Le verset titre ne nous apprend rien sur la personne du prophète ni sur son époque.
Le livre de Joël n’évoque pas distinctement Israël, le royaume du Nord. Le nom Israël y désigne la communauté en relation avec YHWH, le SEIGNEUR (2.27 ; 4.2,16). Jérusalem (ou Sion), lieu du culte et de la demeure de Dieu, est le lieu central où le peuple prend conscience de son identité. On a tenté de faire correspondre les indications historiques du texte à plusieurs périodes, en prenant en considération les ennemis (2.20 ; 4.4,19) ou les partenaires commerciaux nommés (4.6-8), et aussi le fait que les grands responsables des deux catastrophes nationales, les Assyriens et les Babyloniens, sont absents de la scène. Les hypothèses vont de la fin du IXe siècle au IVe siècle av. J.-C., après l’exil babylonien et le retour en Juda. D’autres indices potentiels, comme l’invasion d’insectes destructeurs et la sécheresse décrites au chapitre 1, sont plus difficilement exploitables, car nous ignorons s’ils correspondent à des événements contemporains du prophète ou s’ils servent seulement d’illustrations à son message.
On lira le livre comme une prédication qui peut concerner tous les temps. Les v. 2 et 3 du chapitre 1 invitent d’ailleurs à transmettre son contenu de génération en génération.
La structure du livre de Joël n’est pas facile à discerner. On distingue cependant des thèmes et des motifs littéraires qui s’entrecroisent. Trois grandes parties apparaissent :
De 1.4 à 1.20 le texte superpose les effets d’une invasion de criquets (v. 4-14) et de la venue du jour du SEIGNEUR (v. 15-20), comme si l’un était le signe de l’autre. Le jour du SEIGNEUR se caractérise par des catastrophes et des bouleversements cosmiques : c’est un cataclysme auquel nul ne peut échapper (2.1-11).
Les exhortations à se lamenter et à supplier Dieu, éparses au milieu de la dévastation décrite de 1.4 à 2.11, sont reprises en 2.12-17. Elles culminent sous la forme d’appels au changement, au rassemblement et à la prière. Dieu répond en 2.18-27, en des termes inversés par rapport à la description des catastrophes, avec des promesses de rétablissement et de surabondance.
Le jour du SEIGNEUR est le thème unique des chapitres 3 et 4. Il apparaît comme possibilité de salut pour Israël (3.1-5 et 4.16-21) et exécution du jugement sur les nations (4.1-16).
L’expression le jour du SEIGNEUR est propre aux livres prophétiques (voir Es 13.6-9 ; Am 5.18-20 ; So 1.7–2.3, etc.). Elle désigne le jour où YHWH intervient, se dévoile et règle ses comptes. Ce jour marque la fin d’une époque. Dans le livre de Joël cette intervention est d’abord tournée contre Israël (1.15–2.11). Elle s’accompagne de malheurs et de détresses qui expriment le jugement et de bouleversements cosmiques qui manifestent la présence divine. A ceux qui en sont vivement frappés, la venue du jour offre une chance de salut (3.5) : la prédication de Joël est un pressant appel à saisir cette possibilité.
Le salut, c’est aussi la restauration du peuple et son corollaire, l’anéantissement des ennemis (4.14-21). Mais Israël, le peuple de Dieu, a le premier subi le feu du jugement. Jugement et salut ne sont-ils pas deux effets de la même présence divine ?
Le prophète donne le sens des événements. Les catastrophes agricoles et guerrières du livre de Joël suggèrent que toute sécurité s’évanouit devant la venue du Dieu saint.
Le service du temple devient difficile (1.13) ; les nations vont se moquer, en disant : Où est leur Dieu ? (2.17) Une destruction, véritable dé-création, s’opère (cf. 2.3) ; la re-création située à l’horizon ultime devient possible (cf. 4.18). Pour Joël, cette re-création restaurera la relation entre Israël et son Dieu. On retrouvera là le thème de l’alliance : Dieu s’engage à demeurer au milieu d’Israël et le peuple reconnaîtra sa présence, gage de l’accomplissement final (2.27 ; 4.1,17).
Dans le livre de Joël, Israël est jugé en fonction de son attitude à l’égard de son Dieu ; les peuples étrangers le sont en fonction de leur attitude à l’égard d’Israël.
