syro-éphraïmite il fit allégeance au monarque assyrien. En tout état de cause, celui-ci intervient vers 732, détruisant Damas et annexant une partie importante d’Israël. Juda, quant à lui, s’en sortira assez bien en préservant son autonomie.

Au milieu de ces intrigues, la parole du prophète apparaît comme la voix de la conscience d’Israël. C’est à ce moment qu’Esaïe rédige le récit des circonstances de sa vocation, dans le temple, en un hymne éclatant où l’affirmation absolue de la sainteté et de la souveraineté universelle de Dieu résonne comme un défi (6.1-10). Le Dieu d’Esaïe est en effet le Saint d’Israël : cette expression caractéristique de l’ensemble du livre (cf. aussi Ps 78.41 ; 89.11) reviendra souvent, avec diverses nuances, dans ses trois parties (1.4+ ; 41.14 etc. ; 60.9,14). Elle rappelle tout d’abord, solennellement, que Dieu a des droits sur son peuple et revendique sa fidélité. L’appel pressant du prophète en faveur de la foi, qui affermit plus solidement que les fortifications de la ville (7.9), l’annonce persévérante de sa confiance en Dieu (cf. le « reste qui subsistera » en 6.13 ; 7.3n ; 10.19-22, etc.), l’attente explicite d’un enfant messianique (cf. 7.14 ; 9.5s ; 11.1ss), tous ces messages raniment l’espérance nationale.

En 721, au bout d’un siège de trois ans, Samarie est tombée. C’en est fait du royaume du Nord, dont l’élite est emmenée dans un exil dont nous ne savons rien. Seul le royaume de Juda reste épargné par la tourmente. Le roi Ezéchias préside maintenant à ses destinées.

Ezéchias est connu pour sa réforme religieuse qui vise, entre autres, à évacuer du temple l’idolâtrie. Le lourd tribut qu’il faut payer chaque année au suzerain de Ninive entretient dans la contrée un esprit de rébellion propice à toutes les aventures. On sait qu’Esaïe a toujours prôné la non-intervention et la confiance placée dans le SEIGNEUR (YHWH), non dans les calculs politiques. Ezéchias cependant poursuit les travaux de son grand-père Ozias ; il exécute dans Jérusalem de grands ouvrages de fortification et surtout un prodigieux travail de percement de la colline pour mettre la source hors de portée des éventuels assaillants (voir « L’inscription de Siloé »).

Entre 713 et 711 Ezéchias cherche des appuis en Egypte pour se libérer de la pression assyrienne. Esaïe tente alors de faire obstacle à l’alliance militaire proposée par le monarque nubien d’Egypte, Shabaka : on trouve de belles lignes à ce sujet en 31.1-3. Il va jusqu’à ridiculiser les ambassadeurs égyptiens. Pour dépeindre le sort qui attendait ces fiers parlementaires, Esaïe n’hésite pas à se promener dans la ville pieds nus et le derrière nu, c’est-à-dire dans la tenue humiliante réservée à l’époque aux prisonniers de guerre (chap. 20).

Mais lorsqu’en 703 Merodak-Baladân, roi de Babylone, vient à son tour exciter à la rébellion contre Ninive (chap. 39), Juda se révolte et bascule dans la guerre. Le pays est ravagé par Sennachérib. Seule Jérusalem, miraculeusement, résiste au siège.

Les chapitres 36 à 38 (qui ne sont pas entièrement identiques aux annales de 2 Rois et de 2 Chroniques) montrent que, dans la dernière période de sa vie, le roi Ezéchias suivit plus étroitement le conseil d’Esaïe et eut un comportement de croyant exemplaire face à l’adversité. Pourtant l’exil menace à l’horizon (39.5-8).

Les messages appelant à la justice sociale, à la responsabilité et à l’espérance malgré tout sont groupés dans cette première partie de la manière suivante :

1–12 Reproches adressés au peuple de Dieu, qui opprime les pauvres tout en pratiquant un culte formaliste ; annonce de la catastrophe prochaine, mais aussi de la venue d’un Sauveur, l’Emmanuel ou Immanou-El, « Dieu avec nous » (7.14 ; cf. 9.5 ; 11.1-5).

13–23 Prophéties sur les nations : Babylone, l’Assyrie, la Philistie, Moab, Damas, l’Egypte, etc.