Mais la prédication du prophète s’adresse à Israël : elle l’invite à se tourner de nouveau vers Dieu. Le grand bouleversement du jour du SEIGNEUR, parallèlement aux bouleversements cosmiques, c’est l’effusion du souffle divin sur chaque membre du peuple (3.1-2). En ces temps de crise et de changement, le salut est lié à une double condition : invoquer le SEIGNEUR et être appelé par lui (3.5).
Le récit de la Pentecôte saluera dans le temps nouveau de l’Eglise chrétienne, ouvert par la mort et la résurrection de Jésus, une réalisation du jour de jugement et de salut annoncé par Joël (Ac 2.1-21,39 ; voir aussi Rm 10.13).
Joël : temps forts et correspondances
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1 Parole du SEIGNEUR qui parvint à Joël, fils de Petouel : [Cf. Os 1.1 ; Mi 1.1 ; So 1.1 ; voir aussi Ez 1.3n. Le nom de Joël signifie YHWH est Dieu (cf. 1S 8.2 ; 1Ch 6.18,21 ; 15.7,11 ; 23.8).]
2 Ecoutez, anciens !
Prêtez l'oreille, vous tous, habitants du pays !
Cela s'est-il passé de vos jours,
ou même aux jours de vos pères ? [Ecoutez Es 1.2 ; Ps 49.2. – anciens ou vieillards Dt 19.12 ; Jos 9.11 ; Jg 8.14 ; Lm 2.10. – habitants du pays v. 14 ; 2.1. – Cela s'est-il passé... 2.2.]
3 Racontez-le à vos fils,
et que vos fils le racontent à leurs fils,
et leurs fils à la génération suivante ! [Cf. Ex 10.2 ; Jg 6.13 ; Ps 44.2 ; 78.3ss.]
4 Ce qu'a laissé la chenille,
la sauterelle l'a dévoré ;
ce qu'a laissé la sauterelle,
le grillon l'a dévoré ;
ce qu'a laissé le grillon,
le criquet l'a dévoré. [Les termes hébreux de ce v. (gazam [qui hache ?], arbé [qui grouille ?], yéléq [qui lape ?], hasil [qui ronge ?]) sont mal connus et leur identification (chenille, sauterelle, grillon, criquet) est conjecturale ; ou bien il s'agit de différents types de sauterelles, dont les invasions se succèdent, ou bien des divers stades de développement du même insecte ; cf. 2.25 ; Ex 10.4-19 ; Dt 28.38 ; 1R 8.37 ; Am 4.9 ; 7.1s ; Ml 3.11 ; Ps 78.46 ; 105.34s ; Ap 9.3ss.]
5 Réveillez-vous, ivrognes, et pleurez !
Vous tous, buveurs de vin, lamentez-vous,
parce que le jus du raisin vous est enlevé de la bouche ! [ivrognes : cf. Es 5.11s ; 28.1ss,7s ; 56.12 ; Am 4.1 ; Mi 2.11. – jus du raisin ou vin nouveau 4.18 ; Es 49.26 ; Am 9.13 ; Ac 2.13. – enlevé : litt. retranché, de même au v. 16.]
6 Car une nation a envahi mon pays,
forte et innombrable.
Elle a des dents comme celles d'un lion,
elle a les mâchoires d'une lionne. [une nation : cf. 2.2,5,11 ; Pr 30.25ss. – a envahi : litt. est montée contre. – innombrable Jg 6.5 ; 7.12 ; Jr 46.23. – dents... d'un lion : cf. Ps 58.7 ; Ap 9.8.]
7 Elle a dévasté ma vigne ;
mon figuier, elle l'a mis en pièces ;
elle l'a complètement dépouillé, abattu ;
les pampres de la vigne ont blanchi. [vigne (Es 5.1+ss)/ figuier 1R 5.5 ; 2R 18.31 ; Os 2.14 ; Mi 4.4 ; Za 3.10. – mis en pièces Os 10.7n.]