24–27 L’Apocalypse d’Esaïe (sur ce terme, cf. « introduction à L’ancien Testament », « introduction à Daniel »)

28–35 Contre l’alliance avec l’Egypte

36–39 Intermède historique (cf. 2R 18–20) sur le règne d’Ezéchias.

La consolation d’Israël : chapitres 40–55

La seconde partie de la prophétie console les Judéens installés à Babylone depuis la chute de Jérusalem en 587/6 av. J.-C.

Que deviendrait le reste d’Israël (46.3) s’il demeurait incapable de discerner l’action du SEIGNEUR (YHWH) dans les grands bouleversements qui modifieront à ce moment l’équilibre des forces ? Car du fin fond du royaume de Perse se lève un jeune conquérant à qui tout réussit et qui va pénétrer dans Babylone sans combat. Les gens du pays l’acclameront comme un sauveur, l’élu de Mardouk (le dieu local), appelé par celui-ci à remplacer le dernier roi de Babylone, Nabonide, qui ne goûtait guère la religion de la capitale et s’était abstenu d’y paraître depuis plusieurs années.

Nous sommes en septembre (Tishri) 539. Si le SEIGNEUR (YHWH) ne disait mot, alors les exilés de Juda se noieraient probablement dans les foules qui acclament le nouveau maître.

Mais Cyrus – tel est son nom – a pour principe de libérer tous les captifs et de s’en faire des partisans en leur accordant la possibilité de pratiquer leur culte et de retourner dans leur pays d’origine. En vue de ce contexte favorable, Dieu parle à nouveau. Dans les chapitres 40–55 du rouleau d’Esaïe se développe avec force l’affirmation du destin particulier d’Israël, appelé maintenant à entreprendre un nouvel exode dans une marche de la foi au travers du désert qui aboutit à Jérusalem et au trône royal du SEIGNEUR : Dans le désert, frayez le chemin du SEIGNEUR... Jérusalem, toi qui portes la bonne nouvelle... dis aux villes de Juda : Votre Dieu est là ! Le Seigneur DIEU vient avec force (40.3,9s ; cf. 43.16-23 ; 48.21).

Il est manifeste que le peuple de Dieu, courbé depuis quarante ans dans la servitude, a besoin d’être raffermi dans sa foi au Dieu de l’univers entier, qui règne toujours et partout. Avec des accents pleins de ferveur et de sollicitude, la prophétie martèle : le SEIGNEUR (YHWH) est le Saint d’Israël, le Tout-Autre (41.14,16,20 etc.) ; mais il est aussi l’unique Dieu véritable (43.10-13), le Créateur qui a façonné la terre, les arbres, les cieux, son peuple et tous les peuples (40.26,28 ; 42.5 ; 43.1, etc.).

Les exilés ne doivent pas s’en laisser conter au sujet des idoles articulées, taillées dans le bois, que l’on promène dans les rues de Babylone (44.9ss ; 46). Le SEIGNEUR (YHWH), qui est le maître de l’histoire, se sert des monarques et des peuples comme il le veut. On s’en était déjà rendu compte dans le cas de l’Assyrie (10.5ss). Voici aujourd’hui le tour de Cyrus, qui est le berger du SEIGNEUR, son « messie », celui qui a reçu l’onction du seul vrai Dieu (44.28 ; 45.1).

Quatre poèmes émergent de cet ensemble, poèmes qu’une tradition bien établie, mais non contraignante, désigne comme les chants du serviteur du SEIGNEUR. Cette expression désigne le plus souvent le peuple d’Israël (41.8s ; 44.1 etc.). On y a parfois vu une désignation de Cyrus ou d’un anti-Cyrus.

En quatre endroits pourtant, il est question d’un personnage mystérieux, à la forte personnalité, injustement persécuté, mis à mort, et cependant vivant au-delà de son supplice (cf. 42.1-7 ; 49.1-9 ; 50.4-11 ; 52.13–53.12). Beaucoup plus tard, les premiers chrétiens n’ont pas hésité à reconnaître en lui Jésus-Christ (Mt 12.15-21 ; Lc 1.32 ; 24.27 ; Jn 12.37-41 ; Ac 8.32-35 ; 1P 2.21-25).