8 Plains-toi, comme la jeune fille qui met un sac pour pagne
afin de pleurer l'époux de sa jeunesse ! [Plains-toi : sens exceptionnel (homonymie ?) d'un verbe qui signifie habituellement adjurer ou maudire (d'une malédiction conditionnelle ; cf. Gn 24.41n ; Lv 5.1n ; Nb 5.21n ; Dt 29.11n) ; en hébreu le verbe est au féminin, désignant vraisemblablement la communauté ou le pays personnifié comme une femme (cf. Jr 4.11n). D'autres comprennent des plaintes comme celles d'une jeune fille (litt. une vierge). – un sac : signe de deuil (pleurer est sous-entendu dans le texte) ; cf. 2S 3.31 ; 1R 20.32 ; Es 3.24 ; 22.12 ; Jr 4.8 ; 48.37 ; Ez 27.31 ; Am 8.10 ; Jon 3.6,8. – l'époux de sa jeunesse, peut-être son fiancé, considéré comme légalement marié mais n'ayant pas encore pris chez lui sa femme ; cf. Jr 3.4 ; Ml 2.14 ; Pr 2.17 ; voir aussi Ex 22.15s ; Dt 22.23ss.]
9 Offrandes et libations ont disparu de la maison du SEIGNEUR ;
les prêtres, officiants du SEIGNEUR, sont en deuil. [Offrandes (peut-être en particulier de céréales ; cf. Lv 2.1n) et libations (Gn 35.14n ; Nb 15.4n) ont disparu (ou ont été enlevées, même verbe aux v. 5,16) par suite des pénuries alimentaires v. 13 ; 2.14 ; Ex 29.38-42 ; 30.9 ; Lv 23.18 ; Nb 6.15,17 ; 28.3-8. – prêtres... du SEIGNEUR 2.17 ; Es 61.6 ; Jr 33.21.]
10 Les champs sont ravagés,
la terre est en deuil ;
car les blés sont ravagés,
le vin est épuisé,
l'huile dépérit. [Cf. 2.19 ; Gn 27.28 ; Nb 18.12 ; Dt 7.13 ; 11.14 ; 28.51 ; 33.28 ; 2R 18.32 ; Es 36.17 ; Os 2.7,24 ; Ps 104.14s ; voir aussi 1R 8.35ss ; Am 4.7-9 ; 7.1-4. – la terre Gn 2.5n. – en deuil Es 33.9 ; Jr 4.28 ; 12.4 ; 23.10 ; Os 4.3 ; Am 1.2. – vin : autre traduction vin nouveau, même terme en 2.19,24 ; cf. Gn 27.28n. – épuisé : litt. asséché ; le mot hébreu peut aussi signifier honteux ; confus ; de même aux v. 11s,17. – dépérit : cf. v. 12 ; Es 16.8 ; 24.4ss ; 33.9 ; Jr 14.2 ; 15.9 ; Na 1.4.]
11 Les laboureurs sont épuisés,
les vignerons hurlent
au sujet du froment et de l'orge,
parce que la moisson des champs est perdue. [laboureurs / vignerons ou fermiers / travailleurs des vergers et des vignes ; les deux termes hébreux correspondants font assonance. – sont épuisés (ou honteux ; confus, v. 10n) / hurlent : on pourrait aussi traduire par des impératifs : Soyez confus, laboureurs, hurlez, vignerons !]
12 La vigne est épuisée,
le figuier dépérit ;
le grenadier, comme le palmier et le pommier,
tous les arbres des champs sont secs...
La gaieté est tarie pour les humains. [Cf. Lv 26.9 ; Dt 28.22s ; Es 24.7 ; Jr 3.3 ; 5.24s ; 14.1-9 ; 48.33 ; Ag 1.11. – gaieté : cf. v. 16+.]
13 Prêtres, mettez des pagnes et lamentez-vous !
Hurlez, officiants de l'autel !
Venez, passez la nuit dans des sacs,
officiants de mon Dieu !
Car offrandes et libations font défaut à la maison de votre Dieu. [mettez des pagnes : litt. ceignez-vous ; cf. v. 8ns ; 2.17 ; voir aussi Es 32.11n. – lamentez-vous : cf. Gn 23.2 ; 50.10 ; 1S 25.1 ; 28.3 ; 2S 11.26 ; Jr 22.18 ; 34.5. – passez la nuit Ps 134.1s. – offrandes... v. 9n.]