Les derniers chapitres : 56–66

La collection de messages prophétiques qui sert de conclusion au rouleau d’Esaïe est d’une grande beauté. Ce sont les paroles d’un pasteur qui exhorte son troupeau à la repentance, l’invitant à fuir l’idolâtrie (57) ou l’hypocrisie (58). Ce sont de graves avertissements à l’endroit de ceux qui persévèrent dans la fausseté (59 ; 65–66), mais aussi les expressions les plus débordantes de compassion et de consolation assorties de promesses de bonheur pour qui accepte l’alliance du Saint d’Israël (56 ; 57 ; 60 ; 63 ; 66). On sent vibrer la communauté de la foi au travers de ces pages brûlantes où le pathétique le dispute au sublime.

Rien d’étonnant si le culte de l’Eglise chrétienne se plaît à reprendre telles prières, confessions des fautes, supplications ou promesses de grâce éparses dans ces pages. Jésus déjà les connaissait et les aimait. Dans l’Evangile selon Luc, il confère une destinée hors du commun au chapitre 61 : Le souffle du Seigneur DIEU est sur moi, car le SEIGNEUR m’a conféré l’onction (= il m’a fait « messie »). Il m’a envoyé pour porter une bonne nouvelle aux pauvres... (cf. Lc 4.16-21).

PREMIÈRE PARTIE

1 Vision d'Esaïe, fils d'Amots, qu'il eut sur Juda et Jérusalem, aux jours d'Ozias, de Jotam, d'Achaz, d'Ezéchias, rois de Juda. [Vision 2.1 ; Ab 1+. – Le nom d'Esaïe (qui a aussi été transcrit Isaïe, hébreu Yesha‘yahou), signifie YHWH (le SEIGNEUR) sauve (même racine hébraïque que Josué, Osée ou Jésus). Autres personnages du même nom : Esd 8.7,19 ; Né 11.7 ; 1Ch 25.3,15 ; 26.25 ; cf. Mt 1.21n. – Amots (ne pas confondre avec le prophète Amos, dont le nom est très différent en hébreu) n'est connu que comme père d'Esaïe. – aux jours d'Ozias (6.1n ; ou Azaria, cf. 2R 15.1 ; 2Ch 26.1)... d'Ezéchias (2R 18.1–20.21), c.-à-d. approximativement entre 740 et 687 av. J.-C.]

Israël s'est révolté contre le SEIGNEUR

2 Ciel, écoute !
Terre, prête l'oreille !
— c'est le SEIGNEUR qui parle.
J'ai éduqué et élevé des fils,
mais ils se sont révoltés contre moi. [Ciel (ou cieux, Gn 1.1n) / Terre, pris à témoin : Dt 30.19 ; 31.28 ; 32.1 (cf. Mi 1.2) ; Ps 50.4. – c'est le SEIGNEUR qui parle (ou qui a parlé) : cf. 22.25 ; 24.3 ; 25.8 ; 1R 14.11n. – des Fils 63.8 ; cf. Ex 4.22 ; Jr 3.19 ; 31.20 ; Os 2.1 ; 11.1 ; voir aussi Dt 21.18ss.]

3 Le bœuf connaît son propriétaire,
l'âne connaît la mangeoire où ses maîtres le nourrissent ;
Israël, lui, ne connaît rien,
mon peuple ne comprend rien. [l'âne... : litt. l'âne, la mangeoire (traduction traditionnelle la crèche) de ses maîtres (hébreu ba‘al).]

Plus rien d'intact en Juda

4 Quel malheur pour cette nation pécheresse,
pour ce peuple chargé de fautes,
pour cette engeance mauvaise,
pour ces fils pervertis !
Ils ont abandonné le SEIGNEUR,
ils ont bafoué le Saint d'Israël.
Ils ont déserté... [Quel malheur v. 24n ; 5.8+ ; cf. 30.1,9. – Voir péché.engeance : le mot hébreu est le plus souvent traduit par descendance ou descendants (cf. 6.13n ; Gn 3.15n). – pervertis Gn 6.12 ; autre traduction destructeurs.abandonné Dt 28.20 ; Jr 1.16. – bafoué 5.24 ; 52.5 ; 60.14n. – le Saint d'Israël : pour ce nom de Dieu caractéristique du livre d'Esaïe, voir 5.19,24 ; 10.20 ; 12.6 ; 17.7 ; 29.19 ; 30.11,15 ; 31.1 ; 37.23 ; 41.14,20 ; 47.4 ; 49.7 ; 54.5 ; 60.9,14 ; 2R 19.22 ; Jr 50.29 ; 51.5 ; Os 11.9 ; Ps 71.22 ; 78.41 ; 89.19 ; cf. Lv 19.2 ; Es 6.3 ; 8.13 ; Ha 1.12. – Ils ont déserté : litt. ils se sont éloignés (même forme verbale en Ez 14.5) en arrière ; cette proposition est omise par LXX.]

5 Où donc vous frapper encore,
quand vous ajoutez à la subversion ?
Toute la tête est malade,
tout le cœur est souffrant. [Cf. Pr 13.1,24 ; 23.13s ; 29.15. – (autre traduction pourquoi) donc vous frapper encore : litt. sur quoi serez-vous encore frappés ; cf. Jr 5.3. – subversion ou apostasie ; cf. 31.6 ; 59.13 ; Dt 13.6n. – Toute la tête / tout le cœur : autre traduction toute tête / tout cœur.]

6 Depuis les pieds jusqu'à la tête,
rien n'est en bon état ;
blessures, meurtrissures, plaies vives
n'ont été ni pansées, ni bandées,
ni adoucies par l'huile. [Os 5.13. – rien n'est en bon état Ps 38.4,8. – pansées... huile : cf. Jr 8.22 ; Lc 10.34.]

7 Votre pays est dévasté,
vos villes sont incendiées,
des étrangers dévorent votre terre devant vous.
C'est une dévastation comme une destruction d'étrangers. [5.9 ; 6.11 ; 17.9 ; allusion probable à l'invasion assyrienne (cf. 36–37). – comme une destruction d'étrangers : expression obscure ; certains comprennent une destruction causée par des étrangers, d'autres une destruction qui atteint des étrangers ; d'autres encore modifient le texte hébreu traditionnel pour lire comme la destruction de Sodome. Sur le terme traduit par destruction, voir Gn 19.21+,29.]

8 Et Sion la belle est restée
comme une hutte dans une vigne,
comme une cabane dans un champ de concombres,
comme une ville préservée ! [Cf. 30.17. – Sion la belle : litt. la fille de Sion, c.-à-d. Jérusalem elle-même, personnifiée poétiquement comme une jeune fille ; de même 16.1 ; 37.22 ; 52.2 ; 62.11 ; cf. 10.30n,32n ; 23.10,12 ; 47.1,5 ; Jr 4.11n,31n ; Mi 1.13n ; So 3.14n ; Za 2.11n ; Ps 9.15n ; 45.13n ; 137.8n ; Lm 1.6n. – une hutte : cf. Am 9.11n. – dans une vigne : cf. 5.2n. – cabane 24.20. – préservée : des versions anciennes ont lu assiégée, ce qui correspond à une autre vocalisation du texte hébreu.]