14 Consacrez un jeûne, proclamez une assemblée solennelle,
rassemblez les anciens, tous les habitants du pays,
à la maison du SEIGNEUR, votre Dieu,
et criez vers le SEIGNEUR ! [Consacrez (4.9n) un jeûne 2.12,15ss ; Jr 14.12 ; cf. 1R 21.9 ; Jon 3.5ss ; Esd 8.21 ; Né 9.1 ; 2Ch 20.3. – une assemblée solennelle : cf. Lv 23.36 ; Nb 29.35 ; Dt 16.8 ; Es 1.13 ; Am 5.21 ; Né 8.18 ; 2Ch 7.9 ; LXX une guérison. – anciens / habitants v. 2+. – criez... : cf. v. 19+ ; Ex 14.10 ; Dt 26.7 ; Jg 3.9,15 ; 10.12 ; 1S 7.8 ; Es 19.20 ; Jon 3.8 ; Mi 3.4 ; Ps 3.5+ ; Lc 18.7.]
15 Ah ! quel jour !
Car le jour du SEIGNEUR est proche :
il vient comme un ravage du Puissant. [Ah ! quel jour ! Ez 30.2. – le jour du SEIGNEUR 2.11 ; 3.4 ; cf. Es 13.9 ; Jr 30.7 ; Os 1.5+ ; Am 5.18 ; Za 14.1 ; Ml 3.2,19. – proche 2.1 ; 4.14 ; Es 13.6 ; Ez 7.7 ; 30.3 ; Ab 15 ; So 1.7,14s. – un ravage du Puissant (hébreu shod mi-Shaddaï, même assonance qu'en Es 13.6n) ; cf. Gn 17.1n ; Ez 1.24n.]
16 Devant nos yeux, la nourriture est retranchée
de la maison de notre Dieu,
la joie et l'allégresse ! [Cf. v. 5,9s,13. – joie / allégresse Es 16.10 ; Jr 25.10 ; 48.33 ; cf. Dt 16.10s,13s ; 26.10s ; Es 35.10 ; 51.11 ; Ps 14.7 ; 16.9 ; 31.8.]
17 Les semences ont séché sous les mottes ;
les granges sont dévastées,
les magasins sont rasés,
car le blé est épuisé. [Traduction incertaine ; une bonne partie du vocabulaire n'apparaît qu'ici ; cf. Ag 2.19. – épuisé v. 10n.]
18 Comme les bêtes gémissent !
Les troupeaux de gros bétail errent en pleine confusion,
parce qu'ils n'ont pas de pâture ;
Même les troupeaux de petit bétail en pâtissent. [gémissent Es 24.7 ; Jr 22.23 ; Ez 21.11 ; Pr 29.2 ; Lm 1.4,8,11,21. – errent en pleine confusion : même verbe en Ex 14.3 ; Est 3.15. – en pâtissent : autres traductions sont tenus pour coupables ou doivent réparer le tort (cf. Lv 5.6n), forme verbale inhabituelle en hébreu ; certains, avec des versions anciennes, la modifient pour lire périssent ; cf. v. 20 ; Dt 20.14 ; Jr 14.3ss ; Os 4.3+ ; Jon 3.7–4.11 ; Ps 135.8.]
19 C'est toi, SEIGNEUR, que j'invoque !
Car le feu a dévoré les pâturages du désert,
et les flammes ont brûlé tous les arbres des champs. [C'est toi... v. 14 ; Ps 28.1 ; 30.9 ; 86.3. – le feu 2.3 ; Am 1.4,7,10,14 ; 2.2,5 ; 7.4. – pâturages du désert v. 20 ; 2.22 ; Jr 9.9 ; 23.10 ; Ps 65.13. – les flammes ont brûlé : litt. la flamme a brûlé.]
20 Les bêtes de la campagne soupirent aussi vers toi,
car le lit des torrents est à sec,
et le feu a dévoré les pâturages du désert. [bêtes de la campagne : autre traduction bêtes sauvages ; cf. 2.22 ; Gn 3.14n. – soupirent : cf. Ps 42.2 ; voir aussi 104.21,27s. – le lit des torrents : cf. 4.18 ; sur le terme correspondant, voir Ps 18.16n ; Jb 6.15n.]