9 Si le SEIGNEUR (YHWH) des Armées
ne nous avait laissé des survivants,
nous serions vite devenus comme Sodome,
nous ressemblerions à Gomorrhe. [Si le SEIGNEUR... : autre traduction sans le SEIGNEUR... qui nous a laissé... ; formule très proche en Ps 94.17 ; 124.1ns. – le SEIGNEUR (YHWH) des Armées (voir nom) v. 24 ; 3.1 ; 6.3,5 ; 10.16,23s ; 19.4 ; 31.4 ; 44.6+ ; ce titre, fréquent dans les Prophètes (voir l'introduction à l'Ancien Testament), faisait peut-être à l'origine référence aux armées d'Israël (Ex 12.41 ; 1S 1.3,11 ; 4.4 ; 2S 6.2,18 ; Ps 24.7ss ; cf. Ex 15.3 ; Nb 10.35 ; Jos 3–4 ; 1S 17.45). Il a pu prendre par la suite une signification astrale (les étoiles étant appelées l'armée du ciel, Dt 4.19 ; 17.13 ; Es 40.26 ; 45.12 ; Jr 8.2 ; mais cette désignation s'applique aussi à des êtres célestes conçus comme personnels 1R 22.19 ; Ps 148.2), voire évoquer, de façon plus générale encore, la multitude des créatures (Gn 2.1 ; Ps 103.20ss) ; LXX l'a ici transcrit en grec (le Seigneur Sabaôth, cf. Jc 5.4n), ailleurs elle le traduit par le Seigneur des puissances (2S 6.2), par le Seigneur tout-puissant ou le Seigneur, le Tout-Puissant (cf. Ap 1.8n). – des survivants ou des rescapés ; sur l'idée du reste, qui correspond à la conscience qu'a la communauté d'avoir échappé ou survécu à des malheurs antérieurs, voir 4.2s ; 6.13 ; 10.20-22 ; 11.11 (16.14 ; 17.3 ; 21.17) ; 28.5 ; 37.4,31s ; Jr 23.3 ; 31.7 ; 50.20 ; Ez 5.3+ ; 6.8s ; 11.13 ; Am 3.12 ; 5.3,15 ; Mi 2.12 ; 4.6s ; 5.2,6 ; So 2.7,9 ; 3.12s ; Ag 1.12 ; Za 8.6-11 ; 13.8s ; 14.2 ; Né 1.2 ; Rm 9.29.nous serions vite devenus... : autres traductions nous serions presque devenus ; ou, en rattachant le terme à ce qui précède : si le SEIGNEUR ne nous avait laissé quelques survivants, nous serions devenus...Sodome / Gomorrhe v. 10+ ; 3.9 ; 13.19 ; voir Gn 18.20–19.28 ; Dt 29.22 ; Jr 23.14 ; 49.18 ; 50.40 ; Ez 16.46-50 ; Am 4.11 ; So 2.9 ; Lm 4.6 ; Mt 10.15// ; 2P 2.6.]

Un culte qui fait horreur à Dieu

10 Ecoutez la parole du SEIGNEUR,
chefs de Sodome !
Prête l'oreille à la loi de notre Dieu,
peuple de Gomorrhe ! [Sodome / Gomorrhe v. 9+. L'apostrophe s'adresse à Jérusalem ; voir aussi Dt 32.32 ; Jr 23.14 ; Lm 4.6. – loi ou enseignement, en hébreu tora : cf. 2.3 ; 8.16,23 ; Jb 22.22n.]

11 Qu'ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices ? dit le SEIGNEUR.
Je suis rassasié des holocaustes de béliers
et de la graisse des bêtes grasses ;
je ne prends pas plaisir
au sang des taureaux, des agneaux et des boucs. [1S 15.22 ; Jr 6.20 ; 7.22 ; Os 6.6 ; Am 5.21-25 ; Mi 6.6-8 ; Ps 50.8. – Voir sacrifices.bêtes grasses : cf. 11.6 ; Ez 39.18 ; Am 5.22.]

12 Quand vous venez pour paraître en ma présence,
qui vous demande de fouler les cours de mon temple ? [pour paraître en ma présence : litt. pour être vus de ma face (cf. 16.12n). Un ms hébreu et une version ancienne portent pour voir ma face.qui vous demande : litt. qui recherche cela de vos mains.les cours de mon temple : litt. mes cours.]

13 Cessez d'apporter des offrandes inutiles :
l'encens est pour moi une abomination ;
quant aux nouvelles lunes, aux sabbats et aux convocations,
je ne supporte pas le mal avec les assemblées solennelles. [Cf. Ex 23.14ss ; voir aussi Ps 50.8ss ; Pr 15.8 ; 21.3 ; Ec 4.17. – nouvelles lunes Nb 28.11. – Voir sabbat.convocations : cf. 4.5 ; Lv 23.3ss. – mal ou malfaisance, même terme en 10.1 ; 29.20 ; 31.2n ; 32.6 ; 41.29n ; 55.7 ; 58.9 ; 59.4ss ; 66.3n ; Jr 4.14s ; cf. Nb 23.21n ; Os 4.15n ; Am 5.5n. – assemblées solennelles Lv 23.36n ; Dt 16.8n ; Jr 9.1n ; Am 5.21.]

14 Je déteste vos nouvelles lunes et vos rencontres festives,
elles me pèsent ;
je suis las de les supporter. [Je déteste : autre traduction mon âme déteste (cf. Gn 1.20n). – rencontres festives : cf. 33.20. – je suis las Jr 15.6.]

15 Quand vous tendez les mains,
je ferme les yeux pour ne pas vous voir ;
quand bien même vous multipliez les prières,
je n'entends pas :
vos mains sont pleines de sang. [vous tendez les mains (pour prier) 1R 8.22n ; Ps 28.2+ ; cf. Ec 5.1 ; Mt 6.7. – je ferme : litt. je cache.de sang : le mot hébreu est au pluriel ; cette formule désigne généralement l'effusion et la dette de sang liées au meurtre ; 59.3 ; voir aussi 4.4 ; Gn 4.10 ; Dt 19.10 ; cf. Ps 9.13 ; 24.4 ; Pr 6.16ss.]

16 Lavez-vous, purifiez-vous,
ôtez de ma vue vos agissements mauvais,
cessez de faire du mal. [Cf. Ps 51.9ss. – Voir pur.agissements mauvais Dt 28.20n ; Jr 4.4+.]

17 Apprenez à faire du bien,
cherchez l'équité,
redressez l'oppresseur,
rendez justice à l'orphelin,
défendez la veuve. [cherchez l'équité ou le droit, cf. v. 21,27 ; cf. 16.5n. – redressez l'oppresseur : des versions anciennes ont lu : rendez le bonheur à l'opprimé, ce qui correspond à une vocalisation différente du texte hébreu. – rendez justice et équité correspondent à des termes apparentés en hébreu. – orphelin / veuve v. 23 ; 9.16 ; 10.2 ; Ex 22.21 ; Jr 7.6 ; 22.3 ; Ez 22.7 ; Ps 82.3+ ; 146.9+ ; Jb 22.9+.]

18 Venez, je vous prie, et argumentons,
dit le SEIGNEUR.
Quand vos péchés seraient comme l'écarlate,
ils deviendraient blancs comme la neige ;
quand ils seraient rouges comme le cramoisi,
ils deviendraient comme la laine. [argumentons ou discutons ; même forme verbale en Jb 23.7. On pourrait aussi comprendre réconcilions-nous. Cf. Mi 6.2. – écarlate / cramoisi : c'est l'association de ces deux termes qui est traduite par écarlate en Ex 25.4n. – ils deviendraient... : autre traduction possible deviendraient-ils... ?blancs comme la neige Ps 51.9.]

19 Si vous voulez écouter,
vous mangerez ce qu'il y a de meilleur dans le pays ; [ce qu'il y a de meilleur... : litt. le bon du pays ; cf. Jr 2.7 ; voir aussi Esd 9.12.]

20 mais si vous refusez, si vous êtes rebelles,
vous serez dévorés par l'épée
— c'est la bouche du SEIGNEUR qui parle. [l'épée Lv 26.6,25 ; Dt 32.42 ; 2S 2.26 ; Jr 2.30. – la bouche... : cf. 34.16n ; 40.5 ; 58.14.]

Dieu purifiera Jérusalem

21 Comment ! La cité fidèle
est devenue une prostituée !
Elle était remplie d'équité,
la justice y séjournait,
et maintenant ce sont des meurtriers ! [Comment : voir 14.4n ; Am 5.1. – fidèle ou sûre, stable ; il s'agit de Jérusalem ; cf. v. 26. – prostituée : cf. 23.15-18 ; Ez 16.15-43 ; 23.22-49 ; Os 1.2 ; 2.4-15 ; 3.3. – équité ou droit, cf. v. 17+ ; 5.7 ; Ps 89.15 ; 97.2. – séjournait : litt. passait la nuit ou logeait.]

22 Ton argent s'est changé en scories,
ton vin a été coupé d'eau. [scories : cf. Ez 22.18. – vin : cf. 5.1-7.]

23 Tes chefs sont rebelles
et complices des voleurs,
tous aiment les pots-de-vin
et courent après les récompenses ;
ils ne font pas droit à l'orphelin,
et la cause de la veuve ne les préoccupe pas. [chefs / rebelles Os 9.15. – pots-de-vin / récompenses 5.23 ; 33.15 ; Ex 23.7-8+. – orphelin / veuve v. 17+. – ne les préoccupe pas : litt. ne vient pas vers eux. – Cf. 3.15+.]

24 A cause de cela, – déclaration du Seigneur,
du SEIGNEUR (YHWH) des Armées,
l'Indomptable d'Israël –
malheur ! Je tirerai satisfaction de mes adversaires,
et je me vengerai de mes ennemis. [du Seigneur... : litt. du Seigneur (hébreu ha-'adôn) YHWH des Armées, v. 9n. – l'Indomptable d'Israël : cf. 10.13 ; 46.12 ; 49.26+ ; Gn 49.24n. – malheur ! la même interjection est traduite par quel malheur pour au v. 4. – Je tirerai satisfaction : cf. Gn 27.42n ; Ez 5.13n. L'hébreu joue sur une assonance entre les verbes traduits respectivement par Je tirerai satisfaction et je me vengerai (ces verbes sont proches par le sens comme par la forme).]

25 J'étendrai de nouveau la main sur toi,
je passerai au creuset tes scories, comme avec de la potasse,
et j'enlèverai toutes tes parcelles de plomb. [J'étendrai de nouveau : voir v. 26n. – comme avec de la potasse : le terme correspondant est traduit par lessive en Jb 9.30 (terme apparenté en Jr 2.22n ; Ml 3.2) ; une autre acception du même mot, ou un homonyme, évoque la pureté en Ps 18.21,25 ; Jb 22.30. On utilisait un mélange de potasse et de soude pour le lavage des métaux ; certains modifient le texte hébreu traditionnel pour lire dans une fournaise. – toutes tes parcelles de plomb : un mot très proche désigne l'étain (Ez 22.18-20 ; 27.12). On peut aussi comprendre, plus simplement, tes déchets. Cf. Jr 6.29.]

26 Je te donnerai de nouveau des juges comme par le passé,
et des conseillers comme au début.
Après cela, on t'appellera
« Ville de la justice »,
« Cité fidèle ». [Je te donnerai de nouveau... : litt. je ferai revenir (le même verbe a été traduit par j'étendrai de nouveau au v. 25) tes juges comme par le passé, c.-à-d. je ferai revenir tes juges d'autrefois ou je ferai redevenir tes juges comme ils étaient autrefois.Ville de la justice 54.14 ; cf. Jr 33.16n. – Cité fidèle v. 21 ; cf. 60.14 ; Ap 2.17 ; 3.12.]

27 Sion sera libérée par l'équité,
ceux qui y reviendront, par la justice. [équité / justice 5.7,16 ; 9.6 ; 28.17 ; 32.16 ; 33.5 ; 58.2 ; 59.9. – ceux qui y reviendront : certains comprennent les gens de Sion (c.-à-d. Jérusalem) qui reviendront (au SEIGNEUR, c.-à-d. qui se convertiront). LXX ses captifs (ceux de Jérusalem) ; certains modifient le texte hébreu traditionnel pour lire ses habitants, cf. v. 26 ; 6.7 ; 10.20-22.]

28 Mais le désastre atteindra
les révoltés comme les pécheurs,
ceux qui abandonnent le SEIGNEUR disparaîtront. [les révoltés comme les pécheurs : litt. révoltés et pécheurs ensemble ; tournure particulièrement fréquente chez Esaïe, cf. v. 31 ; 9.20 ; 10.8 (autant de) ; 11.6s,14 ; 18.6 ; 22.3 ; 27.4 ; 31.3 ; 40.5 ; 41.1,19s,23 ; 42.14 ; 43.17,26 ; 44.11 ; 45.8,21 ; 52.8s ; 60.13.]

29 Alors on aura honte des térébinthes,
objets de vos désirs,
et vous rougirez des jardins
que vous vous êtes choisis ; [on aura honte : autre traduction ils auront honte. – térébinthes : arbres associés aux pratiques idolâtriques du culte cananéen de la fécondité : 57.5 ; Os 4.12s ; cf. Jr 2.20,23 ; Ez 6.13+. – jardins (également consacrés à l'idolâtrie) : cf. 17.10 ; 65.3 ; 66.17.]

30 car vous serez comme un térébinthe
au feuillage flétri,
comme un jardin qui n'a pas d'eau. [flétri 64.5 ; Ps 1.3+.]

31 Le puissant sera comme de l'étoupe,
et son action comme une étincelle ;
ils brûleront tous les deux ensemble,
il n'y aura personne pour éteindre. [Cf. 5.24 ; 9.4,17s ; 10.16s ; 26.11 ; 29.6 ; 30.27,30,33 ; 33.11. – personne pour éteindre Jr 4.4 ; 21.12 ; Am 5.6.]

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